15 juin 2023
Cour d'appel de Paris
RG n° 22/18922

Pôle 1 - Chambre 2

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 15 JUIN 2023



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/18922 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGVKZ



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 Octobre 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 22/53257





APPELANTS



M. [R] [Z]

[Adresse 7]

[Localité 16]



M. [W] [A]

[Adresse 5]

[Localité 12]



S.A.S. INVEST CROSS, RCS de Paris sous le n°812 944 619, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 11]



Intimés dans le RG 22/19744



Représentés par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065





INTIMES



Mme [P] [V]

[Adresse 3]

[Localité 16]



M. [I] [O]

[Adresse 6]

[Localité 17]



M. [X] [O]

[Adresse 8]

[Localité 13]



Représentés par Me Laurence D'ORSO de la SCP CABINET D'ORSO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0343, substituée à l'audience par Me Ghislaine D'ORSO, avocat au barreau de PARIS



Mme [C] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 12]







M. [T] [H]

[Adresse 2]

[Localité 12]



Appelants dans le RG 22/19744



Représentés par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

Ayant pour avocat plaidant Me Maroun ABINADER, substitué à l'audience par Me Jessica SOUSSAN





PARTIES INTERVENANTES :



SELARL AJRS Prise en la personne de Me Catherine POLI, Administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SAS INVEST CROSS

[Adresse 15]

[Localité 10]



Représentés par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065



S.E.L.A.F.A. MJA prise en la personne de Maître [F] [K], ès-qualités de mandataire judiciaire de la S.A.S. INVEST CROSS suivant jugement du TC de Paris du 27 octobre 2022

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 14]



Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 13 Avril 2023, en audience publique, Michèle CHOPIN, Conseillère, ayant été entendue en son rapport dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile, devant la cour composée de :



Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,



Qui en ont délibéré



Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL



ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.




*****







EXPOSE DU LITIGE



Par acte du 3 août 2017 à effet du 1er août 2017, Mme [O], M. [X] [O] et M. [I] [O] ont consenti un bail commercial, dans l'immeuble situé au [Adresse 9] à [Localité 18] à la société Vendôme Cross, ayant pour seule associée la société Invest Cross en vue de la location de locaux à destination d'activité de salle de sport.



Le bail a été conclu pour une durée de dix ans expirant le 31 juillet 2027 et prévoyait un loyer annuel en principal à hauteur de 277.500 euros HT payable par quart.



Par actes séparés, M. [A], M. [Z], M. [H], Mme [Y] et la société Invest Cross se sont portés cautions solidaires jusqu'à l'expiration du bail, pour un montant maximal équivalent à une année de loyer hors taxes tel que fixé à la date de prise d'effet du bail, soit 277.500 euros.



Le bail commercial a été transféré à compter du 30 mai 2020 à la société Invest Cross, unique associée de la société Vendôme Cross, dans le cadre d'une transmission universelle du patrimoine de cette dernière.



Par actes des 7, 9 et 16 mars 2022, Mme [V], M. [X] [O] et M. [I] [O] ont fait assigner la société Invest Cross, M. [A], M. [Z], Mme [Y] et M. [H] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris,aux fins de voir :

A titre principal,

- débouter les défendeurs de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Invest Cross au paiement d'une provision de 520.616,12 euros TTC au titre des sommes dues jusqu'au terme du troisième trimestre 2022 inclus, solidairement avec M. [A], M. [Z], M. [H] et Mme [Y], ces derniers à hauteur de 277.500 euros ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire il était fait droit aux contestations sérieuses soulevées par la société Invest Cross, M. [A] et M. [Z] liées à la crise sanitaire,

- condamner la société Invest Cross à leur payer une provision de 338.949,93 euros TTC au titre des sommes dues jusqu'au terme du troisième trimestre 2022 inclus, solidairement avec M. [A], M. [Z], M. [H] et Mme [Y], ces derniers à hauteur de 277.500 euros ;

- pour l'arriéré locatif qui serait considéré comme faisant l'objet d'une contestation sérieuse, renvoyer l'affaire à telle audience qu'il plaira au président de fixer pour qu'il soit statué au fond ;

Pour les cas où des délais de paiement seraient accordés à la société Invest Cross, M. [A] et M. [Z],

