8 janvier 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-83.470

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2019:CR03034

Texte de la décision

N° E 17-83.470 F-D

N° 3034


SM12
8 JANVIER 2019


CASSATION PARTIELLE




M. SOULARD président,









R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. I... X...,
- Mme Mélanie Y...,
- M. Christophe Z...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 27 avril 2017, qui a condamné le premier, pour diffamation publique envers un particulier et diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, à 1 500 euros d'amende et les deux derniers, pour complicité de ces délits, à 1 000 euros d'amende chacun, et a prononcé sur les intérêts civils ;









La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 13novembre2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale: M. Soulard, président, Mme G..., conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire G..., les observations de la société civile professionnelle DE CHAISEMARTIN, DOUMIC-SEILLER, la société civile professionnelle CÉLICE, SOLTNER, TEXIDOR et PÉRIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M.l'avocat général A... ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de la procédure qu'au terme d'une information ouverte sur la plainte de M. Jean-François B..., qui était alors président du parti "l'Union pour un mouvement populaire" (UMP), après en avoir présidé le groupe parlementaire à l'Assemblée nationale, M. I... X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs susmentionnés pour avoir, le 27 février 2014, en sa qualité de directeur de la publication, fait paraître dans le magazine Le Point un article intitulé "L'affaire B..." comportant les passages suivants :
- "C... a-t-il été volé ? L'affaire B..." (titre de couverture) ;
- "Bygmalion, une "PME" de communication proche de M. B..., a contribué à ruiner L'UMP. Où est passé l'argent de la campagne présidentielle ? Le Point a mis au jour d'étranges connexions" (page 35) ;
- "J... et D... fondent Bygmalion en 2008, une "machine de guerre" au service du futur président de l'UMP" (page 35) ;
- "Sur le papier, Bygmalion est une simple agence de communication. Mais derrière l'inoffensive PME qui donne dans la formation, l'événementiel et la conception de sites internet se cache une puissante machine de guerre conçue par deux proches de B... pour le servir" (page 35) ;
- "Véritable boîte noire à l'actionnariat aussi opaque que ses comptes, l'énigmatique start-up va accompagner M. B... dans sa prise de contrôle de l'UMP. Et ce tout en profitant de la cassette du parti" (page 35) ;
- "Dès sa naissance, en 2008, Bygmalion a vu la bonne fée B... se pencher sur son berceau. L'ancien ministre du budget qui un an plus tôt a pris le contrôle du groupe UMP à l'Assemblée nationale, irrigue la jeune pousse en contrats. De juteuses commandes passées sans appels d'offres et payées rubis sur l'ongle grâce à la dotation parlementaire - une cagnotte de plusieurs millions d'euros affectée à chaque groupe au prorata du nombre d'élus" (page 36) ;
- "Quant aux rumeurs de surfacturation qui circulent dans le milieu de l'événementiel, M. Jérôme E... les balaie d'un revers de main (...). Pourtant, selon des documents dont Le Point a eu connaissance, Event & Cie a bien chargé la mule sur certaines prestations facturées hors appels d'offres à l'UMP" (page 38) ;
- "Soufre. À qui ont profité les millions de Bygmalion?" (page 38) ; que Mme Mélanie Y... et M. Christophe Z..., coauteurs de l'article, ont été poursuivis pour les mêmes propos, en qualité de complices ; que les juges du premier degré, après avoir renvoyé Mme Y... et M. Z... H... de la poursuite s'agissant des trois premiers passages incriminés, sont entrés en voie de condamnation, sur l'action publique et l'action civile, à raison du surplus ; que les prévenus ont relevé appel de la décision ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 29, 31, 32, 48, 50 et 53 de la loi du 29 juillet 1881, 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale, excès de pouvoir, violation de la loi ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré X... coupable, en qualité d'auteur, de diffamation publique envers un particulier et de diffamation publique envers un membre de l'Assemblée nationale, au titre de l'ensemble des propos visés par la plainte, et Mme Y... et M. Z..., coupables, en qualité de complices, des mêmes infractions, pour ces mêmes propos à l'exception des trois premiers passages incriminés, et les a, en répression, condamnés respectivement à des amendes de 1 500 euros pour l'auteur principal, et de 1 000 euros pour chacun des complices, outre 1 euro au titre des intérêts civils ;

