17 septembre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-13.314

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:C300567

Texte de la décision

CIV. 3

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 17 septembre 2020




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 567 F-D

Pourvoi n° Q 19-13.314




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 SEPTEMBRE 2020

1°/ la Mutuelle l'auxiliaire, dont le siège est [...] , assureur de la société Billon,

2°/ la société Billon, dont le siège est [...] ,

ont formé le pourvoi n° Q 19-13.314 contre l'arrêt rendu le 8 janvier 2019 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige les opposant :

1°/ à M. O... W..., domicilié [...] ,

2°/ à la société Albingia, dont le siège est [...] ,

3°/ à la Mutuelle des Architectes français, dont le siège est [...] ,

4°/ à la société Ingénierie, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

5°/ au syndicat des copropriétaires Le Panaramic, dont le siège est [...] , représenté par son syndic la société Régie Thiébaud, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

M. W..., la MAF et la société Ingénierie ont formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt ;

Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Les demandeurs au pourvoi provoqué invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la mutuelle l'Auxiliaire et de la société Billon, de la SCP Boulloche, avocat de M. W..., de la mutuelle des Architectes français et de la société Ingénierie, de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat du syndicat des copropriétaires Le Panaramic, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Albingia, et après débats en l'audience publique du 9 juin 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 8 janvier 2019), la société Nadaud-Desaugiers a fait construire un groupe d'immeubles, vendu ensuite par lots, sous la maîtrise d'oeuvre de M. W... et de la société Ingénierie, assurés auprès de la société Mutuelle des architectes français (la MAF). La société Billon, assurée auprès de la société L'Auxiliaire, a effectué les travaux relevant des lots « plomberie sanitaire » et « chauffage production d'eau chaude ».

2. Se plaignant de désordres atteignant le réseau de distribution d'eau chaude sanitaire, le syndicat des copropriétaires Le Panoramic a, après expertise, assigné M. W..., la MAF et les sociétés Billon, L'Auxiliaire et Ingénierie en indemnisation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi provoqué, réunis

Enoncé du moyen

3. Les sociétés Billon et L'Auxiliaire, M. W..., la société Ingénierie et la MAF font grief à l'arrêt de les condamner, avec d'autres locateurs d'ouvrage, à payer certaines sommes au syndicat des copropriétaires, alors « que, pour relever de la garantie décennale, les désordres affectant des éléments d'équipement doivent rendre l'ouvrage, dans son ensemble, impropre à sa destination, laquelle n'est pas compromise par les désordres affectant les éléments d'un réseau de distribution d'une eau qui demeure potable et sans danger ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a retenu que les désordres de corrosion affectant le réseau de distribution d'eau chaude relevaient de la garantie décennale, pour la raison que l'état de l'eau rendait les immeubles concernés, affectés dans l'un de leurs éléments d'équipement, impropres à leur destination ; qu'en statuant ainsi sans examiner, ainsi qu'elle y était invitée, si les indications explicites de l'expert judiciaire quant au caractère potable et non dangereux de l'eau distribuée excluait toute impropriété desdits immeubles, dans leur ensemble, à leur destination, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1792 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel a relevé, par motifs adoptés, que l'installation de distribution d'eau chaude sanitaire était atteinte par la corrosion et que l'eau présentait des dépôts de couleur brun foncé et retenu que sa saleté, sa composition agressive, la non-conformité des canalisations à la réglementation du code de la santé publique et le danger sanitaire accompagnant l'accroissement du risque de développement de légionnelles rendaient les immeubles, affectés dans l'un de leurs éléments d'équipement, impropres à leur destination.

5. Elle en a souverainement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que les désordres relevaient de la garantie décennale des constructeurs.

6. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

Sur le second moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

7. Les sociétés Billon et L'Auxiliaire font grief à l'arrêt de fixer les parts de responsabilité de la société Billon, d'une part, et des maîtres d'oeuvres, d'autre part, et de condamner les sociétés Billon et L'Auxiliaire à garantir ces derniers des condamnations prononcées contre eux pour la part excédant 10 %, alors « que, en cause d'appel, les exposantes rappelaient les précisions de l'expert suivant lesquelles « la mise en oeuvre des tubes (brûlages de la galvanisation) » était un facteur aggravant des désordres « mais (n'en était) pas la cause initiale », qu'il retenait comme cause de ces désordres « la qualité des tubes installés », précisant que « la corrosion des
réseaux d'eau chaude sanitaire prov(enait) essentiellement de la composition (
) de l'eau », en soulignant que l'installation « était initialement prévue en PEHD (
) matériau qui ne se corrod(ait) pas », quand « la maîtrise d'oeuvre » avait « approuvé (ce) changement de matériau » dont elle était « à l'origine », ce dont il résultait que la cause initiale des désordres de corrosion litigieux ne résidait pas dans l'intervention de l'entreprise d'exécution, tandis que celle de la maîtrise d'ouvrage avait favorisé le remplacement d'un matériau protégé de la corrosion par un autre qui ne l'était pas ; qu'en imputant pourtant à l'entreprise d'exécution la quasi-totalité de la responsabilité des désordres litigieux, en délaissant ces conclusions déterminantes, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. La cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, qu'il incombait aux maîtres d'œuvre, en raison du remplacement du matériau initialement prévu par de l'acier galvanisé, d'attirer l'attention de l'entreprise d'exécution sur les règles spécifiques à respecter pour ce type d'installation et de ne pas réceptionner des travaux non conformes et que les désordres avaient pour origine la mauvaise qualité des brasures, à l'origine d'une évaporation du zinc assurant la galvanisation, les non-conformités au DTU et la dégradation de la composition de l'eau liée à une mise en service inadaptée de l'installation.

