18 mars 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-83.358

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:CR00302

Texte de la décision

N° Z 19-83.358 F-D

N° 302


CK
18 MARS 2020


CASSATION SANS RENVOI


M. SOULARD président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 MARS 2020




Mme O... M... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Fort-de-France, chambre correctionnelle, en date du 21 mars 2019, qui, pour escroquerie, l'a condamnée à deux ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, a ordonné une mesure de confiscation et a prononcé sur les intérêts civils.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Planchon, conseiller, les observations de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de Mme O... M..., et les conclusions de Mme Zientara-Logeay, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 janvier 2020 où étaient présents M.Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 11 janvier 2011, la Caisse Générale de Sécurité Sociale (CGSS) de la Martinique a porté plainte contre Mme M..., infirmière libérale, en se fondant sur les conclusions d'une étude interne par ses services et la Direction Régionale du Service Médical, ayant mis en évidence des incohérences dans le cadre de l'activité professionnelle de l'intéressée.

3. Une enquête préliminaire a été diligentée.

4. Trois des médecins aux noms desquels les ordonnances ont été prescrites ont précisé ne pas les avoir rédigées.

5. Il a été établi que 287 ordonnances présentaient des falsifications, notamment, soit de la date de prescription initiale, soit de la durée de celle-ci qui était allongée, soit du libellé de la prescription, soit par l'ajout des mentions Démarche de Soins Infirmiers (DSI), et Séances hebdomadaires de surveillance clinique et de prévention (SHSCP).

6. Le préjudice total de la CGSS de la Martinique a été chiffré à la somme de 362 193,25 euros.

7. A l'issue de l'enquête, Mme M... a été citée devant le tribunal correctionnel pour avoir en Martinique, entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2014, d'une part, par quelque moyen que ce soit, altéré frauduleusement la vérité dans un écrit destiné à établir la preuve d'un droit ayant des conséquences juridiques, en l'espèce, en falsifiant 152 ordonnances durant la période de 2009 à 2012 et 135 ordonnances durant la période de 2013 à 2014 : par la modification du libellé de la prescription initiale, des dates de prescriptions initiales, de leur durée, par le rajout d'actes de soins sans l'accord du médecin ; par l'apposition de fausses signatures ou par rajout manuscrit et surcharge des soins non prescrits ou par l'utilisation de formules de prescriptions qui ne figurent pas dans le logiciel de rédaction du médecin, et fait usage desdits faux au préjudice de la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Martinique, d'autre part, par l'emploi de manoeuvres frauduleuses, en l'espèce la falsification de 152 ordonnances de 2009 à 2012 et de 135 ordonnances de 2013 à 2014, trompé la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Martinique pour la déterminer à lui remettre des fonds ou des valeurs, en l'espèce 362 193,25 euros correspondant aux remboursements des actes médicaux non prescrits par les médecins avec cette circonstance que les faits ont été commis au préjudice d'un organisme de protection sociale.

8. Par jugement en date du 25 avril 2018, le tribunal correctionnel a déclaré la prévenue coupable des chefs susvisés et l'a condamnée à deux ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve et à la confiscation des scellés.

9. Sur l'action civile, le tribunal a déclaré la prévenue responsable du préjudice de la CGSS de la Martinique et de trois des médecins dont les ordonnances ont été falsifiées et l'a condamnée à payer à la première la somme de 362 193,79 euros, outre celle de 1 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, et à chacune des trois autres parties civiles un euro en réparation de leur préjudice, outre la somme de 800 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

10. La prévenue, comme le ministère public, ont interjeté appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième et troisième moyens


11. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

12. Le moyen est pris de la violation des articles 1382 devenu 1240 du code civil, 314-1 du code pénal, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale.

13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme M... à payer à M. A..., à Mme W... et à M. X... un euro chacun en réparation de leur préjudice alors « que le droit d'exercer l'action civile devant la juridiction répressive n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé directement par l'infraction ; qu'en déclarant recevables les constitutions de partie civile des docteurs A..., X... et W... et en leur allouant des dommages-intérêts après avoir pourtant relaxé Mme M... du chef de faux à leur préjudice et l'avoir condamnée du chef d'escroquerie au seul préjudice de la CGSS de la Martinique, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2 et 470 du code de procédure pénale :

14. Il résulte du premier de ces textes que les droits de la partie civile ne peuvent être exercés que par les personnes justifiant d'un préjudice résultant de l'ensemble des éléments constitutifs de l'infraction visée à la poursuite.

15. Il résulte du second de ces textes que le juge qui renvoie le prévenu des fins de la poursuite d'une infraction ne peut se prononcer sur l'action civile découlant de celle-ci et doit débouter la partie civile de ses demandes.

16. Pour allouer à MM. A... et X... ainsi qu'à Mme W... un euro chacun en réparation de leur préjudice, l'arrêt attaqué énonce qu'il résulte de la décision sur l'action publique que la prévenue est également entièrement responsable du préjudice subi par les parties civiles.

17. La cour d'appel conclut qu'elle trouve dans la procédure suffisamment d'éléments de nature à confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à chacun de ces trois plaignants la somme susvisée.

18. En prononçant ainsi, alors que, d'une part, elle avait renvoyé la prévenue des fins de la poursuite des chefs de faux et usage pour lesquels elle avait été déclarée coupable par le tribunal, d'autre part, les parties civiles ne justifiaient pas d'un préjudice résultant de l'ensemble des éléments constitutifs de l'infraction d'escroquerie du chef de laquelle la prévenue a été déclarée coupable, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

19. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Fort-de-France, en date du 21 mars 2019, mais en ses seules dispositions relatives à l'action civile des docteurs A..., X... et W..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT que les docteurs A..., X... et W... doivent être déboutés de leurs demandes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Fort-de-France, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit mars deux mille vingt.

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