27 octobre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-13.486

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:C201105

Texte de la décision

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 octobre 2022




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1105 F-D

Pourvoi n° T 21-13.486




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 OCTOBRE 2022

1°/ Mme [W] [D], épouse [P],

2°/ M. [F] [P],

tous deux domiciliés Le nouveau logis provençal, [Adresse 4],

3°/ M. [I] [P], domicilié [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° T 21-13.486 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-6), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Axa France Iard, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Var, dont le siège est [Adresse 5],

3°/ à la société Emoa, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée Mutuelle du Var,

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de Mme [P], M. [F] [P] et M. [I] [P], de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Axa France Iard, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, Mme Nicolétis, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 janvier 2021), le 9 mars 2012, Mme [P] a été victime d'une chute dans la cage d'escalier de l'immeuble dans lequel elle réside, les HLM Le nouveau logis provençal, après avoir glissé à la suite de l'intervention de la société de nettoyage Evanis.

2. Les 13 et 14 octobre 2016, Mme [P], son conjoint M. [F] [P] et son fils [I] [P] (les consorts [P]), ont assigné, en réparation de leur préjudice, la société Axa France Iard (la société Axa), assureur de la société HLM et de la société Evanis, la Mutuelle du Var, devenue Emoa (la mutuelle) et la caisse primaire d'assurance maladie du Var (la CPAM) devant un tribunal de grande instance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

3. Mme [P] fait grief à l'arrêt de limiter l'indemnité qui lui est due par la société Axa en réparation de son préjudice corporel à la somme de 89 399,25 euros, de dire que l'imputation sur cette somme des débours définitifs de la CPAM et de la mutuelle, ainsi que des provisions versées par la société Axa à hauteur de 283 433,58 euros ouvre droit au profit de cette dernière à la rétrocession d'un trop-perçu de 233 057,19 euros et de la condamner à restituer cette somme à l'assureur, outre intérêts légaux à compter du prononcé de l'arrêt, alors :

« 1°/ que le juge ne peut pas refuser d'examiner un rapport établi unilatéralement à la demande d'une partie, dès lors qu'il est régulièrement versé aux débats, soumis à la discussion contradictoire et corroboré par d'autres éléments de preuve ; qu'en considérant, au contraire, pour réformer le jugement entrepris sur l'assistance temporaire et définitive d'une tierce personne ainsi que sur la prise en charge des dépenses de santé futures et rejeter la demande présentée par Mme [P] au titre de la prise en charge des frais d'un logement adapté, que le rapport d'ergothérapie de M. [R] était dépourvu de valeur, faute d'avoir été établi contradictoirement, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge qui est tenu d'examiner les pièces régulièrement versées aux débats et soumises à la discussion contradictoire, ne peut pas refuser de se prononcer sur la pertinence de documents établis postérieurement à l'expertise au prétexte qu'ils n'ont pas été soumis à l'expert ; qu'en affirmant au contraire, pour dénier toute force probante au rapport de l'ergothérapeute [R] que celui-ci est intervenu sans mandat judiciaire, ou encore qu'il est tardif et a été établi postérieurement à la clôture des opérations d'expertise judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

4. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

5. Le juge ne peut pas refuser d'examiner un rapport d'expertise établi unilatéralement à la demande d'une partie, dès lors qu'il est régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire. Il lui appartient alors de rechercher s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve.

6. Pour fixer l'indemnisation allouée au titre de l'assistance temporaire d'une tierce personne et débouter Mme [P] de ses demandes au titre des dépenses de santé futures et d'aménagement du logement en raison de sa pathologie, l'arrêt retient, s'agissant du rapport d'expertise réalisé par un ergothérapeute, M. [R], et produit par cette dernière, qu'il est intervenu sans mandat judiciaire et bien après le dépôt du rapport, de sorte que ses conclusions n'ont pas été soumises à la contradiction, de l'expert judiciaire, et qu'il est tardif et non contradictoire. Pour rejeter la demande au titre de l'assistance par une tierce personne à titre définitif, l'arrêt n'examine pas le rapport de cet ergothérapeute.

