Numéro 3 - Mars 2024

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 3 - Mars 2024

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)

Com., 27 mars 2024, n° 22-14.028, (B), FS

Rejet

Liquidation judiciaire – Patrimoine – Revendication – Action en revendication – Procédure de l'article L. 624-9 du code de commerce – Champ d'application – Exclusion – Cas – Propriétaire d'un aéronef inscrit au registre français d'immatriculation

Le propriétaire inscrit en cette qualité au registre français d'immatriculation ouvert à la direction générale de l'aviation civile en application de l'article L. 6121-2 du code des transports n'est pas soumis à la procédure de revendication prévue à l'article L. 624-9 du code de commerce, dès lors que, son inscription valant titre, son droit de propriété est opposable à tous et donc nécessairement opposable à la procédure collective.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 3 février 2022) et les productions, un jugement du 13 janvier 2019 a prononcé la résolution du plan de sauvegarde de la société Business and Commuter Aircraft (la société BCA) et son redressement judiciaire, le jugement étant publié au BODACC le 13 janvier 2019.

La procédure a été convertie, le 27 février suivant, en liquidation judiciaire et la société Jérôme Allais désignée liquidateur.

2. Le 21 juin 2019, la société Blue Aero, mandatée par le GIE BE200 (le GIE), a demandé au liquidateur la restitution d'un aéronef régulièrement immatriculé sous sa dénomination au Registre d'immatriculation des aéronefs, appareil qu'elle avait confié pour maintenance à la société BCA.

Le liquidateur a refusé d'acquiescer à la demande en invoquant sa forclusion.

Le GIE a ensuite saisi le juge-commissaire pour obtenir la restitution de l'aéronef.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Le liquidateur de la société BCA fait grief à l'arrêt de lui ordonner de restituer au GIE l'aéronef ainsi que ses équipements et documentation technique et réglementaire, alors « que la revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement d'ouverture, à défaut de quoi le droit de propriété est inopposable à la procédure collective ; que le propriétaire d'un bien n'est dispensé de faire reconnaître son droit de propriété par une action en revendication, et peut se borner à demander la restitution du bien, que lorsque le contrat portant sur ce bien qu'il a conclu avec le débiteur a fait l'objet d'une publicité ; qu'en l'espèce, le GIE, propriétaire d'un aéronef, l'a confié en 2017 à la société BCA pour que celle-ci effectue des travaux de maintenance ; que par jugement du 3 janvier 2019, publié au BODACC le 13 janvier 2019, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert le redressement judiciaire de la société BCA ; que le GIE n'a pas exercé d'action en revendication dans le délai de trois mois qui lui était imparti ; qu'il a demandé la restitution de l'aéronef le 14 octobre 2020, invoquant de façon inopérante le fait que l'aéronef était immatriculé ; que le GIE n'a pas confié l'aéronef à la société BCA en vertu d'un contrat publié ; qu'ainsi le droit de propriété du GIE sur l'aéronef est devenu inopposable à la liquidation judiciaire de la société BCA ; qu'en accueillant toutefois l'action en restitution aux motifs inopérants que l'aéronef était immatriculé, ne constituait pas un élément d'actif de la société BCA, ne figurait pas dans son inventaire qui était imprécis, que la société BCA n'avait aucun droit sur ce bien et n'était pas créancière du GIE, tandis que le droit de propriété du GIE sur l'aéronef était inopposable à la procédure collective, de sorte que le GIE ne pouvait en solliciter la restitution, la cour d'appel a violé l'article L. 624-10 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 624-9 du code de commerce, à peine de forclusion, la revendication des meubles doit être exercée dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure collective.

5. Ce texte a pour finalité de rendre opposable à la procédure collective le droit de propriété dont fait l'objet le bien revendiqué.

6. Il résulte de l'article L. 6121-2 du code des transports applicable à l'aéronef que l'inscription de celui-ci au registre français d'immatriculation ouvert à la direction générale de l'aviation civile vaut titre, l'article D. 6111-3, alinéa 2, du même code indiquant que ce registre est tenu à la disposition du public et que toute personne peut en obtenir copie conforme sur demande écrite.

