8 novembre 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-17.499

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2017:SO02386

Texte de la décision

SOC.

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 novembre 2017




Cassation


Mme X..., conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 2386 F-D

Pourvoi n° B 16-17.499







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme Annick Y..., divorcée Z..., domiciliée [...]                                        ,

contre l'arrêt rendu le 18 mars 2016 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à la société Pénélope, dont le siège est [...]                      ,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;


LA COUR, en l'audience publique du 4 octobre 2017, où étaient présents : Mme X..., conseiller doyen faisant fonction de président, M. A..., conseiller rapporteur, Mme Aubert-Monpeyssen, conseiller, Mme Lavigne, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. A..., conseiller, les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de Mme Y..., de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Pénélope, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... a été engagée en qualité d'animatrice de ventes par la société Pénélope, d'abord par une succession non continue de contrats de travail à durée déterminée qui ont été exécutés entre le 1er mars 1996 et le 15 mars 2003, puis à compter du 3 octobre 2008 par des contrats d'intervention à durée déterminée conclus par application de l'avenant du 13 février 2006 à la convention collective des prestataires de services dans le domaine tertiaire du 13 août 1999 ; que la salariée, à laquelle il n'a été proposé aucun nouvel engagement après l'échéance du dernier contrat d'intervention du 15 avril 2010, a saisi la juridiction prud'homale le 7 février 2013 aux fins de requalification des contrats à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet à effet au 1er mars 1996 ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles 2224 et 2241 du code civil ;

Attendu que pour déclarer la demande irrecevable, au titre des contrats conclus antérieurement au 3 octobre 2008, l'arrêt retient qu'aucune prestation n'ayant été effectuée par la salariée du 16 mars 2003 au 3 octobre 2008, la demande de requalification en contrat à durée indéterminée des contrats conclus antérieurement au 3 octobre 2008 est prescrite ;

Attendu, cependant, que les effets de la requalification de contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée remontent à la date de conclusion du premier contrat à durée déterminée irrégulier ; qu'il en résulte que le délai de prescription prévu par l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, ne court qu'à compter du terme du dernier contrat à durée déterminée ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle constatait que le dernier contrat était parvenu à son terme au mois d'avril 2010, ce dont il résultait que la prescription quinquennale, qui avait commencé à courir à cette date, avait été interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale le 7 février 2013, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu que, conformément à l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen pris en sa première branche, entraîne par voie de conséquence la cassation du chef de l'arrêt rejetant la demande de requalification des contrats à durée déterminée conclus à compter du 3 octobre 2008, ainsi que la cassation du chef de l'arrêt rejetant la demande au titre du droit individuel à la formation, critiqué par le second moyen ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne la société Pénélope aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Pénélope à payer à Mme Y... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de Mme Y... tendant à voir requalifier la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à temps complet, voir condamner la société Pénélope au paiements de rappel des salaires, d'une indemnité de congés payés sur rappel de salaires, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, et de l'avoir condamnée aux dépens ;

AUX MOTIFS QU'aucune prestation n'ayant été effectuée par Mme Annick Y... du 16 mars 2003 au 3 octobre 2008, la demande de requalification en contrat à durée indéterminée des contrats à durée déterminée conclus antérieurement au 3 octobre 2008 est prescrite ;

1° - ALORS QUE lorsque le salarié sollicite la requalification de contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il peut faire valoir les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de l'exécution de sa prestation de travail ; qu'il en résulte que le délai de prescription prévu par l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 ne court qu'à compter du terme du dernier contrat à durée déterminée ; qu'en retenant « qu'aucune prestation n'ayant été effectuée par Mme Annick Y... du 16 mars 2003 au 3 octobre 2008, la demande de requalification en contrat à durée indéterminée des contrats à durée déterminée conclus antérieurement au 3 octobre 2008 est prescrite », quand la salariée avait saisi le conseil de prud'hommes le 7 février 2013, dans le délai de 5 ans suivant le dernier contrat et la fin des relations contractuelles intervenus en avril 2010, ce dont il résultait que l'action tendant à voir requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du premier jour de l'exécution de sa prestation de travail n'était pas prescrite, peu important que l'employeur ait cessé pendant une période de fournir du travail à la salariée, la cour d'appel a violé les articles 2224 et 2241 du code civil ;

