16 février 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-21.504

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C100147

Titres et sommaires

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Huissier de justice - Société civile professionnelle - Retrait - Procédure - Appel - Débats - Observations du président de la chambre départementale des huissiers de justice - Nécessité

Il résulte de l'article 89-2 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2019-966 du 18 septembre 2019, que, lorsqu'un huissier de justice, qui entend se retirer de la société au sein de laquelle il est associé et solliciter sa nomination à un office créé à son intention, a saisi le tribunal de grande instance afin de faire constater la réalité de la mésentente entre associés de nature à paralyser le fonctionnement de celle-ci, le président de la chambre départementale des huissiers de justice est appelé à présenter ses observations à l'audience. Dès lors, viole ce texte la cour d'appel qui constate la réalité de la mésentente existant entre les associés d'une société civile professionnelle (SCP) d'huissiers, sans relever qu'en appel le président de la chambre départementale des huissiers de justice a été invité à présenter ses observations à l'audience

Texte de la décision

NL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 février 2022




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 147 FS-B

Pourvoi n° S 19-21.504




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 FÉVRIER 2022

M. [B] [N], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° S 19-21.504 contre l'arrêt rendu le 13 juin 2019 par la cour d'appel de Nîmes (2e chambre, section A), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [G] [J], épouse [I], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à M. [Y] [Z], domicilié [Adresse 2],

3°/ à [S] [O], ayant été domicilié [Adresse 6], décédé, aux droits duquel vient sa fille Mme [A] [O], représentée par Mme [P] [O],représentante légale,

4°/ à Mme [C] [F], domiciliée [Adresse 5],

5°/ à la société [J] - [Z] - [O] - [N] - [F], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 8],

6°/ à M. [V] [L], domicilié [Adresse 7], pris en qualité de mandataire ad litem de [J]-[Z]-[O]-[N]-[F] désigné à cette fonction par ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance de Montpellier du 18 mai 2018,

7°/ à Mme [P] [O], domiciliée [Adresse 3], prise en qualité de représentante légale de Mme [A] [O], héritière de [S] [O],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. [N], et l'avis de M. Lavigne , avocat général, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen,M. Mornet, Mme Kerner-Menay, Mme Bacache-Gibeili, conseillers, Mme Gargoullaud, Mme Dazzan, Mme Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 13 juin 2019), le 4 mai 2017, M. [Z] et [S] [O], huissiers de justice associés au sein de la société civile professionnelle [J]-[Z]-[O]-[N]-[F] (la SCP), ont saisi le tribunal de grande instance de demandes visant à voir constater la mésentente des associés de nature à compromettre le fonctionnement de la SCP, sur le fondement de l'article 89-2 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969 pris pour l'application à la profession d'huissier de justice de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 sur les société civiles professionnelles.

2. M. [N], huissier de justice associé au sein de la SCP, a demandé qu'il soit au préalable statué sur sa demande de retrait par le rachat de la totalité de ses parts sociales par la SCP, formulée le 4 novembre 2016 en application de l'article 34 des statuts de la SCP, et que, en l'absence de réponse de la SCP, l'évaluation de ses parts soit renvoyée, au visa de l'article 1843-4 du code civil, devant le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés aux fins de désignation d'un expert.

3. A la suite du décès de [S] [O], l'instance a été reprise à l'encontre de Mme [A] [O], son héritière.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. [N] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes relatives à l'exercice de son droit de retrait, alors « qu'un associé de société civile professionnelle d'huissiers de justice peut se retirer de la société, soit qu'il cède ses parts sociales, soit que la société lui rembourse la valeur de ses parts, et l'exercice par l'associé de son droit de retrait dans ce dernier cas n'est pas subordonné à la présentation par le retrayant d'un tiers cessionnaire ; qu'en retenant le contraire, pour refuser de faire droit à l'action en réalisation forcée de l'obligation de rachat des parts de M. [N] par la SCP, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 18 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles et, par fausse interprétation, l'article 31 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969 pris pour l'application à la profession d'huissier de justice de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 sur les sociétés civiles professionnelles, dans sa rédaction applicable à l'espèce, antérieure à celle issue du décret n° 2016-1508 du 9 novembre 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 18 et 21 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 et 28 et 31 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969 :

5. Selon le premier de ces textes, un associé peut se retirer de la société, soit qu'il cède ses parts sociales, soit que la société lui rembourse la valeur de ses parts. En vertu du deuxième, lorsqu'un associé le demande, la société est tenue, soit de faire acquérir ses parts par d'autres associés ou des tiers, soit de les acquérir elle-même, dans les conditions déterminées par le décret particulier à chaque profession.

