31 janvier 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 23-15.969

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:C100102

Titres et sommaires

SANTE PUBLIQUE - Lutte contre les maladies et les dépendances - Lutte contre les maladies mentales - Modalités de soins psychiatriques - Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques - Procédure - Procédure sans représentation obligatoire - Effets - Patient se désistant seul de son appel - Possibilité (oui)

Il résulte des articles L. 3211-12-2, L. 3211-12-4 et R. 3211-8 du code de la santé publique que la procédure suivie en matière de soins psychiatriques sans consentement n'est pas une procédure avec représentation obligatoire. Le patient peut donc se désister seul de son appel. Un premier président, dessaisi par l'effet du désistement d'appel, dont le caractère équivoque n'a pas été invoqué par l'avocat représentant le patient à l'audience, n'a plus à statuer sur la mesure de soins psychiatriques sans consentement et n'a, dès lors, pas à entendre ce dernier à l'audience.

SANTE PUBLIQUE - Lutte contre les maladies et les dépendances - Lutte contre les maladies mentales - Modalités de soins psychiatriques - Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques - Procédure - Procédure sans représentation obligatoire - Désistement d'appel - Portée

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 31 janvier 2024




Rejet


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 102 F-B

Pourvoi n° G 23-15.969

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [L].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 21 mars 2023.



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 31 JANVIER 2024

M. [P] [L], domicilié [Adresse 3], actuellement hospitalisé au centre hospitalier des Pyrénées-[Localité 5] bâtiment ESA2, [Adresse 1] , a formé le pourvoi n° G 23-15.969 contre l'ordonnance rendue le 11 janvier 2023 par le premier président de la cour d'appel de Pau (chambre spéciale), dans le litige l'opposant :

1°/au directeur du centre hospitalier des Pyrénées-[Localité 5], domicilié [Adresse 2],

2°/ à M. [M] [L], domicilié [Adresse 3],

3°/ au procureur général près la cour d'appel de Pau, domicilié [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [L], et l'avis de M. Aparisi, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 janvier 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Pau, 11 janvier 2023), le 22 décembre 2022, M. [L] a été admis en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète au centre hospitalier des Pyrénées-[Localité 5], par décision du directeur prise à la demande d'un tiers, sur le fondement de l'article L. 3212-1, II, 1° du code de la santé publique.

2. Le 27 décembre 2022, le directeur d'établissement a saisi le juge des libertés et de la détention en vue de la poursuite de la mesure sur le fondement de l'article L. 3211-12-1 du même code.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

3. M. [L] fait grief à l'ordonnance de constater le désistement de son appel et de confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, alors « que dans les procédures d'appel avec représentation obligatoire, le juge ne peut constater le désistement de l'appelant sur la base d'un courrier émanant de ce dernier que si celui-ci a été signé par l'avocat constitué, lequel a seul qualité pour représenter les parties et conclure en leur nom ; qu'en constatant en l'espèce le désistement de M. [L] sur la base d'un courrier parvenu au greffe de la cour le 4 janvier 2023 qui n'était pas signé par son avocat constitué, Me Héloïse Begue, alors qu'absent à l'audience, M. [L] s'est retrouvé obligatoirement représenté par elle, la déléguée du premier président de la cour d'appel a violé les articles L. 3211-12-2, L. 3211-12-4 et R. 3211-8 du code de la santé publique. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte des articles L. 3211-12-2, L. 3211-12-4 et R. 3211-8 du code de la santé publique que la procédure suivie en matière de soins psychiatriques sans consentement n'est pas une procédure avec représentation obligatoire. Si l'assistance ou la représentation par un avocat est prévue par ces textes, c'est, d'une part, uniquement au bénéfice du patient, d'autre part, exclusivement lors de l'audience tenue par le juge des libertés et de la détention puis, le cas échéant, par le premier président de sorte que le patient peut seul former une requête en mainlevée de la mesure sur le fondement de l'article L. 3211-12 du code de la santé publique, relever appel de la décision du juge des libertés et de la détention et s'en désister.

