2 décembre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-20.279

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2020:C100764

Titres et sommaires

FILIATION - Actions relatives à la filiation - Actions aux fins d'établissement de la filiation - Action en recherche de paternité - Prescription prévue par l'article 321 du code civil - Convention européenne des droits de l'homme - Article 8 - Droit au respect de la vie privée et familiale - Proportionnalité

Une cour d'appel qui relève que la demanderesse à une action en établissement de sa filiation paternelle, par constatation de la possession d'état, a bénéficié d'un délai de quarante-cinq années, dont vingt-sept à compter de sa majorité, peut en déduire que le délai de prescription qui lui est opposé respecte un juste équilibre et qu'il ne porte pas, au regard du but légitime poursuivi, une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 8 - Respect de la vie privée et familiale - Compatibilité - Actions aux fins d'établissement de la filiation - Action en recherche de paternité - Prescription prévue par l'article 321 du code civil - Proportionnalité

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 décembre 2020




Rejet


Mme BATUT, président



Arrêt n° 764 F-P

Pourvoi n° K 19-20.279




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 DÉCEMBRE 2020

Mme L... W..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° K 19-20.279 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2-3), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme S... D..., épouse U..., domiciliée [...] ,

2°/ à M. Y... V..., domicilié [...] ,

3°/ à Mme M... V..., domiciliée [...] ,

4°/ au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en son parquet général, [...],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boulloche, avocat de Mme W..., de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme D..., de M. V... et de Mme V..., et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen,et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 mai 2019), Mme W..., née le [...] , a, par acte d'huissier de justice du 15 avril 2016, assigné le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille aux fins de voir établir, par la possession d'état, sa filiation paternelle à l'égard de Y... D..., décédé accidentellement le jour de sa naissance. Mme U..., soeur du défunt, ainsi que ses neveu et nièce, M. V... et Mme V..., sont intervenus volontairement à l'instance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. Mme W... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son action en établissement de filiation paternelle par possession d'état, alors :

« 1°/ que lorsque le demandeur ne connaît pas l'existence ou l'identité des personnes qui ont successivement qualité pour défendre à une action en reconnaissance d'un lien de filiation avant que n'expire le délai de prescription, il peut diriger son action contre celle qui, selon l'ordre fixé par l'article 328 du code civil, lui succède comme étant habilitée à défendre à l'action ; que l'assignation délivrée contre cette dernière interrompt alors le délai de prescription ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que l'assignation en reconnaissance d'un lien de filiation par possession d'état à l'égard de Y... D... délivrée par Mme W... au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille n'avait pu interrompre le délai de prescription dès lors qu'elle aurait dû être dirigée contre les héritiers de Y... D... qui n'avaient pas renoncé à la succession ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si Mme W... pouvait connaître ses héritiers au jour de son assignation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 321, 328, 330, 2241 et 234 du code civil, 6 et 8 de Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du principe suivant lequel chacun a le droit de connaître ses origines ;

2°/ que l'impossibilité pour une personne de faire reconnaître son lien de filiation paternelle constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que si la prescription des actions relatives à la filiation est prévue par la loi et poursuit un but légitime en ce qu'elle tend à protéger les droits des tiers et la sécurité juridique, l'application des règles procédurales selon lesquelles l'action doit être formée ne doit pas conduire à porter une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale du demandeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui s'est abstenue de rechercher, au regard des circonstances propres du litige et de la situation de Mme W..., si le fait que celle-ci ait assigné l'Etat au lieu des héritiers, alors que le premier était désigné par le texte comme étant un potentiel défendeur, justifiait qu'elle fût privée du droit de faire reconnaître sa filiation sans qu'il en résulte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de la Convention de sauvegarde de droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

3. Selon l'article 330 du code civil, la possession d'état peut être constatée, à la demande de toute personne qui y a intérêt, dans le délai de dix ans à compter de sa cessation ou du décès du parent prétendu.

4. Selon l'article 321 du même code, sauf lorsqu'elles sont enfermées par la loi dans un autre délai, les actions relatives à la filiation se prescrivent par dix ans à compter du jour où la personne a été privée de l'état qu'elle réclame, ou a commencé à jouir de l'état qui lui est contesté. À l'égard de l'enfant, ce délai est suspendu pendant sa minorité.

5. L'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, entrée en vigueur le 1er juillet 2006, a, pour l'action en constatation de la possession d'état, substitué au délai de prescription trentenaire un délai de prescription décennale.

6. Selon l'article 2222 du code civil, en cas de réduction de la durée du délai de prescription, le nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

7. Il résulte de l'article 328, alinéa 3, du même code que l'action en recherche de paternité ou de maternité est exercée contre le parent prétendu ou ses héritiers et que ce n'est qu'à défaut d'héritiers, ou si ceux-ci ont renoncé à la succession, qu'elle est dirigée contre l'Etat.