"aux motifs que la cour relèvera l'importance du travail de contextualisation du premier juge pour donner sens à une part des passages poursuivis ; que la référence aux transactions immobilières intervenues sur des biens publics au profit du Qatar, du fait des animateurs de Bygmalion apparaît sans relation avec l'objet de la poursuite, à défaut d'être visées par la prévention ; que pour le surplus, l'article ne peut être apprécié qu'en son entier. (
) Sur la responsabilité du directeur de publication : Il n'est pas discuté que le titre et les intertitres constituant les trois premiers passages visés par la prévention ne soient pas le fait des journalistes ; que seul le directeur de la publication pourra donc voir sa responsabilité recherchée à ce titre ; que sur le caractère diffamatoire de l'article : Pour le surplus, et de manière, de fait, indissociable de ces trois premiers passages, la cour constatera, comme le tribunal, que l'ensemble de l'article poursuivi laisse entendre sans nuance que M. B... a participé à la construction d'une nébuleuse d'entreprises sur le socle de Bygmalion, destinée à son ascension au sein de son propre parti, au détriment économique de celui-ci ; qu'il lui est encore imputé d'avoir, dans la même logique, usé au profit de ces entreprises des fonds publics qui lui étaient confiés au titre de sa qualité de président de groupe à l'Assemblée Nationale. C'est pourquoi, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a considéré comme fondé le visa de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881, concernant le 6ème passage poursuivi ; qu' en revanche, l'ensemble de l'article, sans qu'il soit utile d'en décliner les différents passages, impute clairement à M. B..., tant en qualité de président de l'UMP, que de président du groupe de ce parti à l'Assemblée nationale, d'avoir ruiné son propre parti à son profit politique exclusif, en contrepartie de l'enrichissement d'une structure économique dont l'activité lui était pour une large part dédiée ; que d'un point de vue matériel, il lui est encore imputé d'avoir toléré, sinon encouragé des pratiques de surfacturation des prestations de Bygmalion ou d'Event & Cie, au profit tant de l'UMP, que du groupe parlementaire de ce parti ; qu' ainsi lui sont imputés des faits attentatoires à son honneur et à sa considération susceptibles d'un débat contradictoire, donc diffamatoires. Le jugement sera donc en ce sens confirmé ; que sur la bonne foi : Les appelants ont fait valoir la légitimité du but poursuivi, concernant le parcours du dirigeant d'un parti politique français parmi les plus importants, notamment au moment d'une campagne présidentielle ; que ce point n'a pas été contesté par la partie civile ; que celle-ci a encore allégué d'une animosité personnelle de FOG à son égard ; qu' a ce titre la cour ne pourra que constater que M. B... ne peut justifier, dans différents articles, ou lors d'interviews, que d'une certaine alacrité ou agressivité à son égard de l'appelant, qui conduisent à des propos qui peuvent être considérés comme blessants, sans que ceux-ci ne dépassent les bornes de la polémique dans la bouche d'un journaliste d'opinion, et ne permettent de soupçonner l'existence d'une animosité personnelle au sens de la jurisprudence de la loi sur la presse ; que la partie civile a fait valoir l'absence d'enquête sérieuse, rappelant que les allégations des journalistes n'ont été confortées par aucune décision judiciaire, et que les enquêtes menées auraient établi que les pouvoirs dévolus à M. B... au sein de son propre parti à l'époque des faits exposés ne lui permettaient pas de favoriser une entreprise ; que de leur côté, les appelants reprochent au tribunal d'avoir estimé que leur enquête n'avait pas le sérieux qu'on était en droit d'attendre d'eux, sans en avoir apporté la démonstration ; que notamment, ils critiquent, à juste titre, les développements du tribunal quant à l'affaire de vente d'immeubles au Qatar qui ne rentre pas dans sa saisine ; que par ailleurs, ils rappellent quant à l'imputation de surfacturation, qui est au centre de l'activité prêtée à Bygmalion, qu'ils ont produit nombre de pièces qui illustrent le surcoût de ses services par rapport aux mêmes prestations facturées par d'autres sociétés à d'autres candidats ; qu'ils ont, en premier lieu, comparé les comptes de campagne de M. F... et de M. C..., principaux candidats à l'élection présidentielle de 2012 et la différence de coût de leurs réunions publiques, celles du second étant supérieure d'environ 4 millions d'euros à celles du premier, soit presque 50 % de plus ; que néanmoins, la cour relèvera qu'une telle comparaison censée démontrer l'excès des prix de Bygmalion, ne tient pas compte des choix des décideurs de deux partis distincts, dont les priorités de communication ne sont pas forcément les mêmes ; que plus précis sont les éléments relatifs à la dégradation des finances de l'UMP sous la présidence de M. B..., ce qui n'a pas été contesté par ce dernier : ainsi les pertes du parti à l'issue des élections de 2012 étaient de l'ordre de 40 millions d'euros, alors qu'à l'issue du scrutin de 2007, elles se limitaient à 10 millions d'euros ; que les appelants établissent encore qu'entre ces deux dates les dépenses de communication de l'UMP sont passées de 15 à 33 millions d'euros ; que la comparaison de ces mêmes dépenses avec celles, bien inférieures, du Parti Socialiste, apparaît moins pertinente, dans la mesure où ces différences sont conditionnées également par des choix, que comme il a déjà été dit, il n'y a pas lieu d'apprécier ; que la question du dépassement des dépenses de campagne de l'UMP et d'éventuelles fausses factures relatives à celui-ci, évoquées par les appelants, ne seront mis à jour que postérieurement à l'article dont est saisie la cour ; que les éléments connus de la composition du capital de Bygmalion, mis en valeur par l'article, sont certes authentifiés, mais n'ont rien à voir avec la mise en cause de M. B... ; que les prévenus font encore valoir l'offre de contradiction offerte à la partie civile, à laquelle il n'a pas été donné suite ; qu' enfin, la proximité de M. B... avec MM. D..., J... et E... n'est pas contestée ; que néanmoins, l'ensemble des éléments qui précèdent sont insuffisants pour que soit justifiée l'imputation à M. B... d'une implication personnelle dans la ruine de L'UMP ; qu' il n'est aucunement établi qu'il ait utilisé la structure de Bygmalion dans le but exclusif de servir ses propres intérêts, indifféremment au sort du parti dont la direction lui était confiée ; qu' en tout état de cause, les pièces produites par les appelants ne peuvent appuyer leurs assertions en ce sens ; que dès lors, cette absence d'enquête sérieuse amènera à souligner encore le manque de prudence dans l'expression des titres et intertitres de l'article litigieux, ainsi que le tribunal l'a souligné ; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a refusé aux appelants le bénéfice de la bonne foi ; qu' il sera encore confirmé en ce qui concerne des peines exactement appréciées ;

