19 décembre 2017
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-85.841

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2017:CR03562

Texte de la décision

N° H 17-85.841 F-D

N° 3562


CG10
19 DÉCEMBRE 2017


CASSATION


M. SOULARD président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf décembre deux mille dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller X..., les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire Y... ;

Statuant sur le pourvoi formé par :


-
M. Bruno Z...,


contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AMIENS, en date du 7 juillet 2017, qui, après avoir rejeté sa demande d'actes supplémentaires, l'a renvoyé devant la cour d'assises de l'Oise sous l'accusation de meurtres aggravés ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 122-1 du code pénal, 80-1 du même code, 80-2, 80-3 du même code, 415 et suivants du code civil, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté les demandes d'actes supplémentaires formulés par M. Bruno Z... et d'avoir ordonné son renvoi devant la cour d'assises de l'Oise du chef de meurtres sur les personnes de Nicole et Luc Z... avec cette circonstance que les faits ont été commis sur un ascendant légitime ou naturel ;

"aux motifs que les demandes d'actes ont déjà été rejetées par un précédent arrêt de la chambre de l'instruction du 10 février 2017 ; qu'à propos de sa demande d'interrogatoire en présence de son avocat, il a comparu devant le juge d'instruction les 16 octobre 2014, 19 mai 2015 et 30 octobre 2015 ; que la reconstitution du 4 mars 2016 a été l'occasion pour le magistrat instructeur de lui poser de très nombreuses questions ; qu'il n'existe pas d'élément nouveau de nature à reconsidérer cette décision ;

"et aux motifs que les expertises réalisées n'ont pas permis de retenir l'irresponsabilité pénale du mis en examen ;

"1°) alors que, lorsque le mis en examen n'a pas été entendu depuis plus d'un an par le magistrat instructeur, et qu'il demande son audition avant la décision de renvoi, le magistrat instructeur ne saurait se dispenser d'une telle audition, notamment pour vérifier si le mis en examen dont les antécédents psychiatriques sont connus, est apte à être jugé ; qu'en refusant cette audition, la chambre de l'instruction a violé les droits de la défense ;

"2°) alors qu'en s'abstenant totalement de vérifier si à défaut d'une irresponsabilité pénale complète prévue par l'article 122-1 al. 1 du code pénal, M. Z... n'était pas atteint au moment des faits d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes ; en l'état de ces constatations dont il résulte qu'il était suivi depuis 1996 en psychiatrie, bénéficiait d'un traitement médicamenteux pour schizophrénie, et qu'il présentait un état limite, une personnalité peu cohésive avec d'importantes tensions internes, complexion d'ensemble altérant son discernement et entravant le contrôle de ses actes, la chambre de l'instruction a privé sa décision de tout fondement légal ;

"3°) alors qu'il résulte des propres constatations de la chambre de l'instruction, qu'au moment des faits, M. Z... était placé sous curatelle renforcée ; qu'en s'abstenant totalement de vérifier quel était son statut au regard de la protection des majeurs protégés, et de vérifier si le statut sous lequel il se trouvait actuellement n'impliquait pas que son curateur soit appelé à la procédure au moment de la décision de renvoi, la chambre de l'instruction a violé les textes précités" ;

Vu les articles 122-1 du code pénal, ensemble 706-113 du code de procédure pénale ;

Attendu que, selon le second de ces textes, le curateur d'une personne majeure protégée doit être avisé des poursuites et des décisions de condamnation dont cette personne fait l'objet ; qu'il doit en outre être avisé des dates d'audiences la concernant ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. Z... a été poursuivi pour meurtres aggravés sur la personne de ses deux parents, alors qu'il était placé sous curatelle renforcée ; que sollicitant en fin d'information des mesures d'instruction complémentaires, qui lui ont été refusées, tant par la juge d'instruction, que par la chambre de l'instruction, ce dernier refus lui a été notifié alors qu'il faisait l'objet d'une décision préfectorale de placement en unité hospitalière spécialement aménagée et qu'aucune mention de l'arrêt attaqué ne fait état d'une notification à son curateur;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la mesure de protection dont bénéficiait M. Z... était connue des autorités de poursuite et d'instruction et que l'arrêt attaqué a été rendu sans que son curateur ait été avisé de la date d'audience, ni n'ait reçu notification de l'arrêt, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs proposés:

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Amiens, en date du 7 juillet 2017, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rouen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Amiens et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;


Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. X..., conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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