6. Aux termes du troisième, dans le cas où la société refuse de consentir à la cession, elle dispose d'un délai de six mois à compter de la notification de son refus par lettre recommandée avec demande d'avis de réception pour
notifier, dans la même forme, à l'associé qui persiste dans son intention de céder ses parts sociales et conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 19 de la loi du 29 novembre 1966 précitée, un projet de cession ou de rachat de celles-ci.

7. Aux termes du quatrième, lorsqu'un associé demande son retrait de la société en cédant la totalité de ses parts sociales, il est procédé conformément aux dispositions des articles 27 et 28.

8. Il en résulte qu'en application des dispositions susvisées de la loi, l'associé a le choix de présenter un tiers cessionnaire ou d'obtenir le remboursement de ses parts sociales par la société et que ce choix n'a pu être remis en cause par des textes réglementaires d'application.

9. Pour rejeter les demandes de M. [N] relatives à l'exercice de son droit de retrait, l'arrêt retient que le retrait d'un associé fondé sur l'article 34 des statuts, qui renvoie aux dispositions des articles 27 et 28 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969, est subordonné à la cession des parts à un tiers cessionnaire qui est agréé ou pas par la société, laquelle, en cas de refus d'agrément, doit à son tour présenter un projet de cession ou de rachat de ces parts et que la possibilité prévue à l'article 21 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 n'a été mise en oeuvre que dans le décret n° 2016-1508 du 9 novembre 2016.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. M. [N] fait grief à l'arrêt de constater la réalité de la mésentente existant entre les associés de la SCP et de dire que cette mésentente est de nature à compromettre gravement les intérêts sociaux, alors « que le président de la chambre départementale des huissiers de justice est appelé à présenter ses observations à l'audience dans les procédures par lesquelles il est statué sur la réalité de la mésentente entre les associés d'une société civile professionnelle d'huissiers de justice, en vue du retrait de certains d'entre eux ; qu'en statuant sur la mésentente entre les associés de la SCP, sans inviter le président de la chambre départementale des huissiers de justice à présenter ses observations à l'audience, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 89-2 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969 pris pour l'application à la profession d'huissier de justice de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 sur les sociétés civiles professionnelles. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 89-2 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2019-966 du 18 septembre 2019 :

12. Selon ce texte, lorsqu'un huissier, qui entend se retirer de la société au sein de laquelle il est associé et solliciter sa nomination à un office créé à son intention dans le ressort du lieu où est situé le siège de la société, a saisi le tribunal de grande instance dans le ressort duquel la société a son siège afin de faire constater la réalité de la mésentente entre associés de nature à paralyser le fonctionnement de celle-ci, le président de la chambre départementale des huissiers de justice est appelé à présenter ses observations à l'audience.

13. Il ne ressort pas des énonciations de l'arrêt, qui constate la réalité de la mésentente existant entre les associés de la SCP, qu'en appel le président de la chambre départementale des huissiers de justice de l'Héraut aurait été invité à présenter ses observations à l'audience.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. [N] relatives à l'exercice de son droit de retrait, constate la réalité de la mésentente existant entre les associés de la SCP d'huissiers de justice [J] [Z] [O] [N] [F] et dit que cette mésentente avérée est de nature à compromettre gravement les intérêts sociaux, l'arrêt rendu le 13 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne in solidum M. [Z] et Mme [O] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille vingt-deux.

Le conseiller rapporteur le president



Le greffier de chambre

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. [N]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté monsieur [N] de ses demandes relatives à l'exercice de son droit de retrait ;

