11 décembre 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-80.872

Chambre criminelle - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2018:CR03062

Titres et sommaires

GARDE A VUE - Placement en garde à vue - Majeur protégé - Existence d'une mesure de protection juridique - Information du représentant légal - Défaut - Portée

Il appartient aux enquêteurs, conformément à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, d'aviser le représentant légal d'une personne protégée de son placement en garde à vue lorsque les éléments recueillis au cours de ladite mesure sont suffisants pour faire apparaître que l'intéressé bénéficie d'une tutelle ou curatelle en cours. Il ne saurait être reproché à la chambre de l'instruction d'avoir écarté le moyen de nullité pris de ce que le curateur du suspect n'a pas été informé de son placement en garde à vue, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces de la procédure que les enquêteurs avaient connaissance de la mesure de protection dont le suspect bénéficiait au temps de la garde à vue

Texte de la décision

N° B 18-80.872 FS-P+B

N° 3062

CK
11 DÉCEMBRE 2018


REJET


M. SOULARD président,




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

REJET du pourvoi formé par M. Mehdi X..., contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, en date du 21 décembre 2017, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 19 septembre 2017, n° 17-81.919), dans l'information suivie contre lui du chef de tentative de meurtre aggravée, a prononcé sur sa requête en nullité de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 13 novembre 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, M. Straehli, Mme Durin-Karsenty, MM. Ricard, Parlos, Bonnal, Mme Ménotti, conseillers de la chambre, M. Barbier, Mme de-Lamarzelle, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Lagauche ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Barbier, les observations de la société civile professionnelle CÉLICE, SOLTNER, TEXIDOR et PÉRIER, Me LAURENT GOLDMAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAGAUCHE ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 20 avril 2018, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 19 août 2016, M. Mehdi X..., criant "Allah Akbar", a porté un coup de couteau sur la personne de M. Jean-Louis A..., qui rentrait chez lui, dont la confession juive ressortait de sa tenue vestimentaire, le blessant au thorax ; qu'interpellé sur le lieu des faits, M. X... a été placé en garde à vue, interrogé, puis déféré devant le procureur de la République de Strasbourg, qui a ouvert une information par réquisitoire introductif du 20 août 2016 ; qu'il a été mis en examen le même jour par le juge d'instruction du chef de tentative d'homicide volontaire en raison de l'appartenance réelle ou supposée de la victime à la religion juive ;

Attendu qu'il est apparu qu'aucun avis n'a été adressé au curateur de l'intéressé, qui s'est avéré atteint de psychose délirante chronique et bénéficiaire d'une mesure de protection légale par jugement du 27 décembre 2013 du tribunal de grande instance de Strasbourg ; que par requête en date du 11 octobre 2016, le conseil de M. X... a sollicité l'annulation de la mesure de garde à vue ainsi que de l'ensemble des actes subséquents par suite du non-respect des dispositions des articles 706-112 à 706-116 du code de procédure pénale ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 706-113, D. 47-14, 591 et 593 du code de procédure pénale :

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête en annulation de pièces de M. X... ;

