17 janvier 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-86.345

Chambre criminelle - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:CR00128

Titres et sommaires

FICHIERS ET LIBERTES PUBLIQUES - Fichiers de police judiciaire - Relevés signalétiques - Condamnation pour refus de se soumettre au relevé - Conditions - Existence de raisons plausibles de soupçonner que l'intéressé a commis ou tenté de commettre une infraction

Pour condamner un prévenu du chef de refus de se soumettre à des relevés signalétiques, les juges doivent caractériser qu'au moment de son refus, il existait une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'il avait commis ou tenté de commettre une infraction

Texte de la décision

N° G 22-86.345 FS-B

N° 00128


MAS2
17 JANVIER 2024


CASSATION PARTIELLE


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 17 JANVIER 2024



M. [Z] [C] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-7, en date du 28 octobre 2022, qui, pour refus de se soumettre à des relevés signalétiques, l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Leprieur, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [Z] [C] [J], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 novembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Leprieur, conseiller rapporteur, MM. de Larosière de Champfeu, Turbeaux, Laurent, Gouton, Brugère, Tessereau, conseillers de la chambre, M. Mallard, Mmes Guerrini, Diop-Simon, conseillers référendaires, Mme Chauvelot, avocat général référendaire, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 20 février 2021, M. [Z] [C] [J] a été interpellé à [Localité 1], à l'occasion d'un contrôle d'identité effectué dans le cadre d'une opération de maintien de l'ordre liée à une manifestation, et trouvé porteur d'une chaîne anti-vol de vélo.

3. Il a été poursuivi, selon une procédure de comparution immédiate, des chefs de participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences ou de dégradations et refus de se soumettre à des relevés signalétiques.

4. Par jugement du 29 mars 2021, le tribunal correctionnel a requalifié les faits de participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences ou de dégradations en port d'arme de catégorie D et déclaré le prévenu coupable, en outre, du chef de refus de se soumettre à des relevés signalétiques. Il a condamné l'intéressé à trois mois d'emprisonnement avec sursis.

5. Le prévenu a relevé appel principal de cette décision et le ministère public appel incident.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [C] [J] coupable d'avoir refusé de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques, alors :

« 2°/ que le refus par une personne de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques ne peut être pénalement réprimé que dans la mesure où ces opérations sont nécessaires à l'alimentation et la consultation des fichiers de police et qu'il existe, à l'encontre de l'intéressé, une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis ou tenté de commettre une infraction ; en se bornant à énoncer qu'il est constant que le prévenu a refusé de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques, sans caractériser aucune de ces deux conditions, la cour d'appel n'a pas légalement justifié la déclaration de culpabilité au regard de l'article 55-1 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 55-1 et 485 du code de procédure pénale :

7. Le premier de ces textes réprime le refus, par une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction, de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques nécessaires à l'alimentation et à la constitution des fichiers de police, en particulier à la prise de ses empreintes digitales.

8. Selon le second, tout jugement de condamnation doit constater, à la charge du prévenu, l'existence de chacun des éléments constitutifs de chacune des infractions dont il le déclare coupable.

9. L'arrêt attaqué relève qu'il n'existe aucun élément démontrant l'appartenance du prévenu à un groupement formé en vue de la préparation de violences ou de dégradations.

10. Après requalification de l'infraction de participation à un tel groupement en port d'arme de catégorie D, les juges relaxent le prévenu de ce chef, au motif qu'une chaîne avec cadenas de vélo n'entre pas dans la liste des armes de cette catégorie.

11. Puis, après avoir constaté que le prévenu a refusé à quatre reprises les opérations de relevés signalétiques, les juges le déclarent coupable du délit de refus de se soumettre à ces relevés.

12. En se déterminant ainsi, sans caractériser qu'au moment de son refus, il existait une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que le prévenu avait commis ou tenté de commettre une infraction, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

13. La cassation est par conséquent encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre grief.

Portée et conséquences de la cassation

14. La cassation sera limitée à la déclaration de culpabilité pour refus de se soumettre à des relevés signalétiques et à la peine. Les autres dispositions seront donc maintenues.






PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 28 octobre 2022, mais en ses seules dispositions relatives à la déclaration de culpabilité pour refus de se soumettre à des relevés signalétiques et à la peine, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille vingt-quatre.

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