30 septembre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-13.714

Chambre sociale - Formation mixte

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2020:SO00777

Titres et sommaires

SEPARATION DES POUVOIRS - Contrat de travail - Licenciement - Licenciement collectif - Plan de sauvegarde de l'emploi - Procédure de consultation - Contestation - Saisine du juge - Juge compétent - Détermination - Portée

Il résulte des articles L. 1233-57-5 et L. 1235-7-1 du code du travail que toute demande tendant, avant la transmission de la demande de validation d'un accord collectif ou d'homologation d'un document de l'employeur fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de fournir les éléments d'information relatifs à la procédure en cours ou de se conformer à une règle de procédure prévue par les textes législatifs, est adressée à l'autorité administrative. Les décisions prises à ce titre ainsi que la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation relevant de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. Dès lors, une cour d'appel qui constate que les demandes d'un comité d'entreprise et d'un syndicat tendent à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de suspendre sous astreinte la fermeture de magasins et toute mise en oeuvre d'un projet de restructuration avant l'achèvement de la consultation des instances représentatives du personnel relative au projet de restructuration et au projet de licenciement collectif pour motif économique donnant lieu à l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi, en déduit exactement, sans méconnaître le principe du droit au recours effectif, que ces demandes ne relèvent pas de la compétence du juge judiciaire

REPRESENTATION DES SALARIES - Comité social et économique - Attributions - Attributions consultatives - Licenciement économique - Licenciement collectif - Demande relative à des éléments d'information - Autorité compétente - Détermination - Portée

REFERE - Compétence - Limites - Attribution par la loi à l'autorité administrative - Cas - Plan de sauvegarde de l'emploi - Portée

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement économique - Licenciement collectif - Plan de sauvegarde de l'emploi - Contestation - Action en contestation - Compétence du juge administratif - Etendue - Détermination - Portée

Texte de la décision

SOC.

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 septembre 2020




Rejet


M. CATHALA, président



Arrêt n° 777 FS-P+B+I

Pourvoi n° Z 19-13.714






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020

1°/ le comité d'entreprise de la société New Look France, dont le siège est 11 rue Leredde, 75013 Paris,

2°/ le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société New Look France, dont le siège est 11 rue Leredde, 75013 Paris,

3°/ le syndicat SUD commerces et services Ile-de-France, dont le siège est 13 rue d'Armaille, 75017 Paris,

ont formé le pourvoi n° Z 19-13.714 contre l'arrêt rendu le 31 janvier 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige les opposant :

1°/ à la société New Look France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est 11 rue Leredde, 75013 Paris,

2°/ à la société BTSG, dont le siège est 15 rue de l'Hôtel de Ville, 92200 Neuilly-sur-Seine, en la personne de M. W... D..., en qualité de liquidateur de la société New Look France,

3°/ à la société MJA, dont le siège est 102 rue du Faubourg Saint-Denis, 75479 Paris cedex 10, en la personne de Mme T... U..., en qualité de liquidateur de la société New Look France,

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Depelley, conseiller référendaire, les observations et la plaidoirie de Me Grévy de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du comité d'entreprise de la société New Look et du syndicat SUD commerces et services Ile-de-France, les observations et la plaidoirie de Me Rebeyrol de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société BTSG ès qualités, et de la société MJA, ès qualités, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Depelley, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mme Leprieur, MM. Maron, Rinuy, Pietton, Mmes Pécaut-Rivolier, Ott, Sommé, Le Lay, conseillers, Mme Duvallet, M. Le Corre, Mmes Prache, Chamley-Coulet, Lanoue, MM. Joly, Le Masne de Chermont, Mme Marguerite, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Désistement partiel

1. Il est donné acte au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société New Look France du désistement de son pourvoi.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 janvier 2019), statuant en référé, l'ordonnance qu'il confirme et les productions, la société New Look France (la société), spécialisée dans la commercialisation d'articles de prêt-à-porter et d'accessoires de mode, comprenait au 31 juillet 2018 trente-et-un magasins répartis sur toute la France et employait quatre cent quatre-vingt-seize salariés.