9. Elle a, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, fixé les parts de responsabilité de l'entreprise et des maîtres d'oeuvre dans les proportions qu'elle a souverainement évaluées.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne les sociétés Billon et L'Auxiliaire aux dépens du pourvoi principal et M. W... et les sociétés Mutuelle des architectes français et Ingénierie aux dépens du pourvoi provoqué ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Billon et L'Auxiliaire à payer la somme de 3 000 euros à la société Albingia et celle de 3 000 euros au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Panoramic et rejette les autres demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la Mutuelle l'auxiliaire et la société Billon

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevables les demandes formées par un syndicat de copropriétaires (celui de l'immeuble Le Panoramic) aux fins d'indemnisation des préjudices résultant de désordres affectant les quatre bâtiments d'un ensemble, à l'encontre notamment de l'entreprise de plomberie et d'installation du réseau d'eau chaude (la société Billon, exposante) et de son assureur (la mutuelle l'Auxiliaire, également exposante), et de les avoir en conséquence condamnés à payer diverses sommes en réparation desdits préjudices, in solidum avec d'autres locateurs d'ouvrage ;

AUX MOTIFS, propres et adoptés, QUE c'était par une exacte analyse des conclusions de l'expert et par de justes et pertinents motifs, adoptés par la cour, que le premier juge avait retenu que les désordres étaient de nature décennale comme rendant les immeubles impropres à leur destination, peu important que les canalisations siège des désordres fussent des éléments dissociables (arrêt attaqué, p. 9, motifs, 5ème al.) ; que l'expert avait conclu à un phénomène de corrosion de l'installation de distribution de l'eau chaude sanitaire, dont le caractère généralisé était confirmé tant par l'examen des tubes aléatoirement échantillonnés que par la dispersion des fuites résultant des percements des réseaux du fait de ladite corrosion, tant en sous-sol que dans les étages et concernant les différents immeubles ; qu'il avait explicité le caractère évolutif et irréversible de ce désordre ; que les tubes en acier galvanisé étaient normalement protégés de la corrosion en raison de la couche de zinc pur, mais en cas de destruction ou diminution de son épaisseur, le fer se trouvait alors en contact avec l'eau et se corrodait, formant des amas de rouille, sous lesquels des phénomènes complémentaires se produisaient : corrosions sous dépôts et constitution de zones confinées donnant lieu à des concentrations ioniques ou acides offrant un habitat à certaines bactéries, la corrosion s'accélérant alors ; que l'expert avait constaté que l'eau distribuée présentait des dépôts de couleur brun foncé, ce qui résultait également des témoignages des occupants des appartements produits par le syndicat, provenant de la dissémination dans l'installation des dépôts divers issus de la corrosion ; que les analyses physico-chimiques auxquelles l'expert avait fait procéder mettaient en évidence une composition ne correspondant pas avec l'eau de ville de Lyon, mais présentant un PH très bas avec des anions particulièrement agressifs et une quantité anormale de fer, zinc et cuivre, provenant de l'attaque de la galvanisation et de la corrosion, voire parfois d'aluminium, bore et baryum ; que l'acidité particulière de l'eau était également évoquée par les occupants d'un appartement ; que la saleté de l'eau, normalement destinée à l'hygiène des habitants et à la propreté de leur environnement, sa composition agressive, la non-conformité des canalisations telle que résultant de l'article R 1321-48 du code de la santé publique et le danger sanitaire accompagnant l'accroissement du risque de développement de légionnelle (p. 18 du rapport d'expertise) rendaient les immeubles, affectés dans l'un de leurs éléments d'équipement, impropres à leur destination, la discussion sur le caractère dissociable ou non des canalisations n'étant dès lors pas nécessaire à la solution du litige ; que les désordres relevaient ainsi de la garantie décennale des constructeurs (jugement confirmé, pp. 8 et 9, 1er à 4ème al.) ;