8. Aux termes de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

9. Ces dispositions sont applicables en l'espèce dès lors que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, le droit à l'identité, dont relève le droit de connaître et de faire reconnaître son ascendance, fait partie intégrante de la notion de vie privée.

10. Si l'impossibilité pour une personne de faire reconnaître son lien de filiation paternelle constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de sa vie privée, cette ingérence est, en droit interne, prévue par la loi, dès lors qu'elle résulte de l'application des textes précités du code civil, qui définissent de manière claire et précise les conditions de prescription des actions relatives à la filiation, cette base légale étant accessible aux justiciables et prévisible dans ses effets.

11. Elle poursuit un but légitime, au sens du second paragraphe de l'article 8 précité, en ce qu'elle tend à protéger les droits des tiers et la sécurité juridique.

12. Les délais de prescription des actions aux fins d'établissement de la filiation paternelle ainsi fixés par la loi, qui laissent subsister un délai raisonnable pour permettre à l'enfant d'agir après sa majorité, constituent des mesures nécessaires pour parvenir au but poursuivi et adéquates au regard de cet objectif.

13. Cependant, il appartient au juge d'apprécier si, concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, la mise en oeuvre de ces délais légaux de prescription ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l'intéressé, au regard du but légitime poursuivi et, en particulier, si un juste équilibre est ménagé entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu.

14. L'arrêt relève que Mme W... a mal dirigé ses demandes lorsqu'elle a assigné le procureur de la République le 15 avril 2016 et que cette assignation n'a pu interrompre, à l'égard des héritiers de Y... D..., le délai de prescription qui a expiré le 1er juillet 2016. Il ajoute qu'elle a bénéficié d'un délai de quarante-cinq années, dont vingt-sept à compter de sa majorité, pour exercer l'action en établissement de sa filiation paternelle.

15. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu, sans être tenue de procéder à une recherche que ces constatations rendaient inopérante, déduire que le délai de prescription qui lui était opposé respectait un juste équilibre et qu'il ne portait pas, au regard du but légitime poursuivi, une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale.

16. Le moyen, irrecevable en sa première branche comme proposant une argumentation incompatible avec celle que Mme W... a développée devant la cour d'appel en soutenant avoir entretenu avec les héritiers de Y... D... des relations régulières pendant de nombreuses années, n'est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme W... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour Mme W....

Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'action en établissement de filiation paternelle par possession d'état formée par Mme L... W... ;

AUX MOTIFS QU'« en application de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, entrée en vigueur le 1er juillet 2006, un nouveau délai de prescription décennale de l'action en constatation de la possession d'état a été substitué au délai de prescription trentenaire.
Aux termes de l'article 321 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 4 juillet 2005, sauf lorsqu'elles sont enfermées par la loi dans un autre délai, les actions relatives à la filiation se prescrivent par dix ans à compter du jour où la personne a été privée de l'état qu'elle réclame, ou a commencé à jouir de l'état qui lui est contesté. A l'égard de l'enfant, ce délai est suspendu pendant sa minorité.
L'ordonnance n°2005-759 du 4 juillet 2005, entrée en vigueur le 1er juillet 2006, stipule en son article 20 que "sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, l'ordonnance est applicable aux enfants nés avant comme après son entrée en vigueur".
L'article 2222 du code civil dispose : « La loi qui allonge la durée d'une prescription ou d'un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise. Elle s'applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé.
En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. »
Mme L... W... disposait sous l'empire de la loi ancienne d'un délai de trente ans à compter de sa majorité pour intenter une action en constatation de sa possession d'état à l'égard de son père Y... D..., et ce à compter de son décès soit le [...]. Ce délai expirait donc le 24 juillet 2019. En application de la loi nouvelle, l'appelante disposait d'un délai maximum de dix ans expirant au 1er juillet 2016.
Son assignation a été délivrée dans les délais légaux le 15 avril 2016.
L'article 328 du code civil dispose : « Le parent, même mineur, à l'égard duquel la filiation est établie a, pendant la minorité de l'enfant, seul qualité pour exercer l'action en recherche de maternité ou de paternité. Si aucun lien de filiation n'est établi ou si ce parent est décédé ou dans l'impossibilité de manifester sa volonté, l'action est intentée par le tuteur conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 408. L'action est exercée contre le parent prétendu ou ses héritiers. A défaut d'héritiers ou si ceux-ci ont renoncé à la succession, elle est dirigée contre l'Etat. Les héritiers renonçants sont appelés à la procédure pour y faire valoir leurs droits. »
Aux termes de l'article 2241 du code civil : « La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure. ».
La demande en justice n'interrompt la prescription qu'à la double condition d'émaner de celui qui a qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et de viser celui-là même qui est en train de prescrire.
Ainsi, pour être interruptive de prescription, la citation en justice doit être adressée à celui qu'on veut empêcher de prescrire.
Contrairement à ce que soutient L... W..., elle a engagé son action pour voir dire et juger que son acte de naissance mentionnera son lien de filiation avec Y... D.... Son action en établissement de filiation par la possession d'état est une action relative à la filiation et entre dans le champ d'application des dispositions précitées.
L... W... a fait assigner monsieur le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille par exploit en date du 15 avril 2016 aux fins de voir constater sa possession d'état à l'égard de son père, M. Y... D... et la famille D....
A juste titre, les premiers juges ont estimé qu'alors qu'il existait des héritiers qui n'avaient pas renoncé à la succession de Y... D..., l'assignation délivrée à monsieur le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille le 15 avril 2016 et qui n'avait pas été adressée aux intimés n'avait pas interrompu le délai de prescription qui expirait le 1er juillet 2016.
C'est aussi à juste titre que le tribunal de grande instance a rappelé que Madame W... avait bénéficié d'un délai de 45 années, dont 27 à compter de sa majorité, pour intenter l'action en établissement de sa filiation paternelle et qu'ainsi il ne saurait être considéré que les règles applicables à la prescription causent une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée, tel que consacré par l'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme qui comprend non seulement comme le soutient l'appelante le droit de connaître son ascendance, mais également le droit à la connaissance juridique de sa filiation.
Dans ces conditions, le jugement déféré qui déclare irrecevable l'action de L... W... sera confirmé » (arrêt p. 5 & 6) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l'article 321 du Code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 4 juillet 2005 prévoit que sauf lorsqu'elles sont enfermées par la loi dans un autre délai, les actions relatives à la filiation se prescrivent par 10 ans à compter du jour où la personne a été privée de l'état qu'elle réclame, ou a commencé à jouir de l'état qui lui est contesté. A l'égard de l'enfant, ce délai est suspendu pendant sa minorité ;