- dire que l'échelonnement du paiement de la provision se fera mensuellement sur deux ans le 1er du mois suivant la signification de l'ordonnance à intervenir en sus du paiement des termes courants les 1er janvier, 1er avril, 1er juillet et 1er octobre de chaque année ;

- dire qu'à défaut de paiement d'une échéance sans apurement de l'arriéré à la date fixée par l'ordonnance à intervenir en sus du paiement des termes courants les 1er janvier, 1er avril, 1er juillet et 1er octobre de chaque année, l'intégralité de la dette sera immédiatement exigible ;

- dire que l'échéancier accordé tombera de plein droit si la société Invest Cross fait l'objet de l'ouverture d'une procédure collective ;

En tout état de cause,

- condamner in solidum la société Invest Cross, M. [A], M. [Z], M. [H] et Mme [Y] à leur payer une somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum la société Invest Cross, M. [A], M. [Z], M.[H] et Mme [Y] aux entiers dépens.

Par ordonnance réputée contradictoire du 3 octobre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :



- renvoyé les parties à se pourvoir au fond ainsi qu'elles en aviseront, mais dès à présent par provision, tous les moyens des parties étant réservés ;

- condamné la société Invest Cross à payer à Mme [V], M. [X] [O] et M. [I] [O] la somme provisionnelle de 520.616,12 euros au titre des sommes dues jusqu'au terme du troisième trimestre 2022 inclus au titre de l'arriéré de loyer, de charges et accessoires, solidairement avec M. [A], M. [Z], M. [H] et Mme [Y], ces derniers à hauteur de 277.500 euros ;

- autorisé la société Invest Cross, M. [A] et M. [Z] à se libérer de cette dette en vingt-trois mensualités de 22.635 euros chacune, outre une dernière mensualité qui sera du montant du solde de la dette, le premier paiement devant intervenir le 1er du mois suivant la signification de la présente ordonnance à l'égard de la société Invest Cross, M. [A] et M. [Z] ;

- rappelé que cette somme doit être payée en plus du loyer de chaque trimestre, soit les 1er janvier, 1er avril, 1er juillet et 1er octobre de chaque année ;

- dit que les procédures d'exécution pouvant être engagées par Mme [V], M. [X] [O] et M. [I] [O] sont suspendues d'une part et que les majorations d'intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d'être dues d'autre part, pendant le délai précité ;

A défaut de paiement d'une seule des mensualités prévues pour l'apurement de la dette ou d'un seul des appels trimestriels constitués des loyers et charges : dit que la totalité de la somme deviendra immédiatement exigible, et pourra entraîner toutes procédures d'exécution légalement admissibles ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus ;

- rejeté la demande fondée sur l'article 837 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum la société Invest Cross, M. [A], M. [Z], M. [H] et Mme [Y] aux entiers dépens ;

- condamné in solidum la société Invest Cross, M. [A], M. [Z], M. [H] et Mme [Y] au paiement de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire.



Par déclaration du 7 novembre 2022, la société Invest Cross, M. [A] et M. [Z] ont relevé appel de cette décision.



Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 20 mars 2023, la société Invest Cross, M. [A] et M. [Z] demandent à cour, aux visas de l'article 1er de l'arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, du décret n°2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19, des articles 42 à 44 du décret n°2020-663 du 31 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, de l'article 1er du décret n°2020-759 du 21 juin 2020 modifiant le décret n°2020-663 du 31 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, de la loi n°2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, de la loi n°2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, du décret n°2022-352 du 12 mars 2022 modifiant le décret n°2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, des articles 4, 5, 122, 510, 835 alinéa 1er et 954 du code de procédure civile, des articles 1104, 1218, 1343-5 et 1722 du code civil et des articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce, de :





- recevoir la société Invest Cross, MM. [A] et [Z], la selafa MJA, prise en la personne de Me [F] [K], ès qualités de mandataire judiciaire et la selarl AJRS, prise en la personne de Me [B] [L], ès qualités d'administrateur judiciaire en l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- débouter Mme [V], M. [X] [O] et M. [I] [O] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions constituant des « prétentions » ;

- débouter Mme [V], M. [X] [O] et M. [I] [O] en leurs demandes formées à l'encontre de MM. [A] et [Z] en leur qualité de cautions, en ce qu'elles sont irrecevables ;