"aux motifs qu'aux termes des dispositions des articles 706-113 et D 47-14 du code de procédure pénale, le procureur de la République ou le juge d'instruction avise le curateur ou le tuteur, ainsi que le juge des tutelles, des poursuites dont la personne fait l'objet, que ces dispositions ne sont applicables que lorsque les éléments recueillis au cours de ces procédures font apparaître que la personne fait l'objet d'une mesure de protection juridique dans les conditions prévues au titre XI du livre 1er du code civil ; que si les éléments de la procédure font apparaître un doute sur l'existence d'une mesure de protection juridique, le procureur de la République, le juge d'instruction ou la juridiction de jugement procède ou fait procéder aux vérifications nécessaires ; que les poursuites doivent s'entendre de l'ensemble des actes accomplis à compter de la décision formalisée par le procureur de la République d'exercer l'action publique ou encore de mettre en oeuvre certaines des mesures alternatives aux poursuites ; qu'avant les poursuites il y a le temps de l'enquête au cours de laquelle une personne suspectée peut être placée en garde à vue, dans certains cas, s'il existe des raisons rendant plausible sa participation aux faits mais qu'à ce stade, elle ne fait l'objet que de soupçons, son sort étant subordonné à la décision du procureur de la République dans l'exercice de son pouvoir d'opportunité des poursuites ; que les dispositions textuelles visées ci-dessus n'imposent l'avis au curateur ou au tuteur qu'au stade de la poursuite et non de l'enquête et du placement en garde à vue ; qu'en effet l'article 63-2 du code de procédure pénale dispose seulement que la personne placée en garde à vue peut faire prévenir son curateur ou son tuteur de la mesure dont elle est l'objet et ce au même titre qu'un membre de sa famille, de son conjoint ou de la personne avec laquelle elle vit, de son employeur ; qu'en l'espèce, lors de la notification de ses droits, M. X... a expressément déclaré qu'il ne souhaitait faire prévenir ni un membre de sa famille, ni une personne avec laquelle il vit habituellement, ni son employeur, ni son tuteur, ni son curateur, cette formulation reprenant les termes de l'article 63-2 du code de procédure pénale sans qu'il puisse en être tiré une quelconque conclusion sur l'existence ou non d'une mesure de protection juridique à son profit" (...) ; "qu'il convient de réaffirmer comme l'a écrit précédemment la chambre de l'instruction de Colmar, que toutes les personnes souffrant de troubles psychiatriques ne bénéficient pas nécessairement d'une mesure de protection juridique dans les conditions prévues au titre XI du Livre 1er du code civil ; qu'ainsi la réalisation d'un nouvel examen psychiatrique seize jours après celui de M. B..., médecin, ne pouvait avoir aucune incidence sur la démonstration de l'existence et l'actualité ou non d'une mesure de protection juridique ; qu'à aucun moment au cours de sa garde à vue, M. X... n'a fait mention d'une quelconque référence à un placement sous mesure de protection juridique ; que si ses proches ont fait état de sa pathologie mentale, ils n'ont également pas fait mention d'une telle mesure ; qu'enfin, interrogé par le procureur de la République lors de son déferrement aux fins de comparution immédiate du 4 août 2016, M. X... a déclaré "je ne suis pas sous tutelle. Je gère mon compte. Je suis en procès avec mon tuteur qui me volait" ; mais qu'en l'espèce, les déclarations du beau-frère et de la soeur de M. X... indiquant que ce dernier souffrait de schizophrénie, l'existence d'une déclaration de main-courante datant de 2006 mentionnant que l'intéressé se trouvait sous curatelle et l'expertise de M. B..., médecin du 3 août 2016 jointe à la procédure relatant l'existence d'une mesure de tutelle, constituaient des éléments faisant apparaître un doute sur l'existence d'une mesure de protection et devaient conduire le procureur de la République, malgré les dénégations de M. X..., à effectuer les vérifications nécessaires afin d'établir l'existence actuelle d'une telle mesure ; que toutefois, il convient de relever que l'ouverture à l'encontre de M. X... d'une information du chef de tentative d'homicide volontaire en raison de l'apparence réelle ou supposée de la victime à la religion juive est intervenue alors que M. X... a été poursuivi pour des faits identiques commis en 2010 avant d'être déclaré pénalement irresponsable par la chambre de l'instruction de Colmar le 19 décembre 2011 ; qu'il a fait l'objet d'une mesure d'hospitalisation complète sous contrainte jusqu'au 23 juillet 2012, date à laquelle il est sorti de l'hôpital psychiatrique sur décision médicale ; qu'au cours de la première quinzaine d'août 2016, il a multiplié les actes de délinquance d'une gravité croissante : - en commettant le 2 août 2016 des actes de dégradation de biens d'utilité publique au préjudice de la CPAM de Strasbourg, faits pour lesquels il a été condamné par jugement du tribunal correctionnel de Strasbourg du 4 août 2016 statuant selon la procédure de comparution immédiate avant d'être à nouveau déclaré pénalement irresponsable par arrêt de la chambre des appels correctionnels de Colmar du 25 avril 2017, - en proférant dès le 8 août 2016 des insultes à l'égard du personnel de la CPAM de Strasbourg et en faisant l'objet à cette même date d'un arrêté préfectoral de réadmission en hospitalisation complète manifestement non suivi d'effets - puisque dès le 19 août 2016, M. X... a été interpellé alors qu'il venait d'agresser avec un couteau M. A... présentant des signes distinctifs de sa religion juive ; qu'ainsi informé de la dangerosité pour autrui de M. X... et de l'absence d'exécution de l'arrêté préfectoral du 9 août 2016, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Strasbourg ne pouvait manifestement pas, compte-tenu des risques que M. X... faisait courir à la sécurité et à l'ordre public et de la carence de l'autorité préfectorale dans sa prise en charge, différer sa décision sur les poursuites ; que cette décision a été prise suite aux informations qui lui ont été transmises par le service enquêteur le vendredi à 18 h 50 ; qu'un vendredi et à cette heure le procureur de la République ne pouvait consulter ni le greffe du juge des tutelles, ni le répertoire civil du tribunal de grande instance du lieu de naissance de l'intéressé, ni le service central de l'état civil de Nantes dépendant du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, M. X... étant né à l'étranger ; que seules ces consultations successives sont de nature à vérifier, en toute circonstance, l'existence actuelle d'une mesure de tutelle ou curatelle et à connaître l'identité du tuteur ou curateur, personne physique ou personne morale, devant être avisé des poursuites engagées ; qu'il sera en effet relevé que le greffe du juge des tutelles du domicile du majeur protégé transmet au répertoire civil du lieu de naissance de l'intéressé ou au service central de l'état civil, un extrait de la décision de protection juridique sur lequel ne figure que le type, la date et la durée de la mesure prononcée mais non la désignation par son identité et son adresse de l'organisme tutélaire ou de la personne physique en charge de la mesure lesquelles ne figurent que dans la décision du juge des tutelles ; que l'obtention de ces informations indispensables à l'avis au tuteur ou curateur imposé par l'article 706-113 du code de procédure pénale impose l'interrogation du juge des tutelles ayant prononcé la mesure ; qu'ainsi en l'espèce, l'absence de fichier national des mesures de protection juridique consultable par l'autorité judiciaire dans les mêmes conditions que le fichier central du casier judiciaire, s'ajoutant aux dénégations de M. X..., à l'absence d'indication de ses proches sur ce point précis ainsi qu'à l'impossibilité pour le procureur de la République de différer sa décision de poursuite en raison de la dangerosité du mis en cause et de sa réitération d'actes violents de plus en plus graves dans un délai très court, constitue une circonstance insurmontable faisant obstacle à la vérification prévue par les dispositions sus visées tant pour le procureur de la République que pour le juge d'instruction ; que le moyen de nullité sera donc rejeté" ;

