18 octobre 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-22.473

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2017:CO01279

Texte de la décision

COMM.

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 octobre 2017




Cassation partielle


Mme Y..., conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1279 F-D

Pourvoi n° G 16-22.473







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Locations automobiles matériels (Locam), société par actions simplifiée, dont le siège est [...]                               ,

contre l'arrêt rendu le 10 juin 2016 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Cerdibio Charentes, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...]                                        ,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 5 septembre 2017, où étaient présents : Mme Y..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Z... , conseiller référendaire rapporteur, Mme Bregeon, conseiller, M. Graveline, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Z... , conseiller référendaire, les observations de la SCP Leduc et Vigand, avocat de la société Locam, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Cerdibio Charentes, l'avis de Mme X..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 14 du code de procédure civile et 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Cerdibio Charentes (la société Cerdibio), laboratoire de biologie médicale, a conclu avec la société Locations automobiles matériels (la société Locam) trois contrats de location financière relatifs à des imprimantes fournies par la société Symtech ; que la société Cerdibio ayant cessé de payer les loyers après avoir adressé un courrier de résiliation à la société Symtech le 7 février 2011, la société Locam l'a assignée en paiement des loyers échus, d'une indemnité de résiliation et des pénalités contractuelles ; que la société Symtech a été mise en liquidation judiciaire le 15 novembre 2012 ;

Attendu que pour prononcer la résiliation des contrats conclus entre la société Cerdibio et la société Symtech, prononcer en conséquence la caducité des contrats de location financière liant la société Cerdibio à la société Locam et rejeter les demandes de cette dernière, l'arrêt retient que les échanges de mails faisant apparaître les réponses de la société Symtech et la production des courriers émanant des deux parties, permettent à la cour de statuer sans que la présence du liquidateur judiciaire de la société Symtech à la cause soit requise ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la résiliation des contrats de fourniture et de maintenance, qui n'avait pas été prononcée, ne pouvait l'être qu'en présence de la société Symtech ou de son liquidateur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il donne acte à la société Cerdibio Charentes de ce qu'elle propose la restitution des imprimantes à la société Locam et dit que cette restitution pourra concerner a minima celles dont le numéro de série figure en pièce 4 de la société Locam si les imprimantes n'ont pas fait l'objet d'un remplacement en cours de contrat, et se fera pour les autres sur production des numéros de série par la société Locam, l'arrêt rendu le 10 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers, autrement composée ;

Condamne la société Cerdibio Charentes aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Locations automobiles matériels la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Leduc et Vigand, avocat aux Conseils, pour la société Locations automobiles matériels (Locam)


PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé la résiliation des contrats conclus entre la société Cerdibio Charentes et la société Symtech et, en conséquence, prononcé la caducité des contrats de location financière liant la société Cerdibio Charentes à la société Locam, ensemble débouté cette dernière de l'intégralité de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE la société Cerdibio demande à la Cour de constater la résiliation des contrats conclus avec la société Symtech ; que par courrier du 7 février 2011, faisant suite à de nombreux mails et courriers de réclamations se succédant depuis le mois de mai 2010, la société Cerdibio a résilié les contrats la liant à la société Symtech, rappelant les dysfonctionnements subis et les facturations opaques, que ce même courrier demandait à la société Symtech de se charger de la résiliation des contrats de location financière auprès de la société Locam et de la société Franfinance ; que par courrier du 1er mars 2011, la société Symtech écrivait : « C'est avec regret que j'apprends votre souhait de résilier les contrats qui nous lient » puis tentait de répliquer aux griefs qui lui étaient faits tout en indiquant qu'elle faisait partir un courrier à ses partenaires concernant la résiliation des contrats ; que par des courriers des 9 mars et 7 avril 2011, la société Cerdibio, qui continuait à recevoir des réclamations sur le paiement des loyers par la société Locam, a rappelé à la société Symtech l'indivisibilité des contrats conclus avec elle et des contrats de location financière et l'a mise en demeure de résilier les contrats de location financière ; que par courrier du 7 juin 2011, la société Symtech a déclaré « transmettre à mon conseil les éléments de votre dossier afin d'y faire appliquer l'intégralité des conditions générales de vente, ainsi qu'à nos partenaires financiers qui vous communiqueront les sommes dues » ; qu'en liquidation judiciaire suivant jugement du 15 novembre 2012, la société Symtech ne s'est pas opposée judiciairement à la résiliation des contrats ; que les pièces produites démontrent amplement les manquements graves de la société Symtech à ses obligations contractuelles : non livraison de toners, non fonctionnement des imprimantes, fonctionnement ne répondant pas aux attentes de la société Cerdibio (code barre etc
) ayant conduit à de multiples réclamations de la part de la société Cerdibio ; que ces manquements justifient la demande de résiliation unilatérale des contrats de mise à disposition et de maintenance formée par la société Cerdibio, dont l'activité suppose impérativement le bon fonctionnement des imprimantes, en l'espèce défaillant ; que la société Locam soutient que faute d'avoir attrait à la cause la société Symtech, la société Cerdibio est irrecevable à se prévaloir de la résolution des contrats ; que cependant, les échanges de mails faisant apparaître les réponses de la société Symtech et la production des courriers émanant des deux parties, permettent à la cour de statuer sans que la présence de la société Symtech à la cause soit requise ; qu'il convient donc d'infirmer le jugement et de prononcer la résiliation des contrats sur le fondement de l'article 1184 du Code civil ; que les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants ; que sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance ; que les clauses des contrats, invoquées par la société Locam, notamment l'article 7 excluant le recours du locataire contre le loueur en cas de fonctionnement défectueux et transmettant la totalité des recours au locataire à l'encontre du fournisseur, sont inconciliables avec le principe d'interdépendance des contrats ; que le contrat de location financière fait partie d'une opération globale de sorte que la résiliation des contrats de mise à disposition et de maintenance entraîne la caducité des contrats de location financière à la date de résiliation des premiers ; qu'il y a lieu en conséquence, infirmant le jugement, de rejeter les demandes de la société Locam ;