7. La propriété de l'aéronef étant, par l'immatriculation de celui-ci, opposable à tous, elle est nécessairement opposable à la procédure collective et le propriétaire n'est pas soumis à la procédure de revendication prévue à l'article L. 624-9 du code de commerce.

8. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée.

9. Le moyen ne peut donc être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Duhamel ; SCP Ohl et Vexliard -

Textes visés :

Article L. 6121-2 du code des transports ; article L. 624-9 du code de commerce.

Com., 6 mars 2024, n° 22-22.465, (B), FRH

Cassation

Procédure (dispositions générales) – Organes de la procédure – Tribunal – Compétence matérielle – Etendue – Action en restitution de fonds après la remise du prix d'adjudication

Lorsque la procédure de saisie immobilière a pris fin par l'effet de la remise du prix d'adjudication au créancier poursuivant, le juge de l'exécution n'est plus compétent pour statuer sur l'action en restitution des fonds engagée par le liquidateur judiciaire sur le fondement des articles L. 622-21 et R. 622-19 du code de commerce, laquelle relève de la seule compétence du tribunal saisi de la procédure collective.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 septembre 2022), par deux jugements d'adjudication du 8 juillet 2009, rendus sur les poursuites de la société Banque populaire Méditerranée (la banque), créancier inscrit, des biens immobiliers appartenant à la SCI Pomponiana ont été vendus.

Les prix de vente ont été consignés.

2. Les 9 mars et 6 mai 2010, la SCI Pomponiana a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, M. [R] étant désigné successivement mandataire puis liquidateur judiciaire.

3. Les 18 et 29 mars 2010, les prix d'adjudication ont été remis à la banque, créancier unique au sens de l'article L. 331-1 du code des procédures civiles d'exécution.

4. Le 31 mars 2021, faisant valoir que les fonds avaient été remis à la banque au mépris de la règle de l'arrêt des voies d'exécution édictée à l'article L. 622-21 du code de commerce, M. [R], ès qualités, a assigné la banque en restitution des fonds devant le tribunal ayant ouvert la procédure collective.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, réunies

Enoncé du moyen

5. M. [R], ès qualités, fait grief à l'arrêt de confirmer la décision des premiers juges se déclarant incompétents au profit du juge de l'exécution, alors :

« 1°/ que le tribunal de la procédure collective dispose d'une compétence exclusive pour statuer sur toute question relative à une procédure collective en cours, qui prive le juge de l'exécution de sa compétence de principe en matière de saisie immobilière ; qu'en jugeant incompétent le tribunal de la procédure collective au profit du juge de l'exécution, quand l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre du débiteur saisi et la remise du prix d'adjudication séquestré au créancier poursuivant après l'ouverture de la procédure collective, en violation des règles de la procédure collective, commandaient la compétence du tribunal de la procédure collective, la cour d'appel a violé les articles R. 662-3 et R. 622-19 du code de commerce, ensemble l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire ;

2°/ que la compétence du juge de l'exécution suppose l'existence d'une procédure en cours de saisie immobilière ; qu'en jugeant incompétent le tribunal de la procédure collective au profit du juge de l'exécution, quand la remise du prix d'adjudication séquestré au créancier poursuivant avait mis fin à la procédure de distribution qui n'était plus en cours au jour où elle statuait, la cour d'appel a violé l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire et R. 662-3 du code de commerce :

6. Il résulte du premier de ces textes que, lorsque la procédure de saisie immobilière a pris fin, le juge de l'exécution ne peut plus connaître des contestations élevées à l'occasion de celle-ci ni statuer sur les demandes reconventionnelles nées de cette procédure ou s'y rapportant.