"alors que, par mémoire distinct, il est sollicité la transmission au Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité visant à l'abrogation de l'article 706-113 du code de procédure pénale en ce qu'il limite l'obligation faite au procureur de la République ou au juge d'instruction d'aviser le tuteur ou le curateur ainsi que le juge des tutelles à la seule hypothèse de l'engagement de poursuites à l'encontre de la personne protégée, sans étendre cette obligation au placement d'une personne protégée en garde à vue ; que l'abrogation qui interviendra entraînera la cassation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de la garde à vue de M. X..." ;

Attendu que, par décision n° 2018-730 QPC du 14 septembre 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré le premier alinéa de l'article 706-113 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, contraire à la Constitution ;

Qu'il a cependant ajouté que ladite déclaration ne prendrait effet qu'au 1er octobre 2019 et que les mesures prises ayant donné lieu, avant cette date, à l'application des dispositions déclarées contraires à la Constitution et les mesures de garde à vue prises avant cette date ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité ;

D'où il suit que le moyen est devenu sans objet ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 706-113, D. 47-14, 591 et 593 du code de procédure pénale :

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête en annulation de pièces de M. X... ;

"aux motifs qu'"aux termes des dispositions des articles 706-113 et D 47-14 du code de procédure pénale, le procureur de la République ou le juge d'instruction avise le curateur ou le tuteur, ainsi que le juge des tutelles, des poursuites dont la personne fait l'objet, que ces dispositions ne sont applicables que lorsque les éléments recueillis au cours de ces procédures font apparaître que la personne fait l'objet d'une mesure de protection juridique dans les conditions prévues au titre XI du livre 1er du code civil ; que si les éléments de la procédure font apparaître un doute sur l'existence d'une mesure de protection juridique, le procureur de la République, le juge d'instruction ou la juridiction de jugement procède ou fait procéder aux vérifications nécessaires ; que les poursuites doivent s'entendre de l'ensemble des actes accomplis à compter de la décision formalisée par le procureur de la République d'exercer l'action publique ou encore de mettre en oeuvre certaines des mesures alternatives aux poursuites; qu'avant les poursuites il y a le temps de l'enquête au cours de laquelle une personne suspectée peut être placée en garde à vue, dans certains cas, s'il existe des raisons rendant plausible sa participation aux faits mais qu'à ce stade, elle ne fait l'objet que de soupçons, son sort étant subordonné à la décision du procureur de la République dans l'exercice de son pouvoir d'opportunité des poursuites ; que les dispositions textuelles visées ci-dessus n'imposent l'avis au curateur ou au tuteur qu'au stade de la poursuite et non de l'enquête et du placement en garde à vue ; qu'en effet l'article 63-2 du code de procédure pénale dispose seulement que la personne placée en garde à vue peut faire prévenir son curateur ou son tuteur de la mesure dont elle est l'objet et ce au même titre qu'un membre de sa famille, de son conjoint ou de la personne avec laquelle elle vit, de son employeur ; qu'en l'espèce, lors de la notification de ses droits, M. X... a expressément déclaré qu'il ne souhaitait faire prévenir ni un membre de sa famille, ni une personne avec laquelle il vit habituellement, ni son employeur, ni son tuteur, ni son curateur, cette formulation reprenant les termes de l'article 63-2 du code de procédure pénale sans qu'il puisse en être tiré une quelconque conclusion sur l'existence ou non d'une mesure de protection juridique à son profit" (...) ; "qu'il convient de réaffirmer comme l'a écrit précédemment la chambre de l'instruction de Colmar, que toutes les personnes souffrant de troubles psychiatriques ne bénéficient pas nécessairement d'une mesure de protection juridique dans les conditions prévues au titre XI du livre 1er du code civil ; qu'ainsi la réalisation d'un nouvel examen psychiatrique seize jours après celui de M. B..., médecin, ne pouvait avoir aucune incidence sur la démonstration de l'existence et l'actualité ou non d'une mesure de protection juridique ; qu'à aucun moment au cours de sa garde à vue, M. X... n'a fait mention d'une quelconque référence à un placement sous mesure de protection juridique ; que si ses proches ont fait état de sa pathologie mentale, ils n'ont également pas fait mention d'une telle mesure ; qu'enfin, interrogé par le procureur de la République lors de son déferrement aux fins de comparution immédiate du 4 août 2016, M. X... a déclaré "je ne suis pas sous tutelle. Je gère mon compte. Je