25 janvier 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-25.138

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2018:C300064

Titres et sommaires

URBANISME - droit de préemption urbain - vente d'un immeuble - immeuble inclus dans le périmètre d'une zone de préemption - expropriation pour cause d'utilité publique - indemnité - fixation - date de référence - détermination - date de publication de la déclaration d'utilité publique emportant mise en compatibilité du plan local d'urbanisme - exclusion - portée

La date de publication de la déclaration d'utilité publique emportant mise en compatibilité du plan local d'urbanisme ne fait pas partie de celles limitativement prévues par l'article L. 213-4 du code de l'urbanisme pour la fixation de la date de référence à laquelle est pris en considération l'usage effectif d'un bien soumis au droit de préemption et ayant fait l'objet d'une expropriation pour cause d'utilité publique

Texte de la décision

CIV.3

CGA



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 janvier 2018




Rejet


M. X..., président



Arrêt n° 64 FS-P+B+I

Pourvoi n° E 16-25.138







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ Mme Marie-France Y..., domiciliée [...],

2°/ Mme Nicole Y..., domiciliée [...],

contre l'arrêt rendu le 2 juin 2016 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre des expropriations), dans le litige les opposant à l'établissement public foncier Provence Alpes Côte d'Azur, dont le siège est [...],

défendeur à la cassation ;

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 12 décembre 2017, où étaient présents: M. X..., président, M. Z..., conseiller rapporteur, M. Jardel, conseiller doyen, MM. A..., B..., C..., Mme J... , M. Bureau, Mme Greff-Bohnert, conseillers, Mmes Guillaudier, Georget, Renard, Djikpa, conseillers référendaires, Mme Besse, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Z..., conseiller, les observations de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat de Mmes Marie-France et Nicole Y..., de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de l'établissement public foncier Provence Alpes Côte-d'Azur, l'avis de M. D..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 juin 2016), que Mmes Marie-France et Nicole Y... (les consorts Y...) ont saisi le juge de l'expropriation du département des Alpes-Maritimes en fixation de l'indemnité leur revenant à la suite de l'expropriation de parcelles leur appartenant au profit de l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'EPF PACA) ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de fixer la date de référence au 30 janvier 2008 et de fixer à une certaine somme l'indemnité d'expropriation leur revenant alors, selon le moyen, qu'à peine d'irrecevabilité, l'intimé doit déposer ou adresser au greffe de la cour d'appel ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant ; que le juge doit au besoin d'office s'assurer que ces dispositions ont été respectées ; qu'en statuant au visa du mémoire de l'EPF PACA du 24 février 2016, quand les premières conclusions des consorts Y... avaient été produites le 10 juillet 2015, notifiées le même jour, la cour d'appel a violé l'article R. 311-26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Mais attendu qu'il ressort des productions que le mémoire « en réplique et récapitulatif » remis au greffe et notifié le 24 février 2016 par l'intimé ne comportait que des éléments complémentaires en réplique au mémoire complémentaire et au mémoire de production respectivement déposés au greffe par les consorts Y... le 5 octobre 2015 et le 29 janvier 2016 ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de fixer la date de référence au 30 janvier 2008 et de fixer à une certaine somme l'indemnité d'expropriation leur revenant, alors, selon le moyen, que, par application des dispositions des articles L. 213-4, L. 213-6 du code de l'urbanisme et L. 322-2 du code de l'expropriation, la date de référence à retenir en vue de fixer les indemnités d'expropriation d'un bien soumis au droit de préemption est celle à laquelle est devenue opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, révisant ou modifiant le POS ou approuvant, révisant ou modifiant le PLU et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien ; qu'entre dans les prévisions de l'article L. 213-4 la mise en compatibilité d'un PLU par une déclaration d'utilité publique, laquelle a un objet et des effets identiques à ceux d'une modification ou d'une révision, à savoir le changement de la réglementation d'urbanisme applicable ou du zonage, quand bien même elle obéit à une procédure distincte de celle de la révision ou de la modification du PLU ; qu'en refusant de fixer la date de référence au 10 décembre 2013, date de publicité de la DUP emportant mise en compatibilité du PLU, et en fixant celle-ci au 30 janvier 2008, date d'approbation du PLU devenue opposable aux tiers, la cour d'appel a violé les articles L. 213-4, L. 213-6 du code de l'urbanisme et L. 322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu que, si les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation, les expropriés ne peuvent cependant bénéficier de la plus-value apportée à leurs immeubles par les opérations d'urbanisme prévues par l'autorité expropriante, la cour d'appel en a exactement déduit que la date de publication de l'acte déclarant d'utilité publique une opération et emportant mise en compatibilité du plan local d'urbanisme ne faisait pas partie de celles limitativement prévues par l'article L. 213-4 du code de l'urbanisme ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi :

Condamne Mmes Marie-France et Nicole Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mmes Marie-France et Nicole Y... et les condamne à payer à l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour Mmes Marie-France et Nicole Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir fixé la date de référence au 30 janvier 2008 et fixé l'indemnité d'expropriation revenant aux consorts Y... à la seule somme de 525.744 euros dont 48.704 euros d'indemnité de remploi,

AUX MOTIFS QUE « L'établissement public foncier de Provence Alpes Côte d'Azur (EPF PACA) poursuit le projet de rénovation urbaine de l'îlot Jean Bouin sur la commune de Beausoleil dans le cadre d'une politique de développement de l'habitat, afin de soutenir la production de logements sociaux.

Un arrêté préfectoral du 25 juin 2013 a prescrit l'ouverture des enquêtes publiques conjointes, préalable à la déclaration d'utilité publique et parcellaire.

Les enquêtes se sont déroulées du 22 juillet au 22 août 2013 inclus.

Ce projet a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique au profit de EPF PACA suivant arrêté préfectoral du 10/12/2013, emportant la mise en compatibilité du PLU et arrêté de cessibilité.

L'ordonnance d'expropriation est intervenue le 12/02/2014.

En l'espèce, l'expropriation porte sur deux parcelles cadastrées [...] pour 194 m2 (issue de [...] pour 324 m2) et [...] pour 141 m2 soit une superficie totale de 335 m2, utilisées en tant que jardin d'agrément et appartenant à Mmes Marie France Y... épouse E... et Nicole Y... épouse F....

Par requête du 15/05/2014, ces dernières ont saisi le juge de l'expropriation des Alpes Maritimes pour voir fixer l'indemnité d'expropriation devant leur revenir.

Par jugement du 28/05/2015, le juge a :

- fixé la date de référence au 30 Janvier 2008,

- donné acte à EPF PACA de ce qu'il a saisi le juge de l'expropriation concernant la fixation des indemnités revenant au sieur G...,
- fixé l'indemnité revenant aux consorts Y... à la somme de 525.744 € dont 48.704 € d'indemnité de remploi,

- condamné EPF PACA à payer à Mmes Y... la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge de EPF PACA,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Les expropriées ont interjeté appel par acte du 2/06/2015.

Dans leurs mémoires du 10/07/2015 notifié le même jour puis du 5/10/2015 notifié le 6/10/2015 et tenus pour intégralement repris, elles demandent à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 mai 2015,

- arrêter la date de référence au 10 décembre 2013, date de publicité de la DUP mise en compatibilité du PLU de Beausoleil créant une [...]                        ,

- le cas échéant, désigner tel expert avec mission d'évaluer les parcelles expropriées cadastrées section AL, [...], à la date de référence du 10 décembre 2013, sous le régime du règlement d'urbanisme de la zone UX du PLU modifié à cette date,

- par suite, fixer les montants des indemnités suivants:

Expropriation : 776.000 € ;

Remploi : 155.200 € ;

Dépréciation du surplus : 398.140 € ;

Au total: 1.329.340 €

- condamner l'EPF-PACA au paiement d'une somme de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Cohen-Guedj-Montero-Daval-Guedj.

Par mémoire complémentaire du 29/01/2016 notifié le même jour, les appelantes ont produit une nouvelle pièce.
Dans ses mémoires en réponse du 4/08/2015 notifié le 1/09/2015 puis du 24/02/2016 notifié le même jour et tenus pour intégralement repris, l'intimé conclut à la confirmation du jugement excepté l'exécution provisoire, et prie la cour de

- dire et juger que la date de référence au visa des articles L. 213-6 et L. 13-4 a) du code de l'urbanisme doit être fixée au 30 janvier 2008,

- rejeter la date de référence émanant des expropriés,

- dire et juger que les consorts Y... sont dans l'incapacité de démontrer avoir un projet sur leur jardin d'agrément,

- rejeter la méthode de la charge foncière,

- rejeter la demande d'indemnité principale et d'indemnité de remploi,

- rejeter la demande de dépréciation du surplus non fondée,

- reformer le jugement du 28 mai 2015 quant à l'exécution provisoire,

- dire que les dépens seront comme de droit supportés par EPF PACA.