7. Il résulte du second que relève de la compétence du tribunal de la procédure collective l'action du liquidateur judiciaire tendant à la restitution du prix d'adjudication prétendument distribué au mépris de la règle de l'arrêt des voies d'exécution énoncée aux articles L. 622-21 et R. 622-19 du code de commerce dès lors que cette action est née de la procédure collective et est soumise à l'influence juridique de celle-ci.

8. Il s'en déduit que, lorsque la procédure de saisie immobilière a pris fin par l'effet de la remise du prix d'adjudication au créancier poursuivant, le juge de l'exécution n'est plus compétent pour statuer sur l'action en restitution des fonds engagée par le liquidateur judiciaire sur le fondement des articles L. 622-21 et R. 622-19 du code de commerce, laquelle relève alors de la seule compétence du tribunal saisi de la procédure collective.

9. Pour écarter la compétence du tribunal ayant ouvert la procédure collective de la SCI Pomponiana et renvoyer l'affaire devant le juge de l'exécution, l'arrêt retient que le litige s'insère dans la compétence de ce dernier voulue exclusive en matière de saisie immobilière par le législateur et que la technicité de ce contentieux, y compris pour définir les critères de l'effet attributif en matière de saisie immobilière, fonde cette compétence qui nécessitera de cerner à quel moment, les fonds sont sortis du patrimoine du débiteur pour rejoindre celui du créancier.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle relevait que le prix d'adjudication avait été remis au créancier poursuivant, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Schmidt - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Boucard-Maman -

Textes visés :

Articles L. 622-21 et R. 622-19 du code de commerce.

Com., 6 mars 2024, n° 22-19.471, (B), FRH

Rejet

Procédure (dispositions générales) – Voies de recours – Décisions susceptibles – Ordonnances du juge-commissaire – Ordonnance autorisant l'administrateur et la société débitrice à transiger et à payer un tiers – Recours formé par l'Unedic – Recevabilité

Les avances de l'AGS qui ont été versées au titre du superprivilège des salaires, lui donnant le droit, au titre de la subrogation, de recevoir un paiement devant être acquitté sur les premières rentrées de fonds, il en résulte que l'Unedic est recevable à exercer le recours tiré de l'article R. 621-1 du code de commerce contre l'ordonnance du juge-commissaire ayant autorisé l'administrateur et la société débitrice à transiger et à payer à un tiers une somme résultant d'une créance antérieure, cette décision affectant ses droits et obligations, au sens de l'article précité.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 5 mai 2022), le 1er avril 2019, la société Sintertech (la société débitrice) a été mise en redressement judiciaire, les sociétés AJ Partenaires et [P] étant respectivement désignées administrateur, avec une mission d'assistance, et mandataire judiciaires.

2. Le 24 avril 2019, la société Mécad Savoie, soutenant être créancière de la société débitrice, a entendu exercer son droit de rétention sur des marchandises que lui avait confiées la société débitrice avant l'ouverture du redressement judiciaire, afin de réaliser des prestations d'usinage et de traitement thermique.

3. Le mandataire judiciaire ayant contesté la légitimité du droit de rétention invoqué et formé un recours contre l'ordonnance du juge-commissaire du 30 avril 2019 qui autorisait le paiement de la créance de la société Mécad Savoie afin de retirer les marchandises retenues, en application de l'article L. 622-7, II, alinéa 2, du code de commerce, l'administrateur a, sur sa requête du 27 mai 2019, été autorisé, sur le fondement de l'article L. 622-7, II, alinéa 1er, du même code, par une nouvelle ordonnance du juge-commissaire du 5 juin 2019, à transiger en payant la créance précitée en deux échéances mensuelles afin de récupérer les marchandises retenues.

L'UNEDIC, délégation AGS CGEA d'[Localité 5] (l'UNEDIC) a formé un recours contre cette seconde ordonnance.