"et aux motifs supposes adoptes que sur le caractère diffamatoire des propos incriminés : (
) qu'en l'espèce la partie civile estime que les propos incriminés lui imputent d'être coupable ou complice d'un vol commis au détriment de l'UMP et du candidat de ce parti aux élections présidentielles de 2012 ; que les prévenus, pour contester le caractère diffamatoire de ces propos, se prévalent de la liberté accordée aux organes de presse dans l'utilisation d'un titre « accrocheur », de l'imprécision des propos querellés à l'égard de M. B... qui relèvent de l'analyse politique et du jugement de valeur, les faits précis ne visant que la société Bygmalion ; que cependant l'article incriminé évoque le fonctionnement de cette société et de ses filiales, qui, par le biais de surfacturations de l'organisation de la communication de l'UMP, notamment lors de la campagne présidentielle de 2012, ont « profité de la cassette du parti », la filiale Events & Cie ayant « empoché 8 millions d'euros » durant la campagne de M. C..., candidat de l'UMP, la page de couverture présentant l'article précisant : « Révélation sur la « petite entreprise » qui a ruiné l'UMP » ; que c'est à juste titre que M. B... fait valoir qu'en affirmant que cette société Bygmalion est une « machine de guerre » ou « conçue par deux proches (
) pour le servir », propos répétés à deux reprises dès la première page de l'article, il lui est imputé, ainsi que le surtitre de la page de couverture et son titre comme celui de l'article l'indiquent, d'être l'instigateur et le bénéficiaire des faits commis par la société Bygmalion, soit le « vol » de M. C... et la « ruine de l'UMP », ce qui justifie que ces faits soient qualifiés d' « affaire B... » ; que cette imputation est confortée par le sixième passage incriminé qui confirme que, dès l'origine, M. B... a veillé à « irriguer », par « de juteuses commandes passées sans appel d'offres » au moyen de fonds destinés aux députés de l'UMP, cette « machine de guerre » conçue pour le « servir » ; qu'il en va de même du septième passage incriminé relatif aux surfacturations de prestations « hors appel d'offres à l'UMP », cause de la « ruine » de ce parti, de sorte que le lecteur n'a guère de doute sur la réponse qui doit être donnée à la question, « A qui ont profité les millions de Bygmalion ? », question précédée du mot « Soufre » et suivie du constat que « certains osent désormais la poser dans les couloirs de l'UMP », ce qui induit nécessairement qu'au sein même de l'UMP on ose envisager une traîtrise de son dirigeant ; que l'imputation d'avoir organisé, au moyen de la société Bygmalion créée pour servir ses intérêts personnels, le vol et la ruine du parti qu'il dirigeait, constitue l'imputation d'un fait précis, susceptible de faire l'objet d'un débat sur la preuve de sa vérité qui se distingue donc de l'appréciation subjective, de l'analyse politique et du jugement de valeur, ce fait caractérisant une infraction pénale et une faute morale qui est, à l'évidence, contraire à l'honneur et à la considération de M. B..., de sorte que les propos incriminés présentent effectivement un caractère diffamatoire, au sens de l'article 29 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 ; Sur la qualification de diffamation envers un député sur le fondement de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 : Attendu que M. B... a qualifié les poursuites qu'il a engagées en raison des propos figurant dans le sixième passage incriminé : « Dès sa naissance, en 2008, Bygmalion a vu la bonne fée B... se pencher sur son berceau ; que l'ancien ministre du budget qui, un an plus tôt, a pris le contrôle du groupe UMP à l'assemblée nationale, irrigue la jeune pousse en contrats ; que de juteuses commandes passées sans appel d'offre et payées rubis sur l'ongle grâce à la dotation parlementaire – une cagnotte de plusieurs millions d'euros affectée à chaque groupe au prorata du nombre d'élus », de diffamation envers un citoyen chargé d'un mandat public, délit prévu par les articles 29 alinéa 1er et 31 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; qu'il y a lieu de rappeler que l'article 31, alinéa 1er, de la loi sur la liberté de la presse réprime spécialement la diffamation commise notamment envers les membres de l'une et l'autre chambre, l'alinéa 2 de ce texte renvoyant à l'article 32 qui réprime la diffamation envers un particulier dès lors que la diffamation visant ces mêmes personnes concerne leur vie privée ; qu'il en résulte que la partie civile chargée d'un mandat public doit agir sur le fondement des dispositions de l'article 31, alinéa 1er, qui emportent une sanction plus lourde que celle prévue par l'article 32, alinéa 1er, lorsque la diffamation qui la vise – laquelle doit s'apprécier non d'après le mobile qui l'a inspirée ou d'après le but recherché par ses auteurs, mais selon la nature du fait sur lequel elle porte – suppose une relation directe et étroite entre le fait imputé et la qualité ou la fonction de la personne diffamée, en ce qu'elle contient la critique d'actes de cette fonction ou d'actes commis par abus de la fonction ou dès lors que la qualité ou la fonction de l'intéressé ont été soit le moyen d'accomplir le fait imputé, soit son support nécessaire, étant encore précisé que la simple mention que la personne est investie de cette fonction ne suffit pas, en elle-même, à caractériser un tel lieu, mais que lorsque l'imputation vise de façon indivisible le membre d'une des deux chambres tant à raison de sa fonction que pour sa vie privée, c'est la diffamation spéciale prévue par l'article 31 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 qui doit prévaloir ; qu'en l'espèce, les propos incriminés sur le fondement de la diffamation publique envers une personne chargée d'un mandat public, portent sur l'utilisation faite par M. B..., alors à la tête du groupe UMP de l'Assemblée nationale, de la dotation parlementaire allouée par l'Assemblée, à chaque groupe en fonction du nombre d'élus qui y sont inscrits ; que s'il est exact que les faits évoqués dans ces propos visent plus l'activité de chef du groupe parlementaire UMP que celle de député, cette dernière qualité est cependant indissociable de la première, seul un député pouvant être à la tête d'un groupe parlementaire ; qu'en outre cette qualité de membre de l'assemblée a été tant le moyen que le support nécessaire à l'utilisation des fonds alloués par cette assemblée parlementaire pour aider ses membres dans leurs fonctions ; qu'ainsi c'est à bon droit que le passage incriminé a été poursuivi du chef de diffamation publique sur le fondement de l'article 31 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881, seul fondement possible à cette action ; sur la bonne foi : (
) que la partie civile ne saurait être suivie dans son argumentation relative à l'animosité personnelle animant le directeur de la publication du Point qui exclurait le bénéfice de la bonne foi ; (

