16 novembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-17.276

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO01212

Texte de la décision

SOC.

BD4



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 novembre 2022




Cassation


M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1212 F-D

Pourvoi n° N 21-17.276




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 NOVEMBRE 2022

M. [E] [O], actuellement domicilié [Adresse 2], anciennement [Adresse 3], a formé le pourvoi n° N 21-17.276 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à l'association [Localité 4] Picardie handball, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [O], de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de l'association [Localité 4] Picardie handball, après débats en l'audience publique du 28 septembre 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Lecaplain-Morel, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 19 novembre 2020), l'association [Localité 4] Picardie Handball (le club) a remis, le 3 juillet 2015, à M. [O], ancien joueur professionnel, une promesse d'embauche portant sur un emploi à durée déterminée de manager général à effet du 1er juin 2017, moyennant un salaire de 4 000 euros. Cette promesse a été acceptée le jour même. Le club a par ailleurs conclu avec M. [O], le 2 juillet 2015, un contrat de joueur amateur pour la période du 1er juillet 2015 au 31 mai 2017. Ce contrat stipulait que le joueur ne percevait pas de rémunération, mais que ses frais de route devaient lui être remboursés à hauteur de la somme maximale de 200 euros par mois.

2. Dans une attestation datée du 28 juin 2016, le président du club a certifié que le joueur était libéré de son contrat le 30 juin 2016 et que cette rupture à l'amiable libérait les parties de leurs engagements pris lors de la signature du contrat.

3. Le 7 juin 2017, le joueur a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en paiement de rappels de salaire, de dommages-intérêts et d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais, sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Le joueur fait grief à l'arrêt de dire qu'il n'était pas salarié de l'association entre le 1er juillet 2015 et le 30 juin 2016, que le contrat de joueur pour la période du 1er juillet 2015 au 31 mai 2017 ne constituait pas un contrat à durée déterminée et de le débouter de ses demandes de rappels de salaires et congés payés afférents, d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat à durée déterminée et pour non-respect de la promesse d'embauche et de toutes autres demandes, alors « que le critère décisif du contrat de travail est le lien de subordination caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que les juges du fond ne peuvent donc écarter la qualification du contrat de travail du seul fait que la preuve du versement d'un salaire n'est pas rapportée, sans rechercher si les parties n'étaient pas liées par un lien de subordination ; qu'en l'espèce, après avoir affirmé que les sommes versées par le club à M. [O] ne constituaient pas des salaires, la cour d'appel en a conclu qu'elle n'avait donc pas à examiner les moyens relatifs à la prestation de travail et au lien de subordination, puisque, aucune rémunération n'ayant été versée à M. [O], cela suffisait à écarter la qualification de travail de travail ; qu'en statuant ainsi, quand l'absence supposée de versement d'une rémunération ne la dispensait pas de rechercher si les parties n'étaient pas liées par un lien de subordination, critère déterminant du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1221-1 du code du travail :

6. L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

7. Pour dire que le joueur n'était pas salarié du club et que les parties n'étaient pas liées par un contrat de travail à durée déterminée pour la période du 1er juillet 2015 au 31 mai 2017, l'arrêt retient que, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les moyens relatifs à la prestation de travail et au lien de subordination, le contrat du joueur passé entre les parties ne caractérise pas un contrat de travail, aucune rémunération n'ayant été versée au joueur en contrepartie du temps passé dans les entraînements et les matchs, en sus du défraiement de ses frais de route.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher l'existence d'un lien de subordination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu entre les parties le 19 novembre 2020, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne l'association [Localité 4] Picardie Handball aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association [Localité 4] Picardie Handball et la condamne à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Flores, conseiller le plus ancien, en ayant délibéré en remplacement du président empêché, en l'audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour M. [O]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que M. [O] n'était pas salarié de l'association [Localité 4] Picardie Handball entre le 1er juillet 2015 et le 30 juin 2016 et que le contrat de joueur passé entre M. [O] et l'association [Localité 4] Picardie Handball pour la période du 1er juillet 2015 au 31 mai 2017 ne constituait pas un contrat à durée déterminée et d'AVOIR débouté M. [O] de ses demandes de rappels de salaires et de congés payés afférents, d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat à durée déterminée et pour non-respect de la promesse d'embauche et de toutes ses autres demandes ;

1) ALORS QUE le critère décisif du contrat de travail est le lien de subordination caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que les juges du fond ne peuvent donc écarter la qualification du contrat de travail du seul fait que la preuve du versement d'un salaire n'est pas rapportée, sans rechercher si les parties n'étaient pas liées par un lien de subordination ; qu'en l'espèce, après avoir affirmé que les sommes versées par le club à M. [O] ne constituaient pas des salaires, la cour d'appel en a conclu qu'elle n'avait donc pas à examiner les moyens relatifs à la prestation de travail et au lien de subordination, puisque, aucune rémunération n'ayant été versée à M. [O], cela suffisait à écarter la qualification de travail de travail (arrêt p. 6) ; qu'en statuant ainsi, quand l'absence supposée de versement d'une rémunération ne la dispensait pas de rechercher si les parties n'étaient pas liées par un lien de subordination, critère déterminant du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;

