12 décembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 23-85.651

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CR01591

Titres et sommaires

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION

Il résulte de l'article 148-2 du code de procédure pénale que lorsqu'une chambre de l'instruction est appelée à statuer, en application de l'article 148-1 du même code, sur une demande de mise en liberté formée par un accusé, elle doit se prononcer dans le délai de vingt jours qu'il fixe, non susceptible de prolongation, faute de quoi il est mis fin à la détention provisoire. Ce délai ne peut être prolongé, même lorsque la chambre de l'instruction ordonne une expertise afin de déterminer si l'état de santé de la personne détenue est compatible avec son maintien en détention au sens de l'article 147-1 du code de procédure pénale

Texte de la décision

N° Z 23-85.651 F-B

N° 01591


MAS2
12 DÉCEMBRE 2023


CASSATION SANS RENVOI


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 DÉCEMBRE 2023



M. [L] [B] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, en date du 15 septembre 2023, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les armes, en récidive, vol avec arme et tentative, vol en bande organisée, vol en réunion, recel, destruction par un moyen dangereux, association de malfaiteurs et évasion, a rejeté sa demande de mise en liberté.

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Rouvière, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [L] [B], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 décembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Rouvière, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. [L] [B], placé en détention provisoire par décision du 7 février 2022, a été renvoyé devant la cour d'assises par arrêt de la chambre de l'instruction du 24 novembre 2022.

3. Il a formé une demande de mise en liberté enregistrée au greffe de la chambre de l'instruction le 11 juillet 2023.

4. Par arrêt du 28 juillet 2023, la chambre de l'instruction a ordonné une expertise médicale de M. [B], afin de déterminer si son état de santé était compatible avec son maintien en détention provisoire, et renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 14 septembre 2023.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les moyens invoqués à l'appui de la demande de mise en liberté formée par M. [B] et rejeté celle-ci, alors :

« 1°/ qu'il résulte de l'article 148-2 du Code de procédure pénale que lorsqu'une chambre de l'instruction est appelée à statuer, en application de l'article 148-1 de ce Code, sur une demande de mise en liberté formée par une personne maintenue en détention par une ordonnance de mise en accusation et qui se trouve en attente de sa comparution devant la Cour d'assises, elle doit se prononcer dans le délai de vingt jours fixé par ce texte, lequel n'est pas susceptible de prolongation, faute de quoi il est mis fin à la détention provisoire de l'intéressé ; qu'au cas d'espèce, il résulte des propres constats de la Chambre de l'instruction que Monsieur [B], mis en accusation devant la Cour d'assises et maintenu en détention par arrêt de la Chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Nancy du 24 novembre 2022, a formé une demande de mise en liberté le 10 juillet 2023, que par arrêt du 28 juillet 2023, la Chambre de l'instruction s'est bornée à ordonner, avant-dire droit, une expertise médicale, que ce n'est que par arrêt du15 septembre 2023 que la Chambre de l'instruction a statué sur la demande de mise en liberté, pour la rejeter ; qu'en statuant, ainsi, après l'expiration du délai qui lui était imparti par la loi pour ce faire, la Chambre de l'instruction a violé les articles 148-1, 148-2, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »



Réponse de la Cour

Vu l'article 148-2 du code de procédure pénale :

6. Il résulte de ce texte que, lorsqu'une chambre de l'instruction est appelée à statuer, en application de l'article 148-1 du code de procédure pénale, sur une demande de mise en liberté formée par un accusé, elle doit se prononcer dans le délai de vingt jours qu'il fixe, non susceptible de prolongation, faute de quoi il est mis fin à la détention provisoire, l'intéressé, s'il n'est pas détenu pour autre cause, étant mis d'office en liberté.

7. En l'espèce, par arrêt avant dire droit, la chambre de l'instruction a ordonné une expertise médicale, renvoyé l'examen de l'affaire, puis rejeté la demande de mise en liberté par arrêt du 15 septembre 2023.

8. Dès lors qu'elle n'a pas statué sur la demande dont elle était saisie avant l'expiration du délai lui étant imparti par la loi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé.

9. En effet, ce délai ne peut être prolongé même lorsque cette juridiction ordonne une expertise afin de déterminer si l'état de santé de la personne détenue est compatible avec son maintien en détention au sens de l'article 147-1 du code de procédure pénale.

10. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre grief.

Portée et conséquences de la cassation

11. M. [B] doit être remis en liberté, sauf s'il est détenu pour autre cause.

12. Cependant, les dispositions de l'article 803-7, alinéa 1, du code de procédure pénale permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissance des formalités prévues par ce même code, dès lors qu'elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d'information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l'un des objectifs énumérés à l'article 144 du même code.

13. En l'espèce, M. [B] ayant été renvoyé devant la cour d'assises par décision devenue définitive, il existe dès lors contre lui des charges suffisantes d'avoir commis les faits qui lui sont reprochés.




14. Une mesure de contrôle judiciaire est indispensable aux fins de :

- empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices dans l'attente de l'audience criminelle ;

- empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille dans l'attente de l'audience criminelle ;

- garantir le maintien de l'accusé à la disposition de la justice, en ce qu'un mandat d'arrêt a dû être délivré après que M. [B] s'est enfui de garde à vue et a résidé durant plusieurs mois à l'étranger, muni de faux documents d'identité.

15. Afin d'assurer ces objectifs, M. [B] sera astreint à se soumettre aux obligations précisées au dispositif.

16. La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy est compétente pour l'application des articles 139 et suivants et 141-2 et suivants du code de procédure pénale.

17. Le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, en date du 15 septembre 2023 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

CONSTATE que M. [B] est détenu sans titre depuis le 1er août 2023 dans la présente procédure ;

ORDONNE la mise en liberté de M. [B] s'il n'est détenu pour autre cause ;

ORDONNE le placement sous contrôle judiciaire de M. [B] ;

DIT qu'il est soumis aux obligations suivantes :

- ne pas sortir des limites territoriales suivantes : la commune de [Localité 5] (25), sauf pour se rendre à la brigade de gendarmerie de [Localité 4] (25) ou répondre aux convocations de justice ;



- fixer sa résidence au [Adresse 3], et ne s'en absenter que dans les conditions suivantes : du lundi au vendredi, entre 7 heures et 20 heures ; les samedis, dimanche et jours fériés, entre 10 heures et 16 heures ;

- se présenter le premier jour ouvrable suivant sa mise en liberté effective, et ensuite tous les jours, à la brigade de gendarmerie de [Localité 4], [Adresse 2] ;

- remettre, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité, à la brigade de gendarmerie de [Localité 4], [Adresse 1], les documents justificatifs de l'identité suivants : sa carte nationale d'identité et son passeport ;

- s'abstenir de recevoir ou de rencontrer, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit, les personnes suivantes : MM. [Y] [X], [D] [M], [H] [K], [S] [J], [T] [B] [A] [C], [O] [V], [G] [Z], [F] [I], [W] [I] et [E] [P] ;

- ne pas détenir ou porter une arme ;

DESIGNE pour veiller au respect des obligations prévues aux rubriques ci-dessous, le commandant de la brigade de gendarmerie de [Localité 4], [Adresse 2] ;

DESIGNE la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy aux fins d'assurer le contrôle de la présente mesure de sûreté ;

RAPPELLE qu'en application de l'article 141-2 du code de procédure pénale, toute violation de l'une quelconque des obligations ci-dessus expose la personne sous contrôle judiciaire à un placement en détention provisoire ;

DIT que le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille vingt-trois.

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