25 mars 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-11.433

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2020:SO00386

Titres et sommaires

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Pouvoir disciplinaire - Modification du contrat de travail - Refus du salarié - Substitution de sanction disciplinaire - Possibilité - Cas - Sanction disciplinaire autre que le licenciement - Nouvel entretien préalable - Nécessité (non) - Portée

Lorsque le salarié refuse une mesure disciplinaire emportant une modification de son contrat de travail, notifiée après un entretien préalable, l'employeur qui y substitue une sanction disciplinaire, autre qu'un licenciement, n'est pas tenu de convoquer l'intéressé à un nouvel entretien préalable

Texte de la décision

SOC.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 mars 2020




Cassation partielle


M. CATHALA, président



Arrêt n° 386 FS-P+B

Pourvoi n° Z 18-11.433




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 MARS 2020

La société Polynt composites France, venant aux droits de la société CCP composites, société anonyme, dont le siège est [...], a formé le pourvoi n° Z 18-11.433 contre l'arrêt rendu le 30 novembre 2017 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. Y... P..., domicilié [...], défendeur à la cassation.

M. P... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Polynt composites France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. P..., et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présents M. Cathala, président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller doyen, MM. Maron, Pietton, Mmes Richard, Le Lay, conseillers, Mmes Depelley, Duvallet, M. Le Corre, Mmes Marguerite, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. P... a été engagé, par contrat du 1er septembre 1998 régi par la convention collective des industries chimiques, en qualité d'opérateur par la société Cray Valley aux droits de laquelle se trouve la société Polynt composites France ; que, délégué syndical, il travaille en régime posté et est rémunéré en tant qu'opérateur de niveau 3 au coefficient 225 ; qu'il a, le 13 février 2012, saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

Sur les premier et deuxième moyens du pourvoi principal de l'employeur et le deuxième moyen du pourvoi incident du salarié :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident du salarié :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande au titre des heures de délégation alors, selon le moyen :

1°/ que l'annulation par le tribunal d'instance de la désignation n'ayant pas d'effet rétroactif, la perte de la qualité de représentant syndical n'intervient qu'à la date à laquelle le jugement est prononcé ; qu'en jugeant le contraire pour en déduire que le salarié ne pouvait prétendre aux heures de délégation afférentes, la cour d'appel a violé l'article L. 2143-8 du code du travail ;

2°/ que lorsque l'application d'une convention ou d'un accord est mise en cause dans une entreprise déterminée en raison notamment d'une fusion, d'une cession, d'une scission ou d'un changement d'activité, cette convention ou cet accord continue de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué ou, à défaut pendant une période d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis prévue à l'article L. 2261-9 du code du travail, sauf clause prévoyant une durée supérieure ; qu'en écartant l'application de l'accord syndical du 10 juillet 1992 allouant un crédit d'heures supplémentaires de délégation aux délégués syndicaux du comité central d'entreprise motif pris de ce que l'accord d'entreprise fixant le statut social applicable au sein de la société CCP composites listant les accords repris dans le cadre du transfert des contrats de travail ne l'avait pas repris, quand l'accord syndical du 10 juillet 1992 continuait de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué, peu important que la société Polynt composites ne comporte qu'un seul établissement, la cour d'appel a violé l'article L. 2261-14 du code du travail ;

3°/ à tout le moins que lorsque l'application d'une convention ou d'un accord est mise en cause dans une entreprise déterminée en raison notamment d'une fusion, d'une cession, d'une scission ou d'un changement d'activité, cette convention ou cet accord continue de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué ou, à défaut pendant une période d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis prévue à l'article L. 2261-9 du code du travail, sauf clause prévoyant une durée supérieure ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'accord du 10 juillet 1992 avait ou non cessé de produire effet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2261-14 du code du travail ;

Mais attendu qu'en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur, les mandats en cours de délégué syndical central et de représentant syndical central au comité d'entreprise cessent de plein droit à la date du transfert dès lors que la société reprenant l'activité transférée ne remplit pas les conditions légales ;