4. Le 19 octobre 2019, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire, la société [P] étant désigné liquidateur.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

5. Le liquidateur et l'administrateur judiciaires de la société débitrice font grief à l'arrêt de déclarer l'UNEDIC recevable à exercer un recours contre l'ordonnance, alors « que le recours contre une ordonnance du juge-commissaire prévu à l'article R. 621-21 du code de commerce est fermé lorsque l'ordonnance litigieuse n'affecte qu'indirectement les droits et obligations du requérant ; que l'ordonnance du juge-commissaire autorisant une transaction sur le montant d'une créance n'affecte qu'indirectement les droits et obligations des autres créanciers ; qu'ainsi le recours exercé par un créancier contre une telle ordonnance est irrecevable ; qu'en décidant au contraire que l'ordonnance autorisant de transiger sur une créance pour permettre la poursuite de l'activité de la société portait atteinte aux droits et obligations de l'Unedic délégation AGS CGEA d'[Localité 5] en tant qu'elle bénéficiait d'une créance pour partie superprivilégiée, la cour d'appel a violé l'article R. 621-21 du code de commerce, dans sa version issue du décret n° 2014-736 du 7 juin 2014, ensemble l'article L. 625-8 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

6. Le moyen, qui postule que les avances versées pendant la période d'observation ne doivent pas compromettre le fonctionnement normal du débiteur, ni ses possibilités de redressement, ajoute à la loi et n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. Le liquidateur et l'administrateur judiciaires de la société Sintertech font le même grief à l'arrêt, alors « que si les avances superprivilégiées effectuées par l'AGS doivent en principe être payées nonobstant l'existence de toute autre créance, dans les 10 jours du jugement ouvrant la procédure ou à défaut de disponibilités sur les premières rentrées de fond, ce règlement n'est pas automatique ; que le remboursement des créances superprivilégiées de l'AGS est subordonné à une autorisation du juge-commissaire et la subrogation de l'AGS dans les droits des salariés, après avance des fonds, ne peut être exigée durant la période d'observation que dans la mesure où l'entreprise détient les fonds lui permettant d'y faire droit sans compromettre son fonctionnement normal et donc ses possibilités de redressement ; qu'en considérant au contraire, pour déclarer recevable le recours des AGS contre une ordonnance du juge-commissaire ayant autorisé une transaction nécessaire à la poursuite de l'activité, que cette transaction portait atteinte aux droits des obligations de l'AGS compte tenu du super privilège dont elle dispose, quand la mise en oeuvre de ce droit pendant la période d'observation ne doit compromettre ni le fonctionnement normal de la société, ni ses possibilités de redressement, la cour d'appel a violé l'article L 625-8 du code de commerce, ensemble l'article et R. 621-21 du même code, dans sa version issue du décret n° 2014-736 du 7 juin 2004. »

Réponse de la Cour

8. Il résulte de l'article R. 621-21 du code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article R. 631-16, que le créancier qui entend former un recours contre une ordonnance du juge-commissaire au motif que ses droits et obligations sont affectés, doit invoquer un intérêt personnel distinct de l'intérêt collectif des créanciers que le mandataire judiciaire a seul qualité à défendre en vue de la protection et de la reconstitution de leur gage commun.

9. D'une part, l'article L. 625-8 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021, prévoit que, nonobstant l'existence de toute autre créance, les créances que garantit le privilège établi aux articles L. 143-10 [L. 3253-2 et L. 3253-3], L. 143-11 [L. 3253-4], L. 742-6 et L. 751-15 [L. 7313-8] du code du travail doivent, sur ordonnance du juge-commissaire, être payées dans les dix jours du prononcé du jugement ouvrant la procédure par le débiteur ou, lorsqu'il a une mission d'assistance, par l'administrateur, si le débiteur ou l'administrateur dispose des fonds nécessaires et que, à défaut de disponibilités, ces sommes doivent être acquittées sur les premières rentrées de fonds.

10. D'autre part, il résulte du 2° de l'article L. 3253-16 du code du travail, que, lors d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, les institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 de ce code sont subrogées dans les droits des salariés pour lesquels elles ont réalisé des avances, pour les créances garanties par le privilège prévu aux articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8, et les créances avancées au titre du 3° de l'article L. 3253-8 du même code.

