25 janvier 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-17.592

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CO00081

Titres et sommaires

REGISTRE DU COMMERCE ET DES SOCIETES - Immatriculation - Personnes tenues d'y procéder - Dépôt des pièces - Injonction du président du tribunal statuant en référé - Action - Prescription - Prescription quinquennale (non)

L'action prévue à l'article L. 123-5-1 du code de commerce, qui permet à tout intéressé ou au ministère public d'obtenir du dirigeant d'une personne morale de procéder au dépôt des pièces prévues à l'article R. 123-105 du même code, n'est pas soumise au délai de prescription prévu par l'article 2224 du code civil

REFERE - Applications diverses - Registre du commerce et des sociétés - Immatriculation - Dépôt des pièces - Injonction du président du tribunal - Prescription - Prescription quinquennale (non)

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 janvier 2023




Cassation


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 81 F-B

Pourvoi n° F 21-17.592









R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 JANVIER 2023

1°/ M. [V] [U], domicilié [Adresse 2],

2°/ la société Step 1261, dont le siège est [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° F 21-17.592 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [B] [U], domicilié [Adresse 4],

2°/ à la société Bakia, société civile agricole, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [V] [U] et de la société Step 1261, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. [B] [U] et de la société Bakia, et l'avis de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 20 mai 2021), lors de l'assemblée générale de la société Bakia du 15 janvier 1993, les associés ont décidé de modifier l'objet social.

2. Soutenant que celui-ci n'avait pas été inscrit en intégralité dans les statuts déposés, le 23 mars 1993, au greffe d'un tribunal de commerce, M. [V] [U] et la société Step 1261, associés, ont, le 21 novembre 2019, assigné M. [B] [U] et la société Bakia en référé aux fins d'enjoindre M. [B] [U], en sa qualité de gérant de la société Bakia, de procéder au dépôt des statuts intégrant cette modification et aux formalités afférentes, en application de l'article L. 123-5-1 du code de commerce.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. M. [V] [U] et la société Step 1261 font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur demande en référé-injonction, alors « que la requête en référé tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au dirigeant de toute personne morale de procéder au dépôt des pièces et actes au registre du commerce et des sociétés auquel celle-ci est tenue par des dispositions législatives ou réglementaires, qui ne tend pas en tant que telle à la reconnaissance d'une créance ou d'un droit de propriété, n'est pas soumise à un délai de prescription ; qu'en soumettant à la prescription de droit commercial la requête formée par M. [V] [U] et la société Step 1261 visant à la régularisation de la publicité des statuts déposés au registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Bayonne, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 110-4 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel n'ayant pas jugé que l'action était soumise à la prescription prévue à l'article L. 110-4 du code de commerce, le moyen ne peut être accueilli.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. [V] [U] et la société Step 1261 font le même grief à l'arrêt, alors « que la requête en référé tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au dirigeant de toute personne morale de procéder au dépôt des pièces et actes au registre du commerce et des sociétés auquel celle-ci est tenue par des dispositions législatives ou réglementaires, qui ne tend pas en tant que telle à la reconnaissance d'une créance ou d'un droit de propriété, n'est pas soumise à un délai de prescription ; qu'en soumettant à la prescription de droit commun la requête formée par M. [V] [U] et la société Step 1261 visant à la régularisation de la publicité des statuts déposés au registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Bayonne, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2224 du code civil, L. 123-1, L. 123-5-1 et R. 123-105 du code de commerce :

6. Selon le premier de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

7. Selon le deuxième, figurent au registre du commerce et des sociétés, pour être portés à la connaissance du public, les inscriptions et actes ou pièces déposés prévus par décret en Conseil d'Etat.

8. Selon le dernier, les actes, délibérations ou décisions modifiant les pièces déposées lors de la constitution d'une personne morale doivent être déposées au registre du commerce et des sociétés.

9. Cette obligation, destinée à l'information des tiers, perdure pendant toute la vie de la personne morale.

10. Il s'ensuit que l'action prévue à l'article L. 123-5-1 du code de commerce, qui permet à tout intéressé ou au ministère public d'obtenir du dirigeant d'une personne morale de procéder au dépôt des pièces prévues à l'article R. 123-105 du même code, n'est pas soumise au délai de prescription prévue par l'article 2224 du code civil.

11. Pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action introduite le 21 novembre 2019 par M. [V] [U] et la société Step 1261, l'arrêt, après avoir retenu qu'elle est une action personnelle en ce qu'elle a pour objet de faire reconnaître l'existence d'un droit ou d'une obligation contre une personne, énonce qu'en l'absence de dispositions dérogatoires, le délai de prescription applicable est le délai de droit commun de cinq ans régissant la prescription des actions personnelles et mobilières, prévu à l'article 2224 du code civil, et retient qu'il a commencé à courir le 23 mars 1993, date de publication des statuts litigieux, dans la mesure où, depuis cette date, ils sont des documents publics opposables tant aux tiers qu'aux associés de la société Bakia.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne M. [B] [U] et à la société Bakia aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [B] [U] et à la société Bakia et les condamne à payer à M. [V] [U] et la société Step 1261 la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour M. [V] [U] et la société Step 1261.

M. [V] [U] et la société civile STEP 1261 font grief à l'arrêt infirmatif attaqué de déclarer irrecevable leur demande en référé-injonction alors

1°) que la requête en référé tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au dirigeant de toute personne morale de procéder au dépôt des pièces et actes au registre du commerce et des sociétés auquel celle-ci est tenue par des dispositions législatives ou réglementaires, qui ne tend pas en tant que telle à la reconnaissance d'une créance ou d'un droit de propriété, n'est pas soumise à un délai de prescription ; qu'en soumettant à la prescription de droit commun la requête formée par M. [V] [U] et la société civile STEP 1261 visant à la régularisation de la publicité des statuts déposés au registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Bayonne, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 2224 du code civil ;

2°) qu'en soumettant également à la prescription de droit commercial cette même requête, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 110-4 du code de commerce.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.