7 mars 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-10.337

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:C200202

Titres et sommaires

PROCEDURE CIVILE - Procédure de la mise en état - Conseiller de la mise en état - Ordonnance du conseiller de la mise en état - Voies de recours - Déféré - Pouvoirs - Etendue - Détermination - Portée

Il résulte des articles 914 et 916 du code de procédure civile que si de nouveaux moyens de défense peuvent être opposés à l'occasion du déféré pour contester l'ordonnance du conseiller de la mise en état, la cour d'appel, statuant sur déféré, ne peut connaître de prétentions qui n'ont pas été soumises au conseiller de la mise en état. Encourt dès lors la cassation, l'arrêt rendu sur déféré d'une décision d'un conseiller de la mise en état, qui constate la caducité de la déclaration d'appel alors que les intimés n'avaient pas invoqué cette caducité devant le conseiller de la mise en état

COURS ET TRIBUNAUX - Cour d'appel - Ordonnance déférée à la cour d'appel - Pouvoirs - Etendue - Détermination - Portée


PROCEDURE CIVILE - Procédure de la mise en état - Conseiller de la mise en état - Compétence - Etendue - Fin de non-recevoir - Limites

Il résulte des articles 126, 789, 6°, dans sa version issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, 908 et 961 du code de procédure civile, que si le conseiller de la mise en état, ou la cour d'appel statuant sur déféré, est compétent pour statuer sur des fins de non-recevoir touchant à la procédure d'appel, l'examen de ces fins de non-recevoir implique que les parties n'aient plus la possibilité de déposer de nouvelles conclusions après cet examen. Or, il résulte de l'article 961 du code de procédure civile, que la fin de non-recevoir tirée de l'absence des indications mentionnées à l'article 960 du même code, peut être régularisée jusqu'au jour du prononcé de la clôture, ou, en l'absence de mise en état, jusqu'à l'ouverture des débats. Dès lors, seule la cour d'appel, saisie au fond, est compétente pour connaître des fins de non-recevoir des articles 960 et 961 du code de procédure civile. Encourt donc la cassation l'arrêt rendu sur le déféré formé contre l'ordonnance d'un conseiller de la mise en état qui se prononce sur l'irrecevabilité des conclusions de l'appelant ne portant mention d'aucun organe représentant les personnes morales appelantes

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 mars 2024




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 202 F-B

Pourvoi n° R 22-10.337



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 MARS 2024

1°/ la société Cabinet l'immeuble, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8],

2°/ M. [N] [C], domicilié [Adresse 8],

3°/ la Société civile immobilière Le Souleiha du Cordie, dont le siège est [Adresse 10],

4°/ la société Le Clos de la Bourdette, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 8],

5°/ la Société civile immobilière Saint Jean de L'Hers,

6°/ la Société civile immobilière Saint Jean du Parc,

7°/ la Société civile immobilière Saint Jean l'Ormeau,

8°/ la Société civile immobilière Saint Jean Montaudran,

9°/ la Société civile immobilière Sodere,

ayant toutes cinq leur siège [Adresse 5],

10°/ la société Télé Montaudran, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8],

ont formé le pourvoi n° R 22-10.337 contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2021 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre, section 1), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [U] [X], épouse [T],

2°/ à M. [A] [T],

tous deux domiciliés [Adresse 6],

3°/ à Mme [O] [T], épouse [K], domiciliée [Adresse 3],

4°/ à M. [G] [T], domicilié [Adresse 4],

5°/ à Mme [I] [X], domiciliée [Adresse 7],

6°/ à Mme [J] [X], domiciliée [Adresse 9],

7°/ à M. [H] [X], domicilié [Adresse 1],

ces trois derniers pris en qualité d'ayants droit de [E] [X], décédé, lequel agissait en qualité d'héritier légal et indivisaire de la succession de [W] [X], décédé,