Par conclusions déposées le 7/08/2015, notifiées le /09/2015 et tenues pour intégralement reprises, le commissaire du gouvernement sollicite la confirmation de la décision.

Les mémoires des parties, les conclusions du commissaire du gouvernement et toutes les pièces sur lesquelles ils s'appuient, ont été régulièrement notifiés conformément aux dispositions de l'article R 311-26 du code de l'expropriation.

Les parties ont été régulièrement convoquées par le greffe à l'audience du 3/03/2016 par lettres recommandées avec accusé de réception ; »

ALORS QU'à peine d'irrecevabilité, l'intimé doit déposer ou adresser au greffe de la cour d'appel ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant ; que le juge doit au besoin d'office s'assurer que ces dispositions ont été respectées ; qu'en statuant au visa du mémoire de l'EPF PACA du 24 février 2016, quand les premières conclusions des exposantes avait été produites le 10 juillet 2015, notifiées le même jour, la cour d'appel a violé l'article R 311-26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir fixé la date de référence au 30 janvier 2008 et fixé l'indemnité d'expropriation revenant aux consorts Y... à la seule somme de 525.744 euros dont 48.704 euros d'indemnité de remploi,

AUX MOTIFS QUE

« Sur la date de référence :

Les parties s'accordent sur l'application des dispositions de l'article L. 213-4 a) du code de l'urbanisme aux termes desquelles dans les zones soumises au droit de préemption urbain, la date de référence prévue à l'article L. 322-2 du code de l'expropriation est celle à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le POS, ou approuvant, révisant ou modifiant le PLU et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien.

EPF PACA et le commissaire du gouvernement soutiennent que la date à prendre en compte est celle de l'approbation du PLU, le 30 janvier 2008, qui classait les parcelles expropriées en secteur UBap grevé d'une servitude d'urbanisme au titre de l'article L. 123-2-a du code de l'urbanisme (secteur d'étude) tandis que les appelantes considèrent qu'il s'agit de la date de publicité de la DUP de mise en compatibilité du 10 décembre 2013 créant un secteur UX.

A cet égard, Mmes Y... rappellent les termes de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 27/02/2003 qui a dit que « si la déclaration d'utilité publique du 9/05/2001, publiée le 18/06/2001, vaut modification du plan d'occupation du sol conformément à l'article L. 123.8 du code de l'urbanisme (..) » ainsi que ceux de l'arrêt du conseil d'état du 2/06/2010 « (...) considérant que si la ville de Paris, n'a pas été consultée sur les modifications apportées au PLU, postérieurement à l'avis qu'elle a rendu (...) que les modifications en cause (...) sont, par suite, au nombre des questions sur lesquelles le conseil de Paris était nécessairement appelé à donner son avis (...) ».

Cependant, ce dernier arrêt a statué sur une demande d'annulation pour excès de pouvoir d'une DUP en raison notamment du défaut de consultation préalable de la ville de Paris prévue par les articles L. 123-16 a) et b) et R. 123-23 du code de l'urbanisme.

Le premier arrêt cité a quant à lui écarté l'application de l'article L. 213-4 du code de l'urbanisme qui aurait fait bénéficier l'exproprié d'un enrichissement sans cause, en retenant que la seule modification du plan est sans effet sur la détermination de la date de référence.

Surtout, selon l'ancien article L. 13-15 devenu L. 322-3 du code de l'expropriation, il ne peut être tenu compte pour l'estimation des biens expropriés de quelque nature qu'ils soient, des changements de valeurs subis depuis la date de référence s'ils ont été provoqués par l'annonce des travaux ou des opérations dont la déclaration d'utilité publique est demandée.

Ainsi, si les indemnités allouées doivent, aux termes de l'article L. 13-13 du code de l'expropriation, couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation, les expropriés ne peuvent cependant bénéficier de la plus-value apportée à leurs immeubles par les opérations d'urbanisme prévues par l'autorité expropriante et dont la déclaration d'utilité publique a pour objet de définir les modalités.