11. La subrogation dont bénéficient les institutions de garantie ayant pour effet de les investir de la créance des salariés avec tous ses avantages et accessoires, présents et à venir, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que le superprivilège garantissant le paiement de leurs créances, lequel n'est pas exclusivement attaché à la personne des salariés, est transmis à l'AGS qui bénéficie ainsi du droit à recevoir un paiement devant être acquitté sur les premières rentrées de fonds.

12. Ayant constaté que les avances de l'AGS avaient été versées, en partie au titre du superprivilège des salaires, la cour d'appel en a exactement déduit que l'ordonnance du juge-commissaire, qui a autorisé l'administrateur et la société débitrice à transiger et à payer à la société Mécad Savoie une somme résultant d'une créance antérieure, a affecté les droits de l'UNEDIC.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Exposé du moyen

14. Le liquidateur et l'administrateur judiciaires de la société Sintertech font grief à l'arrêt de déclarer l'administrateur, chargé d'une mission d'assistance, irrecevable à déposer seul la requête du 29 mai 2019, alors « qu'en affirmant, pour infirmer l'ordonnance du 5 juin 2019 autorisant la transaction pour cause d'irrecevabilité de la requête du 27 mai 2019, que cette requête a été déposée par le seul administrateur judiciaire alors qu'elle aurait dû être présentée concurremment avec le débiteur, c'est-à- dire avec le concours du débiteur dès lors que l'administrateur n'avait qu'une mission d'assistance, quand il ressort expressément de cette requête qu'elle a été présentée par l'administrateur à la demande expresse de la société débitrice, donc avec le concours du débiteur, la cour d'appel a violé l'article L. 631-14 du code de commerce dans sa version résultant de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014. »

Réponse de la Cour

15. Ayant énoncé qu'aux termes de l'article L. 631-14 du code de commerce, lorsque l'administrateur a une mission d'assistance, l'administrateur exerce les prérogatives conférées au débiteur par le II de l'article L. 622-7, concurremment avec le débiteur, et non à sa demande, la cour d'appel en a exactement déduit que la société AJ Partenaires, désignée administrateur de la société Sintertech, avec une mission d'assistance, n'avait pas qualité pour déposer seule la requête devant le juge-commissaire et que sa requête était par conséquent irrecevable.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SARL Ortscheidt ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article R. 621-1 du code de commerce.

Com., 6 mars 2024, n° 22-22.939, (B), FRH

Cassation partielle sans renvoi

Redressement judiciaire – Vérification et admission des créances – Contestation d'une créance – Tribunal statuant sur la contestation – Pouvoirs du juge – Etendue – Examen de la contestation

Il résulte des articles L. 624-2 et R.624-5 du code de commerce que les pouvoirs du juge compétent saisi par une partie sur invitation du juge-commissaire pour trancher la contestation d'une créance se limitent à trancher cette contestation et à renvoyer au juge-commissaire pour qu'il statue sur l'admission ou le rejet de la créance.

Redressement judiciaire – Vérification et admission des créances – Admission ou rejet des créances déclarées – Compétence exclusive – Juge-commissaire – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence,19 mai 2022), la SCI du Domaine des fabriques (la SCI) a été mise en redressement judiciaire par un jugement du 18 février 2014, Mme [R] et M. [H] étant désignés respectivement mandataire et administrateur judiciaires. Un plan a été arrêté le 3 mars 2015, Mme [R] étant désignée commissaire à son exécution.

2. La société Crédit suisse-France, aux droits de laquelle vient la société Crédit suisse-Luxembourg (la banque), qui avait consenti à la SCI une ouverture de crédit, a déclaré une créance qui a été contestée par le débiteur qui en invoquait la prescription.

