28 septembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-17.812

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO01018

Texte de la décision

SOC.

CDS



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 septembre 2022




Rejet


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1018 F-D


Pourvois n°
V 21-17.812
Y 21-17.815
A 21-17.817 JONCTION






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022

1°/ Mme [H] [M], domiciliée [Adresse 4],

2°/ M. [Z] [P], domicilié [Adresse 2]

3°/ Mme [T] [S], domiciliée [Adresse 3],

ont formé respectivement les pourvois n° V 21-17.812, Y 21-17.815 et A 21-17.817 contre trois arrêts rendus le 7 avril 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans les litiges les opposant à la société ITM formation, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation communs annexés au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mmes [M], [S], et de M. [P], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société ITM formation, après débats en l'audience publique du 28 juin 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, M. Gambert, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° V 21-17.812,Y 21-17.815 et A 21-17.817 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués ([Localité 5], 7 avril 2021), à compter du 1er janvier 2016, la société ITM formation (la société) a repris l'activité de formation assurée auparavant, au sein du groupe Les Mousquetaires, par le syndicat Fordis, les contrats de travail des salariés du syndicat affectés à cette activité étant poursuivis avec la société cessionnaire.

3. Licenciés pour motif économique en raison de la cessation d'activité de la société, respectivement les 16 et 23 décembre 2016 et le 21 avril 2017, Mmes [S], [M] et M. [P] ont saisi la juridiction prud'homale afin de contester leur licenciement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Les salariés font grief aux arrêts de dire que leur licenciement pour motif économique repose sur une cause réelle et sérieuse et de les débouter de leurs demandes, alors :

« 1°/ que seule une cessation complète de l'activité de l'employeur peut constituer en elle-même une cause économique de licenciement, quand elle n'est pas due à une faute ou à une légèreté blâmable de l'employeur ; que si, en cas de fermeture définitive et totale de l'entreprise, le juge ne peut, sans méconnaître l'autonomie de ce motif de licenciement, déduire la faute ou la légèreté blâmable de l'employeur de la seule absence de difficultés économiques ou, à l'inverse, déduire l'absence de faute de l'existence de telles difficultés, il ne lui est pas interdit de prendre en compte la situation économique de l'entreprise pour apprécier le comportement de l'employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que la société ITM Formation avait cessé définitivement son activité tout en constatant que l'activité de formation avait été poursuivie au sein du groupe ITM par les clients d'ITM Formation (ITM International et ITM Equipement de la Maison), qui avaient défini leurs besoins et construit des plans d'intégration de l'activité formation au sein de leurs structures respectives ; qu'en disant néanmoins fondés les licenciements pour motif économique des salariés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L. 1233-2 et L. 1233-3 du code du travail, ensemble le principe du droit à l'emploi ;

2°/ que seule une cessation complète de l'activité de l'employeur peut constituer en elle-même une cause économique de licenciement, quand elle n'est pas due à une faute ou à une légèreté blâmable de l'employeur ; qu'en l'espèce, en disant fondés par une cause économique les licenciements des salariés sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la société ITM Formation n'avait pas commis une faute ou fait preuve de légèreté blâmable en mettant fin à son activité quelques mois à peine après le transfert des contrats de travail des salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-2 et L. 1233-3 du code du travail, ensemble le principe du droit à l'emploi ;

3°/ que tenus de motiver leur décision, les juges du fond doivent viser et analyser les éléments de preuve versés aux débats ; qu'en l'espèce, les salariés avaient régulièrement versé aux débats et visé dans leurs conclusions d'appel (pp. 21-23) le bilan comptable 2016 de la société ITM Formation et sa fiche extraite du site societe.com, desquels il ressortait que son chiffre d'affaires net pour l'année 2016 s'élevait à 13 500 079 euros et que la société ITM Formation existait toujours en 2018, ce qui contredisait l'hypothèse d'une cessation totale d'activité en 2016 ; qu'en disant les licenciements pour motif économique des salariés fondés sur la cessation d'activité complète et définitive de l'employeur sans viser ni examiner ces documents, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que la cessation d'activité complète et définitive de l'entreprise constitue en soi un motif économique de licenciement, sans qu'il soit nécessaire de rechercher la cause de cette cessation d'activité quand elle n'est pas due à une faute de l'employeur.