Au demeurant, la procédure de mise en compatibilité prévue par l'article L. 123-8 devenu L. 123-16 du code de l'urbanisme, ouverte par le préfet est autonome et distincte de celle de l'élaboration, de modification et de révision du PLU menée par le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale (CE 21/03/2001).

Il s'évince de l'ensemble de ces éléments que ne peut être prise en considération la date de publicité de la DUP emportant mise en compatibilité du PLU.

C'est donc à bon droit que le premier juge a fixé la date de référence au 30/01/2008, date d'approbation du PLU devenu opposable aux tiers.

Les consorts Y... ne peuvent donc subsidiairement se prévaloir des dispositions postérieures de la loi ALUR du 24/03/2014 quand bien même elles sont d'application immédiate.

Sur la consistance des biens :

A la date de référence, les biens expropriés étaient situés en zone UBap, au sein de laquelle seule est admise une extension mesurée des constructions existantes dans la limite de 20% de la surface de plancher du bâtiment d'origine.

La parcelle [...] est un jardin en bord de rue, bien exposé et assez dégagé, en limite de la principauté de Monaco, comprenant voirie et accès aux réseaux et complanté de trois arbres fruitiers tandis que celle n° AI 171 est partie d'un agréable jardin d'agrément contigu à la parcelle [...] non expropriée, constituée d'un immeuble bâti appartenant aux appelantes, complanté d'arbres fruitiers, pourvue d'une petite cuisine d'été style cabanon avec une estrade en bois, des murs en dur, non cadastré outre une petite dépendance en dur avec toiture en tuiles et mur en pierres non accessible.

Il s'agit donc de terrains à bâtir inconstructibles.

Sur l'évaluation :

Il convient de se placer à la date du jugement de première instance mais avec les possibilités légales et effectives de construction à la date de référence sans prise en compte de la destination future des biens apportée par l'opération projetée.

Compte tenu de ce qui précède et du secteur UBA dans lequel étaient les biens expropriés, la méthode des termes de comparaison utilisée par le premier juge doit être retenue et non celle de la charge foncière voulue par les consorts Y....

Les quatre références fournies par le commissaire du gouvernement, réactualisées en fonction de l'indice INSEE portant sur des ventes réalisées entre 2005 et 2008 pour des parcelles en nature de terrain à bâtir, celle de EPF PACA relative à une mutation d'un jardin de 2013, et les deux termes produits par les appelantes de 2012 et 2014 relatifs à des ventes de terrains sur lesquels sont édifiées deux maisons destinées à être démolies avec permis de construire accordé pour la première et pour la seconde un terrain nu après démolition d'une maison par le vendeur, font apparaître une valeur métrique moyenne de 1.424 €.

L'indemnité principale revenant à Mmes Y... s'élève donc à 477.040 €.

L'indemnité de remploi calculée selon le barème dégressif de 20% jusqu'à 5.000€, 15% de 5.000€ à 15.000€ et 10% au delà, a de ce fait été valablement fixée à 48.704 €.

Le jugement attaqué sera donc confirmé de ces chefs.

Sur la dépréciation du surplus :

Les expropriées réclament une indemnité de 398.14 € au titre de la dépréciation du surplus en rappelant que selon l'arrêt du 3/12/2013 de la Cour de cassation, l'indemnité de dépréciation du surplus répare la moins-value subie du fait d'une expropriation partielle, pour le surplus non touché par l'emprise.

Elles soulignent que les biens immobiliers AI 170 et 286, consistant en une maison d'habitation divisée en appartements destinés à la location, seront gravement et exclusivement impactés par le projet immobilier de rénovation urbaine de l'îlot Jean Bouin puisque la façade Ouest de l'immeuble sera définitivement occultée par l'immeuble de 7 étages qui sera édifié.

Elles ajoutent qu'elles sont propriétaires de lots immobiliers divis.

Cependant, s'il est exact que le propriétaire évincé peut réclamer une indemnité complémentaire destinée à couvrir la moins value causée par l'expropriation, encore faut-il que la dépréciation découle d'une emprise partielle d'une même parcelle.

Or, les deux terrains [...] et [...] sont expropriés en totalité.