) Attendu que c'est à juste titre que les prévenus invoquent la légitimité de l'article en cause portant sur le fonctionnement d'un parti politique au pouvoir au moment des faits évoqués et sur le financement de la campagne de son candidat à l'élection présidentielle ; que de même le comportement du dirigeant de ce parti politique, les relations qu'il peut entretenir avec d'anciens collaborateurs et le soutien qu'il peut leur apporter comme les infractions qu'il peut commettre pour favoriser son ambition personnelle, participent d'un incontestable débat d'intérêt général portant sur le fonctionnement d'un important parti politique et le financement des campagnes électorales, sujets qui justifient une très large liberté d'expression ; que néanmoins cette liberté qui, certes permet une certaine exagération, ne saurait être sans limite dès lors que, ainsi que le précise la cour de Strasbourg dont les prévenus invoquent les décisions interprétant l'article 10 de la convention des droits de l'homme, les journalistes sont également soumis à des devoirs qui leur imposent de fournir des informations dignes de crédit dans le respect de la déontologie journalistique ; qu'en l'espèce, si les journalistes disposent d'éléments, fruits de leur enquête, relatifs aux contrats conclus avec la société Bygmalion, s'ils pouvaient également, légitimement s'interroger sur le montant des sommes qui lui ont été versées et, sans que ces affirmations soient critiquées, relever les liens qui unissaient M. B... aux deux fondateurs de cette société qui avaient été durant plusieurs années ses collaborateurs, ainsi que l'implication de l'un d'eux et du principal investisseur et actionnaire de la société Bygmalion dans la négociation de la vente de deux immeubles appartenant à l'Etat lorsque M. B... était ministre du budget, ces éléments ne sont cependant pas de nature à constituer une base factuelle suffisante à l'imputation formulée dans la publication incriminée d'avoir organisé un détournement de fonds à son profit et au détriment du parti qu'il dirigeait ; que par ailleurs, et même dans le cadre d'un débat d'intérêt général et de propos visant un homme politique, il ne saurait être considéré, au regard de la gravité de l'imputation formulée et de l'insuffisance de base factuelle, que la publication incriminée fait preuve d'un minimum de prudence dans l'expression, baptisant cette affaire du nom de la partie civile, employant dès la page de couverture le verbe « voler », qualifiant la société Bygmalion de « machine de guerre » destinée à « servir » M. B..., que le point d'interrogation placé sur la page de couverture après le surtitre « C... a-t-il été volé » étant largement insuffisant pour caractériser la prudence minimum requise à cet égard ; Attendu en conséquence, que faute de pouvoir bénéficier de la bonne foi les prévenus seront déclarés coupables du délit de diffamation publique envers un particulier et du délit de diffamation publique envers un membre de l'Assemblée ; que les journalistes – bien qu'ayant déclaré à l'audience que ni les titres de la couverture du magazine et de l'article, ni le chapeau non plus que la légende du premier cliché photographique n'avaient appelé de leur part une quelconque observation – ont déclaré, sans être contestés, qu'ils n'étaient pas les auteurs de ces trois premiers passages poursuivis et doivent donc être relaxés pour ceux-ci, le directeur de la publication étant, pour sa part, coupable pour l'ensemble des propos incriminés ; qu'en répression, les prévenus, qui ne sont pas accessibles au bénéfice du sursis, seront condamnés à une peine d'amende ;

