25 juin 2015
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-20.073

Deuxième chambre civile

ECLI:FR:CCASS:2015:C201051

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :





Sur le moyen unique :


Vu l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution ;


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le président d'un tribunal mixte de commerce a assorti d'une astreinte journalière l'obligation qu'il prononçait à l'encontre de la caisse régionale de Crédit agricole de la Martinique (la banque) de payer une certaine somme d'argent à la société Groupimo (la société) ; que cette dernière a saisi un juge de l'exécution d'une demande de liquidation de l'astreinte ; que cette demande a été rejetée ;


Attendu que pour ordonner la liquidation de l'astreinte à la somme de 5 000 euros, l'arrêt, après avoir rappelé qu'il doit être tenu compte du comportement de l'appelante et des difficultés qu'elle a pu rencontrer dans l'exécution de l'obligation mise à sa charge, relève qu'il est évident que le montant réclamé par la société était excessif eu égard à la situation de la banque qui avait débloqué une somme importante de plus d'un million d'euros en faveur d'une société qui n'avait pas respecté son obligation de lui apporter la garantie exigée, banque qui avait certainement intérêt à obtenir rapidement la restitution des fonds prêtés ;


Qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur le comportement de la banque, débitrice de l'astreinte et sur les difficultés qu'elle aurait pu rencontrer, à compter de la signification du jugement ayant prononcé l'injonction de restituer une certaine somme, pour exécuter celle-ci, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;


PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée ;


Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Martinique aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Martinique, la condamne à payer à la société Groupimo la somme de 3 000 euros ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille quinze.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la société Groupimo.


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité à 5 000 euros le montant de l'astreinte liquidée, condamné en conséquence la CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE DE LA MARTINIQUE au paiement de cette seule somme à la société GROUPIMO et d'avoir au contraire débouté la société GROUPIMO de sa demande tendant à liquider l'astreinte à la somme de 630 000 euros (10 000 euros x 63 jours) ;


AUX MOTIFS QU' « aux termes de l'article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision ; que, selon les dispositions de l'article L. 131-4 du même code, le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. (¿) L'astreinte provisoire ou définitive est supprimé en tout ou en partie, s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou en partie, d'une cause étrangère ; qu'il est justifié que l'appelante a consenti à la société GROUPIMO un prêt d'un montant total de 1 170 000 euros pour la souscription au capital de la SCI LES TERRASSES DE L'ENCLOS comprenant, à titre de garantie, la caution hypothécaire de la SCI sur les parcelles sur lesquelles était prévue la construction d'un immeuble ; qu'il est avéré que le montant du prêt a été débloqué et les fonds transmis par la société GROUPIMO au notaire et que l'emprunteur a même commencé à rembourser les échéances de l'emprunt ; que, cependant, la garantie n'a pu être obtenue par la banque laquelle a réclamé au notaire les restitution du montant total du prêt ; que le juge des référés commerciaux a considéré que le comportement de la banque qui a récupéré les fonds sans l'accord de l'emprunteur et sans décision de justice était constitutif d'un trouble manifestement illicite ; que cette décision ne saurait être remise en cause aujourd'hui ; que dès lors le Juge de l'exécution ne pouvait, sans outrepasser ses pouvoirs, débouter la société GROUPIMO de sa demande de liquidation de l'astreinte au motif que l'opération immobilière en vue de laquelle la SCI a été constituée grâce au prêt accordé n'était plus d'actualité ; que cependant la liquidation de cette astreinte doit être ordonnée en application des dispositions de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution sus-rappelées ; que l'appelante ne démontre pas l'existence d'une cause étrangère, en dépit de sa demande subsidiaire ; que, par contre, la Cour d'appel doit tenir compte du comportement de l'appelante et des difficultés qu'elle avait pu rencontrer dans l'exécution de l'obligation ; qu'il est ainsi évident que le montant de l'astreinte réclamé par la société GROUPIMO est excessif eu égard à la situation de la banque qui a débloqué une somme importante de plus d'un million d'euros en faveur d'une société qui n'a pu respecter son obligation de lui apporter la garantie exigée, banque qui avait certainement intérêt à obtenir la restitution des fonds prêtés ; qu'au vu de ces circonstances, il convient de liquider l'astreinte ordonnée à la somme de 5 000 euros et de condamner la CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE DE LA MARTINIQUE à payer ladite somme à la société GROUPIMO ; »


1/ ALORS QUE le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter ; que ce comportement doit s'apprécier à compter du prononcé du jugement fixant l'injonction ; qu'en retenant, pour liquider à 5 000 euros le montant de l'astreinte provisoire mise à la charge de la CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE DE LA MARTINIQUE, qu'il était « évident que le montant sollicité par la société GROUPIMO » était « excessif eu égard à la situation de la banque » ayant « débloqué une somme importante de plus d'un million d'euros en faveur d'une société qui n'(avait) pu respecter son obligation de lui apporter la garantie exigée, banque qui avait certainement intérêt à obtenir la restitution des fonds prêtés », la Cour d'appel a statué selon des critères étrangers aux termes de la loi, de surcroît, en prenant en compte des circonstances antérieures au prononcé du jugement fixant l'injonction ; qu'elle a dès lors violé l'article L.131-4 du code des procédures civiles d'exécution ;


2/ ALORS QUE le comportement de celui à qui l'injonction est adressée doit s'apprécier au regard des termes de l'injonction prononcée ; qu'en l'espèce, par une décision revêtue de l'autorité de chose jugée, le juge des référés commerciaux a non seulement constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite, caractérisé par la récupération des fonds prêtés par la banque sans l'accord de l'emprunteur ni décision de justice, mais encore fait injonction à la banque de restituer la somme de 1 170 000 euros, montant du capital du prêt, à la société GROUPIMO, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard ; que, pour liquider l'astreinte à une somme inférieure à 630.000 euros (10.000 euros x 63 jours de retard), la Cour d'appel devait dès lors exclusivement s'attacher au comportement de la banque débitrice à compter du prononcé et, en tout cas de la signification, du jugement du Juge de l'exécution lui enjoignant la restitution de la somme de 1.170.000 euros et rechercher si la banque rapportait la preuve lui incombant de difficultés par elle alors rencontrées de nature à justifier, fût-ce pour partie, le retard apporté à cette restitution ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L.131-4 du code des procédures civiles d'exécution.

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