Ils jouxtent bien la parcelle [...] mais celle-ci ne fait l'objet d'aucune amputation dans le cadre de l'expropriation et conserve deux terrains nus, cadastrés [...] et [...], situés au pourtour.

La référence de Mmes Y... à l'arrêt de la cour d'appel de Nancy du 12/09/2014 qui a accordé une indemnité de dépréciation pour une emprise partielle est ainsi inadéquate.

De surcroît, l'expertise dressée par le H...  le 23/09/2013 que les expropriées ont versée aux débats établit que la maison d'habitation édifiée sur la parcelle [...] est un immeuble en copropriété et n'est pas la propriété exclusive de Mmes Y..., certains lots appartenant à des tiers.

Enfin, le préjudice tiré de l'obturation de la façade dont se plaignent les appelantes ne résultera pas de l'expropriation proprement dite mais de la future exécution de l'immeuble prévu dans l'opération d'urbanisme projetée et ressortit ainsi à la seule compétence de la juridiction administrative.

Le jugement qui a rejeté la demande d'indemnisation pour dépréciation du surplus, sera par conséquent confirmé.

(


ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE

«Sur l'indemnité d'expropriation

L'article L. 13-13 du code de l'expropriation dispose que « Les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation »

L'article L 13-15 du même code contient une disposition suivant laquelle les biens sont estimés à la date de la décision de première instance ; doit seul être pris en considération l'usage des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l'ouverture de l'enquête publique, la publication du PLU, de la modification ou de la révision dudit plan instituant l'emplacement réservé.

L'établissement public foncier de Provence Alpes Côte d'Azur poursuit le projet de rénovation urbaine de l'îlot Jean Bouin sur la Commune de Beausoleil dans le cadre d'une politique de développement de l'habitat afin de soutenir la production de logements sociaux.

L'arrêté préfectoral du 25 juin 2013 a prescrit l'ouverture des enquêtes publiques conjointes, préalable à la déclaration d'utilité publique et parcellaire.

Les enquêtes se sont déroulées du 22 juillet au 22 août 2013 inclus.

Ce projet a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique au profit de l'établissement public foncier de Provence Alpes Côte d'Azur suivant arrêté préfectoral du 10 décembre 2013, emportant la mise en compatibilité du PLU et de cessibilité.

Les parcelles de terrain visées étant situées en droit de préemption urbain, aux termes de l'article L. 213-6 du Code de l'Urbanisme, renvoyant à l'article L. 213-4 du même code, la date de référence est celle à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant ou révisant ou modifiant le plan d'occupation des sols, ou approuvant, révisant ou modifiant le plan local d'urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien.

Au cas d'espèce, la date de référence est celle du 30 janvier 2008, date à laquelle le document d'urbanisme est devenu opposable aux tiers.

L'ordonnance d'expropriation a été rendue le 12 février 2014.

En l'espèce, l'expropriation porte sur deux parcelles cadastrées [...] pour 194 m2 (issue de [...] pour 324 m2) et [...] pour 141 m2 soit une superficie totale de 335 m2.

Le bien est situé en zone UB secteur UB ap du PLU, approuvé par le conseil municipal du 30 janvier 2008, avec une servitude d'urbanisme différée échue au 30 janvier 2013.

Ces deux parcelles sont actuellement utilisées en tant que jardin d'agrément.

Lors du transport sur les lieux, il a été constaté qu' en ce qui concerne la parcelle [...] , il s'agit d'un jardin en bord de mer, bien exposé et assez dégagé, en limite de la principauté de Monaco comprenant voirie et accès aux réseaux et complanté de 3 arbres fruitiers (un oranger, un figuier et un plaqueminier).

S'agissant de la parcelle [...] , elle est partie d'un agréable jardin d'agrément contigu à la parcelle [...] non expropriée constituée d'un immeuble bâti appartenant aux requérantes, et est complantée de fruitiers (deux orangers et deux citronniers, un mandarinier), pourvue d'une petite cuisine d'été style cabanon avec une estrade en bois, des murs en dur, une porte et un auvent avec toit en tuiles plastique, non cadastré, outre une petite dépendance en dur avec toiture en tuiles et mur en pierres qui n'était pas accessible et n'a pu être visité.