"1°) alors que pour constituer une diffamation, l'allégation ou l'imputation qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la victime doit se présenter sous la forme d'une articulation de faits de nature à être, sans difficulté, l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire ; que tel ne peut être le cas de l'allégation que des proches de la partie civile ont fondé une société de communication destinée à constituer une machine de guerre afin de servir ses intérêts ; qu'en décidant pourtant que les passages poursuivis étaient diffamatoires, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"2°) alors que pour constituer une diffamation, l'allégation ou l'imputation qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la victime doit se présenter sous la forme d'une articulation des faits de nature à être, sans difficulté, l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire ; que tel n'est pas le cas de l'allégation de ce qu'une société qui préserve la confidentialité de ses comptes et de son actionnariat, a accompagné un homme politique dans son accession à des fonctions éminentes de son parti politique en profitant des réserves financières de celui-ci ; qu'en décidant pourtant que les passages poursuivis étaient diffamatoires à l'égard de M. B..., la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"3°) alors que pour constituer une diffamation, l'allégation ou l'imputation poursuivie doit porter atteinte à l'honneur ou à la considération de la victime ; que tel n'est pas le cas lorsque les faits diffamatoires sont imputés à un tiers ; qu'en décidant qu'étaient diffamatoires à l'égard de M. B... les passages de l'article relatifs aux surfacturations imputées à la société Event & Cie et à la contribution de la société Bygmalion à la ruine de l'UMP, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"4°) alors que pour constituer une diffamation, l'allégation ou l'imputation poursuivie qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la victime doit se présenter sous la forme d'une articulation des faits de nature à être, sans difficulté l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire ; tel n'est pas le cas de titres ou d'intertitres, volontairement accrocheurs, formulés sous forme interrogative ; qu'en décidant pourtant qu'étaient diffamatoires à l'égard de M. B... les titre et intertitres de l'article litigieux, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"5°) alors qu' en matière d'infraction de presse, l'acte initial de poursuite fixe définitivement et irrévocablement la nature et l'étendue de la poursuite quant aux faits et à leur qualification ; qu'en cas de plainte avec constitution de partie civile, seuls les passages qualifiés par la plainte sont susceptibles d'être incriminés ; qu'en affirmant, pour retenir les journalistes et le directeur de la publication dans les liens de la prévention, que « l'ensemble de l'article, sans qu'il soit utile d'en décliner les différents passages » constituait une imputation diffamatoire quand seuls sept passages de l'article et un titre étaient visés par la plainte, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les articles visés au moyen ;