Aux motifs propres que « sur la demande de retrait de M. [B] [N], pour débouter M. [B] [N] de sa demande de retrait et de rachat de ses parts sociales, le tribunal a considéré : - que les articles 18 à 21 de la loi du 29 novembre 1966 renvoyaient pour les conditions de rachat des parts de l'associé retrayant au règlement d'administration publique propre à la profession d'huissier soit au décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969, - que l'article 31 de ce décret, prévoyait qu'en cas de retrait, il était procédé conformément aux articles 27 et 28 qui exigent que l'associé retrayant présente à l'agrément de la société, un tiers cessionnaire, - que cet article 31 avait fait l'objet d'une modification par décret n° 2016-1508 du 9 novembre 2016 lequel était inapplicable à la demande de retrait formulée le 4 novembre 2016, - que l'ancien article 31 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969 devait donc s'appliquer lequel instaurait au visa des articles 27 et 28 de ce décret, un mécanisme préalable de présentation à la société d'un cessionnaire avant tout retrait ; au soutien de son appel, M. [B] [N], fait valoir que le droit de retrait d'un associé est d'ordre public dans les sociétés civiles professionnelles en application de l'article 18 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966, que la société est tenue soit de faire acquérir ces parts par d'autres associés ou par des tiers, soit de les acquérir elle-même dans des conditions déterminées par le décret spécifique aux huissiers ; M. [B] [N] se prévaut des dispositions de l'article 34 des statuts qui prévoient que lorsqu'un associé demande son retrait de la société en cédant la totalité de ses parts sociales, il est procédé conformément aux dispositions des articles 27 et 28 (du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969) ; M. [Z] et M. [O] font observer que la procédure de retrait prévue par l'article 34 des statuts de la société doit respecter les dispositions des articles 27 et 28 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969 qui organisent la cession des parts de l'associé retrayant à un tiers ; l'article 27 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969 est ainsi rédigé : "Toute convention par laquelle l'un des associés cède la totalité ou une fraction de ses parts sociales à un tiers à la société est passée sous la condition suspensive de l'agrément du cessionnaire par les autres associés et, s'il y a lieu, de l'approbation du retrait du cédant, prononcée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. Le projet de cession de parts sociales est notifié à la société et à chacun des associés par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Si la société a, dans la même forme, notifié son consentement exprès à la cession ou si elle n'a pas fait connaître sa décision dans le délai de deux mois à compter de la dernière des notifications prévues à l'alinéa 2, le cessionnaire adresse au garde des sceaux, ministre de la justice, une requête tendant à sa nomination en qualité d'huissier de justice associé" ; l'article 28 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969 précise que dans le cas où la société refuse de consentir à la cession, elle dispose d'un délai de six mois à compter de la notification de son refus par lettre recommandée avec demande d'avis de réception pour notifier, dans la même forme, à l'associé qui persiste dans son intention de céder ses parts sociales et conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 19 de la loi du 29 novembre 1966 précitée, un projet de cession ou de rachat de celles-ci. Ce projet vaut engagement du cessionnaire ou de la société se portant acquéreur ; le retrait de l'associé fondé sur les dispositions de l'article 34 des statuts doit donc respecter le processus prévu par les articles 27 et 28 du décret du 31 décembre 1969 ; contrairement à ce qui est soutenu par M. [B] [N], le retrait d'un associé fondé sur l'article 34 des statuts est bien subordonné à la cession des parts à un tiers cessionnaire qui est agréé ou pas par la société laquelle en cas de refus d'agrément, doit à son tour présenter un projet de cession ou de rachat de ces parts ; l'argumentation de M. [B] [N] se réfère en réalité aux dispositions de l'article 21 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 : Lorsqu'un associé le demande, la société est tenue, soit de faire acquérir ses parts par d'autres associés ou des tiers, soit de les acquérir elle-même, dans les conditions déterminées par le décret particulier à chaque profession. Dans le second cas, la société est tenue de réduire son capital du montant de la valeur nominale de ces parts ; mais l'article 31 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 à la profession d'huissier n'a intégré cette possibilité dans son paragraphe II qu'à la suite du décret n° 2016-1508 du 9 novembre 2016, soit postérieurement à la demande formulée par M. [B] [N] ; or c'est par une exacte analyse de la situation que les premiers juges ont considéré que les dispositions visées au paragraphe II de 1'article 31 n'étaient pas applicables à la demande de retrait formulée le 4 novembre 2016 par M. [B] [N] » (arrêt, pp. 7 et 8) ;