et AUX MOTIFS QUE concernant la période postérieure au 3 octobre 2008, les parties ont conclu quelques contrats d'intervention à durée déterminée de un ou deux jours à temps complet ; le nombre total de jours travaillés s'est élevé à 2 jours en 2008 et en 2009, 6 jours en 2010, soit au total 10 jours sur toute la période ; ces contrats précisaient que Mme Annick Y... avait été recrutée en qualité d'animatrice et au titre du motif du recours, la société Pénélope a précisé qu'elle se référait à l'accord du 13 février 2006, l'employeur ayant également pris soin de mentionner que la convention collective relative aux prestations de services dans le domaine tertiaire était applicable ; chacune des missions confiées à Mme Annick Y... a fait l'objet de la conclusion d'un contrat de ce type ; l'article 2 de l'avenant du 13 février 2006, versé aux débats par Mme Annick Y..., précise que le contrat d'intervention doit impérativement comporter les mentions obligatoires définies par le code du travail s'agissant d'un contrat à durée déterminée et par la convention collective, et que le contrat d'intervention d'animation commerciale doit en outre préciser les conditions dans lesquelles le salarié pourra bénéficier de l'accès aux emplois à durée indéterminée et la définition précise de la prestation d'animation commerciale en raison de laquelle il est conclu ; cet article ajoute qu'il ne peut être conclu qu'un contrat à durée déterminée d'intervention d'animation commerciale par animation, pour pourvoir à un même poste d'animateur, sauf en cas de renouvellement non prévisible de l'animation commerciale confiée à l'employeur ; aux termes de cet avenant, la conclusion de contrats à durée déterminée d'intervention d'animation commerciale est expressément prévue afin de répondre à l'activité normale et permanente de l'entreprise dont l'objet est précisément de proposer des prestations de démonstration pour des opérations ponctuelles de promotion des ventes ; le moyen invoqué par Mme Annick Y... pour solliciter la requalification est donc inopérant ; la référence à l'accord de 2006 cité ci-dessus et que l'appelante a versé aux débats est suffisante dans la mesure où ce dernier vise expressément le domaine dans lequel la société intimée exerce son activité ; en conséquence, la demande de requalification des contrats d'intervention à durée déterminée en contrat à durée indéterminée n'est pas justifiée ; dès lors, les demandes tendant à obtenir un rappel de salaire et à voir constater l'existence d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et au versement des indemnités en découlant sont rejetées ;

et AUX MOTIFS adoptés QUE l'article L. 1242-2 du code du travail dispose : "Sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants : 1° ) Remplacement d'un salarié en cas : a) D'absence ; b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ; c) De suspension de son contrat de travail ; d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe ; e) D'attente de l'entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ; 2°) Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ; 3° ) Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ; 4° ) Remplacement d'un chef d'entreprise artisanale, industrielle ou commerciale, d'une personne exerçant une profession libérale, de son conjoint participant effectivement à l'activité de l'entreprise à titre professionnel et habituel ou d'un associé non salarié d'une société civile professionnelle, d'une société civile de moyens ou d'une société d'exercice libéral ;5° )Remplacement du chef d'une exploitation agricole ou d'une entreprise mentionnée aux 1° à 4° de l'article L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime, d'un aide familial, d'un associé d'exploitation, ou de leur conjoint mentionné à l'article L. 722-10 du même code dès lors qu'il participe effectivement à l'activité de l'exploitation agricole ou de l'entreprise." ; que l'article D. 1242-1 du code du travail dispose : « En application du 3° de l'article L. 1242-2, les secteurs d'activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus pour les emplois pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois sont les suivants :1 ° ) Les exploitations forestières ;2° )La réparation navale ; 3° ) Le déménagement ; 4° ) L'hôtellerie et la restauration, les centres de loisirs et de vacances ; 5° ) Le sport professionnel ;6° ) Les spectacles, l'action culturelle, l'audiovisuel, la production cinématographique, l'édition phonographique ; 7° ) L'enseignement ;8° ) L'information, les activités d'enquête et de sondage ;9° ) L'entreposage et le stockage de la viande ;10° ) Le bâtiment et les travaux publics pour les chantiers à l'étranger ; 11° ) Les activités de coopération, d'assistance technique, d'ingénierie et de recherche à l'étranger ; 12° ) Les activités d'insertion par l'activité économique exercées par les associations intermédiaires prévues à l'article L. 5132-7 ; 13° ) Le recrutement de travailleurs pour les mettre, à titre onéreux, à la disposition de personnes physiques, dans le cadre du 2° de l'article L. 7232-6 ;14° ) La recherche scientifique réalisée dans le cadre d'une convention internationale, d'un arrangement administratif international pris en application d'une telle convention, ou par des chercheurs étrangers résidant temporairement en France ; 15° ) Les activités foraines." ; que l'article L. 1245-1 du code du travail dispose : « Est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L, 1242-1 à L. 1242-4, L. 1242-6 à L. 1242-8, L. 1242-12, alinéa premier, L. 1243-11, alinéa premier, L 1243-13, L 1244-3 et L. 1244-4. " ; que l'accord conventionnel du 13 février 2006, étendu par arrêté du 16 avril 2007, a créé un contrat d'intervention à durée déterminée d'animation commerciale ; que les contrats conclus à compter du 3 octobre 2008 sont motivés par l'accord du 13 février 2006 ; en conséquence, le conseil dit qu'il n'y a pas lieu de requalifier les contrats à durée déterminée de Mme Y... en un contrat à durée indéterminée à temps plein et la déboute de sa demande de requalification et des demandes en découlant ;