"6°) alors que subsidiairement, ne peuvent être réprimées sur le fondement de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 que les diffamations publiques qui, d'après la nature du fait sur lequel elles portent, contiennent la critique d'actes de la fonction ou d'abus de la fonction, ou encore lorsque la qualité ou la fonction de la personne visée a été soit le moyen d'accomplir le fait imputé, soit son support nécessaire ; que ce texte de répression pénale est d'interprétation stricte ; que la critique d'actes accomplis par le chef d'un groupe parlementaire, en cette qualité, ne saurait être assimilée à la critique d'actes accomplis par un membre du parlement ; que l'imputation faite à M. B... d'avoir fait, en qualité de président du groupe parlementaire de l'UMP au parlement, un usage anormal des fonds alloués à ce groupe, ne peut être assimilée à une critique d'actes accomplis en qualité de député si bien que la poursuite de cette imputation sur le fondement de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 était irrecevable ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"7°) alors que subsidiairement, la liberté d'expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où elles constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que lorsque les propos poursuivis s'inscrivent dans un débat d'intérêt général et reposent sur une base factuelle suffisante, la bonne foi n'est pas subordonnée à la prudence dans l'expression de la pensée ; qu'en refusant le bénéfice de la bonne foi aux prévenus, motif pris de l'absence de prudence des propos poursuivis, tout en estimant que l'article litigieux s'inscrivait dans un débat d'intérêt général, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"8°) alors que subsidiairement, la liberté d'expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où elles constituent des mesures strictement nécessaires au regard du paragraphe 2 de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que le bénéfice de la bonne foi n'est pas subordonné à la preuve de la vérité du fait diffamatoire mais au sérieux de l'enquête ; qu'en refusant le bénéfice de la bonne foi aux prévenus, motif pris de l'absence de sérieux de l'enquête, tout en limitant l'analyse des pièces produites par ces derniers à l'appui de leurs conclusions à certaines d'entre elles, en refusant de se prononcer sur les éléments de comparaison offerts, en omettant d'examiner les pièces établissant l'absence de mise en concurrence des sociétés Bygmalion et Event & Cie, non plus que l'abondante revue de presse relative aux critiques adressées dès 2009 à M. B..., la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