3. Par une ordonnance du 18 septembre 2015, le juge-commissaire, ayant constaté l'existence d'une contestation sérieuse tirée de la prescription de la créance, a retenu qu'elle ne relevait pas de son pouvoir juridictionnel, a sursis à statuer sur l'admission de la créance et rappelé que sa décision ouvrait aux parties un délai d'un mois pour saisir la juridiction compétente à peine de forclusion.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La SCI fait grief à l'arrêt de fixer la créance de la banque au passif de son redressement judiciaire, alors « que sauf constat de l'existence d'une instance en cours, le juge-commissaire a une compétence exclusive pour décider de l'admission ou du rejet des créances déclarées et, après une décision d'incompétence du juge-commissaire pour trancher une contestation, les pouvoirs du juge compétent régulièrement saisi se limitent à l'examen de cette contestation ; qu'en fixant la créance de la banque au passif du redressement judiciaire de la SCI Domaine des fabriques quand ses pouvoirs se limitaient à trancher la contestation à l'égard de laquelle le juge commissaire s'était déclaré incompétent, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs violé les articles L. 624-2 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. La banque conteste la recevabilité du moyen en soutenant qu'il développe une thèse contraire à celle que la SCI avait invoquée devant la cour d'appel, en demandant, dans le dispositif de ses conclusions, de juger que la créance ne pouvait être admise au passif, et de rejeter en conséquence la créance dans son intégralité.

6. Cependant, la SCI, qui s'est bornée en appel à demander le « rejet » de la créance déclarée en conséquence de sa prescription, est recevable à invoquer devant la Cour de cassation le moyen d'ordre public de pur droit né de l'arrêt fixant la créance, tiré de l'excès de pouvoir commis par la cour d'appel.

7. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 624-2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 et R. 624-5 du même code, dans sa rédaction antérieure au décret du 30 juin 2014 :

8. Il résulte de ces textes que, sauf constat de l'existence d'une instance en cours, le juge-commissaire a une compétence exclusive pour décider de l'admission ou du rejet des créances déclarées et, après une décision d'incompétence du juge-commissaire pour trancher une contestation, les pouvoirs du juge compétent régulièrement saisi se limitent à l'examen de cette contestation.

9. Pour confirmer le jugement et fixer la créance de la banque, l'arrêt, après avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la créance, relève qu'aucune autre contestation n'était soulevée.

10. En statuant ainsi sur le sort de la créance, alors que ses pouvoirs se limitaient à trancher la contestation relative à la prescription de la créance, sur laquelle le juge-commissaire s'était déclaré incompétent, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

13. La cour d'appel d'Aix-en-Provence, confirmant le jugement, par une motivation non critiquée, a jugé la créance de la banque non prescrite.

14. En conséquence, il y a lieu de déclarer non prescrite la créance de la banque, seul objet de la contestation sérieuse relevée par le juge-commissaire dans son ordonnance du 18 septembre 2015, ayant donné lieu à la saisine du tribunal de grande instance pour la trancher.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, il a fixé la créance du Crédit suisse-Luxembourg, venant aux droits de Crédit suisse-France, au passif du redressement judiciaire de la SCI du Domaine des fabriques, l'arrêt rendu le 19 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la créance de la société Crédit suisse-Luxembourg ;

Renvoie les parties à saisir le juge-commissaire pour qu'il statue sur l'admission ou le rejet de la créance.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 624-2, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, et R. 624-5, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2014-736 du 30 juin 2014, du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur les pouvoirs du juge saisi d'une contestation sérieuse, à rapprocher : Com., 8 mars 2023, pourvoi n° 21-22.354, Bull., (rejet).

Com., 6 mars 2024, n° 22-23.647, (B), FRH

Cassation partielle

Responsabilités et sanctions – Responsabilité des créanciers – Domaine d'application – Exclusion – Cas – Accord de conciliation – Banque ayant tardé à consentir un crédit et n'ayant pas accordé le différé d'amortissement de ce dernier

Echappe aux dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce l'action en responsabilité engagée contre une banque à qui il est reproché d'avoir tardé à consentir un crédit et ne pas avoir accordé le différé d'amortissement de ce dernier en méconnaissance des engagements stipulés dans un accord de conciliation.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 13 septembre 2022), les sociétés Joyaux perles gemmes, [O] [I] et MH Distribution, détenues intégralement par la société Fleur de sel participations ayant pour représentant légal et associé majoritaire M. [N], ont obtenu l'ouverture d'une procédure de conciliation qui a abouti à la signature, le 10 septembre 2015, d'un protocole d'accord avec leurs différents partenaires bancaires, dont la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Atlantique Vendée (la banque).

