24 mai 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-15.907

Première chambre civile - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2018:C110329

Texte de la décision

CIV. 1

CGA



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 24 mai 2018




Rejet non spécialement motivé


Mme BATUT, président



Décision n° 10329 F

Pourvoi n° W 16-15.907







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par Mme A... X..., domiciliée [...] ,

contre l'arrêt rendu le 9 février 2016 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre A), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. Ludovic Y..., domicilié [...] ,

2°/ à M. Maximilien Y..., domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 10 avril 2018, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Z..., conseiller rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de Mme X..., de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de MM. Ludovic et Maximilien Y... ;

Sur le rapport de M. Z..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à MM. Ludovic et Maximilien Y... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours formé par Mme A... X... contre la décision du greffier en chef du tribunal de grande instance de Draguignan du 19 novembre 2014 portant reconnaissance en France du jugement du tribunal de première instance de Genève du 24 mars 2014,

Aux motifs que « par jugement en date du 24 mars 2014, le tribunal de première instance de Genève, saisi par M. Ludovic Y... et M. Maximilian Y..., seuls héritiers légaux de leur père, B... Y..., après s'être déclaré compétent, a condamné Mme A... X... à verser aux consorts Y... pris collectivement la somme de 2 330 000 euros assortie des intérêts au taux de 5 % l'an depuis le 25 décembre 2012, outre les frais judiciaires arrêtés à la somme de 10 000 francs suisses et les dépens fixés à 10 000 francs suisses ; que M. Ludovic Y... et M. Maximilian Y... en demandent l'exécution en France contre Mme A... X... et ont obtenu, en application des dispositions des articles 38 et suivants de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007, la reconnaissance de cette décision en France, suivant décision du greffier du tribunal de grande instance de Draguignan du 19 novembre 2014 ; que Mme A... X... exerce le recours prévu par l'article 43 de la convention devant la cour d'appel de céans ; qu'il convient de rejeter l'argumentation de Mme A... X... fondée sur le fait que le jugement ne lui aurait pas été valablement notifié, en l'état de sa publicité par voie édictale ; qu'en effet, il ressort des mentions du jugement et des pièces de la procédure genevoise produites aux débats par les intimés les éléments suivants : - Mme A... X..., qui était constituée et représentée devant le tribunal de première instance de Genève en audience de conciliation du 23 avril 2013, a révoqué le mandat donné à son conseil en octobre 2013 et n'a pas fait réponse à l'ordonnance du 5 novembre 2013 lui faisant injonction, à raison de son domicile en France et de la cessation du mandat de représentation de son précédent conseil, d'élire domicile en Suisse ; - cette ordonnance lui a été notifiée par lettre recommandée avec avis de réception à son adresse à [...], ainsi qu'en atteste l'accusé de réception transmis par la greffière de la 11ème chambre du tribunal de première instance de Genève ; - cette ordonnance indiquait de manière exprès à l'intéressée qu'à défaut d'élection de domicile en Suisse, la décision serait notifiée par voie édictale, c'est à dire publiée dans la feuille d'avis officielle ; - le dispositif de la décision a bien été publié à la feuille d'avis officielle du 1er avril 2014 avec indication des voies de recours ouverte aux parties ; qu'il apparaît, au regard de ces éléments, que la notification a été faite de manière régulière, conformément aux dispositions du code de procédure civile suisse ; que Mme A... X... en a été informée et qu'il lui appartenait de prendre toutes dispositions pour intervenir à la procédure ou, à tout le moins, constituer un domicile élu en Suisse ; qu'il y a lieu ensuite de constater que la décision du tribunal de première instance de Genève a fait l'objet d'un certificat de non appel délivré le 4 juin 2014 par le greffier de la Cour de justice de la République et canton de Genève et que le greffier du tribunal de première instance de Genève a établi, le 29 septembre 2014, un certificat correspondant aux prévisions de l'article 54 de la convention attestant que la décision en cause est exécutoire dans l'Etat d'origine et permettant donc d'obtenir sa reconnaissance dans l'Etat requis ; qu'il convient de rejeter l'argumentation de Mme A... X... fondée sur les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme en ce qu'il ne serait pas justifié de la publicité des débats et de la décision rendue ; qu'en effet, le jugement a été rendu par le tribunal "statuant par voie de procédure ordinaire", ce qui permet de retenir, au regard du code de procédure civile suisse, que les débats ont été publics et que la décision rendue est accessible au public, à défaut de démonstration par Mme A... X... que