Attendu que, pour confirmer le jugement sur le caractère diffamatoire des propos incriminés, en ce qu'il leur est imputé de viser M. B..., pour certains, en sa qualité de particulier en tant que président du parti UMP, pour d'autres, en sa qualité de parlementaire en tant que président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, les juges, après avoir pris en considération, sans excéder leur saisine, non seulement les termes relevés par l'acte de poursuite, mais encore les éléments extrinsèques de nature à donner aux propos leurs véritables sens et portée, retiennent notamment que les imputations litigieuses portent atteinte à l'honneur ou à la considération de M. B... et se présentent, dans leur ensemble, sous la forme d'une articulation précise de faits de nature à être sans difficulté l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire ; qu'ils énoncent également que la qualité de parlementaire constitue le support nécessaire des abus imputés au président d'un groupe parlementaire dans l'usage de la dotation financière attribuée à ce groupe, de sorte que les propos comportant de telles imputations ne peuvent être poursuivis que sur le fondement de l'article 31 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance comme de contradiction, et répondant aux chefs péremptoires des conclusions des parties, et dès lors que la circonstance qu'un article de presse traite d'un sujet d'intérêt général concernant une personnalité politique ne le dispense pas de fonder les allégations ou imputations diffamatoires qu'il est susceptible de comporter à l'endroit de cette personne sur une base factuelle suffisante, en rapport avec la gravité des accusations portées, et de faire preuve de prudence et de mesure dans l'expression, ce dernier critère ne s'appréciant moins strictement que lorsque les deux autres sont réunis, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, d'une part, exactement apprécié le sens et la portée des propos incriminés, d'autre part, exposé les circonstances particulières invoquées par les prévenus et énoncé les faits sur lesquels elle s'est fondée pour écarter l'admission à leur profit du bénéfice de la bonne foi ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 30, 31 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, 132-1, 132-20 du code pénal, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale, violation de la loi ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué condamné M. X..., Mme Y... et M. Z... respectivement à des amendes de 1 500 euros pour l'auteur principal, et de 1 000 euros pour chacun des complices ;

"au motif propre que le jugement déféré (
) sera encore confirmé en ce qui concerne des peines exactement appréciées ;

"et au motif adopte qu'en répression les prévenus, qui ne sont pas accessibles au bénéfice du sursis, seront condamnés à une peine d'amende ;

"alors qu' en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; que le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision en tenant compte des ressources et des charges du prévenu ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres justifier la décision et que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en confirmant la condamnation des prévenus aux peines d'amende prononcées par le tribunal correctionnel, sans plus motiver sa décision sur ce point et sans se prononcer au regard de la personnalité des prévenus, de leurs situations personnelles, du montant de leurs ressources et de leurs charges, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;

Vu l'article 132-20, alinéa 2, du code pénal, ensemble l'article 132-1 du même code et les articles 485, 512 et 593 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour confirmer les peines d'amende de 1 000 et 1 500 euros, infligées par les premiers juges au seul motif que les prévenus ne sont pas accessibles au bénéfice du sursis, l'arrêt se borne à énoncer que ces peines ont été exactement appréciées ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans s'expliquer sur les ressources et les charges des prévenus, qu'elle devait prendre en considération pour fonder sa décision, la cour d'appel n'a pas justifié cette dernière ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée aux peines, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure ;

Sur la demande présentée au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale :

Attendu que les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel ; que la déclaration de culpabilité des prévenus étant devenue définitive, par suite du rejet de leur premier moyen de cassation, il y a lieu de faire partiellement droit à la demande de ce dernier ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 27 avril 2017, mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

FIXE à 1000 euros la somme que chacun des demandeurs devra payer à M. B... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;


ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit janvier deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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