N°11 - Mars 2024 (Protection sociale)

Lettre de la deuxième chambre civile

Une sélection commentée des décisions rendues par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (Appel / Procédures civiles d'exécution / Astreinte / Assurances / Focus sur la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal / Accident de la circulation / Indemnisation / Protection sociale / QPC / À venir / Focus de jurisprudence).

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Lettre de la deuxième chambre civile

N°11 - Mars 2024 (Protection sociale)

Faute inexcusable de l’employeur : la rente majorée servie à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle

Faute inexcusable de l’employeur : la rente majorée servie à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle indemnise les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité permanente qui subsiste le jour de la consolidation  

Civ. 2ème, 1er février 2024, pourvoi n° 22-11.448 publié

La deuxième chambre civile était saisie d’un pourvoi formé par  la victime d’un accident du travail, reconnu imputable à la faute inexcusable de son employeur, qui contestait le montant de l’indemnisation qui lui avait été accordée par une cour d’appel. Elle soutenait que, si la rente accident du travail dont elle bénéficiait indemnisait les pertes de gains professionnels, il subsistait une perte de revenus professionnels engendrée par l'accident du travail non réparée par la rente . Elle  invitait ainsi la Chambre à opérer un revirement de jurisprudence pour énoncer le principe d’une réparation intégrale des préjudices économiques subis par les victimes d’une faute inexcusable de l’employeur.

Après avoir rappelé, d’une part, que si l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, dispose qu'en cas de faute inexcusable, indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle peut demander à l'employeur, devant la juridiction de la sécurité sociale, la réparation d'autres chefs de préjudice que ceux énumérés par ce texte, c'est à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, d’autre part, que la Cour de cassation juge désormais (Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvois n° 20-23.673 et 21-23.947,publiés) que la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent, l’arrêt commenté énonce que la rente majorée servie à la victime,  en application de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, répare les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité permanente qui subsiste le jour de la consolidation.

Il en déduit que, ces préjudices étant déjà indemnisés, sur une base forfaitaire,  par la rente majorée, la victime ne peut prétendre à une indemnisation complémentaire au titre de la perte de gains professionnels futurs ni au titre de l’incidence professionnelle, sauf à établir qu’elle présentait, lors de l’accident, des chances de promotion professionnelle.

Faute inexcusable : l’employeur, qui a ou aurait dû avoir conscience du risque d’agression encouru par son personnel et ne prend pas les mesures nécessaires pour l’en préserver, commet une faute inexcusable

Civ., 2ème 29 février 2024, pourvoi n°22-18.868 publié  

Travaillant de nuit, un médecin urgentiste était agressé physiquement par une patiente, dans l’espace ambulatoire d’un hôpital. Seule l’équipe de soins intervenait pour arrêter l’agression.

L’origine professionnelle de l’accident ayant été reconnue, la victime a formé une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l’hôpital, son employeur. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation accueille cette demande et réaffirme la solution issue des arrêts de principe du 8 octobre 2020 : le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (2e Civ., 8 octobre 2020, pourvoi n°18-25.021 et pourvoi n°18-26.677, publiés). 

Est donc approuvée la décision de la cour d’appel qui, pour juger l’accident du travail imputable à la faute inexcusable de l’employeur, retient, d’une part, que ce dernier, informé de la recrudescence d'actes violents au sein du service des urgences de l'hôpital, ne pouvait ignorer le risque d’agression encouru par son personnel soignant, d’autre part, que la conclusion d’un contrat de sécurité cynophile et l'organisation de formations sur la gestion de la violence, sans le recrutement d’un agent de sécurité et la fermeture de la zone de soins par des portes coulissantes, constituaient des mesures insuffisantes à prévenir le risque d'agression.