suis en procès avec mon tuteur qui me volait" ; mais qu'en l'espèce, les déclarations du beau-frère et de la soeur de M. X... indiquant que ce dernier souffrait de schizophrénie, l'existence d'une déclaration de main-courante datant de 2006 mentionnant que l'intéressé se trouvait sous curatelle et l'expertise de M. B..., médecin, du 3 août 2016 jointe à la procédure relatant l'existence d'une mesure de tutelle, constituaient des éléments faisant apparaître un doute sur l'existence d'une mesure de protection et devaient conduire le procureur de la République, malgré les dénégations de M. X..., à effectuer les vérifications nécessaires afin d'établir l'existence actuelle d'une telle mesure ; que toutefois, il convient de relever que l'ouverture à l'encontre de M. X... d'une information du chef de tentative d'homicide volontaire en raison de l'apparence réelle ou supposée de la victime à la religion juive est intervenue alors que M. X... a été poursuivi pour des faits identiques commis en 2010 avant d'être déclaré pénalement irresponsable par la chambre de l'instruction de Colmar le 19 décembre 2011 ; qu'il a fait l'objet d'une mesure d'hospitalisation complète sous contrainte jusqu'au 23 juillet 2012, date à laquelle il est sorti de l'hôpital psychiatrique sur décision médicale ; qu'au cours de la première quinzaine d'août 2016, il a multiplié les actes de délinquance d'une gravité croissante : - en commettant le 2 août 2016 des actes de dégradation de biens d'utilité publique au préjudice de la CPAM de Strasbourg, faits pour lesquels il a été condamné par jugement du tribunal correctionnel de Strasbourg du 4 août 2016 statuant selon la procédure de comparution immédiate avant d'être à nouveau déclaré pénalement irresponsable par arrêt de la chambre des appels correctionnels de Colmar du 25 avril 2017, - en proférant dès le 8 août 2016 des insultes à l'égard du personnel de la CPAM de Strasbourg et en faisant l'objet à cette même date d'un arrêté préfectoral de réadmission en hospitalisation complète manifestement non suivi d'effets - puisque dès le 19 août 2016, M. X... a été interpellé alors qu'il venait d'agresser avec un couteau M. A... présentant des signes distinctifs de sa religion juive ; qu'ainsi informé de la dangerosité pour autrui de M. X... et de l'absence d'exécution de l'arrêté préfectoral du 9 août 2016, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Strasbourg ne pouvait manifestement pas, compte-tenu des risques que M. X... faisait courir à la sécurité et à l'ordre publics et de la carence de l'autorité préfectorale dans sa prise en charge, différer sa décision sur les poursuites ; que cette décision a été prise suite aux informations qui lui ont été transmises par le service enquêteur le vendredi à 18 h 50 ; qu'un vendredi et à cette heure le procureur de la République ne pouvait consulter ni le greffe du juge des tutelles, ni le répertoire civil du tribunal de grande instance du lieu de naissance de l'intéressé, ni le service central de l'état civil de Nantes dépendant du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, M. X... étant né à l'étranger ; que seules ces consultations successives sont de nature à vérifier, en toute circonstance, l'existence actuelle d'une mesure de tutelle ou curatelle et à connaître l'identité du tuteur ou curateur, personne physique ou personne morale, devant être avisé des poursuites engagées ; qu'il sera en effet relevé que le greffe du juge des tutelles du domicile du majeur protégé transmet au répertoire civil du lieu de naissance de l'intéressé ou au service central de l'état civil, un extrait de la décision de protection juridique sur lequel ne figure que le type, la date et la durée de la mesure prononcée mais non la désignation par son identité et son adresse de l'organisme tutélaire ou de la personne physique en charge de la mesure lesquelles ne figurent que dans la décision du juge des tutelles ; que l'obtention de ces informations indispensables à l'avis au tuteur ou curateur imposé par l'article 706-113 du code de procédure pénale impose l'interrogation du juge des tutelles ayant prononcé la mesure ; qu'ainsi en l'espèce, l'absence de fichier national des mesures de protection juridique consultable par l'autorité judiciaire dans les mêmes conditions que le fichier central du casier judiciaire, s'ajoutant aux dénégations de M. X..., à l'absence d'indication de ses proches sur ce point précis ainsi qu'à l'impossibilité pour le procureur de la République de différer sa décision de poursuite en raison de la dangerosité du mis en cause et de sa réitération d'actes violents de plus en plus graves dans un délai très court, constitue une circonstance insurmontable faisant obstacle à la vérification prévue par les dispositions sus visées tant pour le procureur de la République que pour le juge d'instruction; que le moyen de nullité sera donc rejeté" ;