ALORS QUE, d'une part, nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou appelé ; qu'en estimant pouvoir prononcer la résiliation des contrats conclus entre les sociétés Cerdibio Charente et Symtech et, en conséquence, constater la caducité des contrats de location financière qui leur étaient adossés, sans que la société Symtech ou son liquidateur judiciaire ait été appelé à l'instance, la Cour viole les articles 14 du Code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS QUE, d'autre part, lorsque des contrats incluant une location financière sont interdépendants, l'anéantissement du contrat principal est un préalable nécessaire à la caducité, par voie de conséquence, du contrat de location, ce dont il résulte que le locataire ne peut se dispenser du règlement des loyers et échapper aux conséquences de la résiliation de plein droit du contrat pour ce motif tant que n'est pas acquise la résolution du contrat principal ; qu'en l'espèce, la société Locam sollicitait le paiement des sommes qui lui étaient dues par suite de l'acquisition de la clause résolutoire insérée aux contrats de location financière consécutive au défaut de paiement des loyers et à l'envoi de mises en demeure pour ce motif dénué d'effet des 20 mars et 11 avril 2011 (cf. ses dernières écritures d'appel, pp. 2 et 3) ; qu'en écartant ces demandes, motif pris de la caducité des contrats de location financière, qui n'avait pourtant pu précéder de la résolution des contrats principaux qu'elle a elle-même prononcée, la cour viole l'article 1184, ancien, du Code civil, ensemble l'article 12 du Code procédure civile.


SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire) :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Locam de l'intégralité de sa demande en paiement de la somme principale de 151.156,80 euros ;

AUX MOTIFS QUE les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants ; que sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance ; que les clauses des contrats, invoquées par la société Locam, notamment l'article 7 excluant le recours du locataire contre le loueur en cas de fonctionnement défectueux et transmettant la totalité des recours au locataire à l'encontre du fournisseur, sont inconciliables avec le principe d'interdépendance des contrats ; que le contrat de location financière fait partie d'une opération globale de sorte que la résiliation des contrats de mise à disposition et de maintenance entraîne la caducité des contrats de location financière à la date de résiliation des premiers ; qu'il y a lieu en conséquence, infirmant le jugement, de rejeter les demandes de la société Locam ;

ALORS QUE la caducité d'un contrat de location financière, consécutive à la résolution du ou des contrats principaux, s'opère sous réserve des clauses ayant pour objet de régler les conséquences de cette résiliation ; que la Cour ne pouvait déduire, immédiatement et sans autre examen, de la caducité des contrats de location financière le rejet pur et simple des demandes d'indemnité contractuelle de la société Locam sans s'expliquer davantage sur le bien-fondé de ses demandes au regard des contrats qui faisaient la loi des parties, sauf à priver sa décision de base légale au regard de l'article 1134, dans sa rédaction applicable à la cause, du Code civil.

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