6. La cour d'appel a relevé que la mise en oeuvre de la réforme du financement de la formation professionnelle du 5 mars 2014 avait, d'une part, entraîné la diminution de la contribution globale à la formation, la diminution de la cotisation destinée au financement du plan de formation et la centralisation des versements vers les organismes paritaires collecteurs agréés et, d'autre part, provoqué une modification substantielle de l'activité de formation au sein du groupe, par une réduction des possibilités de réalisation d'actions de formation et la perte de l'activité de gestion du budget de la formation pour la société.

7. Elle a ensuite constaté que pour sauvegarder l'activité de formation au sein du groupe, les clients de l'employeur (ITM International et ITM Equipement de la Maison) avaient défini leurs besoins et construit des plans d'intégration de l'activité de formation au sein de leurs structures respectives et que la société démontrait ainsi que la réforme du circuit de financement de la formation résultant de la loi avait abouti à remettre en cause le fondement même de la structure de Fordis, puis de son activité au sein du groupe, qu'il n'était donc nullement établi que la réorganisation du processus de formation au sein du groupe relèverait d'une fraude ou d'un comportement blâmable de l'employeur, étant au demeurant relevé que les conditions du transfert des contrats de travail des salariés de Fordis vers la société ITM s'était effectuées régulièrement, en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail.

8. Elle en a exactement déduit, dès lors que la seule circonstance que d'autres entreprises du groupe aient poursuivi une activité de même nature ne faisait pas par elle-même obstacle à ce que la cessation d'activité de la société ITM formation soit regardée comme totale et définitive, que le motif invoqué à l'appui du licenciement était fondé.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. Les salariés font le même grief aux arrêts, alors « que la méconnaissance par l'employeur de dispositions conventionnelles prévoyant une procédure destinée à favoriser le reclassement des salariés constitue un manquement à l'obligation de reclassement préalable au licenciement et prive celui-ci de cause réelle et sérieuse ; que l'article 10.5.2.1 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire impose à l'employeur qui envisage un licenciement collectif pour motif économique de rechercher les possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise en particulier dans le cadre de la branche professionnelle, en faisant appel à la commission interprofessionnelle de l'emploi, et d'informer la commission paritaire nationale de l'emploi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que l'employeur avait respecté son obligation de reclassement nonobstant l'absence de saisine de la commission interprofessionnelle de l'emploi et de la commission paritaire nationale de l'emploi ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-4 et L. 1235-3 du code du travail et l'article 10.5.2.1 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire. »

Réponse de la Cour

11. D'abord, il ne résulte ni de l'arrêt, ni des pièces de la procédure que les salariés, qui s'étaient bornés à invoquer l'absence d'information de la commission nationale paritaire de l'emploi, avaient soutenu devant la cour d'appel que l'employeur avait manqué à son obligation de reclassement externe en s'abstenant de faire appel à la commission interprofessionnelle de l'emploi.

12. Le moyen est partiellement nouveau, mélangé de fait et de droit, et partant irrecevable.

13. Ensuite, ayant relevé que l'accord collectif n'attribuait pas de compétence à la commission paritaire de l'emploi en matière de reclassement externe, la cour d'appel en a exactement déduit qu'aucune obligation de saisine préalable de cette commission destinée à favoriser un reclassement extérieur à l'entreprise, avant tout licenciement pour motif économique, n'était applicable.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne Mmes [S], [M] et M. [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens communs produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mmes [M], [S] et M. [P], demandeurs aux pourvois n° V 21-17.812,Y 21-17.815 et A 21-17.817,

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Mmes [M] et [S] et M. [P] font grief aux arrêts infirmatifs attaqués d'AVOIR dit que leur licenciement pour motif économique est fondé et repose sur une cause réelle et sérieuse et de les avoir déboutés de toutes leurs demandes.