Et attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que le salarié réclamait l'application d'un accord conclu par la société Cray Valley avec les organisations syndicales le 10 juillet 1992 réservant un crédit d'heures supplémentaires de délégation aux délégués syndicaux du comité central d'entreprise alors que la société Polynt composites, à laquelle l'entité économique avait été transférée, ne comportait qu'un seul établissement et était dépourvue de délégués syndicaux centraux, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Sur le troisième moyen du pourvoi incident du salarié :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire du 24 mai 2013 et de rappel de salaires et de dommages-intérêts à ce titre alors, selon le moyen, que lorsque le salarié refuse une mesure de rétrogradation disciplinaire notifiée après un premier entretien préalable, l'employeur qui envisage de prononcer une autre sanction disciplinaire ayant une incidence sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié au lieu de la sanction refusée, doit convoquer l'intéressé à un nouvel entretien ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1332-2 et L. 1332-4 du code du travail ;

Mais attendu que lorsque le salarié refuse une mesure disciplinaire emportant une modification de son contrat de travail, notifiée après un entretien préalable, l'employeur qui y substitue une sanction disciplinaire, autre qu'un licenciement, n'est pas tenu de convoquer l'intéressé à un nouvel entretien préalable ;

Et attendu que la cour d'appel a décidé à bon droit qu'après le refus par le salarié d'une mesure de rétrogradation proposée à la suite d'un entretien disciplinaire, l'employeur pouvait lui notifier une mesure de mise à pied disciplinaire sans le convoquer préalablement à un nouvel entretien ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal de l'employeur :

Vu l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

Attendu que pour condamner l'employeur à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour non paiement des heures de trajet, l'arrêt retient que l'employeur devra également lui verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral dûment justifié résultant du retard anormal apporté à la régularisation de ses droits ;

Qu'en statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'un préjudice distinct de celui résultant du retard de paiement, causé par la mauvaise foi de l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Polynt composites France à payer à M. P... la somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts pour non paiement des heures de trajet, l'arrêt rendu le 30 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne M. P... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Polynt composites France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que l'emploi de M. P... relevait entre janvier 2010 et fin décembre 2015 du coefficient 235 applicable aux techniciens des industries chimiques et condamné en conséquence la société Polynt composites France à payer à M. P... les sommes de 5 777,25 euros et de 577,72 euros à titre de rappel de salaires et indemnité de congés payés, d'AVOIR ordonné à l'employeur de le rémunérer au coefficient 250 à compter du 1er janvier 2016, avec les rappels de salaires afférents, et d'AVOIR condamné la société Polynt composites France à payer au salarié la somme de 2 500 € au titre des frais non compris dans les dépens ainsi qu'aux dépens incluant ceux de première instance,

AUX MOTIFS QU'il ressort des éléments du dossier que le 1er janvier 2008 M. P... a été promu opérateur de niveau 3 coefficient 225 avec rattachement à la catégorie des techniciens et agents de maîtrise ; qu'aux termes de l'accord de révision des classifications en date du 10 août 1978 le coefficient 225 est réservé aux techniciens dont la fonction exige des connaissances acquises soit par une formation pouvant être sanctionnée par un BTS ou un DUT, soit par une expérience pratique équivalente ; que le coefficient 235 est quant à lui applicable aux techniciens ayant les connaissances générales et techniques du coefficient précédent (225) ainsi qu'une expérience pratique suffisante lui permettant d'adapter ses interventions ; que le coefficient 250 est quant à lui réservé aux techniciens ayant des connaissances professionnelles et une expérience étendues leur permettant de prendre des décisions pour adapter leurs interventions après avoir interprété des informations variées et complexes et pouvant être appelés à assurer une assistance technique et à contrôler des agents de classification inférieure ; qu'il résulte des éléments versés aux débats que compte tenu de son parcours et de son importante ancienneté dans l'entreprise M. P... dispose de connaissances professionnelles et d'une expérience pratique étendues lui permettant de prendre des décisions et d'adapter ses interventions ; qu'il a été appelé, dans sa spécialité, à assurer une assistance technique et à contrôler des agents de classification inférieure. Il a par ailleurs assuré des fonctions de chef de poste remplaçant ; que dans son entretien d'évaluation il est indiqué qu'il dispose de compétences de supervision et relationnelles, qu'il sait faire passer ses idées et que son «courage managerial» est adéquat, ce qui implique qu'il lui a été demandé d'en faire montre ; qu'il en ressort qu'entre 2010 et fin 2015 M. P... a exercé des fonctions de coefficient 235 et qu'il sera fait droit à ses demandes non contestées en leur quantum et exactement calculées ; que par ailleurs, il est avéré qu'à compter de janvier 2016 et jusqu'à ce jour M. P... exerce habituellement des fonctions relevant du coefficient 250 ; qu'il sera donc enjoint à l'employeur de le rémunérer en conséquence postérieurement au 1er janvier 2016 ;