2. Ce protocole d'accord, homologué par un jugement du 7 octobre 2015, prévoyait l'octroi d'un prêt de consolidation par chaque établissement ainsi que le maintien ou la réitération des garanties préexistantes des concours consolidés.

3. Le 1er mars 2016, la banque a consenti à la société Joyaux perles gemmes un prêt de consolidation de 303 000 euros garanti par le cautionnement solidaire de M. [N] et par une hypothèque sur deux biens lui appartenant.

4. Les 13 juillet et 7 septembre 2016, la société Joyaux perles gemmes a été mise en redressement puis en liquidation judiciaires.

5. Le 2 juin 2020, reprochant à la banque de ne pas avoir respecté les termes du protocole de conciliation relatifs au délai dans lequel le prêt devait être consenti et au différé de remboursement d'un an qu'il devait prévoir, M. [N] l'a assignée en réparation de son préjudice.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. M. [N] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que les dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce ne concernant que la responsabilité du créancier lorsqu'elle est recherchée du fait des concours qu'il a consentis, seul l'octroi estimé fautif de ceux-ci, et non leur retrait, peut donner lieu à l'application de ce texte ; qu'en retenant que M. [N] ne reprochait pas à la banque d'avoir commis une fraude, une immixtion caractérisée dans la gestion de la société Joyaux perles gemmes ni d'avoir pris des garanties disproportionnées en contrepartie de ces concours bancaires mais d'avoir accordé le prêt de consolidation dans des conditions méconnaissant ses engagements contractuels dans le protocole de conciliation, de sorte que la banque pouvait valablement opposer le bénéfice des dispositions précitées à M. [N], quand celles-ci étaient inapplicables à l'action en responsabilité de M. [N] fondée sur une réduction abusive du concours de la banque caractérisant la violation, par celle-ci, de ses obligations contractuelles, la cour d'appel a violé l'article L. 650-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 650-1 du code de commerce :

7. Les dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce ne concernant que la responsabilité du créancier lorsqu'elle est recherchée du fait des concours qu'il a consentis, seul l'octroi estimé fautif de ceux-ci, et non leur retrait ou leur diminution, peut donner lieu à l'application de ce texte.

8. Pour rejeter les demandes de M. [N], l'arrêt retient que ce dernier ne reprochait pas à la banque d'avoir commis une fraude, une immixtion caractérisée dans la gestion de la société Joyaux perles gemmes ni d'avoir pris des garanties disproportionnées en contrepartie de ces concours bancaires mais d'avoir accordé le prêt de consolidation avec plus de trois mois de retard, avec une durée d'amortissement de 37 mois et sans période de différé d'amortissement de douze mois en méconnaissance des engagements contractuels du protocole de conciliation, de sorte que la banque pouvait valablement opposer le bénéfice des dispositions précitées à M. [N].

9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. [N] ne reprochait pas à la banque de lui avoir consenti un concours mais d'avoir tardé à le lui octroyer et de ne pas avoir consenti le différé d'amortissement d'un an auquel elle s'était engagée en signant le protocole de conciliation, ce dont il résultait que la responsabilité de la banque était recherchée pour avoir retardé et diminué son concours, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que confirmant le jugement déféré, il rejette la demande de dommages et intérêts de M. [N] et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 13 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Schmidt - Avocat(s) : SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon ; SCP Capron -

Textes visés :

Article L. 650-1 du code de commerce.