Et aux motifs adoptés que « sur le retrait de monsieur [N], en application de l'article 18 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, modifié par la loi n° 2015-690 du 6 août 2015 "un associé peut se retirer de la société, soit qu'il cède ses parts sociales, soit que la société lui rembourse la valeur de ses parts" ; l'article 21 de la même loi édicte que "lorsqu'un associé le demande, la société est tenue, soit de faire acquérir ses parts par d'autres associés ou des tiers, soit de les acquérir elle-même, dans les conditions déterminées par le décret particulier à chaque profession. Dans le second cas, la société est tenue de réduire son capital du montant de la valeur nominale de ces parts" ; les articles 18 et 21 de la loi du 29 novembre 1966 sur les sociétés civiles professionnelles renvoient les conditions du rachat des parts de l'associé retrayant au règlement d'administration publique propre à la profession concernée ; l'article 31 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969 modifié par décret n° 92-65 du 20 janvier 1992 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi à la profession d'huissier de justice, dispose, en cas d'exercice de droit de retrait, qu'il est procédé conformément aux articles 27 et 28 ; l'article 28 envisage le refus d'agrément d'un cessionnaire, la procédure alors à suivre par la société et le recours à l'expert prévu à l'article 1843-4 du code civil pour fixer le prix de cession à défaut d'accord entre les parties ; il y a lieu d'observer que cet article 31 a fait l'objet d'une modification en application du décret n° 2016-1508 du 9 novembre 2016, et qu'il prévoit désormais : "I.- Lorsqu'un associé demande son retrait de la société en cédant la totalité de ses parts sociales, il est procédé conformément aux dispositions des articles 27 et 28. / II.- Lorsqu'un associé entend demander à la société de satisfaire à l'obligation à laquelle elle est tenue en application de l'article 21 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 susvisée, il notifie sa demande par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à ses associés ainsi qu'à la société, qui remplit son obligation dans un délai de douze mois à compter de cette notification, sous condition suspensive de l'acceptation du retrait par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. / III.- L ‘associé titulaire de parts d'intérêt qui entend demander son retrait au garde des sceaux, ministre de la justice, en informe la société et ses associés par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. En application du dernier alinéa de l'article 14, la société annule les parts d'intérêt de l'associé qui entend demander son retrait dans un délai de six mois à compter de la notification prévue au précédent alinéa, sous condition suspensive de l'acceptation du retrait par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice" ; en application de l'article 4 du décret du 9 novembre 2016 les procédures engagées avant la date d'entrée en vigueur du présent décret et relatives notamment aux cessions d'actions ou de parts sociales, restent régies par les dispositions antérieurement applicables ; il s'ensuit que les dispositions visées au paragraphe II du nouvel article 31 ne sont pas applicables à la demande de retrait de M. [N] formée antérieurement le 4 novembre 2016 et qu'il était donc tenu de respecter les dispositions prévues par l'ancien article 31 renvoyant à l'application des articles 27 et 28 du décret précité ; à cet égard, l'article 34 des statuts de la SCP sur le fondement duquel M. [N] a entendu exercer son droit de retrait par la cession de la totalité de ses parts indique expressément qu'il est procédé conformément aux dispositions des articles 27 et 28 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969 ; il ressort de ces dispositions un mécanisme qui consiste en la présentation d'un projet de cession par le cédant ; ce projet ouvre un délai à la société pour faire connaître son consentement, puis, selon l'article 28, si la société refuse de consentir à la cession, elle dispose alors d'un délai de 6 mois à compter de la notification de son refus pour notifier à l'associé qui persiste dans son intention de céder ses parts sociales un projet de cession ou de rachats de celles-ci ; en l'espèce M. [N] n'a présenté à la société aucun projet de cession de ses parts sociales, de sorte que les délais visés aux articles 27 et 28 n'ont pas pu courir ; par conséquent, si M. [N] a manifesté son intention de se retirer, le non-respect des dispositions des articles susvisés ne permet pas de considérer que les conditions de son retrait effectif et valable sont réunies ; en tout état de cause, le retrait d'un associé d'une société civile professionnelle d'huissiers de justice ne peut résulter de la seule cession des parts sociales ; il ne prend effet en application de l'article 31 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969, applicable à l'espèce, qu'à la date à laquelle est publié l'arrêté le prononçant ; il convient donc de débouter M. [N] de ses demandes relatives à l'exercice de son droit de retrait » (jugement, p. 7 à 9) ;

1°) Alors qu'un associé de société civile professionnelle d'huissiers de justice peut se retirer de la société, soit qu'il cède ses parts sociales, soit que la société lui rembourse la valeur de ses parts, et l'exercice par l'associé de son droit de retrait dans ce dernier cas n'est pas subordonné à la présentation par le retrayant d'un tiers cessionnaire ; qu'en retenant le contraire, pour refuser de faire droit à l'action en réalisation forcée de l'obligation de rachat des parts de monsieur [N] par la société civile professionnelle d'huissiers de justice [J] - [Z] - [O] - [N] - [F], la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 18 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles et, par fausse interprétation, l'article 31 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969 pris pour l'application à la profession d'huissier de justice de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 sur les sociétés civiles professionnelles, dans sa rédaction applicable à l'espèce, antérieure à celle issue du décret n° 2016-1508 du 9 novembre 2016 ;

2°) Alors que si le retrait d'un associé de société civile professionnelle d'huissiers de justice est subordonné au prononcé de celui-ci par arrêté du Garde des sceaux, l'absence de décision en ce sens de l'autorité administrative ne fait pas obstacle à une action en réalisation forcée de l'obligation de rachat des parts ; qu'en refusant de faire droit à l'action en réalisation forcée de l'obligation de rachat des parts de monsieur [N] par la société civile professionnelle d'huissiers de justice [J] - [Z] - [O] - [N] - [F], par la considération inopérante que le retrait de monsieur [N] ne pourrait être effectif qu'à compter de la publication de l'arrêté le prononçant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du décret susmentionné du 31 décembre 1969, dans sa rédaction applicable à l'espèce.




SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir constaté la réalité de la mésentente existant entre les associés de la SCP d'huissiers de justice [J] - [Z] - [O] - [N] - [F] et d'avoir dit que cette mésentente avérée était de nature à compromettre gravement les intérêts sociaux ;

Aux motifs propres que « c'est par une exacte analyse de la situation que le tribunal a observé que M. [N] ayant fait valoir son droit de retrait par une lettre recommandée du 4 novembre 2016 en application des statuts de la SCP, soit avant la demande formulée par M. [Z] et M. [O] par assignation du 4 mai 2017 sur le fondement de l'article 89-2 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969, il convenait d'examiner préalablement la demande de retrait de M. [N] ; (…) sur la demande de retrait de M. [Y] [Z] et de M. [S] [O], pour faire droit à la demande M. [Z] et M. [O], le tribunal a retenu, au visa de l'article 18 de la loi du 29 novembre 1966 et de l'article 89-2 du décret n° 69-1274 du 31 décembre l969, que la mésentente qui existait entre les associés était de nature à compromettre gravement les intérêts sociaux, notamment en raison du conflit persistant sur le solde débiteur des comptes courants d'associés de M. [N] et de Mme [F] et de la procédure pénale qui avait été mise en oeuvre par M. [Z] et M. [O] à partir du 26 septembre 2012 à l'encontre de Mme [J] et de Mme [F] des chefs d'abus de confiance et de faux et usage de faux ; la mésentente qui existe entre les associés n'est contestée par aucun des associés et résulte à suffisance des documents produits aux débats ; cette mésentente qui oppose deux groupes d'associés, procède de plusieurs causes : -d'un différend financier persistant depuis le 31 décembre 2010 sur le solde débiteur des comptes courants de M. [N] et de Mme [F], malgré une tentative de conciliation de la Chambre départementale des huissiers en 2012, - d'opérations comptables effectuées par Mme [J] et Mme [F], opérations contestées par M. [Z] et M. [O] et qui ont été portées par eux le 26 septembre 2012 à la connaissance du président de la chambre départementale des huissiers et qui ont donné lieu à l'encontre de Mme [G] [J] et de Mme [C] [F], à une procédure pénale actuellement en cours des chefs de faux en écriture et abus de confiance par un officier public ou ministériel en raison de sa qualité ou de sa fonction, - de la décision prise par Mme [J], Mme [F] et M. [N] de mettre fin à la mission de l'expert-comptable, M. [T], le 12 juillet 2012, sans l'accord de M. [Z] et de M. [O], - du grief qui est fait par M. [Z] et M. [O] à l'encontre de Mme [G] [J] et de Mme [C] [F], de n'exercer qu'une activité réduite dans la SCP, ce que celles-ci contestent ; alors que M. [Y] [Z] et M. [S] [O] font valoir que la persistance d'une telle mésentente compromet gravement les intérêts sociaux, cette analyse est contestée à la fois par M [B] [N], par Mme [G] [J] et par Mme [C] [F] qui soutiennent que si le chiffre d'affaires des trois dernières années a diminué, la réduction de la masse salariale, a permis à 1a SCP de ne pas être en difficulté financière ; il est avéré que cette mésentente qui est permanente depuis plusieurs années, a fait disparaître tout "affectio societatis" entre les associés, au point que plusieurs salariés ont préféré quitter l'étude pour échapper à une ambiance de travail délétère ; les démarches de conciliation qui ont pu être entreprises par la chambre départementale des huissiers ont échoué ; c'est ainsi que par courrier du 7 septembre 2012, le président de la chambre départementale des huissiers a pris acte de ce que les relations entre certains associés ont atteint un degré conflictuel si élevé qu'un apaisement entre eux s'avère impossible ; le contrôle de la comptabilité de la SCP les 19 et 20 novembre 2012 par la Chambre régionale de huissiers de justice près la cour d'appel de Montpellier a donné lieu à un rapport qui conclut que l'étude du fait du comportement des associés est sur une pente descendante et que les associés préfèrent se saborder que de maintenir l'activité dans l'attente de la solution de leur litige ; par courrier du 14 juin 2013, l'Urssaf, client institutionnel de l'étude, a dénoncé la convention qui la liait à la SCP [J] [Z] [O] [N] [F] en faisant notamment grief à la SCP de ne pas respecter l'alerte qui est nécessaire dans les dossiers à fort enjeu financier, de ne pas respecter les délais de signification et d'engagement des poursuites sur des créances dont les soldes ont pu évoluer, d'avoir des délais de recouvrement deux fois supérieurs à la moyenne constatée dans les autres études, que la réfome de la prescription en matière civile opérée par la loi du 17 juin 2008, amplifiait les anomalies constatées sur l'absence de signification et d'exécution ; la société d'expertise-comptable, en charge de la comptabilité de la SCP a envoyé le 2 octobre 2017, un courrier d'alerte aux associés quant à la fragilisation de la situation de trésorerie, en l'état de la diminution des recettes encaissées sur la période 2015- 2017 ; il ressort de plusieurs documents une dégradation substantielle de la situation financière de la SCP : - la caisse des dépôts et consignations qui gère le compte de la SCP a émis plusieurs messages d'alerte au cours de la période comprise entre le mois d'avril 2017 et le mois d'août 2017, afin que le compte soit approvisionné, - la SCP a dû demander des échéanciers pour payer les prélèvements obligatoires, - une échéance de remboursement d'un emprunt n'a pu être prélevée au mois de juillet 2017, faute de provision suffisante ; la compromission des intérêts sociaux résulte sans contestation possible du rapport de contrôle de la comptabilité de la SCP, effectué à la demande de la Chambre régionale des huissiers de justice, rapport signifié le 15 novembre 2017 à M. [Y] [Z], en sa qualité de co-gérant et dont il ressort que la situation financière de l'office est préoccupante à un point tel que cet office risque de se retrouver en état de cessation des paiements ; la même constatation a été faite dans un rapport établi le 4 janvier 2019, toujours sous le contrôle de la Chambre régionale des huissiers de justice, l'expert-comptable mandaté s'interrogeant sur la viabilité et la pérennité de l'étude sans solution radicale ; à la demande de la Chambre nationale des commissaires de justice, une mission d'inspection a été confiée à deux huissiers de justice et à un expert-comptable : il ressort du rapport de mission établi le 15 février 2019, que l'organisation et 1a gestion de l'étude sont catastrophiques, ce qui amène à penser le pire quant à sa survie, que cette mésentente sans cesse animée entre les associés a pour conséquence directe une baisse continue de la facturation des actes et honoraires générant de graves problèmes financiers, que la faiblesse des prélèvements des associés contribue à ralentir provisoirement la dégradation inéluctable de la situation financière dont la seule issue semble être une modification profonde de la structure juridique actuelle, par la réduction du nombre d'associés ; Me [V] [L] ès qualités de mandataire ad litem a fait observer que la situation était telle qu'elle ne pouvait s'éterniser et que nul n'y avait d'ailleurs intérêt ; c'est donc par une motivation qui est approuvée que le premier juge a considéré que la mésentente avérée des associés au sein de la SCP [J] [Z] [O] [N] [F] était de nature à compromettre gravement les intérêts sociaux » (arrêt, p. 6, in fine, et pp. 8 à 11) ;

