29 juin 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-11.732

Deuxième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:C200832

Titres et sommaires

ACTION EN JUSTICE - Intérêt - Recevabilité - Applications diverses - Action en contestation de mesures conservatoires - Acte de saisie conservatoire ou de nantissement judiciaire provisoire

Il résulte des articles 31 du code de procédure civile et R. 512-1 du code des procédures civiles d'exécution que, dès lors qu'elle est visée dans un acte de saisie conservatoire ou de nantissement judiciaire provisoire, la personne à l'encontre de laquelle cette mesure est pratiquée a un intérêt à la contester

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION - Mesures conservatoires - Action en contestation - Intérêt à agir - Acte de saisie conservatoire ou de nantissement judiciaire provisoire

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION - Mesures conservatoires - Saisie conservatoire - Mainlevée d'une saisie conservatoire - Recevabilité - Intérêt à agir

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 juin 2023




Cassation partielle


Mme MARTINEL, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 832 FS-B

Pourvoi n° V 19-11.732






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 JUIN 2023

La société Montana Management Inc., société de droit étranger, dont le siège est c/o [Adresse 2] (Panama), a formé le pourvoi n° V 19-11.732 contre l'arrêt rendu le 13 décembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Heerema Zwijndrecht BV, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 3] (Pays-Bas),

2°/ à la société BNP Paribas securities services, société en commandite par actions, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.


Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Montana Management Inc., de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société BNP Paribas securities services, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Heerema Zwijndrecht BV, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 13 juin 2023 où étaient présents Mme Martinel, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mmes Durin-Karsenty, Vendryes, Caillard, M. Waguette, conseillers, Mmes Bohnert, Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, M. Gaillardot, premier avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 décembre 2018), un arrêt de la cour d'appel de La Haye du 31 octobre 2000, déclaré exécutoire en France par une ordonnance du président d'un tribunal de grande instance du 31 août 2011, a condamné solidairement l'État d'Irak et la banque centrale d'Irak à payer à la société Heerema Zwijndrecht BV (la société Heerema) une certaine somme.

2. En exécution de cette décision, la société Heerema a fait pratiquer, le 3 novembre 2016, entre les mains de la société BNP Paribas securities services (la banque), une saisie conservatoire de créances, une saisie conservatoire de droits d'associé et de valeurs mobilières et un nantissement judiciaire provisoire, à l'encontre de « l'État Irakien et ses entités dont les fonds appartiennent à l'Irak en vertu de résolutions de l'ONU, à savoir ceux de la société Montana Management Inc. ».

3. Ces saisies ayant été dénoncées à l'État irakien et à la société Montana Management Inc. (la société Montana), cette dernière a assigné, le 15 février 2018, la société Hereema devant un juge de l'exécution en nullité de ces mesures. La banque est intervenue volontairement à l'instance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société Montana fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa contestation de la saisie conservatoire de créances, de la saisie conservatoire de droits d'associés et valeur mobilières et du nantissement provisoire de valeurs mobilières pratiqués le 3 novembre 2016 par la société Heerema entre les mains de la banque, de valider les mesures conservatoires et de la condamner au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile, alors « que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention ; que la cour d'appel a relevé expressément que « Montana souligne que si le compte sur lequel sont déposés les fonds litigieux est ouvert au nom d'une banque de correspondant étrangère, dont la cour comprend qu'il s'agirait de l'Arab Bank, et non au nom de la société Montana, il n'en reste pas moins que cette banque les détient pour le compte de la société Montana, celle-ci en étant l'ayant droit économique » et que « les fonds que l'appelante pense avoir saisis constituent une créance du titulaire du compte à l'encontre de la BNP, ce titulaire étant lui-même débiteur de la société Montana puisqu'il détient les fonds pour le compte de cette dernière » ; que la cour d'appel a ainsi expressément constaté que la société Montana faisait valoir qu'en pratiquant, à l'encontre de « l'État irakien et des entités dont les fonds appartiennent à l'Irak en vertu des résolutions de l'ONU, à savoir ceux de la société Montana », des mesures conservatoires aux fins d'appréhender des fonds déposés sur un compte ouvert au nom de l'Arab Bank dans les livres de la BNP, qui les détenait pour le compte de la société Montana, la société Heerema avait tenté de saisir la créance que la société Montana détenait à l'encontre de la société Arab Bank, ce qui suffisait à lui conférer un intérêt à agir en contestation des mesures ainsi pratiquées ; qu'en retenant néanmoins, pour dire la société Montana irrecevable en sa contestation, que cette société soutenait ne pas être propriétaire juridique des fonds litigieux, quand sa qualité non contestée d'ayant droit économique des fonds détenus pour son compte par l'Arab Bank, reconnue par les arrêtés ministériels des 25 mai 2011 et 31 juillet 2017 recensant les fonds et ressources frappés en France par la mesure de gel des avoirs irakiens, suffisait à lui conférer intérêt et qualité pour contester les voies d'exécution entreprises sur ces fonds, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants en violation de l'article 31 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 31 du code de procédure civile et R. 512-1 du code des procédures civiles d'exécution :

5. Il résulte de ces textes que, dès lors qu'elle est visée dans un acte de saisie conservatoire ou de nantissement judiciaire provisoire, la personne à l'encontre de laquelle cette mesure est pratiquée a un intérêt à la contester.

6. Pour déclarer irrecevables les demandes de la société Montana, l'arrêt retient que dans ses écritures, que ce soit à titre principal ou à titre subsidiaire, la société Montana soutient ne pas être propriétaire des fonds saisis par les mesures conservatoires et que bien que son intérêt à agir soit contesté par l'appelante, elle ne précise pas à quel titre elle serait, dès lors, fondée à poursuivre la mainlevée de ces mesures, le seul fait qu'il soit mentionné dans les procès-verbaux des mesures conservatoires que ces mesures portent sur les fonds de la société Montana, dont la saisissante estime qu'ils appartiennent à l'État d'Irak, ne saurait lui reconnaître un intérêt à agir.

7. En statuant ainsi, alors que la société Montana figurait dans les actes de saisie conservatoire et de nantissement judiciaire provisoire, la cour d'appel, qui ne pouvait qu'en déduire que cette société avait un intérêt à contester ces mesures, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déboute la société Montana Management Inc. en sa demande de renvoi aux fins de jonction et annule le jugement, l'arrêt rendu le 13 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Heerema Zwijndrecht BV et la société BNP Paribas securities services aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Heerema Zwijndrecht BV et la société BNP Paribas securities services et condamne la société Heerema Zwijndrecht BV à payer à la société Montana Management Inc. la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-trois.

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