ALORS QUE, pour relever de la garantie décennale, les désordres affectant des éléments d'équipement doivent rendre l'ouvrage, dans son ensemble, impropre à sa destination, laquelle n'est pas compromise par les désordres affectant les éléments d'un réseau de distribution d'une eau qui demeure potable et sans danger ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a retenu que les désordres de corrosion affectant le réseau de distribution d'eau chaude relevaient de la garantie décennale, pour la raison que l'état de l'eau rendait les immeubles concernés, affectés dans l'un de leurs éléments d'équipement, impropres à leur destination ; qu'en statuant ainsi sans examiner, ainsi qu'elle y était invitée, si les indications explicites de l'expert judiciaire quant au caractère potable et non dangereux de l'eau distribuée excluait toute impropriété desdits immeubles, dans leur ensemble, à leur destination, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1792 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir fixé la responsabilité des intervenants à la construction à hauteur de 90 % à la charge de l'entreprise de plomberie et d'installation du réseau d'eau chaude (la société Billon, exposante) et de 10 % à celle des maîtres d'oeuvre (la société [...] et M. W...), et d'avoir en conséquence condamné l'entreprise, solidairement avec son assureur (la mutuelle l'Auxiliaire, également exposante), à garantir les maîtres d'oeuvre et leur assureur des condamnations en principal, frais et dépens prononcées à leur encontre, pour la part excédant 10 % ;

AUX MOTIFS, propres et adoptés, QUE c'était par de justes motifs, adoptés par la cour, que le premier juge avait fixé la part de responsabilité des maîtres d'oeuvre à 10 % et celle de la société Billon à 90 % (arrêt attaqué, p. 10, 6ème al.) ; qu'il résultait du rapport d'expertise que la corrosion des canalisations avait une double origine : la mauvaise qualité des brasures opérant le raccordement des tubes entre eux, par surchauffe, qui avait entraîné une évaporation du zinc assurant la galvanisation, et la composition physico-chimique de l'eau de distribution, dont la teneur anormalement élevée en sulfates et chlorures avait augmenté son caractère agressif et sa conductivité, facilitant les échanges électroniques et les réactions de corrosion ; que l'expert expliquait la dégradation de la composition de l'eau par un mauvais nettoyage initial, indispensable avant la mise en service de ce type d'installations pour évacuer tous les déchets et copeaux divers produits pendant le montage, ou l'utilisation pour ce faire de mauvais produits mal adaptés et rincés ; qu'il rappelait que les canalisations en acier galvanisé nécessitaient, contrairement à celles initialement prévues dans le CCTP en PEHD, matériau inaltérable, la présence de manchettes témoins permettant le contrôle périodique de l'entartrage ou de la corrosion, et des possibilités de chasse rapide dont l'absence rendait l'installation non conforme au DTU ; que M. W..., le BET O... Y... et leur assureur, la MAF, ne contestaient pas l'imputabilité de ces désordres à l'activité de maître d'oeuvre dont ils avaient la charge ; qu'il leur appartenait, au vu du remplacement du PEHD par de l'acier galvanisé, d'attirer l'attention de l'entreprise d'exécution sur les règles spécifiques à respecter pour ce type d'installations et de ne pas réceptionner les travaux non conformes au DTU ; que la société Billon et son assureur, l'Auxiliaire, ne contestaient pas l'imputabilité des désordres à l'activité de l'entreprise d'exécution ; que, de plus, les constatations et conclusions de l'expert quant à la mauvaise qualité des brasures, les non-conformités au DTU et la dégradation de la composition de l'eau liée à une mise en service inadaptée de l'installation caractérisaient les fautes d'exécution de la société Billon ; que, compte tenu des constatations et conclusions du rapport d'expertise, et des fautes de chacun ci-dessus rappelées, la responsabilité des locateurs d'ouvrage dans la survenance des désordres devait être partagée comme suit : 90 % à la charge de la société Billon, 10 % à celle des maîtres d'oeuvre, qui ne formaient pas de recours en garantie entre eux (arrêt attaqué, p. 9, § 2, p. 10, 1er et 3ème al., et p. 12, 2ème al.) ;

ALORS QUE, en cause d'appel, les exposantes rappelaient (v. leurs concl., p. 15, § 2 et 4, et p. 17, 1er, 6ème et 7ème al., prod.) les précisions de l'expert suivant lesquelles « la mise en oeuvre des tubes (brûlages de la galvanisation) » était un facteur aggravant des désordres « mais (n'en était) pas la cause initiale », qu'il retenait comme cause de ces désordres « la qualité des tubes installés », précisant que « la corrosion des réseaux d'eau chaude sanitaire prov(enait) essentiellement de la composition (
) de l'eau », en soulignant que l'installation « était initialement prévue en PEHD (
) matériau qui ne se corrod(ait) pas », quand « la maîtrise d'oeuvre » avait « approuvé (ce) changement de matériau » dont elle était « à l'origine », ce dont il résultait que la cause initiale des désordres de corrosion litigieux ne résidait pas dans l'intervention de l'entreprise d'exécution, tandis que celle de la maîtrise d'ouvrage avait favorisé le remplacement d'un matériau protégé de la corrosion par un autre qui ne l'était pas ; qu'en imputant pourtant à l'entreprise d'exécution la quasi-totalité de la responsabilité des désordres litigieux, en délaissant ces conclusions déterminantes, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
Moyen produit au pourvoi provoqué par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. W..., la Mutuelle des architectes français et la société Ingénierie,