"1°) alors que le respect du droit à un procès équitable suppose que le tuteur ou le curateur, ainsi que le juge des tutelles, soient avisés dès qu'une personne protégée doit se défendre d'une accusation pénale ; que tel est le cas lorsqu'une personne protégée est placée en garde à vue ; que la seule possibilité offerte à la personne protégée de faire prévenir son curateur ou son tuteur de la garde à vue dont elle est l'objet ne suffit pas à garantir le respect effectif de ce droit ; qu'en affirmant que l'obligation faite au procureur de la République ou au juge d'instruction d'aviser le curateur ou le tuteur ainsi que le juge des tutelles ne s'applique pas au stade du placement en garde à vue d'une personne protégée, la chambre de l'instruction a violé les textes visés au moyen ;

"2°) alors que le procureur de la République ou le juge d'instruction est tenu d'aviser le curateur ou le tuteur, ainsi que le juge des tutelles, des poursuites dont un majeur protégé fait l'objet ; que l'inobservation de cette formalité entache de nullité la procédure, alors même qu'il n'est pas établi que le procureur ou le juge aient eu connaissance de la mesure de protection juridique dont bénéficiait l'intéressé ; qu'au cas d'espèce, la chambre de l'instruction a constaté que M. X... avait été placé sous curatelle par jugement du 25 juillet 2002 et que la mesure de curatelle renforcée avait été transformée en curatelle simple pour une durée de 60 mois par jugement du 27 décembre 2013, mais que son tuteur n'avait été averti ni de la mesure de garde à vue, ni de sa présentation au procureur de la République, ni de sa première comparution devant le juge d'instruction, ni de sa mise en examen, ni d'aucun acte subséquent ; qu'en se fondant, pour dire néanmoins la procédure régulière, sur la circonstance que le procureur de la République et le juge d'instruction avaient pu ne pas avoir connaissance de la mesure de protection dont M. X... faisait l'objet, la chambre de l'instruction s'est déterminée par des motifs inopérants en violation de l'article 706-113 du code de procédure pénale ;

