27 septembre 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-14.832

Première chambre civile - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2017:C101064

Texte de la décision

CIV. 1

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 septembre 2017




Rejet


Mme BATUT, président



Arrêt n° 1064 FS-D

Pourvoi n° Y 17-14.832







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par le préfet de Haute-Savoie, domicilié [...]                                                                                         ,

contre l'ordonnance rendue le 17 janvier 2017 par le premier président de la cour d'appel de Lyon, dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme A... Z... , domiciliée chez M. Stéphane X...[...]                                                          ,

2°/ au procureur général près la cour d'appel de Lyon, domicilié [...]                                                                 ,

défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 12 septembre 2017, où étaient présents : Mme Batut, président, Mme Y..., conseiller référendaire rapporteur, M. Matet, conseiller doyen, Mme Wallon, MM. Hascher, Reynis, Mme Reygner, M. Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mme Auroy, conseillers, MM. Mansion, Roth, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Azar, conseillers référendaires, M. B..., premier avocat général, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Y..., conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du préfet de Haute-Savoie, l'avis de M. B..., premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée (Lyon, 17 janvier 2017), rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que, le 12 janvier 2017, lors d'une opération de contrôle à la frontière franco-suisse, Mme Z... a été interpellée par les fonctionnaires de la police aux frontières ; que le préfet a pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire national pour rejoindre le pays dont elle a la nationalité ou tout autre pays dans lequel elle serait légalement admissible et une décision de placement en rétention ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le préfet fait grief à l'ordonnance de rejeter la demande de prolongation de la rétention de Mme Z... et d'ordonner son assignation à résidence, alors, selon le moyen, que le juge des libertés et de la détention, appelé à statuer sur une décision de placement en rétention, ne peut se prononcer sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ; qu'à ce titre, il ne saurait adopter un point de vue incompatible avec la décision portant obligation de quitter le territoire ; qu'en retenant, pour dire n'y avoir lieu de prolonger la rétention de Mme Z..., qu'elle poursuit des études en Suisse, quand l'arrêté du 12 janvier 2017, visant Mme Z..., excluait que celle-ci puisse rejoindre la Suisse, le premier président a, méconnaissant le principe de séparation des pouvoirs, violé la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble les articles L. 512-1 et L. 552-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Mais attendu qu'après avoir constaté la recevabilité de la requête en prolongation de la rétention et la régularité de la procédure, l'ordonnance retient que l'intéressée justifie de garanties de représentation suffisantes, dès lors qu'il est avéré qu'elle poursuit des études en Suisse où elle a effectué des démarches nécessaires à son séjour régulier et qu'elle produit une attestation d'hébergement chez une personne demeurant en Haute-Savoie ; que, par ces motifs, le premier président, qui s'est borné à apprécier les garanties de représentation invoquées par l'intéressée pour s'opposer à la prolongation de la mesure de rétention, n'a pas méconnu le principe de la séparation des pouvoirs ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que le préfet fait le même grief à l'ordonnance, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en affirmant, pour dire n'y avoir lieu de prolonger la rétention de Mme Z..., que celle-ci poursuit des études en Suisse, quand la demande de réadmission, produite aux débats, faisait état d'un refus émanant des autorités helvétiques, le premier président a dénaturé ce document ;

2°/ qu'en affirmant, pour dire n'y avoir lieu de prolonger la rétention de Mme Z..., que celle-ci poursuit des études en Suisse, sans rechercher, comme il y était pourtant invité, si le refus des autorités helvétiques opposé à sa réadmission n'obérait pas toute poursuite des études en Suisse, le premier président a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 552-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Mais attendu qu'ayant constaté que Mme Z..., qui avait remis son passeport algérien aux autorités françaises et produisait une attestation d'hébergement en France, offrait des garanties suffisantes de représentation, le premier président en a souverainement déduit que les conditions de l'assignation à résidence étaient remplies ; que le moyen, qui critique en sa seconde branche un motif surabondant de l'ordonnance, ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour le préfet de Haute-Savoie.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'ordonnance attaquée encourt la censure ;

EN CE QU' elle a, confirmant l'ordonnance déférée, dit n'y avoir lieu à la prolongation du maintien en rétention de Madame Z... dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, ordonné l'assignation à résidence de Madame Z... chez Monsieur Stéphane X... à Saint-Julien-en-Genevois ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « A... Z... dispose d'un passeport régulier émis par les autorités algériennes ; qu'elle justifie qu'elle effectue des études en Suisse et produit une attestation d'hébergement de monsieur Stéphane X... [...]                                    ; en conséquence, qu'elle entre dans les conditions d'une assignation à résidence qui paraît suffisante pour assurer la mise à exécution de la mesure de reconduite à la frontière » ;

AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « A... Z... a remis à un service de police ou à une unité de gendarmerie l'original du passeport et tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justificatif de l'identité et sur lequel est portée la mention de la mesure d'éloignement en instance d'exécution ; que l'intéressé dispose de garanties de représentation effectives pour pouvoir bénéficier d'une assignation à résidence en ce qu'il est avéré par le justificatif de scolarité qu'elle a produit qu'elle suivait des études en Suisse où elle avait fait les démarches nécessaires à son séjour régulier ; que s'agissant de son séjour sur le sol français il est acquis que Mme Z... n'entend pas le prolonger, d'abord parce qu'au moment de son contrôle, elle était à bord d'un bus à destination de la Suisse, ensuite parce qu'elle entend retourner en Algérie comme elle l'a déclaré à l'audience ; que dès lors, l'attestation d'hébergement de Monsieur Stéphane X... apparaît suffisante pour la mise à exécution de la mesure de reconduite à la frontière prise à son encontre ; qu'en conséquence, il n'y a pas lieu de prolonger la rétention administrative mais d'ordonner son assignation à résidence dans les conditions précisées au dispositif de la présente ordonnance » ;


ALORS QUE le juge des libertés et de la détention, appelé à statuer sur une décision de placement en rétention, ne peut se prononcer sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ; qu'à ce titre, il ne saurait adopter un point de vue incompatible avec la décision portant obligation de quitter le territoire ; qu'en retenant, pour dire n'y avoir lieu de prolonger la rétention de Madame Z..., qu'elle poursuit des études en Suisse, quand l'arrêté du 12 janvier 2017, visant Madame Z..., excluait que celle-ci puisse rejoindre la Suisse, le premier président a, méconnaissant le principe de séparation des pouvoirs, violé la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble les articles L. 512-1 et L. 552-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

L'ordonnance attaquée encourt la censure ;

EN CE QU' elle a, confirmant l'ordonnance déférée, dit n'y avoir lieu à la prolongation du maintien en rétention de Madame Z... dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, ordonné l'assignation à résidence de Madame Z... chez Monsieur Stéphane X... à Saint-Julien-en-Genevois ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « A... Z... dispose d'un passeport régulier émis par les autorités algériennes ; qu'elle justifie qu'elle effectue des études en Suisse et produit une attestation d'hébergement de monsieur Stéphane X... [...]                                    ; en conséquence, qu'elle entre dans les conditions d'une assignation à résidence qui paraît suffisante pour assurer la mise à exécution de la mesure de reconduite à la frontière » ;

AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « A... Z... a remis à un service de police ou à une unité de gendarmerie l'original du passeport et tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justificatif de l'identité et sur lequel est portée la mention de la mesure d'éloignement en instance d'exécution ; que l'intéressé dispose de garanties de représentation effectives pour pouvoir bénéficier d'une assignation à résidence en ce qu'il est avéré par le justificatif de scolarité qu'elle a produit qu'elle suivait des études en Suisse où elle avait fait les démarches nécessaires à son séjour régulier ; que s'agissant de son séjour sur le sol français il est acquis que Mme Z... n'entend pas le prolonger, d'abord parce qu'au moment de son contrôle, elle était à bord d'un bus à destination de la Suisse, ensuite parce qu'elle entend retourner en Algérie comme elle l'a déclaré à l'audience ; que dès lors, l'attestation d'hébergement de Monsieur Stéphane X... apparaît suffisante pour la mise à exécution de la mesure de reconduite à la frontière prise à son encontre ; qu'en conséquence, il n'y a pas lieu de prolonger la rétention administrative mais d'ordonner son assignation à résidence dans les conditions précisées au dispositif de la présente ordonnance » ;

ALORS QUE, premièrement, en affirmant, pour dire n'y avoir lieu de prolonger la rétention de Madame Z..., que celle-ci poursuit des études en Suisse, quand la demande de réadmission, produite aux débats, faisait état d'un refus émanant des autorités helvétiques, le premier président a dénaturé ce document ;

ALORS QUE, deuxièmement, et en tout état, en affirmant, pour dire n'y avoir lieu de prolonger la rétention de Madame Z..., que celle-ci poursuit des études en Suisse, sans rechercher, comme il y était pourtant invité, si le refus des autorités helvétiques opposé à sa réadmission n'obérait pas toute poursuite des études en Suisse, le premier président a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 552-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

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