3. La direction de la société a convoqué son comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et son comité d'entreprise le 10 septembre 2018 à deux réunions fixées au 17 septembre 2018, en diffusant à cette occasion un document d'information sur un projet de réorganisation de l'entreprise prévoyant la fermeture de vingt-et-un magasins entre le 30 septembre 2018 et le 24 novembre 2021. Etait également remis un projet d'accord collectif relatif à un plan de sauvegarde de l'emploi annonçant le licenciement de deux cent vingt-sept salariés en contrat de travail à durée indéterminée et le non-renouvellement du contrat de travail à durée déterminée de trente-cinq salariés.

4. Se prévalant de la violation par l'employeur de son obligation de consulter les instances représentatives du personnel préalablement à toute mise en oeuvre d'un projet de restructuration, le comité d'entreprise de la société, le CHSCT et le syndicat Sud commerces et services Ile-de-France (le syndicat) ont saisi le 13 septembre 2018 le juge des référés du tribunal de grande instance aux fins de suspension sous astreinte de la fermeture de magasins et de toute mise en oeuvre du projet de restructuration avant l'achèvement de la consultation des instances représentatives du personnel.

5. Par ordonnance du 18 septembre 2018 confirmée par l'arrêt du 31 janvier 2019, ces demandes ont été « déclarées irrecevables devant les juridictions de l'ordre judiciaire ».

6. La fermeture effective du magasin de Rouen est intervenue le 19 septembre 2018.

7. Par décision du 26 octobre 2018, l'autorité administrative, saisie par le comité d'entreprise sur le fondement des dispositions de l'article L. 1233-57-5 du code du travail, a enjoint à la société notamment de suspendre sa réorganisation pendant la période déterminée de la procédure d'information-consultation, afin de se conformer à la règle de procédure prévue en matière de plan de sauvegarde de l'emploi. Elle a rejeté la demande relative à la remise en état du magasin de Rouen, au motif qu'une telle remise en état ne relevait pas de ses attributions énumérées par l'article précité.

8. Le 30 novembre 2018, la société a renoncé à la poursuite de son projet de restructuration.

9. Par jugement du 26 juin 2019, la liquidation judiciaire de la société a été prononcée, la société BTSG, en la personne de M. D..., et la société MJA, en la personne de Mme U..., étant désignés liquidateurs.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

10. Le comité d'entreprise et le syndicat font grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du président du tribunal de grande instance en ce qu'elle a déclaré irrecevable devant les juridictions de l'ordre judiciaire l'ensemble de leurs demandes principales aux fins de suspension sous astreinte de la fermeture de magasins et de toute mise en oeuvre du projet de restructuration, alors :

« 1°/ que si l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 du code du travail, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif pour motif économique ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision administrative de validation ou d'homologation, le juge judiciaire demeure seul compétent pour se prononcer sur une demande aux fins de suspension sous astreinte de la mise en oeuvre anticipée d'une décision de fermeture de magasins par une personne morale de droit privé avant l'achèvement de la consultation des instances représentatives du personnel, y compris lorsque cette décision s'inscrit dans un projet de restructuration et de compression des effectifs ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 2323-1, L. 2323-2, L. 2323-31, L. 4612-8-1, L. 1233-57-5 et L. 1235-7-1 du code du travail, dans leur version applicable au litige, l'article 4 de la directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, ensemble la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de la séparation des pouvoirs ;

2°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal ; que l'administration ou le juge administratif sont incompétents pour ordonner la suspension d'une décision de fermeture de magasins prise par une personne morale de droit privé avant l'achèvement de la procédure légale d'information-consultation des représentants du personnel ; qu'en jugeant néanmoins que le juge judiciaire serait incompétent pour connaître en référé de cette demande, au motif inopérant que la décision de l'employeur constitue une mesure accessoire du plan de sauvegarde de l'emploi permettant d'aboutir à la suppression des emplois, la cour d'appel, qui, par son incompétence négative, a privé les exposants d'un accès effectif et utile au juge afin de contester la décision de l'employeur, a violé, par fausse application, les articles L. 1235-7-1 et L. 1233-57-5 du code du travail, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen et l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

3°/ que l'abrogation des articles L. 1235-7-1 et L. 1233-57-5 du code du travail, institués par l'article 18 de la n° 2013-504 du 14 juin 2013 entraînera, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt attaqué ainsi dépourvu de base légale, en application de l'article 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

11. Il résulte des articles L. 1233-57-5 et L. 1235-7-1 du code du travail que toute demande tendant, avant la transmission de la demande de validation d'un accord collectif ou d'homologation d'un document de l'employeur fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de fournir les éléments d'information relatifs à la procédure en cours ou de se conformer à une règle de procédure prévue par les textes législatifs, est adressée à l'autorité administrative. Les décisions prises à ce titre ainsi que la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation relevant de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux.

12. Ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que les demandes du comité d'entreprise et du syndicat tendaient à ce qu'il soit enjoint à la société de suspendre sous astreinte la fermeture de magasins et toute mise en oeuvre du projet de restructuration avant l'achèvement de la consultation des instances représentatives du personnel relative au projet de restructuration et au projet de licenciement collectif pour motif économique donnant lieu à l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel en a exactement déduit, sans méconnaître le principe du droit au recours effectif, que ces demandes ne relevaient pas de la compétence du juge judiciaire.

13. Le moyen, sans portée en sa troisième branche, la Cour de cassation ayant, par arrêt du 9 octobre 2019, dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le comité d'entreprise de la société New Look France et le syndicat SUD commerces et services Ile-de-France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt, et signé par lui et M. Huglo conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour le comité d'entreprise de la société New Look et le syndicat SUD commerces et services Ile-de-France.

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé l'ordonnance du tribunal de grande instance en ce qu'elle a déclaré irrecevable devant les juridictions de l'ordre judiciaire l'ensemble des demandes principales formées par le comité d'entreprise et le syndicat aux fins de suspension sous astreinte de la fermeture de magasins et de toute mise en oeuvre du projet de restructuration.

AUX MOTIFS propres QU'en application de l'article L. 1233-46 du code du travail, l'employeur notifie à l'autorité administrative tout projet de licenciement pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours. Lorsque l'entreprise est dotée de représentants du personnel, la notification est faite au plus tôt le lendemain de la date prévue pour la première réunion prévue aux articles L. 1233-29 et L. 1233-30. La notification est accompagnée de tout renseignement concernant la convocation, l'ordre du jour et la tenue de cette réunion. Au plus tard à cette date, elle indique, le cas échéant, l'intention de l'employeur d'ouvrir la négociation prévue à l'article L. 1233-24-1. Le seul fait d'ouvrir cette négociation avant cette date ne peut constituer une entrave au fonctionnement du comité social et économique. En application de l'article L. 1235-7-1 alinéas 1 et 2 du code du travail, l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-4. Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. En application de l'article L. 1233-57-5 du code du travail, toute demande tendant, avant transmission de la demande de validation ou d'homologation, à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de fournir les éléments d'information relatifs à la procédure en cours ou de se conformer à une règle de procédure prévue par les textes législatifs, les conventions collectives ou un accord collectif est adressée à l'autorité administrative. Celle-ci se prononce dans un délai de cinq jours. Par ailleurs les appelants fondent leurs demandes sur la compétence générale du juge judiciaire statuant en référé en application de l'article 809 alinéa 1 du code de procédure civile, pour prévenir un dommage imminent, ou faire cesser un trouble manifestement illicite. II sera rappelé en l'espèce que la société New Look France qui exploite 31 magasins de prêt-à-porter répartis sur toute la France et emploie un peu moins de 500 salariés, a remis lors d'une réunion du comité d'entreprise du 10 septembre 2018, une note d'information prévoyant la réorganisation de l'entreprise intégrant la fermeture de 21 magasins et la suppression de 227 emplois en CDI. Le projet d'accord collectif prévu par l'article L. 1233-24-1 5 du code du travail était également remis lors de cette réunion ainsi qu'une convocation à une réunion extraordinaire du comité fixé le 17 septembre 2018. Les appelants ont saisi le juge des référés de Paris le 13 septembre 2018 dans le cadre d'une procédure en référé d'heure