ALORS QUE les juges du fond, tenus de motiver leur décision, ne peuvent statuer par le simple visa de pièces non identifiées et n'ayant fait l'objet d'aucune analyse ; qu'en se bornant à affirmer péremptoirement qu'il résultait des éléments versés aux débats que compte tenu de son parcours et de son importante ancienneté dans l'entreprise, M. P... disposait de connaissances professionnelles et d'une expérience pratique étendues lui permettant de prendre des décisions et d'adapter ses interventions, et qu'il avait été appelé, dans sa spécialité, à assurer une assistance technique et à contrôler des agents de classification inférieure, sans préciser sur quels éléments de preuve elle se fondait, ni les analyser, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné à l'employeur de rémunérer le salarié au coefficient 250 à compter du 1er janvier 2016, avec les rappels de salaires afférents, et d'AVOIR condamné la société Polynt composites France à payer au salarié la somme de 2 500 € au titre des frais non compris dans les dépens ainsi qu'aux dépens incluant ceux de première instance,

AUX MOTIFS QU'il ressort des éléments du dossier que le 1er janvier 2008 M. P... a été promu opérateur de niveau 3 coefficient 225 avec rattachement à la catégorie des techniciens et agents de maîtrise ; qu'aux termes de l'accord de révision des classifications en date du 10 août 1978 le coefficient 225 est réservé aux techniciens dont la fonction exige des connaissances acquises soit par une formation pouvant être sanctionnée par un BTS ou un DUT, soit par une expérience pratique équivalente ; que le coefficient 235 est quant à lui applicable aux techniciens ayant les connaissances générales et techniques du coefficient précédent (225) ainsi qu'une expérience pratique suffisante lui permettant d'adapter ses interventions ; que le coefficient 250 est quant à lui réservé aux techniciens ayant des connaissances professionnelles et une expérience étendues leur permettant de prendre des décisions pour adapter leurs interventions après avoir interprété des informations variées et complexes et pouvant être appelés à assurer une assistance technique et à contrôler des agents de classification inférieure ; qu'il résulte des éléments versés aux débats que compte tenu de son parcours et de son importante ancienneté dans l'entreprise M. P... dispose de connaissances professionnelles et d'une expérience pratique étendues lui permettant de prendre des décisions et d'adapter ses interventions ; qu'il a été appelé, dans sa spécialité, à assurer une assistance technique et à contrôler des agents de classification inférieure. Il a par ailleurs assuré des fonctions de chef de poste remplaçant ; que dans son entretien d'évaluation il est indiqué qu'il dispose de compétences de supervision et relationnelles, qu'il sait faire passer ses idées et que son «courage managerial» est adéquat, ce qui implique qu'il lui a été demandé d'en faire montre ; qu'il en ressort qu'entre 2010 et fin 2015 M. P... a exercé des fonctions de coefficient 235 et qu'il sera fait droit à ses demandes non contestées en leur quantum et exactement calculées ; que par ailleurs, il est avéré qu'à compter de janvier 2016 et jusqu'à ce jour M. P... exerce habituellement des fonctions relevant du coefficient 250 ; qu'il sera donc enjoint à l'employeur de le rémunérer en conséquence postérieurement au 1er janvier 2016 ;

ALORS QU'aux termes de l'accord du 10 août 1978 portant révision des classifications, conclu dans le cadre de la convention collective nationale des industries chimiques et connexes, le coefficient 250 est réservé au technicien « ayant des connaissances professionnelles et une expérience étendues lui permettant de prendre des décisions pour adapter ses interventions après avoir interprété des informations variées et complexes. Il peut être appelé, dans sa spécialité, à assurer une assistance technique et à contrôler des agents de classification inférieure » ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à constater que M. P... disposait de connaissances professionnelles et d'une expérience pratique étendues lui permettant de prendre des décisions et d'adapter ses interventions, qu'il avait été appelé, dans sa spécialité, à assurer une assistance technique et à contrôler des agents de classification inférieure, qu'il avait assuré des fonctions de chef de poste remplaçant, qu'il disposait de compétences de supervision et relationnelles, qu'il savait faire passer ses idées et que son « courage managerial » était adéquat ; qu'en retenant que depuis janvier 2016, M. P... exerçait habituellement des fonctions relevant du coefficient 250, sans constater qu'il était amené depuis cette date, avant de prendre des décisions pour adapter ses interventions, à interpréter des informations variées et complexes, ni au demeurant constater depuis cette date le moindre changement dans ses fonctions justifiant un changement de coefficient, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Polynt composites France à payer à M. P... la somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts pour non-paiement des heures de trajet,