1° ALORS QUE seule une cessation complète de l'activité de l'employeur peut constituer en elle-même une cause économique de licenciement, quand elle n'est pas due à une faute ou à une légèreté blâmable de l'employeur ; que si, en cas de fermeture définitive et totale de l'entreprise, le juge ne peut, sans méconnaître l'autonomie de ce motif de licenciement, déduire la faute ou la légèreté blâmable de l'employeur de la seule absence de difficultés économiques ou, à l'inverse, déduire l'absence de faute de l'existence de telles difficultés, il ne lui est pas interdit de prendre en compte la situation économique de l'entreprise pour apprécier le comportement de l'employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que la société ITM Formation avait cessé définitivement son activité tout en constatant que l'activité de formation avait été poursuivie au sein du groupe ITM par les clients d'ITM Formation (ITM International et ITM Equipement de la Maison), qui avaient défini leurs besoins et construit des plans d'intégration de l'activité formation au sein de leurs structures respectives ; qu'en disant néanmoins fondés les licenciements pour motif économique des salariés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L. 1233-2 et L. 1233-3 du code du travail, ensemble le principe du droit à l'emploi.

2° ALORS QUE seule une cessation complète de l'activité de l'employeur peut constituer en elle-même une cause économique de licenciement, quand elle n'est pas due à une faute ou à une légèreté blâmable de l'employeur ; qu'en l'espèce, en disant fondés par une cause économique les licenciements des salariés sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la société ITM Formation n'avait pas commis une faute ou fait preuve de légèreté blâmable en mettant fin à son activité quelques mois à peine après le transfert des contrats de travail des salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1233-2 et L. 1233-3 du code du travail, ensemble le principe du droit à l'emploi.

3° ALORS QUE tenus de motiver leur décision, les juges du fond doivent viser et analyser les éléments de preuve versés aux débats ; qu'en l'espèce, les salariés avaient régulièrement versé aux débats et visé dans leurs conclusions d'appel (pp. 21-23) le bilan comptable 2016 de la société ITM Formation et sa fiche extraite du site societe.com, desquels il ressortait que son chiffre d'affaires net pour l'année 2016 s'élevait à 13 500 079 euros et que la société ITM Formation existait toujours en 2018, ce qui contredisait l'hypothèse d'une cessation totale d'activité en 2016 ; qu'en disant les licenciements pour motif économique des salariés fondés sur la cessation d'activité complète et définitive de l'employeur sans viser ni examiner ces documents, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Mmes [M] et [S] et M. [P] font grief aux arrêts infirmatifs attaqués d'AVOIR dit que leur licenciement pour motif économique est fondé et repose sur une cause réelle et sérieuse et de les avoir déboutés de toutes leurs demandes.

ALORS QUE la méconnaissance par l'employeur de dispositions conventionnelles prévoyant une procédure destinée à favoriser le reclassement des salariés constitue un manquement à l'obligation de reclassement préalable au licenciement et prive celui-ci de cause réelle et sérieuse ; que l'article 10.5.2.1 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire impose à l'employeur qui envisage un licenciement collectif pour motif économique de rechercher les possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise en particulier dans le cadre de la branche professionnelle, en faisant appel à la commission interprofessionnelle de l'emploi, et d'informer la commission paritaire nationale de l'emploi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que l'employeur avait respecté son obligation de reclassement nonobstant l'absence de saisine de la commission interprofessionnelle de l'emploi et de la commission paritaire nationale de l'emploi ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-4 et L. 1235-3 du code du travail et l'article 10.5.2.1 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

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