Et aux motifs adoptés que « M. [N] a sollicité son retrait de la SCP par courrier recommandé du 4 novembre 2016, soit antérieurement à l'assignation délivrée le 4 mai 2017 par MM. [Z] et [O] sur le fondement des dispositions de l'article 89-2 du décret du 31 décembre 1969, de sorte qu'il convient d'examiner préalablement la demande de M. [N] ; (…) sur la demande de MM. [Z] et [O], en application de l'article 18 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, modifié par la loi n° 2015-690 du 6 août 2015 "un associé peut se retirer de la société, soit qu'il cède ses parts sociales, soit que la société lui rembourse la valeur de ses parts. / L'officier public ou ministériel qui se retire d'une société en raison d'une mésentente entre associés peut solliciter sa nomination à un office créé à cet effet à la même résidence dans des conditions prévues par le décret particulier à chaque profession, à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de sa nomination en qualité d'officier public ou ministériel associé au sein de cette société. / Lors du retrait d'un associé, la société civile professionnelle est soumise aux modifications d'inscription et le cessionnaire des parts sociales à la procédure d'agrément, prévues par le décret particulier à chaque profession. / En ce qui concerne les offices publics et ministériels, le décret particulier à chaque profession détermine les conditions dans lesquelles devra être agréé par l'autorité de nomination le cessionnaire des parts sociales et approuvé le retrait de l'associé auquel est remboursée la valeur de ses parts." ; selon l'article 89-2 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969, pris pour l'application à la profession d'huissier de justice de cette loi du 29 novembre 1966, "lorsqu'un huissier de justice entend se retirer de la société au sein de laquelle il est associé dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article 18 de la loi du 29 novembre 1966 précitée et solliciter sa nomination à un office créé à son intention dans le ressort du lieu où est situé le siège de la société, il doit au préalable faire constater par le tribunal de grande instance dans le ressort duquel la société a son siège la réalité de la mésentente invoquée qui doit être de nature à paralyser le fonctionnement de la société ou d'en compromettre gravement les intérêts sociaux. / La procédure est communiquée au procureur de la République, qui doit faire connaître son avis. Le président de la chambre départementale des huissiers de justice est appelé à présenter ses observations à l'audience" ; MM. [Z] et [O], qui entendent se retirer de la société en faisant application des dispositions précitées, demandent au tribunal de constater la réalité de la mésentente entre associés, laquelle est de nature à compromettre gravement les intérêts sociaux ; sur la réalité de la mésentente, il ressort des pièces de la procédure et notamment d'un courrier du président de la chambre départementale des huissiers de justice de l'Hérault du 5 mars 2012 qu'un conflit existe au sein de la SCP [J] [Z] [O] [N] [F] depuis quasiment sa création par fusion ; cette mésentente est née d'un différend financier relatif aux conditions d'évaluations financières des deux études, préalablement à l'opération de fusion, avec l'allégation d'une erreur de valorisation de l'actif net de la SCP [N] [F] ayant eu des répercussions sur les rapports d'échanges entre associés ; les démarches de conciliation entreprises par le bureau de la chambre départementale des huissiers en avril et juin 2012 n'ont pas abouti ; dans un courrier du 7 septembre 2012 le président de la chambre, s'agissant de la reddition des comptes entre associés, a constaté que les experts comptables concertés avaient donné leur avis et s'est étonné qu'aucun règlement du conflit n'ait pu être trouvé ; il a indiqué : "la chambre prend acte de ce que les relations entre certains associés ont atteint un degré conflictuel si élevé qu'un apaisement entre eux s'avère impossible" ; ce même courrier mentionne que la chambre a refusé d'agréer la proposition de Mmes [J] et [F] relatif à l'engagement d'une procédure de scission de l'office actuel, informant les associés "qu'elle ne donnera pas d'avis favorable dans cette hypothèse, sauf à retrouver la situation antérieure avant fusion des deux offices" ; il ressort de l'historique figurant dans le rapport de contrôle au second degré de la SCP, réalisé les 19 et 20 novembre 2012 à la demande de la chambre régionale des huissiers de justice de la cour d'appel de Montpellier, que c'est dans ce contexte d'une situation entre associés se dégradant de jour en jour que MM [Z] et [O] ont, par courrier du 26 septembre 2012, avisé la chambre départementale d'écritures comptables injustifiées au préjudice des clients et des débiteurs ; sur ce point, le rapport de contrôle note en conclusion que "le fait le plus important est la perception de frais et honoraires dans de nombreux dossiers imposés au débiteur ou à l'insu du créancier, souvent pour clôturer le dossier après avoir adressé le solde au client, ces honoraires pouvant aller au-delà de 1 000 €" ; ces faits portés à la connaissance du procureur de la République de Montpellier ont donné lieu à des poursuites pénales à l'encontre de Mmes [J] et [F] pour abus de confiance par officier public ou ministériel et pour faux et usage de faux ; le tribunal correctionnel de Montpellier, saisi par les prévenues de conclusions