27 mars 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-10.467

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2019:SO00488

Texte de la décision

SOC.

JT



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 mars 2019




Cassation


Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 488 F-D

Pourvoi n° Z 18-10.467







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société des Cars Alpes-Littoral, dont le siège est [...] ,

contre l'arrêt rendu le 10 novembre 2017 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (9e chambre A), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme R... G..., domiciliée [...] ,

2°/ à pôle emploi Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le siège est [...],

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 19 février 2019, où étaient présents : Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller, Mme Jouanneau, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société des Cars Alpes-Littoral, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de Mme G..., et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Sur le premier moyen :

Vu l'article 946 du code de procédure civile, ensemble les articles R. 1453-3 du code du travail et R. 1453-4, du même code dans sa rédaction applicable au litige ;

Attendu que pour refuser de se prononcer sur la demande de sursis à statuer formée à l'audience du 9 octobre 2017, l'arrêt énonce que la salariée a demandé le rejet des conclusions qui lui ont été transmises tardivement, que la société a fait valoir l'oralité de la procédure lui permettant de présenter une nouvelle demande jusqu'au jour de l'audience, mais que la cour, après en avoir délibéré, a décidé de ne pas retenir ces conclusions ;

Qu'en statuant ainsi, alors que lorsque la procédure est orale, le juge doit se prononcer sur les demandes formulées contradictoirement devant lui lors des débats, et, s'il y a lieu, renvoyer l'affaire à une prochaine audience, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne Mme G... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société des Cars Alpes-Littoral

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SCAL au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour résistance abusive, d'un rappel au titre de la prime de treizième mois pour l'année 2013 et d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs qu' : « à l'audience du 9 octobre 2017, R... G... a demandé à la Cour d'écarter les conclusions transmises par l'appelante les 6 et 8 octobre précédents et donc tardivement ; que la SOCIETE DES CARS ALPES LITTORAL a fait valoir l'oralité de la procédure lui permettant de présenter une nouvelle demande et de remettre de nouvelles pièces jusqu'au jour de l'audience ; que la Cour, après en avoir délibéré, a décidé de ne pas retenir les conclusions des 6 et 8 octobre 2017 de la SOCIETE DES CARS ALPES LITTORAL ; que, dans ses conclusions soutenues oralement, à savoir celles transmises le 3 juillet 2017 par télécopie à la Cour pour l'audience du 6 juillet 2017, la SCAL, appelante, demande à la Cour de : - infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, - dire que Madame G... n'apporte pas la preuve de l'existence d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, - la débouter de ses demandes au titre du licenciement abusif et du préjudice moral, - la condamner à restituer la somme de 892,87 indûment perçue, - la condamner à lui verser 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les dépens » ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QU'en décidant, après en avoir délibéré, de ne pas retenir les conclusions que la SCAL avait transmises les 6 et 8 octobre 2017 à Madame G..., sans donner aucun motif à sa décision, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, EN SECOND LIEU ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE, lorsque la procédure est orale, le juge doit se prononcer sur les demandes formulées contradictoirement devant lui lors des débats ; que, valablement représentée à l'audience pour y réitérer verbalement ses dernières conclusions transmises les 6 et 8 octobre 2017, la SCAL entendait formuler à la barre une demande de sursis à statuer ; qu'en imposant cependant à la SCAL de s'en tenir aux prétentions figurant dans ses précédentes écritures déposées le 3 juillet 2017, la cour d'appel, qui l'a ainsi privée de la possibilité de présenter oralement sa demande de sursis à statuer, a violé l'article 946 du code de procédure civile, ensemble les articles R.1453-3 et R. 1453-4 du code du travail, dans leur version applicable au litige.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SCAL à payer à Madame G... des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs propres que : « s'il n'est pas justifié par la salariée de l'agression d'août 2012, ni d'ailleurs de l'information qu'elle aurait donnée à son employeur à ce sujet, force est de constater que la SOCIETE DES CARS ALPES LITTORAL a été destinataire de l'avis du médecin du travail en date du 7 septembre 2012 préconisant « dans la mesure du possible » de « faire travailler sur une autre ligne que Digne-Marseille et Digne-Manosque de façon transitoire permanente » la salariée ; que si, dans son attestation, X... A..., chef d'exploitation, indique « nous avons essayé, compte tenu des contraintes d'exploitation, de diminuer son affectation sur les services Digne-Marseille ou Digne-Manosque. En effet, au mois de septembre 2012, Madame G... a effectué 59 % de son activité sur les services Digne-Marseille ou Manosque et 41 % sur d'autres services. En octobre 2012, les services Marseille ou Manosque représentaient 51 % et 49 % pour les autres services. En novembre 2012, Digne-Marseille ou Manosque représentaient 17 % et 83 % sur d'autres services. En décembre 2012, Digne-Marseille ou Manosque représentaient 41 % et 59 % pour les autres services » et estime que « nous avons respecté les conclusions du médecin du travail inscrites sur la fiche médicale d'attitude du 7 septembre 2012 », il apparaît à la lecture de la liste des lignes desservies par la SCAL qu'une affectation de l'intimée sur des lignes autres que celles proscrites par le médecin du travail n'a pas été mise en place, ni même envisagée pour la totalité du temps de travail ; que l'employeur ne justifie donc pas avoir respecté son obligation de sécurité - qui est une obligation de résultat- au niveau notamment de la prévention des risques ; qu'en l'état des courriers de la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie des Alpes-de-Haute-Provence en date du 16 août et du 9 septembre 2013 considérant la rechute du 29 juillet 2013 comme liée à l'accident du travail du 20 juin 2013 et en l'absence de décision contraire postérieure, il convient de retenir, comme l'a fait le jugement de première instance, une inaptitude résultant directement de cette rechute et partant, du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ainsi que, par conséquent, un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que, tenant compte de l'ancienneté de la salariée (2 ans et 4 mois ) au moment de la rupture, de son salaire moyen mensuel brut (soit 1 812,52 €), de la justification de sa situation après la rupture, il y a lieu de lui allouer l'indemnisation qu'elle réclame à hauteur de 10 875,12 € ; »

