N°13 - Mars 2024 (Expropriation)

Lettre de la troisième chambre civile

Une sélection des arrêts rendus par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Construction / Copropriété / Expropriation / Séparation des pouvoirs / Servitudes)

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  • servitude

La dépossession d'une construction illégale n'ouvre pas droit à indemnisation, même si toute action en démolition est prescrite

3e Civ., 15 février 2024, pourvoi n° 22-16.460, publié

Selon une jurisprudence bien établie, la troisième chambre civile, pose pour principe qu'en matière de fixation des indemnités d'expropriation, seul peut être indemnisé le préjudice reposant sur un droit juridiquement protégé au jour de l'expropriation.

Ainsi, à titre d’exemples, ne peuvent prétendre à une indemnisation les titulaires d'une autorisation d'occupation précaire ayant pris fin avant l'ordonnance d'expropriation (3e Civ., 15 juin 1977, pourvoi no 76-70.305, Bull. III, no 266 ; 3e Civ., 31 octobre 2001, pourvoi n° 00-70.176), les copropriétaires du bien exproprié invoquant une perte de stationnement, alors que le règlement de copropriété prohibait ce stationnement (3e Civ., 18 mars 2021, pourvoi n° 20-13.562) ou encore le propriétaire exproprié sollicitant une indemnisation de la perte de revenus locatifs pour un bien loué comme habitation principale ne répondant pas aux critères du logement décent que le bailleur est tenu de délivrer à son preneur (3e Civ., 11 janvier 2023, pourvoi n° 21-23.792, publié).

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté, l’expropriation portait sur une parcelle située dans un secteur inconstructible, sur laquelle une construction avait été édifiée irrégulièrement. L’expropriée demandait cependant une indemnisation correspondant à la valeur de cette construction, estimant que l’action en démolition était prescrite.

La cour d’appel a d’abord énoncé que ne donnait pas droit à indemnisation le préjudice afférent à une construction édifiée illégalement, sauf si l'infraction pénale était prescrite.

Puis, constatant l’existence d’une instance pénale en cours, et estimant qu’il existait une contestation sérieuse, non sur l’illégalité de la construction, admise par tous, mais sur la prescription de l’action en démolition, elle a fixé l’indemnité de dépossession par alternative, soit à la valeur d’un terrain nu, soit à celle du bâtiment selon que l’illégalité de celui-ci serait « judiciairement reconnue » ou non.

La Cour de cassation était invitée par le pourvoi à se prononcer sur la possibilité d'indemniser la perte de la construction irrégulièrement édifiée, sans permis de construire et sur un terrain inconstructible, dans l’hypothèse où l'action en démolition serait prescrite.

Refusant de considérer que la prescription de l’action en démolition (pénale ou civile) autoriserait l’indemnisation de la dépossession d’une construction irrégulièrement édifiée et qui le demeure au jour de l’expropriation, la troisième chambre civile juge que, faute pour son propriétaire de pouvoir invoquer un droit juridiquement protégé au jour de l’expropriation, la dépossession d’une construction édifiée irrégulièrement et située sur une parcelle inconstructible, n’ouvre pas droit à indemnisation, même si toute action en démolition est prescrite à la date de l’expropriation.

Elle censure donc la cour d’appel qui avait alloué, dans l’une des branches de l’alternative, une indemnité pour la perte d’une construction dont elle avait pourtant constaté qu’elle avait été irrégulièrement été édifiée sur une parcelle inconstructible.

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