30 juin 1998
Cour de cassation
Pourvoi n° 96-20.789

Troisième chambre civile

Titres et sommaires

(SUR LE 1ER MOYEN) ARCHITECTE ENTREPRENEUR - responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage - garantie décennale - domaine d'application - système d'alarme nécessaire au respect des réglements de sécurité incendie dont le défaut rend l'immeuble impropre à sa destination

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le pourvoi formé par :


1°/ M. Philippe X...,


2°/ Mme Catherine Y..., demeurant tous deux ... de Condé, 21000 Dijon, et actuellement ..., en cassation d'un arrêt rendu le 8 août 1996 par la cour d'appel de Besançon (1re Chambre civile), au profit :


1°/ de la société Socotec, société anonyme dont le siège social est Tour Maine Montparnasse, ...,


2°/ de l'Union de Franche-Comté (UFC), dont le siège social est ...,


3°/ de la société Sogycobois, dont le siège est ...,


4°/ de l'Entreprise Désiré Casamayor, dont le siège est 21100 Collonges-les-Premières,


5°/ de la société Charpimo, société anonyme dont le siège est 88290 Saulxures-sur-Moselotte, défenderesses à la cassation ;


Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;


LA COUR, en l'audience publique du 26 mai 1998, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Villien, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Chemin, Fromont, Cachelot, Martin, conseillers, M. Nivôse, Mmes Masson-Daum, Boulanger, conseillers référendaires, M. Weber, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;


Sur le rapport de M. Villien, conseiller, les observations de la SCP Philippe et François-Régis Boulloche, avocat de M. X... et de Mme Y..., de Me Roger, avocat de la société Socotec, de Me Blondel, avocat de l'Union de Franche-Comté UFC, les conclusions de M. Weber, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Donne acte à M. X... et à Mme Y... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Sogycobois, l'Entreprise Casamayor et la société Charpimo ;

Sur le premier moyen :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 8 août 1996), qu'en 1984, l'Union de Franche-Comté (UFC), maître de l'ouvrage, a entrepris l'édification d'un immeuble, sous la maîtrise d'oeuvre de M. X... et de Mme Y..., architectes, la société Socotec étant chargée d'une mission de contrôle technique;


que des désordres ayant été constatés, le maître de l'ouvrage a sollicité la réparation de son préjudice ;


Attendu que M. X... et Mme Y... font grief à l'arrêt de les condamner à payer une somme au titre des défaillances constatées dans la sécurité incendie de l'immeuble, alors, selon le moyen, "que l'action en responsabilité dirigée contre un constructeur par le maître de l'ouvrage ne peut être accueillie que si ce dernier établit l'existence d'un préjudice;


que le maître d'ouvrage, qui doit supporter le coût d'un équipement nécessaire mais omis, ne subit pas de préjudice du seul fait que le coût de l'équipement qu'il aurait dû payer devra lui incomber;


qu'en l'espèce, les architectes ont été condamnés à payer le coût d'un système d'alarme qui aurait dû, dès l'origine, être payé par le maître de l'ouvrage;


qu'en prononçant cette condamnation sans justifier d'un préjudice subi par le maître d'ouvrage, la cour d'appel a violé l'article 1792 du Code civil" ;


Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que le défaut de conformité de l'immeuble aux règlements de sécurité, facteur de risque de perte de l'ouvrage par incendie, rendait l'immeuble impropre à sa destination, la cour d'appel en a exactement déduit que ce désordre, entrant dans le champ d'application de la garantie décennale, devait être entièrement réparé par la prise en charge du coût de mise en place et de maintenance d'un système d'alarme ;


D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;


Sur le second moyen, pris dans ses deux premières branches :


Attendu que M. X... et Mme Y... font grief à l'arrêt de mettre hors de cause la société Socotec du chef des désordres affectant la couverture, la zinguerie, l'ossature en bois et les bow-windows, alors, selon le moyen, "d'une part, qu'un organisme de contrôle technique, chargé de vérifier la solidité des ouvrages, les éléments d'équipement et la conformité des bâtiments d'habitation au règlement de la construction, commet une faute en ne mettant pas en garde les constructeurs sur les insuffisances et les risques que comporte le projet de construction;


que pour mettre hors de cause la société Socotec au titre des désordres survenus en 1989, la cour d'appel s'est bornée à retenir que cette société n'avait pas à se substituer au maître d'oeuvre dans la conception du projet et dans l'élaboration des documents techniques;


qu'en se déterminant par ces seuls motifs, sans rechercher si la société Socotec avait formulé des réserves sur les conditions de réalisation de la couverture, de la zinguerie et du montant d'ossature bois, à l'origine des désordres, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil;


d'autre part, qu'en ne justifiant pas que les réserves que la société Socotec aurait formulées à propos de la couverture des bow-windows portaient sur la cause des désordres constatés sur ces bow-windows et étaient de nature à y remédier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil" ;


Mais attendu qu'ayant relevé que les désordres affectant la couverture et la zinguerie et le montant d'ossature en bois provenaient d'erreurs de mise en oeuvre et de détails d'exécution et que la société Socotec avait formulé à plusieurs reprises des observations et des réserves au sujet de la réalisation de la couverture des bow-windows, mais n'avait pas été écoutée, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef en retenant que ce bureau de contrôle, qui n'avait pas à se substituer au maître d'oeuvre dans l'élaboration des documents techniques, n'avait pas failli, sur ces points, à la mission qui lui avait été confiée ;


Mais sur le second moyen, pris dans ses deux dernières branches :


Vu l'article 1382 du Code civil ;


Attendu que pour mettre hors de cause la société Socotec du chef des défaillances constatées dans la sécurité incendie de l'immeuble, l'arrêt retient que celles-ci proviennent d'une erreur de conception incombant à M. X... qui a, semble-t-il, compté sur des dérogations difficiles à obtenir en la matière ;


Qu'en statuant par ce seul motif, alors qu'elle avait relevé que la société Socotec avait, par convention du 13 juillet 1984, reçu une mission portant sur la sécurité des personnes, sans rechercher si ce bureau avait procédé aux contrôles et formulé les observations imposées par son contrat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a mis hors de cause la société Socotec du chef des défaillances constatées dans la sécurité incendie, condamné l'Union de Franche-Comté à restituer à la société Socotec la somme versée à titre d'exécution provisoire et attribué à la société Socotec une somme au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 8 août 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon;


remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;


Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;


Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et de Mme Y... ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.

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