5. Le moyen, qui se réfère à la procédure avec représentation obligatoire, inapplicable en l'espèce, est donc inopérant.

Sur les premier et deuxième moyens, réunis

Enoncé des moyens

6. Par son premier moyen, M. [L] fait le même grief à l'ordonnance, alors « que le patient faisant l'objet de soins psychiatriques sans consentement dont il sollicite la mainlevée doit être entendu à l'audience, à moins seulement qu'un motif médical motivé ou qu'une circonstance insurmontable empêche son audition ; qu'il en va de même lorsque le premier président de la cour d'appel ou son délégué constate le désistement par le patient de son appel, dès lors que le désistement de l'appel emporte acquiescement au jugement, et donc la poursuite des soins sans consentement ; qu'en constatant en l'espèce le désistement de M. [L], emportant acquiescement à l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 29 décembre 2022 et donc la poursuite des soins, sans l'avoir auditionné lors de l'audience publique du 10 janvier 2023, et sans faire état d'aucun motif médical motivé ni d'aucune circonstance insurmontable empêchant son audition, la déléguée du premier président de la cour d'appel a violé les articles L. 3211-12-2, L. 3211-12-4 et R. 3211-8 du code de la santé publique, ensemble l'article 397 du code de procédure civile. »

7. Par son deuxième moyen, il fait le même grief à l'ordonnance, alors :

« 1°/ que le désistement en appel n'est réel que si l'appelant a exprimé une volonté claire et non-équivoque d'acquiescer au jugement ; qu'en matière de contestation de l'autorisation de poursuite de mesures de soins psychiatriques sans consentement, le premier président de la cour d'appel ou son délégué ne peut s'assurer de la volonté claire et non-équivoque du patient d'acquiescer à l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la poursuite des soins qu'après son audition au cours de l'audience publique, sauf motif médical motivé ou circonstance insurmontable empêchant l'audition ; qu'en constatant, en l'espèce, le désistement de M. [L] sans l'avoir auditionné lors de l'audience publique du 10 janvier 2023, et sans avoir fait état d'aucun motif médical motivé ni d'aucune circonstance insurmontable empêchant son audition, en sorte qu'elle n'a pu s'assurer du caractère certain et non équivoque de son désistement, la déléguée du premier président de la cour d'appel a violé les articles 397 et 405 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 3212-1, L. 3211-12-2, L. 3211-124 et R. 3211-8 du code de la santé publique ;

2°/ que le désistement d'un patient faisant l'objet de mesures de soins psychiatriques sans consentement de son appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué n'est régulier que s'il a exprimé une volonté claire et non-équivoque d'acquiescer à l'ordonnance par laquelle le juge des libertés et de la détention a autorisé la poursuite des soins, et donc à la poursuite des soins elle-même ; qu'en se bornant à exposer que « par un courrier parvenu au greffe le 4 janvier 2023, M. [P] [L] s'est désisté de son appel », sans établir que M. [L] avait de manière claire et non-équivoque acquiescé à la poursuite des soins, la déléguée du premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 397 et 405 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 3212-1 du code de la santé publique. »

Réponse de la Cour

8. Les articles L. 3211-12-2, L. 3211-12-4 et R. 3211-8 du code de la santé publique imposant que le patient faisant l'objet de soins psychiatriques sans consentement soit entendu à l'audience, à moins qu'un motif médical motivé ou qu'une circonstance insurmontable n'empêche cette audition, ne s'appliquent que lorsque le juge ou le premier président statue sur la poursuite de la mesure.

9. En matière de procédure orale, le désistement formé par écrit, antérieurement à l'audience, produit immédiatement son effet extinctif de sorte que le juge ne peut plus statuer sur les demandes, sauf celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

10. Il s'en déduit qu'en présence d'un écrit manifestant une volonté claire et non équivoque de se désister et en l'absence d'autres éléments le remettant en cause, le désistement doit être constaté par le premier président.

11. L'ordonnance constate que, par courrier reçu au greffe le 4 janvier 2023, M. [L] s'est désisté de son appel, que son avocat s'en est rapporté et que le ministère public a demandé que ce désistement soit constaté.

12. Dès lors, le premier président, dessaisi par l'effet du désistement d'appel, dont le caractère équivoque n'avait pas été invoqué par l'avocat représentant la personne à l'audience, n'avait plus à statuer sur la mesure de soins psychiatriques sans consentement et n'avait, dès lors, pas à entendre le patient à l'audience.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille vingt-quatre.

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