31 mars 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-11.705

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:C100272

Texte de la décision

CIV. 1

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 31 mars 2021




Cassation sans renvoi


Mme BATUT, président



Arrêt n° 272 F-D

Pourvoi n° M 20-11.705

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. S....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 26 novembre 2019.


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 31 MARS 2021

M. L... S..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° M 20-11.705 contre l'ordonnance rendue le 18 octobre 2019 par le premier président de la cour d'appel de Nouméa, dans le litige l'opposant :

1°/ à M. le haut commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, domicilié [...] ,

2°/ au procureur général près la cour d'appel de Nouméa, domicilié en son parquet général, [...],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Poinseaux, conseiller, les observations de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de M. S..., après débats en l'audience publique du 9 février 2021 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Poinseaux, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Nouméa, 18 octobre 2019) et les pièces de la procédure, M. S... a été admis en soins psychiatriques sans consentement le 23 septembre 2019, sur décision du représentant de l'Etat, en application de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique.

2. Ce dernier a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande aux fins de prolongation de la mesure sur le fondement de l'article L. 3211-12 du même code.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

4. M. S... fait grief à l'ordonnance de maintenir la mesure d'hospitalisation complète, alors :

« 2°/ qu'une personne n'est admise ou maintenue en soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l'Etat que s'il est constaté que cette personne souffre de troubles mentaux compromettant la sécurité des personnes ou portant gravement atteinte à l'ordre public ; qu'en l'espèce, le premier président de la cour d'appel a relevé que le maintien de M. S... en soins psychiatriques était justifié par les certificats médicaux produits, faisant simplement état de l'affection psychotique pour laquelle M. S... était suivi et de l'amélioration de son état, se traduisant par la stabilisation de son état clinique ; qu'en statuant ainsi sans constater que les troubles mentaux de M. S... compromettaient la sûreté des personnes ou portaient gravement atteinte à l'ordre public, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 3213-1 du code de la santé publique ;

3°/ qu'une personne n'est admise ou maintenue en soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l'État que s'il est constaté que cette personne souffre de troubles mentaux compromettant la sécurité des personnes ou portant gravement atteinte à l'ordre public ; qu'en se fondant sur les motifs éventuellement adoptés des premiers juges qui avaient relevé le potentiel de dangerosité psychiatrique de M. S..., sans indiquer en quoi cette dangerosité psychiatrique était de nature à compromettre la sécurité des personnes ou à porter atteinte gravement à l'ordre public, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3213-1 du code de la santé publique applicable en Nouvelle-Calédonie conformément à l'article L. 3841-1 du même code :

5. Selon le premier de ces textes, le représentant de l'État prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement d'accueil, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public.

6. Pour maintenir la mesure d'hospitalisation complète en cours, l'ordonnance retient, d'abord, que les pièces médicales mettent en évidence l'affection psychotique pour laquelle M. S... est suivi depuis 2015, à l'origine de la décision d'irresponsabilité pénale après une tentative de meurtre sur son père le 8 janvier 2019, ensuite, que, selon le certificat médical du 17 octobre 2019, le maintien de la mesure est envisagé avec des aménagements à prévoir dans un programme de soins, enfin, que l'état clinique du patient est stabilisé en ce sens que son délire paranoïaque n'est plus exprimé mais qu'il n'en émet aucune critique, reste hostile au discours médical et réticent à évoquer le passé. Il en déduit que la poursuite des soins psychiatriques est justifiée et doit être maintenue.

7. En se déterminant ainsi, sans constater qu'il résultait des certificats médicaux et de la décision du représentant de l'Etat que les troubles mentaux compromettaient la sûreté des personnes ou portaient gravement atteinte à l'ordre public, le premier président n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. La cassation prononcée n'implique pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que les délais légaux pour statuer étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la quatrième branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 18 octobre 2019, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Nouméa ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour M. S...

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir prononcé le maintien de la mesure d'hospitalisation complète dont faisait l'objet M. S... au centre hospitalier spécialisé H... B... à Nouméa,

