11 mars 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-20.706

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:SO00303

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mars 2020




Cassation partielle sans renvoi


Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 303 F-D

Pourvoi n° D 18-20.706






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MARS 2020

L'Epic Tisseo, établissement public à caractère industriel et commercial dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° D 18-20.706 contre l'arrêt rendu le 5 juin 2018 par la cour d'appel d'Agen (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. O... N..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Maron, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de l'EpicTisseo, après débats en l'audience publique du 4 février 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Maron, conseiller rapporteur, Mme Richard, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Sur le moyen unique pris en sa première branche :

Vu les articles R. 1452-6 et R. 1452-7 du code du travail, en leur rédaction résultant du décret n° 2008-244 du 7 mars 2008 et 638 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Soc., 17 mai 2017, n° 16-15005 et 16-14979), qu'engagé le 25 septembre 1974 par la Société d'économie mixte des voyageurs de l'agglomération toulousaine, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui l'établissement public industriel et commercial (EPIC) Tisseo, en qualité de conducteur receveur, M. N... était également titulaire d'un mandat de conseiller du salarié ; que M. N... a été licencié pour faute grave par une lettre du 30 juillet 2013, après que l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement ; que, le 17 janvier 2014, le ministre du travail a annulé l'autorisation de licenciement donnée par l'inspecteur du travail et a refusé d'autoriser le licenciement de ce salarié, lequel a été réintégré dans l'entreprise le 8 août 2014 ; que l'employeur a de nouveau sollicité l'autorisation de licencier ce salarié, une telle autorisation lui ayant été refusée par l'inspecteur du travail le 18 septembre 2014 ; que, sur recours hiérarchique, le ministre du travail a, le 15 avril 2015, annulé la décision de l'inspecteur du travail, considérant que le salarié ne bénéficiait plus d'aucune protection ; que, par une lettre du 27 avril 2015, l'EPIC Tisseo a notifié à M. N... son licenciement pour faute grave ; qu'antérieurement à ce licenciement, le salarié avait saisi la juridiction prud'homale, notamment d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ; que la cour d'appel a, par arrêt du 5 février 2016, prononcé la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur et condamné en conséquence celui-ci au paiement de dommages-intérêts ; que cet arrêt a été cassé par arrêt du 17 mai 2017, mais seulement en ce qu'il avait dit n'y avoir lieu à sursis à statuer, condamné l'employeur à payer au salarié une indemnité au titre de l'article L. 2424-4 du code du travail et congés payés afférents et en réparation du préjudice moral ; que, devant la cour d'appel de renvoi, le salarié a formé contre son employeur une demande nouvelle au titre de l'indemnité de départ à la retraite ;

Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié une certaine somme pour la perte de chance de se voir verser l'indemnité de départ à la retraite, l'arrêt retient que, par application de l'article R. 1452-6 du code du travail, cette demande, nouvelle, est parfaitement recevable ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'ensemble des préjudices liés à la rupture avait été apprécié par des chefs de dispositif non censurés du premier arrêt, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile dont l'application est suggérée par le demandeur et l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'EPIC Tisseo à payer à M. N... la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de se voir verser l'indemnité de départ à la retraite, l'arrêt rendu le 5 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT irrecevable la demande de M. N... en paiement de la somme de 11 199,60 euros au titre de l'indemnité de départ à la retraite ;

Condamne M. N... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'EPIC Tisseo ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour l'EpicTisseo


Il est fait grief à l'arrêt attaqué, ajoutant au jugement entrepris, D'AVOIR condamné l'Epic Tisseo à payer à M. N... une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour la perte de chance de se voir verser l'indemnité de départ à la retraite ;

AUX MOTIFS QUE, sur les demandes nouvelles devant la cour de renvoi : il est constant que, en application des dispositions de l'article R. 1452-6 du code du travail, toutes les demandes dérivant du même contrat de travail entre les mêmes parties doivent faire l'objet d'une même instance et que les demandes nouvelles relatives à ce contrat de travail sont recevables en tout état de cause, même en appel et même devant la cour de renvoi en cas de cassation, étant rappelé que les dispositions précitées restent applicables aux instances introduites devant le conseil de prud'hommes avant le 1er août 2016 ; que les demandes nouvelles formulées par M. N... devant la présente cour de renvoi sont donc parfaitement recevables ;

