23 mai 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-12.517

Deuxième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:C200459

Titres et sommaires

SAISIE IMMOBILIERE - Procédure - Audience d'orientation - Jugement d'orientation - Voies de recours - Appel - Procédure à jour fixe - Requête - Contenu - Conclusions au fond - Défaut - Sanction - Portée

Constitue une sanction disproportionnée l'irrecevabilité de l'appel d'un jugement d'orientation, prononcée du seul fait que la requête adressée au premier président ne contient pas les conclusions au fond

APPEL CIVIL - Procédure à jour fixe - Requête à fin de fixation d'audience - Contenu - Conclusions sur le fond - Défaut - Portée

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 mai 2024




Annulation


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 459 FS-B

Pourvoi n° K 22-12.517



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 MAI 2024

Mme [V] [S], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 22-12.517 contre l'arrêt rendu le 15 février 2022 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion (chambre civile TGI), dans le litige l'opposant à la société Caisse d'épargne Cepac, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], venant aux droits de la Banque de La Réunion, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Latreille, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de Mme [S], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Caisse d'épargne Cepac, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 avril 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Latreille, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, Mmes Grandemange, Vendryes, Caillard, M. Waguette, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, Chevet, conseillers référendaires, M. Adida-Canac, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 15 février 2022), sur des poursuites aux fins de saisie immobilière diligentées par la société Caisse d'épargne Cepac (la banque) à l'encontre de Mme [S], un jugement d'orientation a mentionné la créance de la banque et ordonné la vente forcée de l'immeuble saisi.

2. Par déclaration du 16 septembre 2021, Mme [S] a interjeté appel de cette décision, et, sur autorisation du premier président donnée par ordonnance du 27 septembre 2021, assigné la banque à jour fixe.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. Mme [S] fait grief à l'arrêt de déclarer son appel irrecevable, alors « que tout formalisme inutile ou excessif porte une atteinte abusive au droit d'accès au juge ; qu'en l'espèce, en exigeant que les conclusions au fond soient jointes et pas seulement contenues dans la requête, ce qui était pourtant inutile au regard du rôle du premier président saisi d'une demande d'autorisation d'assignation à jour fixe, la cour d'appel, qui n'a relevé aucune conséquence préjudiciable du manquement sanctionné, ni pour la procédure ni pour l'intimée, a porté une atteinte excessive au droit d'accès de l'exposante au juge d'appel et a violé l'article 6, §1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 918, alinéa 1er, du code de procédure civile et R. 322-19, alinéa 1er, du code des procédures civiles d'exécution :

4. Selon le premier de ces textes, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial.

5. Il résulte du troisième, que l'appel contre le jugement d'orientation est formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe sans que l'appelant ait à se prévaloir dans sa requête d'un péril.

6. Selon le deuxième, la requête tendant à voir fixer le jour auquel l'affaire sera appelée par priorité doit contenir les conclusions sur le fond et viser les pièces justificatives.

7. La Cour de cassation a jugé irrecevable l'appel dirigé contre un jugement d'orientation alors que la requête de l'appelant tendant à être autorisé à assigner ses adversaires à jour fixe ne contenait pas les conclusions sur le fond et ne visait pas les pièces justificatives (2e Civ., 7 avril 2016, pourvoi n° 15-11.042, Bull. 2016, II, n° 104).

8. Il y a toutefois lieu de reconsidérer cette interprétation à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'accès au juge.

9. D'une part, il résulte de l'article R. 322-19 précité que l'appel du jugement d'orientation suit de plein droit la procédure à jour fixe sans que le premier président ait à apprécier l'existence d'un péril pour la fixation prioritaire d'une date d'audience.

10. D'autre part, en application de l'article 922 du code de procédure civile, la cour d'appel est saisie par la remise au greffe d'une copie de l'assignation délivrée à la partie adverse.

11. Il en résulte que constitue une sanction disproportionnée l'irrecevabilité de l'appel d'un jugement d'orientation, prononcée du seul fait que la requête adressée au premier président ne contient pas les conclusions au fond.

12. Pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt retient que les conclusions sur le fond n'ont pas été jointes et ne font pas partie des six pièces communiquées au soutien de la requête adressée au premier président par Mme [S] le 23 septembre 2021, et en déduit que les conclusions au fond au soutien de la requête n'ont pas été déposées.

13. Si c'est conformément à la jurisprudence rappelée au paragraphe 7 que la cour d'appel en a déduit que l'appel était irrecevable, le présent arrêt qui opère revirement de jurisprudence, immédiatement applicable en ce qu'il assouplit les conditions de l'accès au juge, conduit à l'annulation de l'arrêt attaqué.

14. L'arrêt doit, dès lors, être annulé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion autrement composée ;

Condamne la société Caisse d'épargne Cepac aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par société Caisse d'épargne Cepac et la condamne à payer à Mme [S] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille vingt-quatre.

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