2) ALORS, en toute hypothèse, QUE les juges du fond ne peuvent pas fonder leur décision sur des éléments de fait qui ne sont pas dans le débat ; qu'en l'espèce, pour juger que les sommes versées au joueur constituaient des remboursements de frais, la cour d'appel a retenu que même si l'association [Localité 4] Picardie Handball ne produisait aucun justificatif à l'appui du moyen selon lequel les sommes versées à M. [O] étaient des défraiements pour les frais de route, elle retenait qu'il s'agissait bien de tels défraiements au motif que les sommes versées, qui ne sont pas d'un montant fixe et dont la moyenne est de 236,08 euros par mois, correspondent effectivement aux frais de route que M. [O] a pu réellement engager entre sa maison à [Localité 5] et [Localité 4] ; qu'en statuant ainsi, quand le club ne faisait état dans ses conclusions ni du nombre de kilomètres séparant [Localité 5] à [Localité 4], ni du barème fiscal applicable et ne procédait pas un calcul des frais de route, la cour d'appel, qui s'est donc fondée sur des éléments de fait hors du débat et résultant de ses investigations personnelles, a violé les articles 7 et 16 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'AVOIR débouté M. [O] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la promesse d'embauche ;

1) ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les éléments de la cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu'il ressortait de la promesse d'embauche formulée le 3 juillet 2015 (cf. production), ensemble le contrat de joueur que M. [O] avait passé avec l'association [Localité 4] Picardie Handball (cf. production), que pour pouvoir occuper le poste de manager général, M. [O] devait d'abord être joueur dans l'équipe de l'association [Localité 4] Picardie Handball durant deux ans (arrêt pp. 7-8) ; qu'en statuant ainsi, quand la promesse d'embauche et le contrat de joueur ne subordonnaient l'engagement sous contrat à durée indéterminée de M. [O] au poste de manager général pour un salaire de 4000 euros nets à compter du 1er juin 2017 qu'à une seule condition, tenant à l'accord du joueur, et non pas à l'exécution du contrat de joueur pendant deux ans, la cour d'appel a dénaturé la promesse d'embauche, ensemble le contrat de joueur, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause ;

2) ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les éléments de la cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu qu'il ressortait de la promesse d'embauche formulée le 3 juillet 2015 (cf. production), ensemble le contrat de joueur que M. [O] avait passé avec l'association [Localité 4] Picardie Handball (cf. production), que la promesse d'embauche et le contrat de joueur étaient interdépendants, de sorte que la rupture amiable du contrat de joueur avait mis fin à tous les engagements souscrits à la signature du contrat de joueur dont la promesse d'embauche (arrêt pp. 7-8) ; qu'en statuant ainsi, quand aucune clause de la promesse d'embauche ou du contrat de joueur ne prévoyait d'interdépendance entre la promesse et le contrat, la cour d'appel a dénaturé la promesse d'embauche, ensemble le contrat de joueur, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les éléments de la cause ;

3) ALORS, en toute hypothèse, QUE si un contrat à durée déterminée peut être rompu de façon anticipée par consentement mutuel des parties, cet accord doit être clair et non équivoque ; qu'en l'espèce, pour conclure qu'il y avait eu rupture d'un commun accord du contrat de joueur conclu entre M. [O] et l'association [Localité 4] Picardie Handball, la cour d'appel a relevé que si les parties étaient « contraires en fait » sur ce point, il était cependant mentionné dans une attestation de l'association du 28 juin 2016 qu'il y avait eu rupture du contrat à l'amiable et que dans ses lettres du 7 décembre 2016 et du 6 février 2017, M. [O] avait rappelé que « le 28 juin 2016, ce contrat de joueur a été rompu », ce qui était une formule factuelle neutre (arrêt p. 7) ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à caractériser une volonté claire et non équivoque des parties de rompre d'un commun accord de façon anticipée le contrat de joueur à durée déterminée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1212, alinéa 1, du code civil ;

4) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, M. [O] produisait l'attestation de M. [D] [S] qui confirmait qu'il avait assisté, en tant que joueur de l'équipe de M. [O], aux différents évènements qui étaient survenus tout au long de la saison de septembre 2015 à juillet 2016 et que fin mai, il avait été contacté comme M. [O] par les dirigeants du club qui voulaient rompre leurs engagements vis-à-vis des joueurs ; que M. [S] concluait que « les dirigeants de ce club nous ont clairement mis en danger, nous et nos familles, en nous faisant des propositions de contrat qu'ils ne pouvaient pas honorer » (cf. production) ; qu'en retenant qu'en l'absence de tout élément de preuve autre que l'attestation de l'employeur du 28 juin 2016, il y avait lieu de retenir le caractère amiable de la rupture, la cour d'appel, qui n'a pas examiné l'attestation de M. [S] qui venait pourtant contredire le caractère amiable de la rupture, a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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