N°11 - Mars 2024 (Assurances)

Lettre de la deuxième chambre civile

Une sélection commentée des décisions rendues par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (Appel / Procédures civiles d'exécution / Astreinte / Assurances / Focus sur la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal / Accident de la circulation / Indemnisation / Protection sociale / QPC / À venir / Focus de jurisprudence).

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Lettre de la deuxième chambre civile

N°11 - Mars 2024 (Assurances)

QUESTION NOUVELLE - Assurance automobile : conséquences du placement de l’assureur en liquidation judiciaire sur la sanction du doublement du taux de l’intérêt légal

Civ. 2ème 25 janvier 2024, pourvoi n° 22-15.299 publié

Un piéton a été victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule terrestre à moteur assuré par une société qui a été placée en liquidation judiciaire à la suite de la décision, prise par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, de retrait de ses agréments administratifs.

La société d’assurance, puis son liquidateur, agissant sous le contrôle du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, n’a présenté à la victime aucune offre d’indemnisation conforme aux exigences posées par l’article L. 211-9 du code des assurances.

La sanction du doublement du taux de l’intérêt légal prévue par l’article L. 211-13 du même code était donc encourue par l’assureur sur les sommes allouées judiciairement à la victime à compter de la date à laquelle celle-ci aurait dû recevoir une offre complète et suffisante.

La question posée à la Cour de cassation portait sur le terme de cette sanction.

Celui-ci devait-il être fixé, conformément au mécanisme prévu par l’article L. 211-13 du code des assurances, à la date de la décision judiciaire ? Ou convenait-il de faire application de la règle de l’arrêt du cours des intérêts prévue par l’article L. 622-28 du code de commerce et de fixer le terme de cette sanction à la date de l’ouverture de la liquidation judiciaire de l’assureur ?

 

La deuxième chambre civile, après avoir rappelé qu’aucune des dispositions spécifiques prévues par le code des assurances, relatives à la liquidation judiciaire des entreprises d’assurance, ne déroge à la règle de l’arrêt du cours des intérêts, qui est d’ordre public et s’applique, sauf exceptions prévues par la loi, à tous les intérêts de retard et majorations, énonce que la sanction du doublement du taux de l’intérêt légal, prévue par l’article L. 211-13 du code des assurances, a la nature d’intérêts moratoires et ne constitue pas une créance indemnitaire.

Elle en déduit qu’en cas d’application de cette sanction à un assureur placé en liquidation judiciaire, le cours des intérêts majorés cesse au jour de l’ouverture de cette procédure collective.

Délai de prescription applicable à l’action en nullité pour dol du contrat d’assurance

Civ., 2ème 21 décembre 2023 pourvoi n° 22-15.768 publié

Par l’arrêt commenté, la deuxième chambre civile censure la cour d’appel d’avoir déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de nullité des avenants à un contrat d'assurance sur la vie, fondées sur le dol du courtier, au motif que l’assuré avait assigné l’assureur après l'expiration du délai de prescription biennale.

En droit des assurances, toutes les actions qui dérivent d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.

Le pourvoi invitait donc la Cour de cassation à dire si les manoeuvres frauduleuses commises avant la conclusion du contrat d’assurance dérivent ou non de ce dernier.

Par un précédent arrêt (2e Civ., 16 janvier 2014, pourvoi n° 13-10.134, publié), la deuxième chambre civile avait écarté la prescription biennale, pour une action en nullité pour dol d’un accord transactionnel conclu en matière d’assurance, mais en retenant que «les stipulations du contrat d'assurance » n'étaient, alors, « pas en cause ».

Clarifiant sa position, la Cour de cassation pose désormais en principe que l’action en nullité du contrat d'assurance ou de ses avenants, fondée sur le dol de l'assureur ou de son mandataire, qui repose sur l'existence de manoeuvres pratiquées avant la conclusion du contrat, ne dérive pas du contrat d'assurance.

La prescription applicable est donc celle de cinq ans, prescription de droit commun.

Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) ne peut être tenu au-delà de la dette du responsable de l'accident

Civ., 2ème 25 janvier 2024 pourvoi n° 21-22.201 publié

Comme l'édicte l'article L. 421-1 III du code des assurances, et à la différence, notamment, du Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, le FGAO, qui est chargé, lorsque le responsable des dommages demeure inconnu ou n'est pas assuré, d'indemniser les victimes d'un accident dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur, n'intervient qu'à titre subsidiaire dès lors « qu'il paie les indemnités allouées aux victimes ou à leurs ayants droit qui ne peuvent être prises en charge à aucun autre titre lorsque l'accident ouvre droit à réparation ».

Saisie par un pourvoi du FGAO, la deuxième chambre civile (2ème Civ, 25 janvier 2024, pourvoi n° 21-22.201) tire les conséquences de ces dispositions et juge que celui-ci ne peut être tenu de payer à la victime une somme supérieure à la dette du responsable de l'accident, telle qu’irrévocablement fixée.

Une assignation en référé expertise est une réclamation, au sens de l'assurance obligatoire de responsabilité civile médicale des professionnels de santé exerçant à titre libéral

Civ., 2ème 15 février 2024 pourvoi n°21-18.138 publié  

Les contrats d'assurance obligatoire garantissant la responsabilité des professionnels de santé exerçant à titre libéral sont dits «en base réclamation» dès lors que, selon l'article L. 251-2 du code des assurances, ils doivent garantir le professionnel assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres pour lesquels la première réclamation est formée pendant la période de validité du contrat, quelle que soit la date des actes à l'origine des dommages.

Le législateur ayant permis le plafonnement des garanties prévues par ces contrats, ces plafonds ont été portés, par le décret n°2011-2030 du 29 décembre 2011, pour les contrats conclus, renouvelés ou modifiés à compter du 1er janvier 2012, de trois à huit millions d'euros par sinistre, et de dix à quinze millions d'euros par année d'assurance.

Dès lors, la détermination de l'acte qui caractérise une réclamation, au sens de l'article L. 252-1 précité, conditionne le plafond des garanties applicables à l'indemnisation des conséquences dommageables des actes accomplis par un professionnel de santé avant la modification de ces plafonds.

Par un arrêt du 15 février 2024 (2ème Civ, 15 février 2024, pourvoi n° 21-18.138), la Cour de cassation casse l'arrêt rendu par une cour d'appel qui, pour faire application des nouveaux plafonds de garantie, avait retenu qu'une assignation en référé, délivrée en 2007 au professionnel de santé assuré par le tiers lésé, en vue de la désignation d'un expert aux fins de déterminer les responsables des dommages dont le tiers lésé se prétendait victime et d'évaluer les préjudices, ne constituait pas la réclamation à laquelle est subordonnée la garantie de l'assureur.

Ce faisant, la deuxième chambre civile transpose, dans le champ de cette assurance de responsabilité obligatoire, la jurisprudence établie, prise pour l'application de l'article L. 124-1 du code des assurances, qui retient que l'assignation en référé délivrée à l'assuré par le tiers lésé, en vue de la désignation d'un expert aux fins de constater et d'évaluer le dommage, constitue la réclamation à laquelle est subordonnée la garantie de l'assureur.

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