Il est incontestable que l'immeuble cadastré [...] , va perdre une partie de son jardin d'agrément.

Cependant, il convient de rappeler que le Juge de l'Expropriation ne peut apprécier la valeur du bien exproprié en fonction de la vocation future ou de la destination future de celui-ci.

En conséquence, la «dépréciation » alléguée de ce bâtiment AI 170 faisant partie du patrimoine des expropriées et limitrophe aux parcelles expropriées, bâtiment à propos duquel il doit être rappelé qu'il n'est pas situé sur les parcelles expropriées, n'est pas du fait de l'expropriation mais pourra exister au moment de la construction, laquelle est pour l'instant incertaine et au visa de l'article L. 13-13 du code de l'expropriation dans sa rédaction antérieure au décret du 26 décembre 2014 applicable à l'espèce, ne peut faire l'objet d'une indemnisation.

La privation alléguée également du droit d'extension de l'immeuble AI 170 n'est pas démontrée, aucune pièce n'établissant qu'un projet d'extension de ce bâtiment était en cours de réalisation.

S'agissant du démembrement de l'unité foncière des parcelles AI 170, 171 et 446 du fait de l'expropriation, et qui aurait pour conséquence de compromettre l'exploitation locative, force est de constater que sur les 3 baux produits, un seul mentionne les dépendances soit cabanons et jardin.

De surcroît, il convient de souligner qu'à partir du moment où ces terrains peuvent être évalués comme terrains à bâtir, et non pas «en fonction de la vocation future», le prix du m2 en terrain à bâtir, supérieur à celui d'un simple « jardin d'agrément» compense la perte locative qui n'est subie que par ce seul locataire.

Seule en conséquence, la méthode dite «des termes de comparaison» habituellement retenue par la cour d'Appel d'Aix en Provence et consistant à prendre des valeurs vénales de terrains situés géographiquement dans le même secteur et comparables aux parcelles aujourd'hui expropriées doit être utilisée.

Madame Le Commissaire du gouvernement se fonde sur des termes de comparaison anciens concernant des ventes publiées entre le 21 décembre 2005 et courant 2008 concernant 4 parcelles de terrain.

Il n'y a pas lieu de prendre en compte l'acquisition amiable de la parcelle [...] appartenant à M. G... puisque ce dernier est revenu sur l'accord et que la présente juridiction est saisie d'une demande de fixation d'indemnité (saisine du 20 janvier 2015, RG n° 15/00016).

En revanche, il y a lieu de rajouter à ces termes de comparaison, une vente dont il est fait état par l'établissement public foncier de Provence Alpes Côte d'Azur, références publicitaire 2013 P02590, vente du 31 juillet 2013 et concernant un jardin à Beausoleil de 225 m2 pour un prix de 1556 € par m2.

Rajoutant ce terme à ceux cités par Madame le Commissaire du Gouvernement, on aboutît à une valeur moyenne au m2 de 1.424,06 € arrondis à 1.424 €/ m2.

En conséquence, la valeur vénale retenue de ces parcelles peut se calculer ainsi :

1.424 € x 335 m2 = 477.040 €.

Outre indemnité de remploi: 48.704 €

Total = 525.744 € » ;

ALORS QUE par application des dispositions des articles L 213-4, L 213-6 du code de l'urbanisme et L 322-2 du code de l'expropriation, la date de référence à retenir en vue de fixer les indemnités d'expropriation d'un bien soumis au droit de préemption, est celle à laquelle est devenue opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, révisant ou modifiant le POS ou approuvant, révisant ou modifiant le PLU et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien ; qu'entre dans les prévisions de l'article L 213-4 la mise en compatibilité d'un PLU par une déclaration d'utilité publique, laquelle a un objet et des effets identiques à ceux d'une modification ou d'une révision, à savoir le changement de la réglementation d'urbanisme applicable ou du zonage, quand bien même elle obéit à une procédure distincte de celle de la révision ou de la modification du PLU ; qu'en refusant de fixer la date de référence au 10 décembre 2013, date de publicité de la déclaration d'utilité publique emportant mise en compatibilité du PLU, et en fixant celle-ci au 30 janvier 2008, date d'approbation du PLU devenue opposable aux tiers, la cour d'appel a violé les articles L. 213-4, L 213-6 du code de l'urbanisme et L 322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

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