Le moyen de cassation du pourvoi provoqué fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré M. W... et la société Ingénierie, exerçant sous la dénomination « [...] », responsables des désordres affectant les bâtiments D, E et F de l'immeuble Le Panoramic, d'avoir déclaré M. W... responsable des désordres affectant le bâtiment G de l'immeuble, sur le fondement de la garantie décennale, et de les avoir en conséquence condamnés avec la MAF, in solidum avec la société Billon et son assureur la mutuelle l'Auxiliaire, à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Panoramic diverses sommes en réparation desdits désordres ;

Aux motifs que c'est par une exacte analyse du rapport d'expertise et par de justes et de justes motifs, adoptés par la cour, que le premier juge a retenu que le maitre de l'ouvrage, qui n'avait pas commis de faute, avait droit à la réparation intégrale de son préjudice et que la responsabilité des maîtres d'oeuvre et de la SA BILLON était engagée in solidum à son égard ;

Et aux motifs adoptés des premiers juges que l'expert a conclu à un phénomène de corrosion de l'installation de distribution de l'eau chaude sanitaire, dont le caractère généralisé est confirmé tant par l'examen des tubes aléatoirement échantillonnés, que par la dispersion des fuites résultant des percements des réseaux du fait de ladite corrosion, tant en sous-sol que dans les étages et concernant les différents immeubles. Il a explicité le caractère évolutif et irréversible de ce désordre. Les tubes en acier galvanisé sont normalement protégés de la corrosion en raison de la couche de zinc pur, mais en cas de destruction ou diminution de son épaisseur, le fer se trouve alors en contact avec l'eau et se corrode, formant des amas de rouille, sous lesquels des phénomènes complémentaires se produisent : corrosions sous dépôts et constitution de zones confinées donnant lieu à des concentrations ioniques ou acides offrant un habitat à certaines bactéries, la corrosion s'accélérant alors. L'expert a constaté que l'eau distribuée présentait des dépôts de couleur brun foncé, ce qui résulte également des témoignages des occupants des appartements communiqués en pièce 30 à 39 par le syndicat des copropriétaires, qui font état d'une eau marron coulant des robinets des cuisines et salles de bains, provenant de la dissémination dans l'installation des dépôts divers issus de la corrosion. L'expert a également fait procéder à des analyses physico-chimiques de l'eau, ayant mis en évidence une composition ne correspondant pas à l'eau de ville de Lyon, mais présentant un PH très bas, avec des anions particulièrement agressifs et une quantité anormale de fer, zinc et cuivre, provenant de l'attaque de la galvanisation et de la corrosion, voire parfois d'aluminium, bore et baryum. L'acidité particulière de l'eau est également évoquée par M. N... et Mme Q... qui font état de démangeaisons et d'irritations de la peau après douche (pièce 33 communiquée par le syndicat des copropriétaires). La saleté de l'eau, normalement destinée à l'hygiène des habitants et à la propreté de leur environnement, sa composition agressive, la non-conformité des canalisations telle que résultant de l'article R 1321-48 du code de la santé publique et le danger sanitaire accompagnant l'accroissement du risque de développement de légionnelles (p. 18 du rapport d'expertise) rendent les immeubles, affectés dans l'un de leurs éléments d'équipement, impropres à leur destination, la discussion sur le caractère dissociable ou non des canalisations n'étant dès lors pas nécessaire à la solution du litige. Les désordres relèvent ainsi de la garantie décennale des constructeurs.

Alors que pour relever de la garantie décennale, les désordres affectant des éléments d'équipement doivent rendre l'ouvrage, dans son ensemble, impropre à sa destination, laquelle n'est pas compromise par les désordres affectant les éléments d'un réseau de distribution d'une eau qui demeure potable et sans danger ; que la cour d'appel a retenu que les désordres de corrosion affectant le réseau de distribution d'eau chaude relevaient de la garantie décennale car l'état de l'eau rendait les immeubles concernés, affectés dans l'un de leurs éléments d'équipement, impropres à leur destination ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée, si les indications explicites de l'expert judiciaire quant au caractère potable et non dangereux de l'eau distribuée excluaient toute impropriété desdits immeubles, dans leur ensemble, à leur destination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.