N°3 - Mars 2024 (Les décisions d’assemblée plénière)

Lettre de la Cour

Le mot du premier président / Les décisions d'assemblée plénière (Liberté de création artistique et protection de la dignité humaine / Valeur devant le juge civil d'une preuve obtenue de façon déloyale) / Les actualités (Rentrée 2024 / open data / relation magistrats-avocats / hommage à Robert Badinter...) / Nouvelle publication (Lettre internationale de la Cour) / L'agenda des 4 prochains mois.

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Le lien permettant d’accéder à la décision d’assemblée plénière vous donne également accès aux travaux préparatoires : le rapport du conseiller rapporteur et l’avis de l’avocat général.

Qu’est-ce qu’une assemblée plénière ?

L’assemblée plénière est la formation de jugement la plus solennelle de la Cour de cassation au sein de laquelle toutes les chambres sont représentées. Elle est réunie lorsque l’affaire pose une question juridique de principe. De plus, elle doit siéger lorsque, après cassation par l'une des chambres, le tribunal ou la cour d'appel chargé de rejuger l'affaire rend une décision qui est de nouveau attaquée devant la Cour de cassation, sur la base des mêmes arguments juridiques que ceux avancés lors du premier pourvoi. La décision rendue par l'assemblée plénière s'imposera à la nouvelle juridiction de renvoi.

TOUTES LES DÉCISIONS D’ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE VIA JUDILIBRE >

Liberté de création artistique et protection de la dignité humaine

17 novembre 2023 – Communiqué / DécisionRapportAvis / Audience filmée

Ce pourvoi posait la question de savoir si la protection de la dignité humaine, consacrée à l’article 16 du code civil, pouvait constituer, à elle seule, un motif de restriction à la liberté d'expression, en particulier de la liberté de création artistique, dans le contexte où l’expression en cause ne visait aucune personne en particulier. 

Se fondant sur l’article 10§2 de la Convention européenne des droits de l’homme qui prévoit que pour qu’une restriction de la liberté d’expression soit possible, il faut à la fois qu’un texte prévoit celle-ci, d’autre part, qu’elle soit justifiée par l’un des objectifs prévus à cet article (la sécurité publique, la défense de l'ordre et à la prévention du crime, la protection de la santé ou de la morale, la protection de la réputation ou des droits d'autrui, empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire), la Cour de cassation  juge que l’article 16 du code civil, qui interdit toute atteinte à la dignité de la personne, n’est pas un texte suffisant pour justifier une restriction à la liberté de création artistique, d’autre part, que la dignité de la personne humaine ne figure pas, en tant que telle, parmi les objectifs que fixe l’article 10 §2 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Ce faisant, l’assemblée plénière réaffirme le principe énoncé dans un de ses précédents arrêts en date du 25 octobre 2019 dans une affaire concernant des injures publiques contre une personne identifiée.

Preuve obtenue de façon déloyale et sa valeur devant le juge civil

Par ces deux arrêts, renvoyés par la chambre sociale en assemblée plénière, la Cour de cassation a été amenée à s’interroger sur la conciliation entre le droit à la preuve et le principe de loyauté dans l’administration de la preuve en matière civile. 

Jusqu’à présent la Cour de cassation jugeait, en matière civile, que lorsqu’une preuve est obtenue de manière déloyale, c’est-à-dire lorsqu’elle est recueillie à l’insu d’une personne, grâce à une manœuvre ou à un stratagème, un juge ne peut pas tenir compte de ce type de preuve (Assemblée plénière du 7 janvier 2011).

Opérant un revirement de jurisprudence dans la première affaire, la Cour de cassation admet dorénavant que des moyens de preuve déloyaux peuvent être présentés au juge dès lors qu’ils sont indispensables à l’exercice des droits du justiciable. Toutefois, la prise en compte de ces preuves ne doit pas porter une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux de la partie adverse (vie privée, égalité des armes, etc.).

Cette solution s’inspire de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Elle répond à la nécessité de ne pas priver un justiciable de la possibilité de faire la preuve de ses droits, lorsque la seule preuve disponible pour lui suppose, pour son obtention, une atteinte aux droits de la partie adverse.

En revanche, dans la deuxième affaire, la Cour de cassation confirme la jurisprudence de la chambre sociale selon laquelle le licenciement disciplinaire du salarié ne peut pas être fondé sur une conversation privée par messagerie personnelle lorsqu’il n’y a aucun manquement du salarié à ses obligations professionnelles. Dans ce cas, la question de la preuve ne se pose pas.

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