ces dispositions n'auraient pas été appliquées en l'espèce ; qu'aux termes des articles 34.1 et 34.2 de la Convention de Lugano, la décision n'est pas reconnue si la reconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'Etat requis ou si l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent n'a pas été notifié ou signifié au défendeur défaillant en temps utile ; qu'il est allégué que la reconnaissance serait contraire à l'ordre public français au motif que le litige porterait sur la succession de B... Y... et relèverait du droit français, mais qu'il sera vu plus loin que la demande a trait, non pas au règlement de la succession, mais au paiement de sommes remises par le défunt à la défenderesse ayant donné lieu, de la part de la juridiction suisse, à une appréciation du caractère libéral de cette remise ou de la qualification de prêt ; que par ailleurs, il a été vu plus haut que Mme A... X... avait été régulièrement appelée devant la juridiction genevoise et qu'elle y avait été représentée jusqu'à ce qu'elle mette volontairement fin au mandat donné à son conseil ; que l'article 35.1 de la Convention de Lugano prévoit en outre que la décision n'est pas reconnue si les dispositions des sections 3, 4 et 6 du titre II ont été méconnues et dans les cas prévus par l'article 64 § 3 ou 67 § 4 ; qu'ainsi, la reconnaissance peut être refusée si le juge de l'Etat d'origine a fait application d'une règle de compétence qui diffère de celles prévues par la convention et des règles susceptibles de recevoir application dans l'Etat requis ; que sur ce fondement Mme A... X... fait valoir que la reconnaissance doit être rejetée au motif que la juridiction suisse aurait méconnu les règles de droit international privé françaises en retenant sa compétence et l'application de la loi suisse, alors, selon elle, que le litige a trait à la succession de B... Y..., ayant son domicile en France, dont la succession relève en conséquence de la loi française et des juridictions françaises ; qu'il convient de relever que le tribunal de Genève s'est précisément interrogé sur sa compétence, en application des dispositions de la Convention de Lugano, à la lumière de la loi suisse, mais également des règles de droit international privé ; qu'il a retenu que le litige portait sur le remboursement d'une somme d'argent et devait donc être qualifié de litige de nature civile et commerciale, et qu'il n'entrait pas dans la catégorie des litiges à caractère successoral dès lors que le contrat dont l'exécution était demandée était antérieur au décès ; que la compétence pouvait être retenue, en application de l'article 5 alinéa 1 a de la convention à raison du lieu d'exécution de l'obligation situé au domicile du créancier et, en raison du décès de B... Y..., au lieu d'ouverture de sa succession, soit à Genève ; que s'il appartient à la juridiction de l'Etat requis de vérifier que les règles de compétence internationale ont bien été respectées, il y a lieu de rappeler qu'en application de l'article 35.2 de la Convention de Lugano, lors de cette appréciation, l'autorité requise est liée par les constatations de fait sur lesquelles la juridiction de l'Etat d'origine a fondé sa compétence ; que le tribunal de première instance de Genève a constaté que la succession de B... Y... avait été ouverte en Suisse ; qu'il s'agit d'une constatation de fait justifiée par les différents éléments étudiés par le tribunal, notamment le fait que B... Y... était établi à Genève depuis le 21 mars 2004 et domicilié dans l'appartement dont il était propriétaire et qu'il était soumis au fisc français en qualité de non résident ; que dès lors, Mme A... X..., dont la sommation de communiquer des pièces justifiant du domicile du défunt en Suisse est dépourvue d'intérêt, ne peut remettre en cause cette constatation de fait pour soutenir que la succession de B... Y... devrait être ouverte en France et soumise à la loi française ; qu'il doit être ajouté, au surplus, qu'il est établi par un courrier du tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant de Genève du 2 septembre 2014 que la succession de B... Y... a bien été ouverte à Genève : que la question de la qualification de la remise des fonds par B... Y... à Mme A... X... en donation ou en contrat de prêt intéresse le fond du litige et échappe en conséquence à l'appréciation de la reconnaissance de la décision étrangère ; qu'il convient en conséquence de débouter Mme A... X... de son recours contre la reconnaissance en France du jugement du tribunal de première instance de Genève du 24 mars 2014 telle qu'elle ressort de la décision du greffier en chef du tribunal de grande instance de Draguignan du 19 novembre 2014 » ;