7. En statuant ainsi, en refusant de se prononcer sur les éléments figurant dans ce rapport, la cour d'appel, qui était tenue d'examiner les pièces régulièrement versées aux débats et soumises à la discussion contradictoire, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Axa France Iard aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par société Axa France Iard et la condamne à payer à Mme [P], M. [F] [P] et M. [I] [P] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept octobre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour Mme [P], M. [F] [P] et M. [I] [P]

Madame [P] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir limité l'indemnité qui lui est due par la société AXA France IARD en réparation de son préjudice corporel à la somme de 89.399,25 euros, d'avoir dit que l'imputation sur cette somme des débours définitifs de la caisse primaire d'assurance maladie du Var et de la mutuelle EMOA, ainsi que des provisions versées par la SA AXA France IARD à hauteur de 283.433,58 € ouvre droit au profit de la SA AXA France IARD à la rétrocession d'un trop-perçu de 233.057,19 € et de l'avoir condamnée à restituer cette somme à la compagnie d'assurance, outre intérêts légaux à compter du prononcé de l'arrêt ;

1°) ALORS QUE le juge ne peut pas refuser d'examiner un rapport établi unilatéralement à la demande d'une partie, dès lors qu'il est régulièrement versé aux débats, soumis à la discussion contradictoire et corroboré par d'autres éléments de preuve ; qu'en considérant, au contraire, pour réformer le jugement entrepris sur l'assistance temporaire et définitive d'une tierce personne ainsi que sur la prise en charge des dépenses de santé futures et rejeter la demande présentée par Mme [P] au titre de la prise en charge des frais d'un logement adapté, que le rapport d'ergothérapie de M. [R] était dépourvu de valeur, faute d'avoir été établi contradictoirement, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le juge qui est tenu d'examiner les pièces régulièrement versées aux débats et soumises à la discussion contradictoire, ne peut pas refuser de se prononcer sur la pertinence de documents établis postérieurement à l'expertise au prétexte qu'ils n'ont pas été soumis à l'expert ; qu'en affirmant au contraire, pour dénier toute force probante au rapport de l'ergothérapeute [R] que celui-ci est intervenu sans mandat judiciaire, ou encore qu'il est tardif et a été établi postérieurement à la clôture des opérations d'expertise judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE le poste de préjudice lié à l'assistance d'une tierce personne indemnise la perte d'autonomie de la victime restant atteinte, à la suite du fait dommageable, d'un déficit fonctionnel permanent la mettant dans l'obligation de recourir à un tiers pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne ; que la demande indemnitaire de la victime doit donc être accueillie lorsque l'assistance d'une tierce personne devient nécessaire à la suite d'un accident ; qu'en se bornant à affirmer, pour rejeter la demande indemnitaire présentée par Mme [P] au titre de l'assistance par tierce personne permanente, qu'aucune perte d'autonomie n'est réellement imputable à l'accident du 9 mars 2012, quand il lui incombait de rechercher si l'assistance d'une tierce personne dont l'utilité n'est aujourd'hui plus contestée était ou non déjà nécessaire avant 2012, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à exclure toute indemnisation de ce chef, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil et du principe d'indemnisation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;

4°) ALORS QUE le droit à indemnisation de la victime au titre de l'assistance d'une tierce personne n'est pas subordonné à l'impossibilité pour celle-ci d'accomplir l'ensemble des actes ordinaires de la vie ; qu'en affirmant, pour rejeter la demande de Mme [P] que celle-ci ne pouvait pas solliciter « l'indemnisation d'une inaptitude totale aux actes de la vie courante », la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil ainsi que le principe d'indemnisation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;

5°) ALORS QUE dans ses dernières conclusions d'appel, Mme [P] avait expressément fait valoir que sa mise en invalidité catégorie 2 n'était aucunement en rapport avec son accident survenu en 2012 lui ayant fait perdre la quasi-totalité de la mobilité de son bras gauche, mais avec son seul genou opéré en 2004 (conclusions, p. 28) ; qu'en décidant néanmoins de tenir compte de cette mise en invalidité catégorie 2 de Mme [P], pour refuser d'indemniser l'assistance d'une tierce personne permanente et réduire son taux de déficit fonctionnel, sans répondre à ces conclusions déterminantes, établissant que sa mise en invalidité était sans rapport avec l'accident de 2012 à indemniser, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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