AUX MOTIFS QU'il est justifié en appel de l'accomplissement par M. P... d'heures de trajet dans le cadre de son mandat syndical, effectuées en dehors de l'horaire de travail normal, dont l'employeur devait assurer le règlement, ce qui n'est pas contesté ; qu'au vu des calendriers et décomptes produits par l'appelant, il lui sera alloué non pas la somme réclamée, ne correspondant pas aux heures réellement effectuées, mais celle de 6022,22 € ; que l'employeur devra également lui verser 300 € de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral dûment justifié résultant du retard anormal apporté à la régularisation de ses droits ;

ALORS QUE les dommages intérêts résultant du retard dans l'exécution d'une obligation au paiement d'une somme d'argent ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, lesquels ne courent que du jour de la sommation de payer ; que le juge ne peut allouer au créancier des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires qu'à la condition de caractériser, d'une part, la mauvaise foi du débiteur, d'autre part, l'existence d'un préjudice indépendant du retard de paiement ; que la cour d'appel qui a accordé au salarié des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par le retard anormal de paiement des heures de trajet effectuées par le salarié dans le cadre de son mandat syndical, effectuées en dehors de l'horaire de travail normal, sans caractériser la mauvaise foi du débiteur, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. P....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande au titre des heures de délégation.

AUX MOTIFS propres QUE les moyens invoqués par M. P... au soutien de son appel ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents que la Cour adopte sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation ; que la Cour ajoute que le salarié ne verse en cause d'appel aucun justificatif des raisons exceptionnelles d'un dépassement du crédit mensuel de 20 heures applicable aux délégués syndicaux et que sa désignation en qualité de délégué syndical central et représentant syndical au comité central d'entreprise ayant été annulée par le tribunal d'instance de Douai le 20 décembre 2012 il ne peut prétendre à aucun surplus de crédit au titre desdites fonctions ; que c'est donc vainement qu'il réclame l'application d'un accord conclu par la société Cray Valley avec les organisations syndicales le 10 juillet 1992 réservant un crédit d'heures supplémentaires de délégation aux délégués syndicaux du comité central d'entreprise alors que la société Polynt Composites, qui ne comporte qu'un seul établissement, en est dépourvue.

AUX MOTIFS adoptés QU'il résulte du jugement du tribunal d'instance de Douai, en date du 20 décembre 2012, qui n'a pas fait l'objet d'un pourvoi en cassation, que la désignation de Monsieur Y... P... en qualité de délégué syndical central et représentant syndical au comité central de l'entreprise effectuée par courrier du 20 juillet 2011, a été annulée ; que l'annulation a un effet rétroactif au jour de la désignation ; que dès lors, Monsieur Y... P... ne disposait plus de ces qualités en mars et avril 2012 ; qu'il en résulte que le crédit d'heure de délégation dont bénéficie Monsieur Y... P... correspond à celui de ses fonctions de délégué syndical ; que par ailleurs, l'accord d'entreprise fixant le statut social applicable au sein de la société CCP composites listant les accords repris dans le cadre du transfert des contrats de travail ne reprend pas l'accord syndical du 10 juillet 1992 ; que celui-ci n'était donc plus applicable à la période concernée ; que dès lors, Monsieur Y... P... bénéficie, en application des articles L. 2143-13 et suivants du code du travail, de 20 heures de délégation par mois, et que pour le surplus, il doit justifier de circonstances exceptionnelles ; que la société Polynt Composites a interrogé Monsieur Y... P... sur les circonstances exceptionnelles ayant justifié le dépassement d'heures de délégation en mars et avril 2012, Monsieur Y... P... n'en a pas justifié ; que c'est donc à juste titre que la société Polynt Composites n'a pas procédé à la rémunération des dites heures de délégation, qui ne bénéficiaient pas d'une présomption de bonne utilisation.