Alors 1°) que l'article 1, 2, lit. a de la Convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, conclue à Lugano le 30 octobre 2007, prévoit que sont exclus de son application l'état et la capacité des personnes physiques, les régimes matrimoniaux, les testaments et les successions ; que, dans ses écritures d'appel, Mme X... a fait valoir que les sommes dont le remboursement lui avait été réclamé devant la juridiction suisse avaient fait l'objet à son égard d'un don manuel de la part de B... Y..., dont elle était la compagne, et qu'ainsi la matière litigieuse ressortait aux successions et était soumise au droit français, de sorte que la juridiction suisse n'avait pas compétence pour trancher le litige ; que, pour reconnaître le jugement du 24 mars 2014 rendu par le tribunal de première instance de Genève et lui conférer l'exéquatur, la cour d'appel a énoncé que le tribunal avait constaté l'ouverture de la succession de B... Y... en Suisse et que la question de la qualification de la remise des fonds par B... Y... à Mme A... X... en donation ou en contrat de prêt intéresse le fond du litige et échappe en conséquence à l'appréciation de la reconnaissance de la décision étrangère ; qu'en statuant ainsi cependant que la qualification de la remise des fonds litigieux à Mme X... devait permettre la qualification de la matière litigieuse, déterminant l'application de la Convention de Lugano, la cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble l'article 3 du code civil ;

Alors 2°) et en toute hypothèse que suivant l'article 35, 1 de la Convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, conclue à Lugano le 30 octobre 2007, les décisions ne sont pas reconnues si les dispositions des sections 3, 4 et 6 du titre II ont été méconnues, ainsi que dans le cas prévu à l'art. 68 ; qu'il en résulte que la décision rendue par un juge incompétent suivant les règles de conflit de la Convention de Lugano ne peut être reconnue ; que, dans ses écritures d'appel, Mme X... a fait valoir que les sommes dont le remboursement lui avait été réclamé devant la juridiction suisse avaient fait l'objet à son égard d'un don manuel de la part de B... Y..., dont elle était la compagne, et qu'ainsi la matière litigieuse ressortait aux successions et était soumise au droit français, de sorte que la juridiction suisse n'avait pas compétence pour trancher le litige ; que, pour reconnaître le jugement du 24 mars 2014 rendu par le tribunal de première instance de Genève et lui conférer l'exéquatur, la cour d'appel a énoncé que le tribunal avait constaté l'ouverture de la succession de B... Y... en Suisse et que la question de la qualification de la remise des fonds par B... Y... à Mme A... X... en donation ou en contrat de prêt intéresse le fond du litige et échappe en conséquence à l'appréciation de la reconnaissance de la décision étrangère ; qu'en statuant ainsi cependant que la qualification de la remise des fonds litigieux à Mme X... devait permettre de vérifier la compétence de la juridiction de suisse, suivant les critères de la Convention de Lugano, la cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble l'article 3 du code civil.

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