d'incompétence, a, par jugement du 4 novembre 2016, constaté son incompétence s'agissant d'une affaire criminelle et a renvoyé l'affaire au ministère public qui a procédé à l'ouverture d'une information judiciaire ; les attestations d'anciens salariés font état au sein de l'étude d'une "ambiance devenue trop pesante", d'une "mésentente manifeste et avérée au sein de l'Etude", "d ‘une entente entre les huissiers associés très conflictuelle pour ne pas dire exécrable" ; M. [N] et Mmes [J] et [F] ne contestent pas la réalité de la mésentente, sauf à en imputer l'entière responsabilité à MM [Z] et [O] ; cependant, au regard des pièces produites et de l'échec des tentatives de résolution amiable du litige financier opposant les parties depuis 2012, il n'est pas établi que la mésentente persistante résulte du seul comportement de MM [Z] et [O] ; il convient d'observer que le juge des référés du tribunal de grande instance de Nîmes a, par décision du 26 février 2014, rejeté la demande d'expertise comptable présentée par M. [N] et Mme [F], en indiquant que le juge du fond avait les éléments techniques comptables suffisants pour statuer en droit sur le litige opposant les parties ; or, aucun des associés n'a saisi le juge du fond pour faire trancher ce litige financier, alors même que dès le 7 septembre 2012 la chambre départementale, saisie de la difficulté, les avait invités à faire appel à la justice dans les plus brefs délais en vue du règlement définitif du litige ; il résulte de l'ensemble de ces éléments que la réalité de la mésentente entre associés est établie ; sur la compromission grave des intérêts sociaux, il est avéré que la mésentente dure depuis plusieurs années, qu'elle est permanente et qu'elle a fait disparaître tout "affectio societatis" entre les associés ; plusieurs salariés ne supportant plus l'ambiance trop pesante et de mauvaises conditions de travail pour assurer une bonne gestion des dossiers ont préféré quitter l'étude, ainsi qu'il ressort des témoignages de Mme [D], clerc principal qui a quitté l'étude en mai 2013, de Mme [M], clerc gestionnaire qui a démissionné en juillet 2016, de Mme [U]-[K], clerc d'huissier qui n'a pas souhaité renouveler son contrat ; le conflit persistant relatif au solde débiteur des comptes courant d'associés de M. [N] et Mme [F], consécutif à la fusion des deux sociétés, sur lequel les parties n'ont pas trouvé depuis l'origine à s'accorder, a généré de nouvelles tensions conduisant les associés à ne plus respecter les conditions statutaires de fonctionnement de la SCP : - les comptes des exercices 2014-2015-2016 n'ont pas été approuvés, - absence de tenue d'assemblée générale depuis 2013, - alors que l'article 17 des statuts prévoit un vote à l'unanimité, il a été mis fin à la mission de l'expert-comptable, le cabinet [T], par M. [N] et Mmes [J] et [F] par courrier du 12 juillet 2012, alors même que ce changement d'expert-comptable avait été refusé par MM [Z] et [O] lors de l'assemblée du 5 juin 2012 ; les circonstances ayant conduit à la mise en oeuvre de la procédure pénale en cours ont cristallisé un peu plus le conflit entre associés et cette procédure, qu'elle qu'en soit l'issue, est de nature à altérer l'image de la SCP d'huissiers dans son ensemble ; les auteurs du rapport de contrôle de la SCP, réalisé les 19 et 20 novembre 2012 à la demande de la chambre régionale des huissiers de justice de la cour d'appel de Montpellier notaient dans leur conclusion "il semble toutefois que cet Office, du fait du comportement des associés, est sur une pente descendante, et que les associés préfèrent se saborder que de maintenir l'activité dans l'attente de la solution de leur litige. Il sera très difficile en raison du climat qui règne de concilier les parties, en ce cas l'office est en péril et représente un danger potentiel pour la caisse de garantie." ; plusieurs clients institutionnels ont d'ores et déjà dénoncé les conventions signées avec l'étude d'huissiers, dont notamment l'Urssaf Languedoc Roussillon le 14 juin 2013 qui a reproché divers manquements de l'étude, dont des retards de traitement ; le courrier du 15 avril 2016, adressé par M. [N] et Mmes [J] et [F] à MM. [Z] et [O] pour donner date certaine à des faits du 12 avril 2016, est éloquent, d'une part sur le climat qui règne entre associés au sein de l'étude : "au-delà des invectives, humiliations, agressions et vociférations habituelles il ressort des déclarations des uns et des autres" (…) ; d'autre part sur la menace que fait peser cette mésentente sur la pérennité de l'étude : "[B] [N] a fait ressortir qu'on ferait mieux de travailler et que le chiffre d'affaire est passé de 800 000 à 600 000 euros et que si les choses continuaient ainsi nous irions direct à la faillite" ; il ressort d'une note de l'expert-comptable [W]-[R] adressée à la SCP d'huissiers le 2 octobre 2017 que la baisse des recettes encaissées par la société est constante, qu'elles diminuent de 33 % alors que les charges de fonctionnement payées ne diminuent que 13 % de 2015 à 2017, entraînant sur cette même période une baisse de trésorerie ; il est fait état d'éléments de nature à fragiliser la situation de trésorerie et l'équilibre financier de l'étude ; au regard de l'ensemble de ces éléments, il doit être constaté que la mésentente avérée entre associés au sein de la SCP [J] [Z] [O] [N] [F] est de nature à compromettre gravement les intérêts sociaux » (jugement, p. 7, al. 6, et pp. 9 à 13) ;