"3°) alors que la chambre de l'instruction ne pouvait, sans se contredire en violation des textes visés au moyen, énoncer que "malgré les dénégations de M. X...", il existait, du fait notamment des "déclarations du beau-frère et de la soeur de M. X... indiquant que ce dernier souffrait de schizophrénie", "des éléments faisant apparaître un doute sur l'existence d'une mesure de protection qui devaient conduire le procureur de la République à effectuer les vérifications nécessaires afin d'établir l'existence actuelle d'une telle mesure" et juger que les "dénégations de M. X..." et "l'absence d'indication de ses proches sur ce point précis [le placement de M. X... sous curatelle]" constituaient des obstacles insurmontables à la réalisation de ces vérifications ;

"4°) alors qu'en se bornant, pour dire n'y avoir lieu à annulation, à faire état de ce que l'ouverture d'une information judiciaire avait été requise un vendredi soir après la fermeture du greffe du juge des tutelles, de l'impossibilité pour le procureur de la République de différer l'engagement de poursuites et de l'absence de fichier national des mesures de protection juridique consultable en permanence sur le modèle du fichier central du casier judiciaire, la chambre de l'instruction n'a pas caractérisé, en violation des textes visés au moyen, une circonstance insurmontable faisant obstacle à la vérification d'une éventuelle mesure de protection visant M. X..., vérification au demeurant susceptible d'être effectuée au cours de la garde à vue dont celui-ci avait fait l'objet" ;

Sur le moyen, pris en sa première branche :

Attendu que, pour rejeter la requête en nullité de la procédure prise de ce que le curateur de M. X... n'a pas été informé du placement en garde à vue de l'intéressé, l'arrêt relève, d'une part, que l'article 706-113 du code de procédure pénale ne prescrit pas cet avis au moment du placement en garde à vue, mesure d'enquête et non de poursuite, d'autre part, qu'il est loisible au gardé à vue, en application de l'article 63-2 du code de procédure pénale, de faire prévenir son curateur ou son tuteur de la mesure dont il est l'objet ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors qu'il ne ressort pas des pièces de la procédure que les éléments recueillis au cours de la garde à vue étaient suffisants pour faire apparaître que M. X... bénéficiait d'une mesure de protection juridique en cours, laquelle aurait nécessité que son représentant légal fût avisé de la mesure par les enquêteurs, la chambre de l'instruction a justifié sa décision au regard de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

D'où il suit que le grief ne saurait être admis ;

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche :

Attendu que le grief, qui reproche à la cour de renvoi d'avoir statué en conformité de la doctrine de l'arrêt qui l'avait saisie, est irrecevable ;

Sur le moyen, pris en ses autres branches :

Attendu que, pour écarter l'argumentation du mis en examen, qui faisait valoir qu'il incombait, à peine de nullité, au procureur de la République ou au juge d'instruction d'aviser son curateur de son interrogatoire de première comparution, l'arrêt relève notamment que si des éléments faisant apparaître un doute sur l'existence d'une mesure de protection devaient conduire le procureur de la République, malgré les dénégations de l'intéressé, à effectuer les vérifications nécessaires afin d'établir l'existence actuelle d'une telle mesure, des circonstances insurmontables ont fait obstacle à la vérification qui s'imposait, dès lors que, d'une part, informé de la dangerosité pour autrui de M. X..., résultant de la multiplication par l'intéressé d'actes de délinquance d'une gravité croissante commis au cours de la première quinzaine d'août 2016, ainsi que de la carence de l'autorité administrative, faute d'exécution d'un l'arrêté préfectoral de réadmission de M. X... en hospitalisation complète du 9 août 2016, le procureur de la République ne pouvait différer sa décision sur les poursuites, d'autre part, à l'heure de cette décision, prise suite aux informations qui lui ont été transmises par le service enquêteur, le vendredi à 18 h 50, le procureur de la République, non plus que le juge d'instruction, faute de fichier national des mesures de protection juridique consultable par l'autorité judiciaire dans les mêmes conditions que le fichier central du casier judiciaire, ne pouvaient ni vérifier l'existence d'une mesure de protection ni prendre connaissance de l'identité du curateur, le juge des tutelles détenant seul cette information ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisances comme de contradiction, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 618-1 du code de procédure pénale.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze décembre deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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