1° ALORS QUE l'annulation par le tribunal d'instance de la désignation n'ayant pas d'effet rétroactif, la perte de la qualité de représentant syndical n'intervient qu'à la date à laquelle le jugement est prononcé ; qu'en jugeant le contraire pour en déduire que le salarié ne pouvait prétendre aux heures de délégation afférentes, la cour d'appel a violé l'article L.2143-8 du code du travail.

2° ALORS QUE lorsque l'application d'une convention ou d'un accord est mise en cause dans une entreprise déterminée en raison notamment d'une fusion, d'une cession, d'une scission ou d'un changement d'activité, cette convention ou cet accord continue de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué ou, à défaut pendant une période d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis prévue à l'article L.2261-9 du code du travail, sauf clause prévoyant une durée supérieure ; qu'en écartant l'application de l'accord syndical du 10 juillet 1992 allouant un crédit d'heures supplémentaires de délégation aux délégués syndicaux du comité central d'entreprise motif pris de ce que l'accord d'entreprise fixant le statut social applicable au sein de la société CCP Composites listant les accords repris dans le cadre du transfert des contrats de travail ne l'avait pas repris, quand l'accord syndical du 10 juillet 1992 continuait de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué, peu important que la société Polynt Composites ne comporte qu'un seul établissement, la cour d'appel a violé l'article L.2261-14 du code du travail.

3° ALORS à tout le moins QUE lorsque l'application d'une convention ou d'un accord est mise en cause dans une entreprise déterminée en raison notamment d'une fusion, d'une cession, d'une scission ou d'un changement d'activité, cette convention ou cet accord continue de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué ou, à défaut pendant une période d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis prévue à l'article L.2261-9 du code du travail,, sauf clause prévoyant une durée supérieure ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'accord du 10 juillet 1992 avait ou non cessé de produire effet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.2261-14 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de ses demandes de rappel de salaire et de dommages et intérêts au titre des repos compensateurs et défaut d'information pour repos compensateurs à l'amélioration des conditions de travail.

AUX MOTIFS propres QU' il résulte de l'article 4 de l'Accord du 16 septembre 2003 relatif au travail de nuit dans les industries chimiques qu'en l'absence de dispositions ayant le même objet arrêtées par accord d'entreprise tout salarié affecté en service continu doit bénéficier chaque année de 3 jours de repos compensateurs dits d'amélioration des conditions de travail ; que M. P... soutient que son employeur ne l'a pas mis en mesure de prendre ses repos compensateurs et qu'il ne l'a pas informé de ses droits en la matière ce qui lui a occasionné un préjudice dont il réclame réparation, en sus des salaires correspondants ; que la SA Polynt composites France soutient que les repos compensateurs prévus par la convention collective ont été intégrés dans le temps de travail en application d'un accord de réduction du temps de travail conclu avec les organisations syndicales le 29 janvier 2010 ; qu'il ressort de l'article 4 dudit accord que le décompte du temps de travail est apprécié sur la base d'une durée annuelle de travail exprimée en nombre de postes de 8 heures, fixé à 189 par an, tenant compte des repos de quelque nature qu'ils soient incluant les repos compensateurs pour l'amélioration des conditions de travail ; qu'il en résulte qu'ayant été soumis à une nouvelle forme d'organisation de son temps de travail intégrant dans son temps libre les journées de repos compensateurs prévus par la Convention collective M. P..., dont la rémunération n'a pas été diminuée, a été entièrement rempli de ses droits ; que par ailleurs, force est de constater que l'employeur lui a délivré des bulletins de paie, qu'il n'avait pas à y mentionner les repos compensateurs intégrés dans le nouveau calcul du temps de travail et qu'il n'a donc pas manqué à son devoir d'information.

AUX MOTIFS adoptés QU'en matière de temps de travail, il appartient au salarié d'apporter des éléments de preuve tendant à démontrer que ses droits ne sont pas respectés, et dans ce cas, à l'employeur d'apporter la preuve du temps de travail et des modalités de calcul et de décompte de celui-ci ; qu'en l'espèce, Monsieur Y... P... produit comme unique pièce un courrier daté du 4 avril 2012 indiquant que la convention collective des industries chimiques n'est pas respectée quant au décompte des repos compensateurs ; que l'article 5 de l'accord sur la réduction du temps de travail applicable dans l'entreprise précise qu'à la date d'application du présent accord, le nombre de postes annuels effectivement travaillés par an par le personnel en poste semi continu, compte tenu de tous les repos de quelque nature que ce soit (repos hebdomadaires, repos pour réduction du temps de travail, repos compensateurs (
)) sont fixés à 189 et 193 postes par ans selon le nombre de jours travaillés par semaine ; que Monsieur Y... P... n'apporte aucun élément ni décompte quelconque tendant à étayer le fait que ces stipulations ne seraient pas respectés.