A titre principal,

- infirmer et réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

' condamné la société Invest Cross à payer à Mme [V], M. [X] [O] et M. [I] [O] la somme provisionnelle de 520.616,12 euros au titre des sommes dues jusqu'au terme du troisième trimestre 2022 inclus au titre de l'arriéré de loyer, de charges et accessoires, solidairement avec M. [A], M. [Z], M. [H] et Mme [Y], ces derniers à hauteur de 277.500 euros ;

' autorisé la société Invest Cross, M. [A] et M. [Z] à se libérer à cette dette en vingt-trois mensualités de 22.635 euros chacune, outre une dernière mensualité qui sera du montant du solde de la dette, le premier paiement devant intervenir le 1er du mois suivant la signification de la présente ordonnance à l'égard de la société Invest Cross, M. [A] et M. [Z],

' rappelé que cette somme doit être payée en plus du loyer de chaque trimestre, soit les 1er janvier, 1er avril, 1er juillet et 1er octobre de chaque année,

' dit qu'un défaut de paiement d'une seule des mensualités prévues pour l'apurement de la dette ou d'un seul des appels trimestriels constitués des loyers et charges, la totalité de la somme deviendra immédiatement exigible, et pourra entraîner toutes procédures d'exécution légalement admissibles,

' dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus,

' condamné in solidum la société Invest Cross, M. [A], M. [Z], M. [H] et Mme [Y] aux entiers dépens,

' condamné in solidum la société Invest Cross, M. [A], M. [Z], M. [H] et Mme [Y] au paiement de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

- dire n'y avoir lieu à référé compte tenu de l'ouverture de la procédure de sauvegarde de la société Invest Cross en application des articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce et de l'absence d'autorité de chose jugée attachée à une décision de référé ;

- rejeter la demande en paiement provisionnel formée par Mme [V] épouse [O], M. [X] [O] et M. [I] [O] à l'encontre de la société Invest Cross à hauteur de la somme de 520.616,12 euros TTC au titre des loyers, charges, et accessoires échus jusqu'au terme du troisième trimestre 2022 inclus, solidairement avec MM. [A] et [Z] à hauteur de 277.500 euros, en ce que cette demande est irrecevable du fait du jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 27 octobre 2022 ;

A titre subsidiaire,

- infirmer et réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

' condamné la société Invest Cross à payer à Mme [V], M. [X] [O] et M. [I] [O] la somme provisionnelle de 520.616,12 euros au titre des sommes dues jusqu'au terme du troisième trimestre 2022 inclus au titre de l'arriéré de loyer, de charges et accessoires, solidairement avec M. [A], M. [Z], M. [H] et Mme [Y], ces derniers à hauteur de 277.500 euros,









' autorisé la société Invest Cross, M. [A] et M. [Z] à se libérer de cette dette en vingt-trois mensualités de 22.635 euros chacune, outre une dernière mensualité qui sera du montant du solde de la dette, le premier paiement devant intervenir le 1er du mois suivant la signification de la présente ordonnance à l'égard de la société Invest Cross, M. [A] et M. [Z],

' rappelé que cette somme doit être payée en plus du loyer de chaque trimestre, soit les 1er janvier, 1er avril, 1er juillet et 1er octobre de chaque année ;

' dit qu'un défaut de paiement d'une seule des mensualités prévues pour l'apurement de la dette ou d'un seul des appels trimestriels constitués des loyers et charges, la totalité de la somme deviendra immédiatement exigible, et pourra entraîner toutes procédures d'exécution légalement admissibles,

' dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus,

' condamné in solidum la société Invest Cross, M. [A], M. [Z], M. [H] et Mme [Y] aux entiers dépens,

' condamné in solidum la société Invest Cross, M. [A], M. [Z], M. [H] et Mme [Y] au paiement de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

- dire n'y avoir lieu à référé en présence d'une contestation sérieuse sur l'obligation de paiement de l'intégralité des loyers échus à compter du 15 mars 2020 ;

En tout état de cause,

- débouter les consorts [V], [O], [Y] et [H] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ;

- condamner in solidum Mme [V] épouse [O], M. [X] [O] et M. [I] [O] au paiement à la société Invest Cross et MM. [A] et [Z] de la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum Mme [V] épouse [O], M. [X] [O] et M. [O] aux dépens de la présente instance au titre de l'article 699 du code de procédure civile.



