8 septembre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-84.021

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2020:CR01491

Titres et sommaires

FRAUDES ET FALSIFICATIONS - Fraude au RSA - Allocataire bénéficiaire de part sociale de SCI - Déclarations de ces ressources - Détermination

Pour déterminer le montant des ressources retirées par un allocataire du RSA de parts sociales dans une SCI, il convient de tenir compte des seuls bénéfices de la société dont il a effectivement disposé, c'est-à-dire qui lui ont été distribués, et, à défaut de bénéfices distribués, d'évaluer ces ressources sur la base forfaitaire, applicable aux capitaux non productifs de revenus, prévue par les articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de l'action sociale et des familles, en appliquant le taux de 3 % à la valeur de ces parts. Ne justifie pas sa décision la cour d'appel qui, statuant sur intérêts civils, dans l'hypothèse d'absence de distribution de bénéfices par la SCI, ne recherche pas si l'omission de déclaration par l'allocataire du RSA à l'administration publique des parts sociales qu'il détient, génératrices de ressources forfaitairement évaluables, ne pouvait pas caractériser une faute

Texte de la décision

N° V 19-84.021 F-P+B+I

N° 1491


EB2
8 SEPTEMBRE 2020


CASSATION PARTIELLE


M. SOULARD président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 SEPTEMBRE 2020



CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par la Métropole de Lyon, partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 7e chambre, en date du 15 mai 2019, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de Mme G... Y... du chef de déclaration fausse ou incomplète à une administration publique en vue d'obtenir un avantage indu.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de Mme Ingall-Montagnier, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Métropole de Lyon, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme G... Y..., et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 juin 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Ingall-Montagnier, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,



la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Sur plainte de la Métropole de Lyon, Mme Y..., allocataire du revenu de solidarité active (RSA) depuis l'année 2009, a été poursuivie devant le tribunal correctionnel pour déclarations fausses ou incomplètes, entre le 5 avril 2013 et le 21 octobre 2015, en vue d'obtenir de la dite métropole, le versement du RSA à hauteur de 17 558, 01 euros, alors qu'elle est associée, pour moitié des parts, d'une société civile immobilière qui détient une maison aménagée en appartements loués à des étudiants.

3. Les juges du premier degré l'ont déclarée coupable des faits reprochés, condamnée à deux mois d'emprisonnement avec sursis et à payer à la Métropole de Lyon, partie civile, la somme de 17 558, 01 euros au titre du préjudice subi.

4. Mme Y... a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a renvoyé Mme Y... des fins de la poursuite, a débouté la metropole de Lyon de ses demandes indemnitaires dirigées contre Mme Y..., alors « que doivent être pris en compte, pour la détermination du montant du revenu de solidarité active, les ressources que l'allocataire a vocation à retirer des biens mobiliers et immobiliers dont il est propriétaire ; qu'il en résulte que doit être déclaré l'ensemble des éléments de patrimoine donnant vocation à la perception de ressources ; qu'en jugeant au contraire, pour dire que Mme Y... n'avait commis aucune faute pénale ou civile en omettant de déclarer être propriétaire de la moitié des parts sociales de la SCI JVTS, qui possédait un immeuble ayant généré des revenus locatifs au titre de la période de la prévention, que cette société n'avait « distribué ni bénéfice ni dividendes », quand elle constatait que la SCI dont Mme Y... détenait la moitié des parts avait généré, au cours de la période de la prévention, des revenus locatifs ayant vocation à profiter à ses associés, et qui étaient en conséquence constitutifs de ressources devant être déclarées, la cour d'appel a violé les articles L. 262-3, R. 262-6 et L. 132-1 du code de l'action sociale et des familles, ensemble l'article 591 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 262-2, L. 132-1, R. 262-6 du code de l'action sociale et des familles et 593 du code de procédure pénale :

6. Il résulte des premiers de ces textes que pour déterminer le montant des ressources retirées par l'allocataire du revenu de solidarité active des parts qu'il détient dans une société civile immobilière il convient de tenir compte des seuls bénéfices de la société dont il a effectivement disposé, c'est-à-dire qui lui ont été distribués. A défaut de bénéfices distribués il y a lieu d'évaluer ces ressources sur la base forfaitaire, applicable aux capitaux non productifs de revenus, prévue par les articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de l'action sociale et des familles, en appliquant le taux de 3 % à la valeur de ces parts.

7. Cette interprétation est celle retenue par le Conseil d'Etat dans sa décision du 26 février 2020 (n° 424379).

8. Selon le dernier de ces textes, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

9. Pour débouter la partie civile de ses demandes indemnitaires, après relaxe de la prévenue, l'arrêt attaqué énonce que si les loyers des appartements loués par la SCI JSTV ont été encaissés par et pour le compte de cette SCI, Mme Y... justifie que, sur la période de prévention, cette société, soumise à l'impôt sur les sociétés, n'a distribué ni bénéfice ni dividende.

10. Les juge en déduisent que les sommes versées au titre des loyers ne peuvent dès lors être regardées comme des ressources et qu'eu égard aux conditions d'attribution du RSA comme de l'absence démontrée de revenus, la demande de RSA formée par Mme Y... ne peut en soi être constitutive d'une faute.

11. En se déterminant ainsi sans rechercher si, malgré l'absence de bénéfices distribués, l'omission de déclaration par Mme Y... de la propriété de la moitié des parts sociales de la SCI, génératrices de ressources forfaitairement évaluables, ne pouvait pas caractériser une faute, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

12. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions relatives aux intérêts civils, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 15 mai 2019 et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit septembre deux mille vingt.

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