1° ALORS QUE la preuve des heures supplémentaires travaillées n'incombe à aucune des parties de sorte que le juge ne peut, pour rejeter une demande fondée sur l'accomplissement d'heures supplémentaires, se fonder exclusivement sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié ; que s'il appartient au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande, il incombe à l'employeur de répondre aux éléments produits par le salarié en fournissant ses propres éléments ; qu'en déboutant l'exposant de sa demande en paiement des repos compensateurs pour les heures effectuées au-delà des 189 postes par an aux motifs adoptés qu'il n'avait apporté aucun élément ni décompte quelconque tendant à étayer le fait que l'accord sur la réduction du temps de travail ne serait pas respecté, la cour d'appel qui a fait peser la charge de la preuve sur le salarié, a violé l'article L.3171-4 du code du travail.

2° ALORS QUE le juge ne saurait dénaturer les conclusions des parties ; que pour débouter le salarié, la cour d'appel a estimé que la nouvelle forme d'organisation de son temps de travail instituée par l'accord de réduction du temps de travail le 29 janvier 2010 intégrait dans son temps libre les journées de repos compensateurs prévues par la convention collective ; qu'en statuant ainsi, quand le salarié avait demandé le paiement des repos compensateurs correspondant aux heures supplémentaires effectuées au-delà des 189 postes par an, la cour d'appel, qui a dénaturé les conclusions d'appel du salarié, a violé l'article 1134 du code civil alors applicable.

3° ALORS à titre subsidiaire QUE compte tenu de l'organisation du travail en poste, le décompte du temps de travail est apprécié à partir d'une durée annuelle de travail exprimée en nombre de postes de 8 heures ; qu'à la date d'application de l'accord sur la réduction du temps de travail, le nombre annuel de postes effectivement travaillés par an par le personnel posté en continu, compte tenu de tous les repos de quelque nature que ce soit (repos hebdomadaires, repos pour réduction du temps de travail, repos compensateurs pour l'amélioration des conditions de travail, repos compensateurs de jours fériés, repos compensateurs pour passation de consignes, congés payés légaux) est fixé à 189 postes soit 1 512 h/an ; qu'en estimant qu'en étant soumis à cette nouvelle organisation du temps de travail intégrant dans son temps libre les journées de repos compensateurs prévues par la convention collective, le salarié dont la rémunération n'a pas été diminuée, avait été rempli de ses droits, sans rechercher si celui-ci n'avait pas effectué des heures supplémentaires au-delà des 189 postes par an justifiant des repos compensateurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'accord sur la réduction du temps de travail du 29 janvier 2010.

4° ALORS QUE l'employeur est tenu de porter à la connaissance du salarié le nombre d'heures de repos compensateurs porté à son crédit par un document annexé à son bulletin de salaire ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article D.3171-11 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire du 24 mai 2013 et de rappel de salaires et de dommages et intérêts à ce titre.

AUX MOTIFS propres QUEM. P..., qui soutient que toute sanction doit être précédée d'un entretien disciplinaire, fait par ailleurs valoir que la procédure disciplinaire n'a pas été respectée dès lors que suite à son refus d'accepter la rétrogradation décidée après l'entretien disciplinaire du 26 avril 2013 l'employeur lui a notifié la sanction de mise à pied sans le convoquer une nouvelle fois à un entretien préalable ; qu'à ce moyen l'employeur objecte à juste titre qu'il a tenu l'entretien préalable le 26 avril 2013 et qu'aucun texte ni disposition du règlement intérieur ne lui faisait obligation d'en tenir un autre après le refus du salarié d'accepter la rétrogradation proposée à titre de sanction ; qu'il en résulte que la sanction disciplinaire, prévue par le règlement intérieur, était fondée.

ALORS QUE lorsque le salarié refuse une mesure de rétrogradation disciplinaire notifiée après un premier entretien préalable, l'employeur qui envisage de prononcer une autre sanction disciplinaire ayant une incidence sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié au lieu de la sanction refusée, doit convoquer l'intéressé à un nouvel entretien ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L.1332-2 et L.1332-4 du code du travail.

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