8°/ à M. [P] [Y], domicilié [Adresse 2], notaire associé de la SCP Garrigou [Y] Legrigeois Vaniscotte, pris en qualité de notaire de la succession chargé des opérations de partage,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Le Cabinet l'immeuble, de M. [C], de la Société civile immobilière Le Souleiha du Cordie, la société Le Clos de la Bourdette, la Société civile immobilière Saint Jean de L'Hers, la Société civile immobilière Saint Jean du Parc, la Société civile immobilière Saint Jean l'Ormeau, la Société civile immobilière Saint Jean Montaudran, la Société civile immobilière Sodere et la société Télé Montaudran, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de Mme [U] [X] épouse [T], M. [A] [T], Mme [O] [T] épouse [K] et M. [G] [T], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 janvier 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 15 novembre 2021), Mme [U] [X] épouse [T], M. [G] [T], Mme [O] [T] et M. [A] [T] (les consorts [T]) ont assigné les sociétés civiles immobilières Le Souleiha du Cordie, Le Clos de la Bourdette, Saint Jean de L'Hers, Saint Jean du Parc, Saint Jean l'Ormeau, Saint Jean Montaudran, Sodere et la société Télé Montaudran, dans lesquelles ils détiennent des parts au titre de la succession de [W] [X], ainsi que le gestionnaire de ces biens, la société Cabinet l'immeuble, et son gérant M. [C] afin d'obtenir le versement de dividendes et de dommages et intérêts.

2. Les sociétés civiles immobilières Le Souleiha du Cordie, Le Clos de la Bourdette, Saint Jean de L'Hers, Saint Jean du Parc, Saint Jean l'Ormeau, Saint Jean Montaudran, Sodere, la société Télé Montaudran, la société Cabinet l'immeuble et M. [C] ont fait appel, par déclaration du 3 avril 2019, du jugement d'un tribunal de grande instance les ayant condamnés à verser diverses sommes aux consorts [T].

3. Les consorts [T] ont déféré à la cour d'appel l'ordonnance d'un conseiller de la mise en état ayant déclaré nulle la déclaration d'appel de la société Télé Montaudran et ayant rejeté les demandes tendant à voir déclarer l'appel des autres sociétés irrecevables.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société Cabinet l'immeuble, M. [C], les sociétés civiles immobilières Le Souleiha du Cordie, Le Clos de la Bourdette, Saint Jean de L'Hers, Saint Jean du Parc, Saint Jean l'Ormeau, Saint Jean Montaudran, Sodere et la société Télé Montaudran font grief à l'arrêt de constater la caducité de la déclaration d'appel formée le 5 avril 2019 dans leur intérêt, alors « que si de nouveaux moyens de défense peuvent être opposés à l'occasion du déféré pour contester l'ordonnance du conseiller de la mise en état, la cour d'appel statuant sur déféré ne peut connaître de prétentions qui n'ont pas été soumises au conseiller de la mise en état ; qu'en énonçant que la caducité de l'appel pourrait être invoquée pour la première fois devant la cour d'appel statuant sur le déféré formé contre l'ordonnance du conseiller de la mise en état, la cour d'appel a violé les articles 914 et 916 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. Les défendeurs contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit.

6. Cependant, le moyen, ne se prévalant d'aucun fait qui n'ait été constaté par la cour d'appel, est de pur droit et peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation.

7. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 914 et 916 du code de procédure civile :

8. Il résulte de ces textes que si de nouveaux moyens de défense peuvent être opposés à l'occasion du déféré pour contester l'ordonnance du conseiller de la mise en état, la cour d'appel, statuant sur déféré, ne peut connaître de prétentions qui n'ont pas été soumises au conseiller de la mise en état.

9. Pour constater la caducité de la déclaration d'appel formée le 5 avril 2019, l'arrêt retient que les consorts [T] ont soulevé pour la première fois en déféré la caducité de l'appel, prétention qui peut effectivement être présentée à tout moment de la procédure d'appel, en ce compris devant la formation de déféré.

10. En statuant ainsi, alors que les intimés n'avaient pas invoqué la caducité de l'appel devant le conseiller de la mise en état, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. La société Cabinet l'immeuble, M. [C], les sociétés civiles immobilières Le Souleiha du Cordie, Le Clos de la Bourdette, Saint Jean de L'Hers, Saint Jean du Parc, Saint Jean l'Ormeau, Saint Jean Montaudran, Sodere et la société Télé Montaudran font le même grief à l'arrêt, alors « que saisie par le déféré formé contre l'ordonnance d'un conseiller de la mise en état, la cour d'appel, statuant dans le champ de compétence d'attribution de ce dernier, ne pouvait pas se prononcer sur l'irrecevabilité de conclusions prévue à l'article 961 du code de procédure civile, et partant ne pouvait prononcer la caducité de l'appel sur le fondement de l'irrecevabilité des conclusions pour absence de mention de l'organe qui représente légalement la personne morale ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 126, 908, 960, alinéa 2, 961 et 914 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

12. Les défendeurs contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit.

13.Cependant, le moyen, ne se prévalant d'aucun fait qui n'ait été constaté par la cour d'appel, est de pur droit et peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation.

14. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 126, 789, 6°, dans sa version issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, 908, 960, alinéa 2, 961 et 914 du code de procédure civile :

15. Aux termes du premier de ces textes, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

16. Il résulte du cinquième que les conclusions des parties ne sont pas recevables tant que les indications mentionnées à l'alinéa 2 de l'article 960 n'ont pas été fournies.

17. Selon le troisième, à peine de caducité de la déclaration d'appel, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de celle-ci pour remettre ses conclusions au greffe.

18. Aux termes du deuxième, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir. Ce texte est applicable, par renvoi de l'article 907 du code de procédure civile, devant le conseiller de la mise en état, sans que l'article 914 du même code n'en restreigne l'étendue (Avis de la Cour de cassation, 11 octobre 2022, n° 22-70.010).

19. Il en résulte que si le conseiller de la mise en état, ou la cour d'appel statuant sur déféré, est compétent pour statuer sur des fins de non-recevoir touchant à la procédure d'appel, l'examen de ces fins de non-recevoir implique que les parties n'aient plus la possibilité de déposer de nouvelles conclusions après l'examen par le juge de ces fins de non-recevoir.

20. Or, il résulte du cinquième de ces textes, que la fin de non-recevoir tirée de l'absence des indications mentionnées à l'article 960 du même code, peut être régularisée jusqu'au jour du prononcé de la clôture, ou, en l'absence de mise en état, jusqu'à l'ouverture des débats.

21. Dès lors, seule la cour d'appel, saisie au fond, est compétente pour connaître des fins de non-recevoir des articles 960 et 961 du code de procédure civile.

22. Pour constater la caducité de la déclaration d'appel formée le 5 avril 2019, l'arrêt retient que les uniques conclusions déposées dans l'intérêt des sociétés appelantes ne portent mention d'aucun organe les représentant ni aucune formule même générale, qu'elles n'ont jamais été régularisées avant le dépôt des conclusions aux fins de voir constater la caducité de l'appel pas plus que celles prises en leur nom au cours de l'instance de déféré ne portent de telles indications, de sorte qu'au moment de statuer sur la question de leur caducité, lesdites écritures n'ont jamais été reprises pour faire figurer le nom de l'organe représentant les personnes morales appelantes et que les conclusions étant irrecevables, sont sans portée pour faire échec à la caducité de l'appel.

23. En statuant ainsi, alors que saisie par le déféré formé contre une ordonnance d'un conseiller de la mise en état, la cour d'appel qui n'avait pas le pouvoir de prononcer l'irrecevabilité des conclusions de l'appelant au regard des articles 960 et 961 précités, et par voie de conséquence, la caducité de l'appel, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme l'ordonnance rendue le 7 décembre 2020 par le conseiller de la mise en état de la 1re chambre civile, section 2, de la cour d'appel de Toulouse, constate la caducité de la déclaration d'appel formée le 5 avril 2019 dans l'intérêt de la Société civile immobilière Le Souleiha du Cordie, de la Société civile immobilière Saint Jean l'Ormeau, de la société civile immobilière Sodere, de la Société civile immobilière Saint Jean Montaudran, de la Société civile immobilière Saint Jean de l'Hers, de la Société civile immobilière Saint Jean du Parc, de la société civile immobilière Le Clos de la Bourdette et la société Cabinet l'immeuble ainsi que de M. [C], condamne la société Cabinet l'immeuble et M. [C] aux dépens de déféré et de l'instance d'appel et condamne la société Cabinet l'immeuble et M. [N] [C] à payer à Mme [U] [X] épouse [T], M. [A] [T], M. [G] [T] et Mme [O] [T], chacun, la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700, alinéa 1er, 1°, du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 15 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse autrement composée ;

Condamne Mme [U] [X] épouse [T], M. [G] [T], Mme [O] [T] et M. [A] [T] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [U] [X] épouse [T], M. [G] [T], Mme [O] [T] et M. [A] [T] et les condamne à payer à la société Cabinet l'immeuble, M. [C], les sociétés civiles immobilières Le Souleiha du Cordie, Le Clos de la Bourdette, Saint Jean de L'Hers, Saint Jean du Parc, Saint Jean l'Ormeau, Saint Jean Montaudran, Sodere et la société Télé Montaudran la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille vingt-quatre.

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