La société Invest Cross, M. [A] et M. [Z] soutiennent en substance que :



- la cour n'est saisie d'aucune prétention tendant à l'irrecevabilité de l'appel, alors que la procédure collective ouverte à l'encontre de la société Invest Cross est une procédure de sauvegarde, et non de redressement judiciaire,

- la demande de condamnation de la société Invest Cross est irrecevable en revanche du fait de la procédure de sauvegarde qui l'affecte,

- les cautions personnes physiques en application des dispositions de l'article L 622-28 et L 626-11 du code de commerce bénéficient du fait de l'ouverture de cette procédure de sauvegarde du débiteur de la suspension de toute action durant la période d'observation et de plan,

- subsidiairement il existe une contestation sérieuse sur l'obligation de paiement, l'impossibilité d'exploiter les locaux s'analysant en la perte partielle de la chose louée dont l'appréciation ne relève pas du juge des référés, les circonstances exceptionnelles liées à la crise sanitaire constituant un cas de force majeure, dont l'appréciation ne relève pas non plus du juge des référés.



Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 22 mars 2023, Mme [V], M. [X] [O] et M. [I] [O] demandent à la cour, au visa des articles 31, 122 et 835 du code de procédure civile, des articles 2, 1218, 1722 et 1728 du code civil, des articles 2288 à 2320 dans leur version en vigueur avant le 1er janvier 2022, des articles L. 622-17, L. 622-21, L. 622-28, L. 624-2 et L. 626-11 du code de commerce et des articles L. 331-1 à L. 333-2 du code de la consommation alors en vigueur, de :





- déclarer irrecevable l'appel interjeté par la société Invest Cross, la selafa MJA ès-qualité et la selarl AJS ès-qualité ;

- débouter la société Invest Cross, la selafa MJA ès-qualité, la selarl AJS ès-qualité, M. [A], M. [Z], M. [H] et Mme [Y] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- confirmer l'ordonnance dont appel, seule son exécution étant actuellement paralysée ;

- confirmer en tout état de cause l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a condamné solidairement M. [A], M. [Z], M. [H] et Mme [Y], à payer à Mme [O], M. [X] [O] et M. [I] [O] une somme provisionnelle de 277.500 euros au titre de l'arriéré locatif, les a condamnés in solidum à payer une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les a condamnés in solidum aux dépens ;

Y ajoutant,

- condamner in solidum la société Invest Cross, la selafa MJA ès-qualité, la selarl AJS ès-qualité, M. [A], M.[Z], M. [H] et Mme [Y] à payer à Mme [O], M. [X] [O] et M. [I] [O] la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

- condamner in solidum la société Invest Cross, la selafa MJA ès-qualité, la selarl AJS ès-qualité, M. [A], M. [Z], M. [H] et Mme [Y] aux entiers dépens de la procédure d'appel.



Mme [V], M. [X] [O] et M. [I] [O] soutiennent en substance que :



- l'appel interjeté est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir, la cour étant saisie de ce point dès les premières écritures,

- l'ordonnance querellée a été rendue avant l'ouverture de la procédure de sauvegarde et à la date de l'appel, elle ne pouvait plus être exécutée,

- il appartient donc au juge commissaire de se prononcer à l'égard de la société Invest Cross sur l'arriéré locatif antérieur à l'ouverture de la procédure de sauvegarde selon déclaration de créance,

- les bailleurs restent recevables à agir en référé à l'encontre des cautions, seule l'exécution du titre exécutoire étant suspendue pendant la période d'observation et le plan,

- il n'existe aucune contestation sérieuse, le montant de l'arriéré locatif n'étant pas contesté,

- l'impossibilité d'exploiter les locaux ne s'analyse pas en une perte partielle de la chose louée et les circonstances exceptionnelles liées à la crise sanitaire ne constituent pas un cas de force majeure,

- les bailleurs ne sont pas de mauvaise foi, alors qu'ils demandent le règlement de loyers conformément au bail signé,

- les engagements de cautions ne sont pas contestables,

- la société Invest Cross ne justifie pas que les mesures depuis le 9 juin 2021 aient eu un impact sur son activité,

- aucun délai ne peut être accordé à M [H] et Mme [Y] dès lors que l'exécution de l'arrêt à intervenir est suspendue pendant la période d'observation et pendant le plan de la société Invest Cross.



Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 28 mars 2022, M. [H] et Mme [Y] demandent à la cour, au visa des articles 1104 et 1722 du code civil, des articles L. 145-41, L. 622-21, L. 622-22 et L. 622-28 du code de commerce et des articles 9 et 835 du code de procédure civile, de :



- dire et juger M. [H] et Mme [Y] recevables et bien fondées en toutes leurs demandes, moyens, fins et prétentions ; y faire droit et en conséquence ;

A titre principal,

- infirmer et réformer l'ordonnance du tribunal judiciaire de Paris du 3 octobre 2022 en ce qu'elle a :

' condamné la société Invest Cross au paiement d'une somme de 520.616,12 euros au titre des sommes dues jusqu'au terme du troisième trimestre 2022 inclus, solidairement avec M. [A], M. [Z], M. [H] et Mme [Y] ces derniers à hauteur de 277.500 euros,

' condamné in solidum la société Invest Cross, M. [A], M. [Z], M. [H] et Mme [Y] au paiement de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

- juger qu'il n'y avait lieu à référé ;

A titre subsidiaire, si la cour devait confirmer l'ordonnance du 3 octobre 2022,

- accorder les plus larges délais à M. [H] et Mme [Y] pour s'acquitter des condamnations mises à leur charge par l'ordonnance du 3 octobre 2022 ;

- dire et juger que ces délais de paiement commenceront à s'appliquer à compter du jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation de la société Invest Cross ;

En tout état de cause,

- condamner Mme [V], M. [X] [O], M. [I] [O] aux dépens et à régler à M. [H] et Mme [Y] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



M. [H] et Mme [Y] soutiennent en substance que :



-les demandes des consorts [O] sont irrecevables du fait de l'ouverture de la procédure de sauvegarde judiciaire de la société Invest Cross,

- il existe une contestation sérieuse liée à l'absence d'exigibilité des loyers pendant les périodes dites "Covid ",

- l'exigence de bonne foi et le devoir de loyauté dans l'exécution des contrats justifient qu'un preneur refuse ou diffère le règlement de son loyer commercial dans de telles circonstances,

- les loyers étaient de plus inexigibles en application des dispositions de l'article 1722 du code civil,

- il existe en outre une contestation sérieuse liée à l'absence de renonciation au bénéfice de division et de discussion par M [H] et Mme [Y], étant précisé qu'ils n'ont pas bénéficié de l'information préalable qui leur était due en qualité de cautions,

- leur engagement était en outre disproportionné,

- subsidiairement, des délais devront leur être accordés au vu de leur situation financière à chacun.



Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.




SUR CE,



- sur la recevabilité de la demande des consorts [O] tendant à voir déclarer l'appel irrecevable



La société Invest Cross, la selafa MJA et la selarl AJRS, ès qualités soutiennent que la cour n'est saisie d'aucune prétention tenant à l'irrecevabilité de l'appel, les bailleurs demandant à la cour de "juger irrecevable l'appel interjeté", ce qui ne saisit pas la cour de prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile, laquelle n'est pas tenue de statuer.









Or,selon l'article 954 du code de procédure civile, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.



Dans ses premières écritures, les consorts [O] ont demandé à la cour de confirmer l'ordonnance entreprise en citant les chefs de dispositif critiqués et de débouter les appelants de leurs demandes.



Contrairement à ce que prétendent les sociétés appelantes, cette formulation s'analyse en une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile.



En tout état de cause, il est relevé que la cour a été saisie dès les premières conclusions d'une demande de réformation de l'ordonnance entreprise et que dans les dernières conclusions des consorts, complétant les précédentes, ceux-ci ont expressément demandé que soit déclaré irrecevable l'appel interjeté par les sociétés Invest Cross, la selafa MJA et la selarl AJRS, ès qualités.



Il en résulte que la cour est valablement saisie de cette fin de non recevoir.



- sur la recevabilité de l'appel interjeté par les sociétés Invest Cross, la selafa MJA et la selarl AJRS, ès qualité



Les consorts [O] exposent que la société Invest Cross et les organes de la procédure collective n'ont aucun intérêt à agir, et précisément, à interjeter appel à l'encontre d'une ordonnance de référé qui se trouve paralysée de plein droit à leur égard quant aux créances antérieures au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde.



Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.



L'article 122 du code de procédure civile prévoit pour sa part que constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond pour défaut de droit d'agir, tel le défaut d'intérêt.



Toutefois, l'existence du droit invoqué par les appelants à contester l'ordonnance de référé rendue n'est pas une condition de recevabilité de son action, mais de son succès, l'intérêt à agir n'étant pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action.



