N°11 - Mars 2024 (Indemnisation)

Lettre de la deuxième chambre civile

Une sélection commentée des décisions rendues par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (Appel / Procédures civiles d'exécution / Astreinte / Assurances / Focus sur la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal / Accident de la circulation / Indemnisation / Protection sociale / QPC / À venir / Focus de jurisprudence).

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Lettre de la deuxième chambre civile

N°11 - Mars 2024 (Indemnisation)

Minorité et délai pour agir devant une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI)

Civ., 2ème 15 février 2024 pourvoi n°22-18.728 publié

Depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, l'article 2220 du code civil dispose que les délais de forclusion ne sont pas, sauf dispositions contraires prévues par la loi, régis par les règles relatives à la prescription. Si l'article 2235 du code civil prévoit que, sauf pour certaines actions, la prescription ne court pas ou est suspendue contre les mineurs non émancipés, il n'étend pas cette faculté aux délais de forclusion.

Quelle conséquence fallait-il en tirer en matière de délai pour saisir une CIVI ?

En effet, l'article 706-5, alinéa 1, du code de procédure pénale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2020-833 du 2 juillet 2020, disposait qu’à peine de forclusion, la demande d'indemnisation doit être présentée à la CIVI dans le délai de trois ans à compter de l'infraction. Cet article prévoit également que la victime est relevée de la forclusion dans certaines situations, notamment lorsqu’elle « n’a pas été en mesure de faire valoir ses droits dans les délais requis ou pour tout autre motif légitime ».

Dans l’espèce soumise à la deuxième chambre, une jeune fille, alors âgée de 12 ans, qui se trouvait dans une basilique, avait subi de graves brûlures lorsque ses vêtements avaient pris feu à proximité de cierges. Si sa représentante légale avait signalé les faits en déposant une main courante auprès du commissariat de police, l'action en indemnisation qu'elle avait intentée, au nom de la mineure, devant un tribunal de grande instance, avait été déclarée irrecevable. Devenue majeure, la victime avait déposé plainte puis saisi une CIVI a fin d'indemnisation de ses préjudices.

Tirant les conséquences de la réforme de la prescription en 2008, la deuxième chambre civile, par un arrêt rendu le 15 février 2024, énonce que « c'est donc à tort que la cour d'appel a retenu que la suspension de la prescription au profit des mineurs n'est pas écartée pour l'application de l'article 706-5 du code de procédure pénale, alors que le délai institué par cet article est un délai de forclusion ».

Cependant, relevant que les constatations de l'arrêt mettaient en évidence l'existence d'un motif légitime, pour cette victime, d'être relevée de forclusion, la Cour de cassation fait usage de la faculté qui lui est offerte par les dispositions de l'article 620, alinéa 1, du code de procédure civile, et rejette le pourvoi en substituant, aux motifs erronés critiqués, ce motif de pur droit.

Ce faisant, comme l'illustre aussi un autre arrêt rendu par sa section de la protection sociale (2e Civ., 21 mars 2024, pourvoi n°21-20.256, publié), la deuxième chambre civile protège le mineur contre la carence de son représentant légal dans la mise en œuvre de ses droits et rejoint l'intention du législateur qui, par l'article 25 de la loi n°2023-1059 du 20 novembre 2023, a modifié l'article 706-5, alinéa 1, du code de procédure pénale qui dispose désormais que « lorsque l'infraction est commise à l'encontre d'un mineur, le délai de forclusion ne court qu'à compter de la majorité de ce dernier ».

Poursuivant l'examen du pourvoi formé par le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions auquel incombe la charge du versement des indemnités allouées par les CIVI, la deuxième chambre civile s'intéresse ensuite à la motivation retenue par la cour d'appel pour caractériser, comme une jurisprudence constante lui en fait obligation, l'existence de faits présentant le caractère matériel de l'infraction de blessures involontaires ouvrant droit à réparation pour la requérante.

Et, s'inscrivant dans le sillage de la chambre criminelle, la deuxième chambre civile retient que même si la cour d'appel n'a pas, pour qualifier les faits dont la requérante avait été victime, repris exactement les termes de l'article 121-3, alinéa 3, du code pénal qui définit la faute susceptible d'engager la responsabilité pénale d'une personne physique qui n'a pas directement causé le dommage, elle a, au sens de ce texte, caractérisé des faits présentant le caractère matériel d'une infraction à l'encontre des personnes en charge de la surveillance et de la sécurité d'un édifice public dès lors qu' après avoir constaté que la victime avait subi de graves brûlures lorsque ses vêtements avaient pris feu à proximité de cierges qui se trouvaient dans une basilique, elle a retenu que l'absence d'extincteur dans cet établissement recevant du public, en violation des dispositions de l'article R. 123-1 du code de la construction et de l'habitation, constitue une négligence de la part des responsables, tenus à une obligation de sécurité, qui a contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage.

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