23 novembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-18.814

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO01259

Texte de la décision

SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 novembre 2022




Cassation partielle


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1259 F-D

Pourvoi n° J 21-18.814




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022

La société Maubrac, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-18.814 contre l'arrêt rendu le 12 mai 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [J] [Y], domicilié [Adresse 3],

2°/ à l'union locale CGT de la Presqu'île, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Maubrac, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [Y] et de l'union locale CGT de la Presqu'île, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 12 mai 2021) statuant en référé, M. [Y] a été engagé le 11 février 2002 par la société Maubrac (la société) en qualité de préparateur de commandes. Il a été désigné en qualité de conseiller du salarié à compter du 6 juillet 2018, puis, le 11 février 2019, en qualité de représentant syndical au comité social et économique.

2. Le 14 novembre 2019, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de sommes provisionnelles à valoir sur la rémunération des heures accomplies au titre de sa mission de conseiller du salarié, sur son crédit d'heures de délégation en qualité de représentant syndical au comité social et économique et sur les dommages-intérêts découlant du non-paiement de ces sommes. L'union locale CGT de la Presqu'île (l'union locale) est intervenue volontairement à l'instance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié des sommes à titre de provision à valoir sur la rémunération des heures de mission de conseiller du salarié effectuées au cours des mois d'octobre et novembre 2019 et sur les dommages-intérêts découlant de ce non-paiement, ainsi qu'à payer à l'union locale une somme à titre de provision à valoir sur les dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 2132-1 du code du travail, alors « qu'il appartient au salarié investi de la mission de conseiller du salarié qui réclame, à ce titre, la rémunération du temps passé hors de l'entreprise pendant les heures de travail, de remettre à son employeur les attestations correspondantes des salariés bénéficiaires de l'assistance ; qu'en jugeant le contraire aux motifs inopérants que le salarié avait prévenu l'employeur de ses absences pour exercer ses missions de conseiller du salarié et que la fourniture des attestations des salariés bénéficiaires de l'assistance n'est requise que pour le remboursement par l'Etat des sommes avancées par l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-8, L. 1232-9, L. 1232-11 et D. 1232-9, alinéa 3, du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1232-8, L. 1232-9, L. 1232-11 et D. 1232-9, alinéa 3, du code du travail :

4. Aux termes du premier de ces textes, dans les établissements d'au moins onze salariés, l'employeur laisse au salarié investi de la mission de conseiller du salarié le temps nécessaire à l'exercice de sa mission dans la limite d'une durée qui ne peut excéder quinze heures par mois.

5. En vertu de l'article L. 1232-9 du code du travail, le temps passé par le conseiller du salarié hors de l'entreprise pendant les heures de travail pour l'exercice de sa mission est assimilé à une durée de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés, du droit aux prestations d'assurances sociales et aux prestations familiales ainsi qu'au regard de tous les droits que le salarié tient du fait de son ancienneté dans l'entreprise. Ces absences sont rémunérées par l'employeur et n'entraînent aucune diminution des rémunérations et avantages correspondants.

6. Aux termes de l'article L. 1232-11 de ce code, les employeurs sont remboursés par l'État des salaires maintenus pendant les absences du conseiller du salarié pour l'exercice de sa mission ainsi que des avantages et des charges sociales correspondants.

7. Aux termes de l'article D. 1232-9, alinéa 3, dudit code, ce remboursement est réalisé au vu d'une demande établie par l'employeur et contresignée par le conseiller du salarié mentionnant l'ensemble des absences de l'entreprise ayant donné lieu à maintien de la rémunération ainsi que les autres éléments nécessaires au calcul des sommes dues. Cette demande de remboursement est accompagnée d'une copie du bulletin de paie correspondant ainsi que des attestations des salariés bénéficiaires de l'assistance.

8. Il résulte de ces textes qu'il appartient au salarié, investi de la mission de conseiller du salarié, qui réclame, à ce titre, la rémunération du temps passé hors de l'entreprise pendant les heures de travail, de remettre à son employeur les attestations correspondantes des salariés bénéficiaires de l'assistance.

9. Pour condamner la société à payer, au salarié, certaines sommes à titre de provisions à valoir sur la rémunération des heures du conseiller du salarié effectuées au cours des mois d'octobre et novembre 2019 et sur les dommages-intérêts découlant du non-paiement de cette rémunération et, à l'union locale, une certaine somme à titre de provision à valoir sur les dommages-intérêts en application de l'article L. 2132-1 du code du travail, l'arrêt retient que le salarié a prévenu l'employeur de ses absences pour exercer ses missions de conseiller du salarié, comme par exemple le 12 avril 2019, celui-ci mentionnant ses heures d'absences durant le temps de travail, que ces éléments relatifs à la justification de ses absences durant le temps de travail, en l'espèce respectée par le salarié, obligent l'employeur à rémunérer le salarié conformément à l'article L. 1232-9 du code du travail. L'arrêt retient encore que les dispositions de l'article D. 1232-9 du code du travail ne concernent que le remboursement par l'Etat des sommes avancées par l'employeur et que ce dernier, en exigeant du salarié qu'il produise les attestations des salariés assistés pour rémunérer le salarié de ses heures d'absence, a outrepassé les exigences textuelles.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt condamnant l'employeur à payer au salarié une provision à valoir sur la rémunération des heures de mission de conseiller du salarié effectuées au cours des mois d'octobre et novembre 2019 entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur à remettre au salarié un bulletin de salaire correspondant.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande formée par M. [Y] de provision au titre d'un crédit d'heures de délégation en qualité de représentant syndical au conseil social et économique, l'arrêt rendu le 12 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;

Condamne M. [Y] et l'union locale CGT de la Presqu'île aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;




Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux.























MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Maubrac

La société Maubrac fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer au salarié des sommes à titre de provision à valoir sur la rémunération des heures de mission de conseiller du salarié effectuées au cours des mois d'octobre et novembre 2019 et sur les dommages et intérêts découlant de ce non-paiement ainsi qu'à payer à l'Union locale CGT de la Presqu'Ile une somme à titre de provision à valoir sur les dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 2132-1 du code du travail ;

ALORS QU' il appartient au salarié investi de la mission de conseiller du salarié qui réclame, à ce titre, la rémunération du temps passé hors de l'entreprise pendant les heures de travail, de remettre à son employeur les attestations correspondantes des salariés bénéficiaires de l'assistance ; qu'en jugeant le contraire aux motifs inopérants que le salarié avait prévenu l'employeur de ses absences pour exercer ses missions de conseiller du salarié et que la fourniture des attestations des salariés bénéficiaires de l'assistance n'est requise que pour le remboursement par l'Etat des sommes avancées par l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-8, L. 1232-9, L. 1232-11 et D. 1232-9, alinéa 3, du code du travail.

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