Accident de trajet : l’accident subi par un salarié, alors qu’il a quitté sa résidence ou les dépendances de celle-ci pour se rendre à son lieu de travail, constitue un accident de trajet

Civ., 2ème 29 février2024, pourvoi n°22-14.592 publié

Un salarié déclarait avoir fait une chute alors qu’il était sorti de son domicile pour procéder au dégagement de son véhicule enneigé, stationné sur une place de parking extérieure, située devant celui-ci.

Saisie par le salarié d’une contestation du refus de prise en charge par la caisse de cet accident comme accident de trajet, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rappelle que l'accident de trajet est celui survenu lorsque le salarié a quitté sa résidence ou les dépendances de celle-ci, pour se rendre à son lieu de travail.                                                                                    

Est donc approuvée la décision de la cour d’appel qui, ayant estimé que le salarié avait quitté sa résidence et les dépendances de celle-ci lors de la survenance de l’accident, retient que celui-ci était survenu sur le trajet du salarié pour se rendre à son travail et devait donc être pris en charge au titre de l’assurance professionnelle.

QUESTION NOUVELLE - Les conditions de communication du rapport médical en cas de contestation de nature médicale par l’employeur

Civ. 2ème 11 janvier 2024, pourvoi n°22-15.939 publié 

Afin de garantir un juste équilibre entre le principe du contradictoire à l’égard de l’employeur et le droit de  la victime au respect du secret médical, le code de la sécurité sociale organise, tant au stade du recours amiable (articles L. 142-6, R.142-8-2 et R. 142-8-3) qu’au stade du recours contentieux (articles L. 142-10 et R.142-16-3), les modalités de transmission du rapport médical établi par le praticien-conseil du service du contrôle médical auprès du régime de sécurité sociale concerné au médecin mandaté par l’employeur, lorsque celui-ci est à l’origine de la contestation de nature médicale d’une décision d’un organisme de sécurité sociale.

La deuxième chambre civile rappelle qu’il résulte de ces textes que cette transmission  ne peut se faire que par l’autorité médicale chargée d’examiner le recours amiable ou  par l’intermédiaire de l’expert ou du médecin consultant désigné par la juridiction saisie du recours contentieux et qu’aucune disposition n’autorise l’employeur à obtenir cette communication directement du praticien-conseil du contrôle médical.

Elle en déduit, dans la continuité de son précédent avis (Avis de la Cour de cassation, 17 juin 2021, n° 21-70.007, publié) qu’au stade du recours amiable, l'absence de transmission du rapport médical au médecin mandaté par l'employeur n'entraîne pas l'inopposabilité à l'égard de ce dernier de la décision de l’organisme de sécurité sociale contestée, dès lors que l'employeur dispose de la possibilité de porter son recours devant la juridiction de sécurité sociale à l'expiration du délai de rejet implicite et d'obtenir, à l'occasion de ce recours, la communication du rapport médical.

Elle réaffirme que, pour autant, l'organisation d'une mesure d'instruction reste pour les juges de cette juridiction une faculté, dont ils ne sont nullement tenus d'user dès lors qu'ils s'estiment suffisamment informés.

Le sursis à statuer dans le contentieux de la tarification

Civ., 2ème 11 janvier 2024, pourvoi n° 21-24.306 publié

La cour d’appel d’Amiens est la juridiction spécialement désignée par le code de l’organisation judiciaire pour connaître, en premier et dernier ressort, du contentieux de la tarification de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelle.  Le contentieux de l’opposabilité de la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, d’une maladie, n’entre, en revanche, pas dans  son champ de compétence mais dans celui des tribunaux judiciaires spécialement désignés à ce même code pour connaître du contentieux de la sécurité sociale.

Ainsi, lorsqu’elle est saisie d’une demande aux fins d’inscription au compte spécial des conséquences d’une maladie professionnelle et qu’elle est informée qu’une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale est saisie d’un recours aux fins d’inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle , la cour d’appel d’Amiens doit, lorsque l’employeur en fait la demande, surseoir à statuer dans l’attente de la décision de cette juridiction.

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