1°) Alors que le président de la chambre départementale des huissiers de justice est appelé à présenter ses observations à l'audience dans les procédures par lesquelles il est statué sur la réalité de la mésentente entre les associés d'une société civile professionnelle d'huissiers de justice, en vue du retrait de certains d'entre eux ; qu'en statuant sur la mésentente entre les associés de la SCP [J] - [Z] - [O] - [N] - [F], sans inviter le président de la chambre départementale des huissiers de justice à présenter ses observations à l'audience, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 89-2 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969 pris pour l'application à la profession d'huissier de justice de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 sur les sociétés civiles professionnelles ;

2°) Alors que la cour d'appel a retenu que l'examen de la demande formée par monsieur [N] relative à sa demande de retrait formée le 4 novembre 2016 était préalable à celui de la demande formée par messieurs [Z] et [O] relative à la mésentente entre les associés ; qu'en l'état du lien de dépendance nécessaire entre le chef de dispositif de l'arrêt attaqué ayant débouté monsieur [N] de ses demandes relatives à l'exercice de son droit de retrait et les chefs de dispositif ayant constaté la réalité de la mésentente existant entre les associés de la SCP d'huissiers de justice [J] - [Z] - [O] - [N] - [F] et dit que cette mésentente avérée était de nature à compromettre gravement les intérêts sociaux, la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, celle du chef de dispositif attaqué par le présent moyen, en application de l'article 624 du code de procédure civile.

Le greffier de chambre

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