4 novembre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-60.187

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:SO00987

Texte de la décision

SOC. / ELECT

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 novembre 2020




Cassation


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 987 F-D

Pourvoi n° P 19-60.187




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 NOVEMBRE 2020

Le syndicat des employés et cadres-Force ouvrière, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° P 19-60.187 contre le jugement rendu le 8 avril 2019 par le tribunal d'instance de Paris (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme F... W..., domiciliée [...] ,

2°/ à Mme K... R..., domiciliée [...] ,

3°/ à Mme I... T... X..., domiciliée [...] ,

4°/ à Mme Y... L..., domiciliée [...] ,

5°/ à Mme P... H..., domiciliée [...] ,

6°/ à Mme M... Q... D..., domiciliée [...] ,

7°/ à Mme O... B..., domiciliée [...] ,

8°/ à Mme V... G..., domiciliée [...] ,

9°/ à M. S... N..., domicilié [...] ,

10°/ à la société Bershka France, dont le siège est [...] ,

11°/ à M. E... C... U..., domicilié [...] ,

12°/ à la Fédération des services CFDT Tour Essor, dont le siège est [...] ,

13°/ à la Fédération commerces et services CGT, dont le siège est [...] ,

14°/ à Mme A... RB... , domiciliée [...] ,

15°/ à Mme J... VT... , domiciliée [...] ,

16°/ à Mme PL... NN..., domiciliée [...] ,

17°/ à Mme RF... QP..., domiciliée [...] ,

18°/ à Mme DF... RX..., domiciliée [...] ,

19°/ à Mme UC... MF..., domiciliée [...] ,

20°/ à M. UO... RH... , domicilié [...] ,

21°/ à Mme FT... MC..., domiciliée [...] ,

22°/ à Mme AX... VW... DW..., domiciliée [...] ,

23°/ à Mme KO... AF..., domiciliée [...] ,

24°/ à Mme RM... UG..., domiciliée [...] ,

25°/ à M. EX... JE..., domicilié [...] ,

26°/ à Mme BA... VF..., domiciliée [...] ,

27°/ à M. AK... AM..., domicilié chez Mme AN..., [...] ,

28°/ à M. TN... HC..., domicilié [...] ,

29°/ à M. GR... DD..., domicilié [...] ,

30°/ à Mme NS... LF..., domiciliée [...] ,

31°/ à Mme RW... NF..., domiciliée [...] ,

défendeurs à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Les parties ou leurs mandataires ont produit des mémoires.

Sur le rapport de Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Paris, 8 avril 2019), la société Bershka a, par déclaration au greffe déposée le 27 novembre 2018, saisi le tribunal d'instance en annulation de la désignation de M. U... en qualité de délégué syndical de la Fédération des employés et cadres-Force ouvrière (FEC-FO), en invoquant son caractère à la fois frauduleux et contraire au dernier alinéa de l'article L. 2143-3 du code du travail.

Examen du moyen

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

2. La FEC-FO fait grief au jugement d'annuler la désignation de M. U... en qualité de délégué syndical, alors « qu'en annulant la désignation litigieuse au motif que la fédération n'aurait pas respecté l'obligation tenant à ce que l'ensemble des élus du syndicat renonce à être désigné délégué syndical, alors même que la fédération avait bien précisé dans ses écritures qu'indépendamment de l'élu qui avait été désigné délégué syndical, les trois autres élus avaient renoncé par écrit au mandat du délégué syndical le 8 novembre 2018, le tribunal a dénaturé les faits de l'espèce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2143-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 :

3. Le texte susvisé fait obligation au syndicat représentatif qui désigne un délégué syndical de le choisir parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique. Aux termes du deuxième alinéa de ce texte, si aucun des candidats présentés par l'organisation syndicale aux élections professionnelles ne remplit les conditions mentionnées au premier alinéa de ce texte, ou s'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit ces conditions, ou si l'ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées audit premier alinéa renoncent par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical, le syndicat peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d'exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l'article L. 2314-33.

4. S'agissant de l'article L. 2143-3, alinéa 2, du code du travail, tel qu'issu de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, qui disposait "S'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit les conditions mentionnées au premier alinéa, une organisation syndicale représentative peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement'', la Cour, après consultation de l'ensemble des organisations syndicales représentatives de salariés et d'employeurs, a décidé que cette obligation n'a pas pour objet ou pour effet de priver l'organisation syndicale du droit de disposer du nombre de représentants syndicaux prévus par le code du travail ou les accords collectifs dès lors qu'elle a présenté des candidats à ces élections dans le périmètre de désignation. Elle en avait déduit que s'il n'est pas exclu qu'un syndicat représentatif puisse désigner un salarié candidat sur la liste d'un autre syndicat qui a obtenu au moins 10 % des voix et qui l'accepte librement, l'article L. 2143-3 du code du travail n'exige pas de l'organisation syndicale qu'elle propose, préalablement à la désignation d'un délégué syndical en application de l'alinéa 2 de cet article, à l'ensemble des candidats ayant obtenu au moins 10 %, toutes listes syndicales confondues, d'être désigné délégué syndical (Soc., 27 février 2013, pourvoi n° 12-15.807, Bull. 2013, V, n° 65).

5. Par la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, le législateur a entendu éviter l'absence de délégué syndical dans les entreprises.

6. Il en résulte qu'il y a lieu à nouveau de juger que, s'il n'est pas exclu qu'un syndicat puisse désigner un salarié candidat sur la liste d'un autre syndicat, qui a obtenu au moins 10 % des voix et qui l'accepte librement, l'article L. 2143-3 du code du travail n'exige pas de l'organisation syndicale qu'elle propose, préalablement à la désignation d'un délégué syndical en application de l'alinéa 2 de l'article précité, à l'ensemble des candidats ayant obtenu au moins 10 %, toutes listes syndicales confondues, d'être désigné délégué syndical.

7. Après avoir constaté que lors des élections professionnelles, la FEC-FO avait obtenu quatre élus remplissant la condition de score personnel de 10 % au premier tour, que trois d'entre eux avaient renoncé par écrit à la possibilité d'être désigné délégué syndical, que la quatrième élue avait été désignée en qualité de délégué syndical, que la désignation litigieuse d'un simple adhérent permettait au syndicat de désigner le deuxième délégué syndical auquel il avait droit, le jugement retient qu'une élue du syndicat ayant réuni 10 % des suffrages a ainsi déjà été désignée en qualité de délégué syndical, n'a pas été démise de ce mandat depuis et n'a pas renoncé à cette possibilité de désignation et que la désignation d'un second délégué syndical, sans respecter l'obligation que l'ensemble des élus du syndicat renonce à être désigné délégué syndical, doit être annulée sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens exposés par la société.

8. En statuant ainsi, alors qu'il avait constaté que, sur l'ensemble des élus du syndicat remplissant la condition de score personnel de 10 %, l'une avait été désignée avant la désignation litigieuse et que les autres avaient renoncé à la possibilité d'être désigné, ce dont il résultait que le syndicat pouvait se prévaloir de la renonciation de ces élus pour désigner le second délégué syndical auquel il avait droit parmi les autres candidats ou, à défaut, ses adhérents, le tribunal, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 8 avril 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris autrement composé ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Bershka et la condamne à payer à la Fédération des employés et cadres-Force ouvrière la somme de 1 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt.

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