5 juin 1996
Cour de cassation
Pourvoi n° 94-17.371

Troisième chambre civile

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

CONTRAT D'ENTREPRISE - sous - traitant - action en paiement - action directe contre le maître de l'ouvrage - conditions - acceptation du sous - traitant par le maître de l'ouvrage et agrément des conditions de paiement - défaut - faute du sous - traitant (non) - rapports avec l'entrepreneur principal - obligation pour le sous - traitant de les susciter (non) - paiement - garanties obligatoires - engagement de caution personnelle et solidaire pour l'entrepreneur principal - obligation pour le maître de l'ouvrage d'exiger la fourniture d'une caution

La loi du 31 décembre 1975 n'impose pas au sous-traitant de susciter son acceptation et l'agrément de ses conditions de paiement par le maître de l'ouvrage, ni d'exiger de l'entrepreneur principal une délégation de paiement ou la fourniture d'une caution.

Texte de la décision

Joint les pourvois n°s 94-17.371 et 94-17.475 ;


Sur le moyen unique du pourvoi n° 94-17.475 :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 mai 1994), que la société Boschetti-Wilhelem (société X...), à qui la société Immobilière 3 F avait confié, le 27 février 1986, l'exécution d'un marché de travaux de bâtiment, a sous-traité une partie de ce marché à la société Broussois, qui a été acceptée et dont les conditions ont été agréées par le maître de l'ouvrage le 4 mai 1987 ; que, l'entrepreneur principal ayant été placé en redressement judiciaire, tout en restant devoir à son sous-traitant certaines sommes, la société Broussois, qui avait exercé une action directe contre le maître de l'ouvrage, a ultérieurement accepté de celui-ci une somme inférieure au montant réclamé, à titre de transaction, pour solde de tout compte, puis a été placée en redressement judiciaire ; que M. Y..., liquidateur judiciaire de cette société, a assigné la société Immobilière 3 F en annulation de la transaction et en paiement de l'intégralité de la créance du sous-traitant ;


Attendu que la société Immobilière 3 F fait grief à l'arrêt de la condamner, après annulation de la transaction, au paiement d'une certaine somme, alors, selon le moyen, qu'une faute n'engage la responsabilité de son auteur que si elle est la cause du dommage ; que la cour d'appel, qui relève elle-même que la SA Broussois ne s'est manifestée auprès du maître de l'ouvrage qu'au moment où la situation de l'entrepreneur général X... ne permettait plus d'obtenir une quelconque caution bancaire, n'a pas établi le lien de causalité entre la faute du maître de l'ouvrage qui n'a pas exigé que l'entrepreneur fournisse cette caution, et le préjudice allégué par le sous-traité, a donc privé sa décision de base légale au regard de l'article 14-1 de la loi du 6 janvier 1986 (en réalité de la loi du 31 décembre 1975) et des articles 1382, 1383, 1137 et 1147 du Code civil ;


Mais attendu qu'ayant relevé, d'une part, que, lors de l'acceptation du sous-traitant et de l'agrément de ses conditions de paiement et en l'absence de délégation de paiement à son profit, le maître de l'ouvrage n'avait pas satisfait à son obligation d'exiger de la société X... la fourniture de la caution imposée par la loi, d'autre part, que la société Broussois avait subi un préjudice correspondant à la différence entre les sommes qu'elle aurait dû percevoir si un établissement financier avait cautionné son marché et celles qu'elle avait effectivement perçues, la cour d'appel, qui en a déduit que la faute du maître de l'ouvrage était la cause de l'absence de fourniture de la caution par la société X..., a légalement justifié sa décision de ce chef ;


Mais sur le moyen unique du pourvoi n° 94-17.371 :


Vu les articles 3, 14, et 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 ;


Attendu que l'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion, et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ; qu'à peine de nullité du sous-traité, les paiements de toutes les sommes, dues par l'entrepreneur au sous-traitant en application de ce sous-traité, sont garanties par une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur d'un établissement qualifié ; que, cependant, la caution n'aura pas lieu d'être fournie si l'entrepreneur délègue le maître de l'ouvrage au sous-traitant dans les termes de l'article 1275 du Code civil à concurrence du montant des prestations exécutées par le sous-traitant ; que, si le sous-traitant accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage ne bénéficie pas de la délégation de paiement, le maître de l'ouvrage doit exiger de l'entrepreneur qu'il justifie avoir fourni la caution ;


Attendu que, pour ne condamner la société Immobilière 3 F, après annulation de la transaction du 1er octobre 1987, qu'au paiement d'une partie de la créance de la société Broussois, l'arrêt retient que si le maître de l'ouvrage a manqué à ses obligations légales, le sous-traitant doit cependant garder à sa charge une partie du préjudice, pour avoir concouru à celui-ci en négligeant de réclamer à l'entrepreneur principal la fourniture d'une caution ou d'une délégation de paiement et l'obtention de son agrément par le maître de l'ouvrage avant que la situation de la société X... n'ait été complètement obérée ;


Qu'en statuant ainsi, alors que la loi du 31 décembre 1975 n'impose pas au sous-traitant de susciter son acceptation et l'agrément de ses conditions de paiement par le maître de l'ouvrage, ni d'exiger de l'entrepreneur principal une délégation de paiement ou la fourniture d'une caution, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;


PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a annulé la transaction signée le 1er octobre 1987 par l'entreprise Broussois, l'arrêt rendu le 10 mai 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.

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