La société Invest Cross, qui a été condamnée en première instance à verser aux consorts [O] une provision justifie bien d'un intérêt à contester cette condamnation, prononcée aux termes d'une ordonnance de référé, dont il faut rappeler qu'elle n'a autorité de la chose jugée qu'à titre provisoire.



La cour rejettera en conséquence la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir et dira recevable l'appel interjeté par la société Invest Cross et par les organes de la procédure collective.







- sur la recevabilité des demandes de condamnation de la société Invest Cross à titre provisionnel



L'article L. 622-21 du code de commerce prévoit que le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 (créanciers postérieurs privilégiés) et tendant, soit, à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, soit, à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.



Ce principe ne bénéficie qu'au débiteur, de sorte que les actions contre les tiers demeurent permises malgré l'ouverture de la procédure collective.



L'article L 622-22 du code de commerce précise :



'Sous réserve des dispositions de l'article L 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant. (...)'.



L'article R 622-20 précise dans son alinéa 1 :



'L'instance interrompue en application de l'article L 622-22 est reprise à l'initiative du créancier demandeur, dès que celui-ci a produit à la juridiction saisie de l'instance une copie de la déclaration de sa créance ou tout autre élément justifiant de la mention de sa créance sur la liste prévue par l'article L 624-1 et mis en cause (...) le commissaire à l'exécution du plan.'.



Or les dispositions précitées visent les instances en cours qui tendent à obtenir de la juridiction saisie du principal une décision définitive sur l'existence et le montant de la créance, alors que la présente instance en référé, en ce qu'elle ne peut avoir pour objet qu'une condamnation au paiement d'une provision, est définitivement arrêtée, si bien que la créance alléguée doit être soumise à la procédure normale de vérification et à la décision du juge commissaire étant précisé qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de fixer une créance.



Au vu de l'évolution du litige, il n'y a donc pas lieu à référé sur cette demande en paiement soumise à la suspension des poursuites individuelles dans le cadre de la procédure collective ouverte à l'égard de la société Invest Cross. L'ordonnance rendue sera infirmée en ce sens.



- sur l'action du bailleur à l'encontre des cautions



L'article L 622-28 du code de commerce dispose que le jugement d'ouverture suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie. Le tribunal peut ensuite leur accorder des délais ou un différé de paiement dans la limite de deux ans.



Il sera rappelé en l'espèce que :







- M. [Z], Mme [Y], M. [H] et M. [A] se sont portés cautions solidaires par acte du 3 août 2017 du bail commercial signé par les consorts [O] et la société Invest Cross le même jour,



-l'ordonnance querellée a été rendue le 3 octobre 2022 condamnant la société Invest Cross à payer aux consorts [O] la somme de 520. 616, 12 euros TTC au titre des loyers, charges et accessoires jusqu'au terme du 3ème trimestre 2022 inclus, solidairement avec les cautions à hauteur de 277.500 euros,



- par jugement du 27 octobre 2022, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde à l'encontre de la société Invest Cross, les bailleurs ayant déclaré leur créance par déclaration du 26 novembre 2022,



Au regard de l'interdiction d'agir contre la caution mise en oeuvre par le texte précité, les demandes de provision formées par les consorts [O] à l'encontre de M. [Z], Mme [Y], M. [H] et M. [A] se heurtent à une contestation sérieuse. Le tribunal a ouvert en effet aux termes du jugement rendu le 27 octobre 2022 une période d'observation de six mois, prorogeable, les parties ne contestant pas que cette prorogation est survenue.



La poursuite contre la caution d'une société en procédure collective étant suspendue pendant la période d'observation, la cour dira n'y avoir lieu à référé sur ce point et infirmera en ce sens la décision déférée.



- sur les dépens et les frais irrépétibles



Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge des consorts [O] qui succombent.



L'équité commande qu'il ne soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ni en première instance ni en appel.



PAR CES MOTIFS



La cour,



Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 3 octobre 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris ;



Statuant à nouveau vu l'évolution du litige,



Dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes de Mme [V], veuve [O], M. [X] [O] et M. [I] [O],



Rejette toute autre demande,



Dit n'y avoir de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel,



Condamne Mme [V], veuve [O], M. [X] [O] et M. [I] [O] aux dépens de première instance et d'appel.



LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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