22 janvier 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-19.526

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2020:CO00126

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Liquidation judiciaire - Vérification et admission des créances - Irrégularité de la déclaration - Décision de rejet de la créance - Effets - Extinction de la créance

Selon l'article L. 624-2 du code de commerce, la décision par laquelle le juge-commissaire retient qu'une créance a été irrégulièrement déclarée et ne peut être admise au passif est une décision de rejet de la créance, qui entraîne, par voie de conséquence, son extinction


CAUTIONNEMENT - Caution - Action des créanciers contre la caution - Opposabilité des exceptions inhérentes à la dette - Extinction de la dette - Cause postérieure au jugement de condamnation de la caution - Jugement passé en force de chose jugée

Il résulte de l'article 2036, devenu 2313, du code civil que la décision de condamnation de la caution à exécuter son engagement, serait-elle passé en force de chose jugée, ne fait pas obstacle à ce que la caution puisse opposer l'extinction de la créance garantie pour une cause postérieure à cette décision

Texte de la décision

COMM.

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 janvier 2020




Cassation


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 126 FS-P+B

Pourvoi n° W 18-19.526









R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 JANVIER 2020

M. P... B..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° W 18-19.526 contre l'arrêt rendu le 15 mai 2018 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme G... T..., veuve B..., domiciliée [...] ,

2°/ à M. I... B..., domicilié [...] ,

3°/ à Mme K... B..., épouse W..., domiciliée [...] ),

4°/ à Mme H... D..., domiciliée [...] ,

5°/ à Mme J... D..., domiciliée [...] ,

6°/ à la Société de caution mutuelle des professions immobilières et financières, dont le siège est [...] ,

7°/ au Service des domaines, dont le siège est [...] , en qualité de curateur de la succession de N... B..., épouse Q...,

8°/ à Mme A... Q..., domiciliée [...] ,

9°/ à M. R... Q..., domicilié [...] ,

10°/ à M. O... Q..., domicilié [...] ,

11°/ à Mme U... X... Q..., domiciliée [...] ,

ces quatre derniers en qualité d'héritiers de N... B..., épouse Q...,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. P... B..., de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la Société de caution mutuelle des professions immobilières et financières, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 décembre 2019 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, M. Remeniéras, Mmes Vaissette, Bélaval, Fontaine, Fevre, M. Riffaud, conseillers, M. Guerlot, Mme Barbot, M. Blanc, Mme Kass-Danno, conseillers référendaires, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi a rendu le présent arrêt ;

Sur le moyen unique, qui est recevable :

Vu l'article 2036, devenu 2313, du code civil et l'article L. 624-2 du code de commerce, ensemble l'article 815-17 du code civil ;

Attendu que, selon le deuxième de ces textes, la décision par laquelle le juge-commissaire retient qu'une créance a été irrégulièrement déclarée et ne peut être admise au passif est une décision de rejet de la créance, qui entraîne, par voie de conséquence, son extinction ; qu'il résulte du premier que la décision de condamnation de la caution à exécuter son engagement, serait-elle passé en force de chose jugée, ne fait pas obstacle à ce que la caution puisse opposer l'extinction de la créance garantie pour une cause postérieure à cette décision ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que, la Société de caution mutuelle des professions immobilières et financières (la SOCAF) ayant accordé à la société Cil immobilier service sa garantie, M. B... s'est rendu caution envers elle du paiement de toutes sommes que la société Cil immobilier pourrait lui devoir après mise en jeu de la garantie financière ; que la société Cil Immobilier service ayant été mise en liquidation judiciaire le 17 juin 2009, la SOCAF a déclaré à cette procédure le montant appelé au titre de l'exécution de sa garantie et a assigné M. B... en paiement ; qu'un arrêt du 9 avril 2013 a condamné M. B... à payer les sommes résultant de son engagement ; qu'un arrêt du 27 juin 2013 a déclaré irrecevable la déclaration de créance de la SOCAF ; qu'en exécution de la condamnation prononcée le 9 avril 2013, la SOCAF, après avoir fait inscrire une hypothèque judiciaire sur des immeubles dont M. B... était propriétaire indivis, l'a assigné, ainsi que l'ensemble des indivisaires, aux fins de voir ordonner le partage de l'indivision et la licitation des biens et droits immobiliers ; que devant la cour d'appel, les indivisaires ont opposé l'extinction de la créance garantie en faisant valoir qu'elle avait été rejetée du passif de la procédure collective ;

Attendu que pour ordonner l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que l'irrecevabilité de la déclaration de créance, qui n'entraîne plus l'extinction de la créance, laisse subsister l'obligation de la caution, de sorte que l'arrêt de condamnation, qui est devenu irrévocable, ne peut plus être remis en cause ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;

Condamne la Société de caution mutuelle des professions immobilières et financières aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société de caution mutuelle des professions immobilières et financières et la condamne à payer à M. B... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Laurent Goldman, avocat aux Conseils, pour M. P... B...