Aux motifs éventuellement adoptés que : « le conseil des prud'hommes n'est pas compétent pour statuer sur une contestation relative à l'existence d'un accident du travail, que seul le tribunal des affaires de la sécurité sociale en a la compétence exclusive ; que l'accident du travail a été déclaré sans réserve par la SCAL ; que l'accident du travail a été reconnu par la CPAM, la salariée a bien bénéficié de la législation relative aux accidents du travail, contestée auprès du TASS quatre mois après la matérialité de l'accident ; que, malgré les préconisations du médecin du travail, la salariée a dû continuer à travailler sur la même ligne ; que le deuxième accident du travail a bien été pris en compte par l'assurance maladie suite aux conclusions du médecin du travail, le Docteur C... (lettre de la CPAM à la SCAL le 16 août 2013) « Objet : Notification de prise en charge de la rechute du 29 juillet 2013 : Madame, Monsieur, je vous informe qu'après examen, le docteur C..., médecin conseil, estime que la rechute du 29 juillet 2013 est imputable au sinistre (accident du travail) du 20 juin 2013 » ; que cette notification de prise en charge de la rechute, datée par la CPAM du 16/08/2013, aurait dû être contestée par l'employeur dans les deux mois suivant et qu'elle n'a été contestée que le 12 novembre 2013, soit près de trois mois après ; que, lors de la parution de cette affaire en formation de référé, une ordonnance en faveur de la salariée a bien été rendue en bonne et due forme le 3 juin 2014 ; que l'ordonnance de référé du 3 juin 2014 précise bien que « l'évidence commande à la formation de référé de dire qu'il n'y a pas de contestation sérieuse sur l'obligation pour l'employeur d'appliquer les règles protectrices applicables aux victimes d'accident du travail ; que la fiche d'inaptitude qui mentionnait « inapte définitif au poste de conducteur de transport en commun et à tout poste dans l'entreprise, cette inaptitude entrant dans le cadre de l'accident du travail du 20/06/2013 » n'a pas été contestée par l'employeur dans le cadre des dispositions de l'article R.4624-25 du code du travail, le lien de causalité est donc définitivement établi entre les faits du 20/06/2013 et la décision d'inaptitude ; que, malgré les préconisations du médecin du travail lors de la visite médicale du 07/09/2012, Madame G... a continué à travailler sur la ligne DIGNE-MARSEILLE et DIGNE-MANOSQUE de septembre 2012 à juin 2013 ; que, lors de l'agression dont a été victime Madame G... le 20/06/2012, l'employeur en a bien eu connaissance et a établi une déclaration d'accident du travail, sans aucune réserve ; qu'à la suite de cet arrêt de travail suivi de congés payés, l'employeur a omis de lui faire passer une visite de reprise, en l'affectant sur la même ligne, en violation de l'obligation de sécurité (Cass. Soc. 29/02/2006 n° 05.41555 : si l'employeur n'organise pas la visite de reprise, il méconnaît à l'égard de « son salarié son obligation de sécurité » ; que, contrairement à l'article L.4121-1 du code du travail qui dispose que « l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs », l'employeur n'a pris aucune disposition pour changer de ligne la salariée, comme le préconisait le médecin du travail ; »