à heure au motif que les documents remis le 10 septembre 2018 prévoyaient la fermeture imminente d'un certain nombre de magasins, dans un délai non compatible avec les délais légaux de consultation, tel étant le cas notamment du magasin de Calais dont la fermeture était fixée au 30 septembre 2018 et celui de Rouen Gros Horloge dont la fermeture était fixée au 1er octobre 2018, suivie de la fermeture des magasins de Villetaneuse et de Dijon au 31 décembre 2018. La fermeture effective du magasin de Rouen Gros Horloge est intervenue le 19 septembre 2018, du fait de la remise des clés des locaux au bailleur, en vue de leur relocation au biais d'une autre enseigne. Les salariés de ce magasin ont été placés en dispense d'activité et une proposition de mobilité devait leur être adressée vers le magasin de Rouen Dock 76, suivant la note remise au CE le 4 décembre 2018. La fermeture du magasin de Calais a été suspendue du fait du report de l'expiration du congé au 1er juillet 2019, quatre autres magasins étant également concernés par le report de la fin du bail à la même date. Par ailleurs, il n'est pas contesté que la société New Look France a annoncé dans une note du 30 novembre 2018 remise aux élus en vue de la réunion du comité du 4 décembre 2018, que le projet de réorganisation de l'entreprise était abandonné. La question de la compétence juridictionnelle posée par le litige résulte de la répartition des compétences entre le juge judiciaire et le juge administratif en matière de consultations obligatoires des IRP depuis la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, le juge administratif disposant d'une compétence exclusive pour statuer sur les litiges concernant la régularité de la consultation dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Il n'est pas contestable en l'occurrence que la demande du CE et du syndicat Sud Commerces et Services IDF présentée devant le juge des référés saisi le 13 septembre 2018 avait pour objet de contester les mesures accessoires du plan de sauvegarde mis en oeuvre le 10 septembre 2018. Il résulte tant de l'énoncé des demandes présentées devant le juge de Paris que des documents d'information remis au comité le 10 septembre 2018 que la fermeture des magasins envisagée par le plan, constituait l'une des mesures permettant d'aboutir à la suppression d'emplois. La Direccte de Paris a d'ailleurs été informée de la mise en oeuvre de la procédure par lettre du 11 septembre 2018 de la société New Look France, l'enregistrement en ligue sur le site internet étant effective le 14 septembre 2018. Après la remise de ces informations, les dispositions du code du travail écartent sans équivoque la compétence du juge judiciaire et en cas de litige il appartient au CE ou aux syndicats de saisir le cas échéant l'administration de toute question concernant la régularité de la procédure, la Direccte devant se prononcer en application de l'article L.1233-57-5 du code du travail dans le délai de cinq jours. Tel a été le cas en l'espèce puisque le conseil des appelants a adressé 1er septembre 2018 à la Direccte de Paris, une demande d'injonction-observations fondée sur les mêmes prétentions que celles soumises au juge des référés de Paris, notamment en ce qui concerne la fermeture de certains magasins sans respect des délais de consultation. La demande a été suivie d'effet puisque par décision du 26 octobre 2018 notifiée par voie dématérialisée, l'administration a rendu plusieurs injonctions contre la société, visant notamment le non-respect des délais concernant la fermeture des magasins consistant dans la réorganisation engagée sans attendre l'issue de la phase de consultation, et ordonnant la suspension de la procédure. Pour le magasin de Rouen Gros Horloge, la Direccte s'est estimée incompétente pour ordonner la remise en état de la situation qui ne figure pas selon elle dans la liste de ses attributions. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le premier juge était manifestement incompétent pour se prononcer sur les demandes du CE et du syndicat Sud, au jour où il a statué.

