6 octobre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-19.723

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C201035

Titres et sommaires

AVOCAT - Honoraires - Contestation - Procédure - Principe de contradiction - Etendue - Portée

Le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat. Viole l'article 7 du code de procédure civile le premier président d'une cour d'appel qui, pour fixer le montant des honoraires dus à l'avocat, fait application d'un taux horaire correspondant à la moyenne pratiquée par les avocats dans le ressort d'une cour d'appel alors que l'existence de ce taux horaire ne résultait ni des écritures des parties reprises oralement à l'audience, ni des pièces de la procédure

AVOCAT - Honoraires - Montant - Fixation - Fixation selon un barème - Détermination au regard d'un taux horaire moyen - Méconnaissance de l'office du juge

AVOCAT - Honoraires - Montant - Contestation - Procédure - Principe du contradictoire - Respect - Critères de détermination du montant des honoraires - Fixation au regard d'un taux horaire moyen - Possibilité

Texte de la décision

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 octobre 2022




Cassation partielle


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1035 F-B

Pourvoi n° B 20-19.723




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 OCTOBRE 2022

1°/ M. [K] [H], domicilié [Adresse 2],

2°/ la société SK avocat, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° B 20-19.723 contre l'ordonnance n° RG 19/00935 rendue le 7 juillet 2020 par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1, 11 OP), dans le litige les opposant à M. [W] [G], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. [H] et de la société SK avocat, de Me Descorps-Declère, avocat de M. [G], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 août 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen,et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 7 juillet 2020), M. [G] a chargé M. [H] (l'avocat) de la défense de ses intérêts dans un litige l'opposant à son ex-compagne au sujet, notamment, des droits de garde, de visite et d'hébergement sur leur fille mineure.

2. Le 9 juillet 2018, l'avocat a émis une facture d'honoraires que M. [G] a contestée devant le bâtonnier de l'ordre des avocats.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches, ci-après annexé


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

4. M. [H] fait grief à l'ordonnance de fixer les honoraires qui lui sont dus par M. [G], en ce qu'il représente en tant que de besoin la société SK Avocat, à la somme de 3 000 euros TTC et de dire qu'il devra, ès qualités, rembourser à M. [G] un trop-perçu de 800 euros TTC, alors « que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en retenant un taux horaire moyen de 200 euros HT pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour fixer les honoraires dus par monsieur [G] à son avocat, quand ce fait n'était pas dans le débat, le premier président a violé l'article 7 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 7 du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat.

6. Pour fixer les honoraires dûs à M. [H], l'ordonnance retient qu'à défaut pour ce dernier d'avoir notifié un taux de rémunération horaire à son client, il sera fait application du taux horaire moyen de 200 euros HT pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, l'affaire confiée par M. [G] ne présentant aucune difficulté particulière.

7. En statuant ainsi, alors qu'il énonçait que les parties avaient repris oralement à l'audience les termes de leurs écritures et qu'il ne résultait ni de ces écritures ni des pièces de la procédure que le taux horaire moyen pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence est de 200 euros HT, le premier président, qui a fondé sa décision sur un fait qui n'était pas dans le débat, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare recevable le recours formé par M. [H] à l'encontre de la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Marseille en date du 10 décembre 2018 et rejette les fins de non recevoir soulevées par M. [H], l'ordonnance rendue le 7 juillet 2020, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne M. [G] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [G] et le condamne à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. [H] et la société SK avocat

Maître [K] [H] fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir fixé les honoraires dus par monsieur [W] [G] à la somme de 3 000 euros toutes taxes comprises, d'avoir fixé les honoraires dus par monsieur [W] [G] à maître [K] [H], en ce qu'il représente en tant que de besoin la société SK Avocat, à la somme de 3 000 euros toutes taxes comprises et d'avoir dit que ce dernier, en ce qu'il représente en tant que de besoin la société SK Avocat, devrait rembourser un trop-perçu de 800 euros toutes taxes comprises à monsieur [W] [G] ;

1) Alors qu'en relevant, pour déclarer recevable la contestation d'honoraires dirigée à l'encontre de maître [K] [H], que ce dernier n'avait pas produit aux débats l'extrait K-bis démontrant qu'il exerçait sous la forme d'une société à responsabilité limitée d'exercice libérale, document pourtant visé sous le numéro 6 du bordereau de pièces annexé à ses conclusions, dont il était constaté qu'elles avaient été déposées à l'audience et dont la communication n'avait pas été contestée par l'autre partie, sans avoir invité préalablement les parties à s'expliquer sur l'absence à son dossier de cet élément de preuve, le premier président a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2) Alors qu'une personne morale est dotée d'une personnalité juridique distincte de celle de son représentant légal et de celle de ses associés ; qu'en se fondant sur la considération impropre que maître [H] représentait nécessairement la Selarl SK Avocat dont il revendiquait l'existence et indiquait être le seul associé, quand une telle circonstance n'était pas de nature à caractériser que la société SK Avocat, dotée d'une personnalité juridique distincte de celle de son dirigeant et associé unique, avait été attraite à l'instance, le premier président a violé l'article 31 du code de procédure civile ;

3) Alors qu'en retenant l'absence de convention d'honoraires, ne serait-ce que partielle, sans répondre au moyen, clair et opérant, par lequel l'avocat faisait valoir (conclusions, pp. 7-8), preuves à l'appui, que le client avait donné son accord préalable, par courrier électronique du 22 janvier 2018, à la facturation d'une somme complémentaire de 1 000 euros hors taxes pour la rédaction des conclusions devant le juge aux affaires familiales, le premier président, qui n'a pas suffisamment motivé sa décision, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4) Alors que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en retenant un taux horaire moyen de 200 euros hors taxes pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour fixer les honoraires dus par monsieur [G] à son avocat, quand ce fait n'était pas dans le débat, le premier président a violé l'article 7 du code de procédure civile ;

5) Alors qu'en ne précisant pas sur quel élément de preuve il se fondait pour considérer que le taux horaire moyen pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence était de 200 euros hors taxes, le premier président a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6) Alors qu'en l'absence de convention entre l'avocat et son client, les honoraires sont fixés par le juge taxateur, selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; qu'en retenant un taux horaire moyen de 200 euros hors taxes pratiqué par les avocats dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour fixer les honoraires dus par monsieur [G] à son avocat, cependant qu'un tel critère n'est pas au nombre de ceux sur lesquels le juge de l'honoraire doit se fonder pour apprécier les honoraires dus, le premier président a violé l'article 10 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 ;

7) Alors qu'en condamnant l'avocat au remboursement de la somme de 800 euros toutes taxes comprises à monsieur [G], quand il avait réduit à la somme de 960 euros toutes taxes comprises une prestation facturée 1 600 euros toutes taxes comprises, de sorte que le trop-perçu était de 640 euros toutes taxes comprises, le premier président, qui s'est contredit, privant sa décision de motifs, a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

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