Aux motifs propres que figurait en procédure le récépissé de réception par ses soins d'une notification d'ordonnance du 27 décembre 2019 du JLD dont il avait d'ailleurs fait appel ; que la décision n° 128 du 19 décembre 2019 mentionnait sous la signature du directeur de cabinet que cette décision avait été notifiée à M. S..., lequel l'avait d'ailleurs contestée devant le JLD et qu'enfin les certificats médicaux susvisés mentionnaient l'entretien préalable avec le patient ; que tous les certificats médicaux versés aux débats étaient concordants pour établir que M. S... était suivi depuis 2015 pour une affection psychotique, à l'origine, le 8 janvier 2018, d'une tentative de meurtre sur son père qui s'était soldée par une décision d'irresponsabilité pénale ; que le certificat médical établi le 17 octobre 2019 dans la perspective de sa comparution en appel de la décision de maintien sous le régime de l'hospitalisation complète prise par le JLD de Nouméa le 27 septembre 2019 relevait notamment que « l'état clinique est stabilisé en ce sens que son délire paranoïaque n'est plus exprimé ; que cependant il n'émet aucune critique de ce délire, convaincu qu'il ne s'agissait pas de son père et restait hostile au discours médical et réticent à évoquer le passé (
) nous envisageons de poursuivre l'hospitalisation avec des aménagements que nous allons prévoir lors de la rédaction d'un programme de soins » ; que la poursuite des soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète au centre hospitalier spécialisé [...] était donc tout à fait justifiée ; qu'il y avait donc lieu de conformer l'ordonnance déférée à la cour, étant précisé qu'il convenait pour l'équipe médicale au vu de l'évolution de l'état du patient de rédiger un programme de soins ; et aux motifs éventuellement adoptés que la saisine était régulière en la forme ; que les certificats de 24h, de 72h et de situation au 21 septembre 2019 avaient été produits ; qu'il résultait des certificats médicaux que M. S... avait été hospitalisé dans l'unité fermée du service psychiatrique du centre hospitalier spécialisé [...] sous le régime des soins psychiatriques sans consentement à la demande du représentant de l'État, pour tentative de meurtre de son père le samedi 6 janvier 2018 en lui portant trois coups de couteau ; que selon ses dires, sa nièce lui avait confié qu'elle avait été violée par son grand-père et qu'il avait eu la conviction que son neveu avait également été abusé sexuellement par son père ; qu'il était surtout convaincu que son père n'était pas son père ; qu'une entité extra-terrestre l'habiterait ; qu'au départ, M. S... présentait un fonctionnement paranoïaque qui avait évolué vers un fonctionnement schizophrénique paranoïde ; que tous les experts psychiatriques avaient conclu à une tentative de parricide psychotique avec absence de préméditation dans le cadre d'une exacerbation délirante ; que ses dysfonctionnements sociaux et psychocomportementaux étaient apparus à son retour des études en métropole en s'aggravant rapidement en Nouvelle-Calédonie ; que c'est ainsi qu'il avait travaillé comme enseignant en Province Nord puis dans une société locale de vente/installation de panneaux solaires ; qu'à chaque fois, il avait quitté son emploi car il ne parvenait pas à s'adapter aux exigences d'un travail ; qu'il avait passé le concours d'entrée comme cadre à l'OPT ; qu'il avait réussi les écrits mais échoué à l'oral ; que face à ces dysfonctionnements, il avait été incité à consulter un psychiatre, consultation qui était restée sans suite jusqu'à son passage à l'acte et à son transfert en psychiatrie ; qu'au fur et à mesure du temps et des expertises psychiatriques (trois au total), le délire paranoïaque devenu paranoïde avait été confirmé avec – pour corolaire – l'abolition du discernement au moment des faits ; que dans ces conditions, le tribunal l'avait jugé irresponsable et avait demandé son hospitalisation en psychiatrie dans le cadre d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement prise par le représentant de l'état ; que le problème était que M. S... était toujours délirant, qu'il continuait à croire que son père n'était pas son père, qu'il n'avait aucune solution de sortie et qu'il n'adhérait pas vraiment au traitement comme à la prise en charge de la mesure où il ne critiquait pas ses idées ; qu'il persistait donc un potentiel de dangerosité psychiatrique que le service n'était pas en mesure de gérer en dehors de l'hôpital ; que la poursuite de la mesure de soins dont bénéficiait M. S... était nécessaire au regard de l'existence de troubles mentaux qui nécessitaient des soins et un affinement de sa posologie ; que l'état de la personne nécessitait une surveillance médicale constante justifiant une prise en charge dans le cadre d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement ; qu'en conséquence la mesure serait maintenue,

1°) Alors, d'une part, qu'en se bornant à porter une appréciation purement formelle sur les certificats médicaux produits en constatant que ceux-ci « mentionnaient l'entretien préalable avec le client », sans répondre au moyen, invoqué à l'audience (voir ordonnance, p. 2) tiré de ce que, indépendamment des mentions de ces certificats, le contenu de ces documents n'était pas fidèle à la réalité, dès lors que M. S... n'avait en fait pas rencontré de médecins, le premier président a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile,

2°) Alors, ensuite, qu'une personne n'est admise ou maintenue en soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l'État que s'il est constaté que cette personne souffre de troubles mentaux compromettant la sécurité des personnes ou portant gravement atteinte à l'ordre public ; qu'en l'espèce, le premier président de la cour d'appel a relevé que le maintien de M. S... en soins psychiatriques était justifié par les certificats médicaux produits, faisant simplement état de l'affection psychotique pour laquelle M. S... était suivi et de l'amélioration de son état, se traduisant par la stabilisation de son état clinique ; qu'en statuant ainsi sans constater que les troubles mentaux de M. S... compromettaient la sûreté des personnes ou portaient gravement atteinte à l'ordre public, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'articles L.3213-1 du code de la santé publique,

3°) Alors, en outre, qu'une personne n'est admise ou maintenue en soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l'État que s'il est constaté que cette personne souffre de troubles mentaux compromettant la sécurité des personnes ou portant gravement atteinte à l'ordre public ; qu'en se fondant sur les motifs éventuellement adoptés des premiers juges qui avaient relevé le potentiel de dangerosité psychiatrique de M. S..., sans indiquer en quoi cette dangerosité psychiatrique était de nature à compromettre la sécurité des personnes ou à porter atteinte gravement à l'ordre public, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique,

4°) Alors, enfin, que le juge ne peut statuer par des motifs hypothétiques ; qu'en se bornant à se fonder sur le potentiel de dangerosité psychiatrique de M. S..., sans se prononcer sur la réalité d'une telle dangerosité, le premier président a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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