ALORS, D'UNE PART, QUE, pour retenir que l'employeur n'avait pas suivi les préconisations du médecin du travail et que, partant, il avait manqué à son obligation de sécurité de résultat, les juges du fond ont relevé que « malgré les préconisations du médecin du travail lors de la visite médicale du 07/09/2012, Madame G... [avait] continué à travailler sur la ligne DIGNE-MARSEILLE et DIGNE-MANOSQUE de septembre 2012 à juin 2013 » et que « l'employeur n'[avait] pris aucune disposition pour changer de ligne la salariée, comme le préconisait le médecin du travail » (jugement entrepris p.5) et retenu qu' « il apparai[ssait], à la lecture de la liste des lignes desservies par la SCAL, qu'une affectation de l'intimée sur des lignes autres que celles proscrites par le médecin du travail n'[avait] pas été mise en place, ni même envisagée pour la totalité du temps de travail » (arrêt attaqué p.5) ; qu'en s'en tenant ainsi à relever une absence d'affectation de la salariée sur d'autres lignes que les lignes DIGNE-MANOSQUE et DIGNE-MARSEILLE, sans se prononcer, ainsi qu'ils y étaient cependant invités, sur l‘impossibilité matérielle d'affecter la salariée, pour la totalité de son temps de travail, sur d'autres lignes que celles précitées dès lors qu'il n'existait aucune autre ligne au départ de DIGNE et que, compte tenu de ses contraintes personnelles, la salariée ne pouvait effectuer son service qu'au départ de DIGNE, les juges du fond n'ont pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler le respect par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat et ont, dès lors, privé leur décision de base légale au regard des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en statuant comme ils l'ont fait, sans répondre aux conclusions d'appel de la SCAL (p. 3 et 7) qui faisait état de l‘impossibilité matérielle d'affecter la salariée, pour la totalité de son temps de travail, sur d'autres lignes que les lignes DIGNE-MANOSQUE et DIGNE-MARSEILLE dès lors qu'il n'existait aucune autre ligne au départ de DIGNE et que, compte tenu de ses contraintes personnelles, la salariée ne pouvait effectuer son service qu'au départ de DIGNE, les juges du fond ont violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, ENFIN ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en retenant que l'employeur avait omis de faire passer à la salariée une visite de reprise, sans répondre aux conclusions d'appel de la SCAL (p.7 et 8) qui faisait valoir que l'arrêt de travail de Madame G... ayant duré moins de 30 jours, l'employeur n'était pas tenu, en vertu de l'article R.4624-22 du code du travail, de soumettre la salariée à une visite de reprise auprès du médecin du travail, les juges du fond ont, une nouvelle fois, violé l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire par rapport au premier moyen de cassation)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SCAL à payer à Madame G... des dommages et intérêts pour résistance abusive et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs que : « l'intimée justifie qu'après le courrier de Pôle emploi en date du 28 novembre 2013 réclamant le solde de tout compte avec le montant de l'indemnité de licenciement et sa réponse du 4 décembre 2013, ses droits à allocation d'aide à retour à l'emploi n'ont été ouverts que le 9 décembre suivant en contrepartie d'un engagement écrit de remboursement ; que ce retard ainsi que les tracasseries induites résultant de la résistante abusive de la SCAL consécutivement au licenciement justifient l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 1.000 euros ; »

ALORS QU'en retenant que le retard dans le paiement du solde de tout compte et de l'indemnité de licenciement ainsi que les tracasseries induites résultant de la résistance abusive de la SCAL consécutivement au licenciement justifiaient l'allocation de dommages et intérêts, la cour d'appel, qui a ainsi statué par des motifs impropres à caractériser, pour la salariée, l'existence d'un préjudice indépendant du retard apporté au paiement par l'employeur et causé par la mauvaise foi de celui-ci, a violé l'article 1153 alinéa 4 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en l'espèce.

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