2° - ALORS QUE Mme Y... a fait valoir que les stipulations de l'accord du 13 février 2006 relatif à l'animation commerciale n'étaient pas applicables aux salariés engagés avant son entrée en vigueur, ce qui était son cas ; que la cour d'appel a fait application de l'accord du 13 février 2006 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre aux conclusions de la salariée qui faisait valoir que les stipulations de l'accord du 13 février 2006 relatif à l'animation commerciale ne lui étaient pas applicables dans la mesure où elle avait été engagée avant son entrée en vigueur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3° - ALORS QUE la cassation à intervenir sur la première branche du moyen relative à la prescription concernant la période antérieure au 3 octobre 2008 entraînera cassation par voie de conséquence de l'arrêt en ses dispositions relatives à la période postérieure et ce, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

4° - ALORS en tout état de cause QUE le contrat à durée déterminée doit être écrit et signé par le salarié ; faute de comporter la signature du salarié, le contrat à durée déterminée invoqué par l'employeur ne peut être considéré comme ayant été établi par écrit, en sorte qu'il doit être réputé conclu pour une durée indéterminée ; que la salariée a fait valoir que les contrats dont l'employeur se prévalait ne comportait pas sa signature ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les contrats dont l'employeur se prévalait comportaient la signature de la salariée, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L1242-12 du code du travail et de l'article 2 de l'avenant du 13 février 2006 relatif à l'animation commerciale ;

5° - et ALORS enfin QU'un contrat à durée déterminée ne peut être conclu que dans certains cas limitativement énumérés et doit comporter la définition précise de son motif ; le recours au contrat de travail à durée déterminée d'usage ne dispense pas l'employeur d'établir un contrat écrit comportant la définition précise de son motif ; que la cour d'appel a retenu que la référence, dans les contrats, à l'accord du 13 février 2006 était suffisante ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand le contrat doit comporter la définition précise de son motif et que la référence, dans les contrats, à l'accord du 13 février 2006 et à la convention collective était suffisante, la cour d'appel a violé les articles L1242-12 du code du travail et 2 de l'avenant du 13 février 2006 relatif à l'animation commerciale.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Mme Y... tendant à voir condamner la société Pénélope au paiement de la somme de 500 € au titre du droit individuel à la formation, et de l'avoir condamnée aux dépens ;

AUX MOTIFS QUE l'article D.6323-1 du code du travail dispose que pour bénéficier du droit individuel à la formation, le salarié titulaire d'un contrat à durée déterminée doit avoir travaillé quatre mois, consécutifs ou non, au cours des douze derniers mois ; la condition relative à la durée du travail n'est pas remplie par Mme Annick Y... de sorte qu'il convient de rejeter la demande formée au titre du droit individuel à la formation ;

ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera cassation par voie de conséquence de l'arrêt en ces dispositions relatives au droit individuel à la formation et ce, en application de l'article 624 du code de procédure civile.

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