AUX MOTIFS adoptés QUE la société New Look rappelle à juste titre que depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relatives à la sécurisation de l'emploi, les juridictions de l'ordre administratif ont désormais la compétence matérielle exclusive pour connaître de toutes contestations se rapportant à des procédures de licenciement pour motif économique d'au moins 10 salariés sur une période de 30 jours dans les entreprises d'au moins 50 salariés ayant, du fait de ce seuil, l'obligation de mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). Or, il n'est effectivement pas contestable que, compte tenu du nombre total de ses employés (496 salariés au 30 juillet 2018) ainsi que de la période et du nombre total des licenciements pour motif économique annoncés (227 salariés en CDI sur une période largement supérieure à 30 jours), le projet litigieux, manifestement initié le 10 septembre 2018 par la remise des documents susmentionnés en vue des réunions du 17 septembre 2018 du CE et du CHSCT, doit être conduit en application des dispositions de l'article L. 123 5-7-1 du code du travail, résultant de la loi précitée du 14 juin 2013, et suivant lesquelles « L 'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-4. Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. Le recours est présenté dans un délai de deux mois par l'employeur à compter de la notification de la décision de validation ou d'homologation, et par les organisations syndicales et les salariés à compter de la date à laquelle cette décision a été portée à leur connaissance conformément à l'article L. 1233-57-4. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois. Si, à l'issue de ce délai, il ne s'est pas prononcé ou en cas d'appel, le litige est porté devant la cour administrative d'appel, qui statue dans un délai de trois mois. Si, à l'issue de ce délai, elle ne s'est pas prononcée ou en cas de pourvoi en cassation, le litige est porté devant le Conseil d'Etat. Le livre V du code de justice administrative est applicable. »
Il convient par ailleurs de rappeler les dispositions de l'article L. 1233-57-5 du code du travail, résultant également de la loi précitée du 14 juin 2013, suivant lesquelles : « Toute demande tendant, avant transmission de la demande de validation ou d'homologation, à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de fournir les éléments d'information relatifs à la procédure en cours ou de se conformer à une règle de procédure prévue par les textes législatifs, les conventions collectives ou un accord collectif est adressée à l'autorité administrative. Celle-ci se prononce dans un délai de cinq jours. » Il importe d'en inférer que la demande principale du CE susnommé et du syndicat SUD, formée au visa de l'article L. 1233-30 du code du travail dans sa version résultant de l'ordonnance n° 2012-387 du 22 mars 2012 (toujours applicable du fait du maintien des mandats des membres de ce CE à la date du 13 septembre 2018 d'introduction de cette instance) et visant à faire suspendre sous astreinte la fermeture de magasins de la société New Look avant l'expiration des délais de consultation du CE tels que prévus dans ces mêmes dispositions législatives (manifestement trois mois par application du 2° de cet article et à compter du 10 septembre 2018 compte tenu du nombre annoncé de personnes licenciées à hauteur de 227 en CDI), relève de la seule compétence d'attribution des juridictions de l'ordre administratif. Il en est de même en ce qui concerne la demande principale plus large aux fins de suspension sous astreinte de la mise en oeuvre de l'ensemble du projet de restructuration litigieux. Ces demandes principales de suspension sous astreinte de fermeture de magasin et de mise en oeuvre du projet litigieux de restructuration, formées par le CE de la société New Look et le syndicat SUD COMMERCE ET SERVICES 1LE-DE-FRANCE à l'encontre de la société New Look seront en conséquence déclarées irrecevables devant les juridictions de l'ordre judiciaire.

1° ALORS QUE si l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 du code du travail, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif pour motif économique ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision administrative de validation ou d'homologation, le juge judiciaire demeure seul compétent pour se prononcer sur une demande aux fins de suspension sous astreinte de la mise en oeuvre anticipée d'une décision de fermeture de magasins par une personne morale de droit privé avant l'achèvement de la consultation des instances représentatives du personnel, y compris lorsque cette décision s'inscrit dans un projet de restructuration et de compression des effectifs ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 2323-1, L. 2323-2, L. 2323-31, L. 4612-8-1, L. 1233-57-5 et L. 1235-7-1 du code du travail, dans leur version applicable au litige, l'article 4 de la directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, ensemble la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de la séparation des pouvoirs.

2° ALORS QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal ; que l'administration ou le juge administratif sont incompétents pour ordonner la suspension d'une décision de fermeture de magasins prise par une personne morale de droit privé avant l'achèvement de la procédure légale d'information-consultation des représentants du personnel ; qu'en jugeant néanmoins que le juge judiciaire serait incompétent pour connaître en référé de cette demande, au motif inopérant que la décision de l'employeur constitue une mesure accessoire du plan de sauvegarde de l'emploi permettant d'aboutir à la suppression des emplois, la cour d'appel, qui, par son incompétence négative, a privé les exposants d'un accès effectif et utile au juge afin de contester la décision de l'employeur, a violé, par fausse application, les articles L. 1235-7-1 et L. 1233-57-5 du code du travail, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen et l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

3° ALORS QUE l'abrogation des articles L. 1235-7-1 et L. 1233-57-5 du code du travail, institués par l'article 18 de la n° 2013-504 du 14 juin 2013 entrainera, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt attaqué ainsi dépourvu de base légale, en application de l'article 625 du code de procédure civile.

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