M. B... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l'indivision existant entre les consorts B... et d'avoir ordonné la licitation aux enchères publiques à la barre du tribunal des lots numéros 35, 1206 et 1266 d'un ensemble immobilier en copropriété sis à [...] ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE c'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le premier juge a ordonné le partage des biens indivis appartenant à M. P... B... et préalablement et pour y parvenir, ordonné leur licitation aux enchères publiques à la barre du tribunal de grande instance de Saint-Etienne dès lors que l'arrêt de la cour d'appel du 9 avril 2013 sur lequel est fondé la procédure de partage et de licitation est définitif et exécutoire ; qu'il n'est produit en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le tribunal ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en l'espèce, le tribunal de grande instance de Saint-Etienne, statuant par jugement du 7 décembre 2011, a fait droit à la demande de la SOCAF aux motifs que celle-ci justifiait par l'admission de ses créances (s'agissant des société Agence Pacifie et Immo Loisirs) et par des quittances subrogatives, de créances d'un montant supérieur au montant des engagements de cautions tant personnelle que réelle donnée par M. P... B..., la SCI HAFNER IND et la SCI IKBF ; que M. B... a ainsi été condamné solidairement avec la SCI HAFNER IND et la SCI IKBF à garantir la SOCAF des sommes versées, dans la limite du montant global de son engagement de caution, soit 340 000 euros ; que cette décision a été confirmée par la cour d'appel de LYON dans son arrêt du 9 avril 2013, laquelle a constaté que la SOCAF avait réglé selon quittances subrogatives : - 609 673,26 euros pour la société CIL immobilier service, - 9 000 euros pour la société ADC Immobilier, - 146 641,22 euros pour le compte de la société Agence Pacific, - 28 866.35 euros pour le compte de la société Immo-Loisirs, soit une somme supérieure aux montants cautionnés ; qu'il convient de souligner que les défendeurs avaient alors sollicité le sursis à statuer au motif que la cour était parallèlement saisie d'un appel d'une ordonnance du juge commissaire ayant rejeté la créance de la SOCAF dans la procédure de liquidation judiciaire de la société CIL Immobilier service ; que la Cour a rejeté la demande de sursis à statuer considérant que la décision à intervenir était sans incidence sur la régularité et le bien fondé des demandes de la SOCAF à l'égard de ses propres cautions ; que par arrêt du 27 juin 2013, la cour d'appel de LYON a déclaré la déclaration de créance de la SOCAF au passif de la société CIL Immobilier Service irrecevable ; que forts de cette décision, les défendeurs ont formé un pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt du 9 avril 2013, en invoquant : - que la SOCAF devait justifier d'une créance certaine liquide et exigible et que la cour d'appel avait statué sans tenir compte de la contestation des créances déclarées au passif de la société Immobilier Service, - que la cour d'appel n'avait pas motivé sa décision, en énonçant que les quittances subrogatoires produites justifiaient les demandes de la SOCAF sans répondre à l'argumentation selon laquelle les quittances produites par la SOCAF ne correspondaient pas aux sommes réellement acquittées par cette dernière ; que la Cour de Cassation a tranché en rappelant que l'arrêt, après avoir rappelé les dispositions de l'article 39 du décret du 20 juillet 1972, avait souverainement apprécié les moyens de preuve qui lui étaient soumis pour apprécier le bien fondé de la demande de la SOCAF ; qu'il convient par ailleurs de souligner que dans son rapport, le conseiller rapporteur a rappelé : - que l'irrecevabilité de la déclaration de créance qui n'entraîne plus l'extinction de la créance, laisse subsister l'obligation de la caution, de sorte que la cour d'appel pouvait décider de ne pas surseoir à statuer, - que la garantie financière de la SOCAF était due dès lors que la créance était certaine liquide et exigible, - que dès lors que la garantie financière consentie par la SOCAF n'est pas une caution, la personne qui sous-cautionne cette garantie cautionne le fait que la société de caution s'est acquittée des sommes dues, - que l'argumentation développée en appel critiquait en réalité le montant des déclarations de créances et non le montant des sommes effectivement payées, - que la cour avait constaté l'admission de créances pour deux des sociétés, - que les appelants admettaient que les sommes devaient être admises à concurrence des quittances subrogatoires produites ; qu'en conséquence, l'arrêt étant devenu irrévocable, la condamnation ne peut plus être remise en cause ;

ALORS QUE par arrêt du 4 mai 2017, la Cour de cassation a jugé que « la décision par laquelle le juge-commissaire retient qu'une créance a été irrégulièrement déclarée et ne peut être admise au passif est (
) une décision de rejet de la créance, qui entraîne, par voie de conséquence, l'extinction de la sûreté qui la garantissait », interprétant ainsi l'article L. 624-2 du code de commerce comme permettant à la caution de se prévaloir, pour échapper à toute poursuite, du rejet d'une créance à raison de l'irrecevabilité de la déclaration ; qu'en se fondant, pour ordonner le partage et la licitation de biens appartenant notamment à M. B... T..., caution de la société Immobilier service en liquidation judiciaire, sur la circonstance qu'un arrêt irrévocable du 9 avril 2013 de la cour d'appel de Lyon avait prononcé une condamnation contre la caution, sans tenir compte d'un arrêt rendu le 27 juin 2013 par lequel la même cour d'appel a déclaré irrecevable la déclaration de créance de la société Socaf, créancier poursuivant, au passif de la société Immobilier service, la cour d'appel, qui n'a pas tenu compte de l'intervention, entre la condamnation et les poursuites engagées pour en obtenir l'exécution, de la jurisprudence nouvelle de la Cour de cassation, a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens de la caution et a ainsi violé les articles 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 480 du code de procédure civile, 815-17 du code civil et L. 624-2 du code de commerce.

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