21 avril 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-86.652

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:CR00665

Texte de la décision

N° J 18-86.652 F-D

N° 665


SM12
21 AVRIL 2020


CASSATION SANS RENVOI


M. SOULARD président,




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 21 AVRIL 2020



Le Centre hospitalier régional universitaire de Besançon a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Besancon, chambre correctionnelle, en date du 18 octobre 2018, qui, pour mise en danger d'autrui, l'a condamné à 40 000 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires, en demande et en défense, et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de Mme Ménotti, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat du Centre hospitalier régional universitaire de Besançon, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocats de la Fédération CFDT Santé Sociaux et du Syndicat CFDT Santé Sociaux du Doubs, et de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocats des défendeurs et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Ménotti, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.



Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Les bâtiments du centre hospitalier régional universitaire (CHRU), dans lesquels d'importants travaux avaient été programmés, ont fait l'objet de plusieurs rapports en novembre 1998, novembre 2006, octobre 2008 et septembre 2009, révélant la présence d'amiante nécessitant la prise de mesures spécifiques de prévention et de protection. A la suite d'incidents survenus dans ses locaux, au cours desquels ont été exposés aux poussières d'amiante des agents hospitaliers et des salariés des entreprises mandatées pour effectuer les travaux, l'inspection du travail a été conduite à rappeler le CHRU à ses obligations à plusieurs reprises et à adresser, le 15 juin 2011, un rapport au parquet de Besançon, lequel a confié l'enquête à la direction interrégionale de police judiciaire de Besançon et à l'office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique.

3. C'est dans ces conditions que le CHRU a été cité devant le tribunal correctionnel le 22 avril 2016 pour mise en danger de la vie d'autrui, au visa de l'article 223-1 du code pénal.

4. Les juges du premier degré, après avoir relaxé le CHRU pour une partie des faits, l'ont déclaré coupable du surplus et, statuant sur les intérêts civils, ont notamment déclaré recevable la constitution de partie civile du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du centre hospitalier et celle de l'association nationale de défense des victimes de l'amiante (ANDEVA). Appel a été relevé de cette décision.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième et troisième moyens


5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur les quatrième et cinquième moyens

Enoncé des moyens

6. Le quatrième moyen est pris de la violation des articles 2, 591 et 593 du code de procédure pénale.

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile du CHSCT du CHRU et lui a alloué des frais irrépétibles, alors « que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail n'a pas pour mission de représenter les différentes catégories du personnel, ni les intérêts généraux de la profession, et qu'il ne tient d'aucune disposition le droit d'exercer les pouvoirs de la partie civile sans avoir à justifier d'un préjudice personnel découlant directement des infractions poursuivies, y compris en matière de santé et de sécurité au travail ; qu'en se fondant sur la circonstance que les infractions poursuivies avaient causé atteinte "à sa mission première qui est la prévention des risques et la sécurité du personnel de l'entreprise » pour en déduire que la constitution de partie civile du CHSCT était recevable, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser un préjudice direct et personnel, violant ainsi les dispositions susvisées."

8. Le cinquième moyen est pris de la violation des articles 2, 2-1 et suivants, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs.

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de l'ANDEVA et lui a alloué une indemnité au titre des frais irrépétibles, alors :

« 1°/ qu'en dehors des habilitations législatives spécifiques, l'action civile d'une association n'est recevable que si elle a été directement et personnellement lésée par l'infraction reprochée au prévenu ; que pour juger que le délit poursuivi, de mise en danger de la vie d'autrui, avait causé un préjudice direct et personnel à l'association ANDEVA, la cour d'appel s'est exclusivement fondée sur l'objet statutaire de cette association, circonstance impropre à caractériser un préjudice direct et personnel, violant ainsi les dispositions susvisées ;

2°/ subsidiairement, qu'en se bornant à évoquer la « spécificité » et « l'objet de la mission » de l'association ANDEVA, sans aucune précision quant à l'objet de cette mission, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas légalement justifié sa décision. »

Réponse de la Cour

10. Les moyens sont réunis.

Vu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale :

11. L'exercice de l'action civile devant les juridictions répressives est un droit exceptionnel qui, en raison de sa nature, doit être strictement renfermé dans les limites fixées par ces textes.

12. Pour déclarer recevables les actions civiles du CHSCT et de ANDEVA, l'arrêt attaqué énonce, s'agissant du CHSCT, que les faits poursuivis ont causé directement une atteinte à sa mission première, qui est la prévention des risques et la sécurité du personnel de l'entreprise puisque, dès 2006, celui-ci a apporté sa contribution dans la détermination et la prise en charge de la sécurité des personnels confrontés à la problématique de l'amiante sur leur lieu de travail et, concernant l'ANDEVA, que les faits poursuivis lui ont causé un préjudice personnel compte tenu de la spécificité et de l'objet de sa mission.

13. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe susvisés.

14. En effet, en premier lieu, le CHSCT n'a pas pour mission de représenter les différentes catégories du personnel, ni les intérêts généraux de la profession, et ne tient d'aucune disposition de la loi le droit d'exercer les pouvoirs de la partie civile sans avoir à justifier d'un préjudice personnel découlant directement des infractions poursuivies, y compris en matière de sécurité du travail.

15. En second lieu, le préjudice allégué par l'ANDEVA comme découlant de l'infraction retenue, n'a pas été réalisé au détriment de la personne morale partie civile, laquelle n'était pas davantage fondée à intervenir en application de l'article 2-18 du code de procédure pénale qui concerne les délits de blessure et d'homicide involontaires des articles 221-6, 222-19 et 222-20 du code pénal, mais ne vise pas l'infraction de mise en danger d'autrui prévu par l'article 223-1 du même code.

16. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée de la cassation

17. Dès lors que la cassation n'implique pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

Demandes présentées au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale

18. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité du CHRU de Besançon étant devenue définitive par suite de la non-admission de ses premier et deuxième moyens de cassation, contestés par les défendeurs au pourvoi, il y a lieu de faire droit aux demandes en paiement d'indemnité au titre des frais irrépétibles exposés d'une part, par la Fédération CFDT santé sociaux et du syndicat CFDT santé sociaux du Doubs représentés par la SCP Piwnica/Molinie et, d'autre part, par les défendeurs représentés par la SCP Thouvenin/Coudray/Grecy, à l'exception du CHSCT du CHRU de Besançon.



PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Besançon, en date du 18 octobre 2018, mais en ses seules dispositions ayant déclaré recevables les constitutions de partie civile du CHSCT et de l'ANDEVA et leur ayant accordé des indemnités au titre des frais irrépétibles, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Fixe à 2 500 euros la somme que le CHRU devra payer au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale, d'une part, aux défendeurs représentés par la SCP Piwnica/Molinie et d'autre part, à ceux représentés par la SCP Thouvenin/Coudray/Grevy, à l'exception du CHSCT du CHRU de Besançon ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Besançon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un avril deux mille vingt.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.