Que ce texte est entré en vigueur le 1er juillet 2006, de sorte que L... W... disposait d'un délai pour exercer l'action en établissement de sa filiation qui s'achevait le 1er juillet 2016 ;
Attendu que l'article 328 du Code civil dispose en son alinéa 3 que l'action est exercée contre le parent prétendu ou ses héritiers. Â défaut d'héritiers ou s'ils ont renoncé à la succession, elle est dirigée contre l'Etat. Les héritiers renonçants sont appelés à la procédure pour y faire valoir leurs droits.
Qu'il ressort de ces dispositions qu'en présence d'héritiers n'ayant pas renoncé à la succession de Y... D..., Madame W... a mal dirigé ses demandes lorsqu'elle a fait délivrer l'assignation au procureur de la République par exploit d'huissier du 15 avril 2016 ;
Qu'une telle assignation n'a pu interrompre le délai de prescription à l'égard des héritiers de Y... D... qui s'est achevé le 1er juillet 2016, les dispositions de l'article 2241 du Code civil n'étant pas applicables au cas d'espèce ;

Attendu que Madame W... a bénéficié d'un délai de 45 années, dont 27 à compter de sa majorité, pour intenter l'action en établissement de sa filiation paternelle ; qu'ainsi il ne saurait être considéré que les règles applicables à la prescription causent une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée tel que consacré par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu qu'il y a lieu en conséquence de déclarer l'action de L... W... irrecevable en tant que prescrite à l'égard des héritiers de Y... D... et mal dirigée à l'égard du procureur de la République » ;

1°) ALORS QUE lorsque le demandeur ne connaît pas l'existence ou l'identité des personnes qui ont successivement qualité pour défendre à une action en reconnaissance d'un lien de filiation avant que n'expire le délai de prescription, il peut diriger son action contre celle qui, selon l'ordre fixé par l'article 328 du code civil, lui succède comme étant habilitée à défendre à l'action ; que l'assignation délivrée contre cette dernière interrompt alors le délai de prescription ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que l'assignation en reconnaissance d'un lien de filiation par possession d'état à l'égard de M. D... délivrée par W... au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille n'avait pu interrompre le délai de prescription dès lors qu'elle aurait dû être dirigée contre les héritiers de M. D... qui n'avaient pas renoncé à la succession ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si Mme W... pouvait connaître ses héritiers au jour de son assignation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 321, 328, 330, 2241 et 2234 du code civil, 6 et 8 de Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du principe suivant lequel chacun a le droit de connaître ses origines ;

2°) ALORS QUE l'impossibilité pour une personne de faire reconnaître son lien de filiation paternelle constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; que si la prescription des actions relatives à la filiation est prévue par la loi et poursuit un but légitime en ce qu'elle tend à protéger les droits des tiers et la sécurité juridique, l'application des règles procédurales selon lesquelles l'action doit être formée ne doit pas conduire à porter une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale du demandeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui s'est abstenue de rechercher, au regard des circonstances propres du litige et de la situation de Mme W..., si le fait que celle-ci ait assigné l'Etat au lieu des héritiers, alors que le premier était désigné par le texte comme étant un potentiel défendeur, justifiait qu'elle fût privée du droit de faire reconnaître sa filiation sans qu'il en résulte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde de droits de l'homme.

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