ET QUE sur l'indemnité de départ à la retraite : il résulte de l'accord d'entreprise du 19 février 2001 versé aux débats par M. N..., dont l'application n'est pas contestée par l'employeur, que, à compter du 1er janvier 2001, l'indemnité de départ à la retraite est calculée sur la base du 1/9 du dernier salaire de base par année de présence ; il est raisonnable de considérer que, si la résiliation judiciaire de son contrat de travail n'était pas intervenue à raison des manquements graves de son employeur, M. N... aurait terminé sa carrière commencée en 1974 au sein de l'entreprise Tisseo et aurait ainsi perçu une indemnité de départ à la retraite de 1/9 x 41 (nombre d'année de présence dans l'entreprise au moment du départ à la retraite en 2015) x dernier salaire de base ; au titre de la perte de chance de percevoir cette prime de départ à la retraite, préjudice complémentaire non indemnisé par les indemnités de rupture précédemment accordées par la cour d'appel de Toulouse, il y a lieu d'allouer à M. N... une somme de 10 000 euros de dommages-intérêts ;

1°) ALORS QUE devant la juridiction de renvoi, l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit, à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation ; que si les demandes nouvelles dérivant d'un même contrat de travail sont recevables même en appel, et même devant la juridiction de renvoi, elles ne peuvent avoir le même objet que des demandes sur lesquelles la cour d'appel s'est déjà prononcée par un chef non atteint par la cassation ; qu'en considérant que les demandes nouvelles de M. N... étaient recevables devant la cour d'appel de renvoi en application des dispositions de l'article R. 1452-6, quand la demande nouvelle tendant à l'indemnisation d'un supposé préjudice lié à la perte d'une indemnité de retard à la retraite en raison de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur avait le même objet que les demandes tranchées par le chef de dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 5 février 2016 non atteint par la cassation partielle, ayant accordé au salarié des dommages-intérêts à hauteur de 25 000 euros en raison de la résiliation judiciaire du contrat de travail, de sorte que cette demande nouvelle était irrecevable, la cour d'appel a violé les articles R. 1452-6 et R. 1452-7 du code du travail, dans leur rédaction applicable en l'espèce, ensemble les articles 633 et 638 du code de procédure civile ;

2°) ALORS subsidiairement QUE le préjudice n'est réparable que s'il est certain, et non pas hypothétique ou éventuel ; que la perte de la probabilité d'un événement favorable n'est indemnisable que s'il est établi l'existence d'une chance sérieuse perdue ; qu'en l'espèce, en affirmant qu'il était raisonnable de considérer que, si la résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée par la cour d'appel de Toulouse à effet du 27 avril 2015 n'était pas intervenue en raison des manquements de l'employeur, M. N... aurait terminé sa carrière au sein de l'entreprise et aurait perçu une indemnité de départ à la retraite, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la perte d'une chance sérieuse de M. N... de terminer sa carrière au sein de l'EPIV Tisséo, a indemnisé un préjudice hypothétique et éventuel, et violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, ensemble le principe de la réparation intégrale ;

3°) ALORS, subsidiairement, QUE le dommage qui se serait produit même en l'absence de faute du responsable ne peut être indemnisé ; qu'en retenant qu'il était raisonnable de considérer que, si la résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée par la cour d'appel de Toulouse à effet du 27 avril 2015 n'était pas intervenue en raison des manquements de l'employeur, M. N... aurait terminé sa carrière au sein de l'entreprise et aurait perçu une indemnité de départ à la retraite, après avoir pourtant constaté que, par un jugement du tribunal administratif de Toulouse 9 mars 2017 devenu définitif, la décision du ministère du travail du 17 janvier 2014 annulant la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de M. N... avait été annulée, de sorte que, à supposer même que la résiliation judiciaire ne soit pas intervenue, M. N..., qui avait été régulièrement licencié le 30 juillet 2013 après l'autorisation de l'inspecteur du travail du 19 juillet 2013, n'aurait pas terminé sa carrière dans l'entreprise, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

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