Com., 27 mars 2024, n° 22-21.016, (B), FS

Cassation

Sauvegarde – Période d'observation – Déclaration de créances – Relevé de forclusion – Cas – Omission de la liste des créanciers – Créance portée ultérieurement à la connaissance du mandataire – Montant inférieur à la créance

Aux termes de l'alinéa 3 de l'article L. 622-24 du code de commerce, lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n'a pas adressé la déclaration de créance prévue au premier alinéa du même texte.

Selon les articles L. 622-26 et R. 622-24, alinéa 1, du même code, à défaut de déclaration de créance dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue à l'article L. 622-6, alinéa 2, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2013-544 du 27 juin 2013.

Il en résulte que lorsque le débiteur n'a pas mentionné une créance sur la liste qu'il a remise au mandataire judiciaire dans le délai prévu à l'article R. 622-5, mais l'a portée à sa connaissance ultérieurement dans le délai de déclaration de créance, le débiteur est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n'a pas adressé sa déclaration de créance.

Dans cette hypothèse, le créancier, s'il estime que la créance portée à la connaissance du mandataire judiciaire par le débiteur l'a été pour un montant inférieur à la créance qu'il soutient détenir, peut demander à être relevé de la forclusion pour déclarer le montant supplémentaire qu'il prétend lui être dû, à la condition d'établir que sa défaillance n'est pas due à son fait.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué et les productions (Paris, 16 juin 2022, RG n° 21/12233), un jugement du 16 juin 2020 publié le 2 juillet 2020, a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société FR Bedding, les sociétés [F] Charpentier et 2M & associés étant désignées en qualité d'administrateur judiciaire.

2. Après avoir remis la liste établie en application de l'article L. 622-6 du code de commerce sans mentionner la créance de la société But international, le 29 juillet 2020, la société FR Bedding a transmis aux organes de la procédure, une liste complémentaire comportant l'indication d'une créance de cette société.

3. Soutenant que le montant qui y était mentionné était inférieur à sa créance réelle, la société But international a présenté au juge-commissaire de la procédure collective de la société FR Bedding une requête en relevé de forclusion en vue de déclarer la créance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. La société FR Bedding, les sociétés [F] Charpentier et 2M & associés, en leur qualité de commissaire à l'exécution du plan, font grief à l'arrêt infirmatif de relever la société But international de la forclusion encourue et d'autoriser cette dernière à procéder à une déclaration de sa créance entre les mains des mandataires judiciaires dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt conformément à l'article L. 622-24 alinéa 1 du code de commerce et de rejeter leurs demandes, alors « que le relevé de forclusion suppose l'absence de toute déclaration dans le délai légalement requis des deux mois suivant la publication du jugement d'ouverture au Bodacc ; que la cour d'appel a constaté que la société débitrice avait adressé aux mandataires judiciaires, le 29 juillet 2020, une liste mentionnant la créance de la société But international pour un montant de 742 846,47 euros à titre chirographaire et que le créancier avait déposé une requête en forclusion au motif que cette créance déclarée par le débiteur pour le compte du créancier aurait été inférieure à la créance réelle et qu'elle n'avait été que partiellement admise ; qu'il résultait de ces constatations qu'une déclaration de créance avait bien été effectuée dans le délai légalement requis ; qu'en relevant cependant de forclusion la société But international, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 622-24 et L. 622-26 du code de commerce, ensemble les articles R. 622-5 et R. 622-24 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 622-6, alinéa 2, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2013-544 du 27 juin 2013, L. 622-24, L. 622-26, alinéa 1, R. 622-5 et R. 622-24, alinéa 1, du code de commerce :

5. Aux termes de l'alinéa 3 du deuxième de ces textes, lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n'a pas adressé la déclaration de créance prévue au premier alinéa du même texte.

6. Selon les troisième et dernier textes susvisés, à défaut de déclaration de créance dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au premier texte visé.

7. Il en résulte que lorsque le débiteur n'a pas mentionné une créance sur la liste qu'il a remise au mandataire judiciaire dans le délai prévu à l'article R. 622-5, mais l'a portée à sa connaissance ultérieurement dans le délai de déclaration de créance, le débiteur est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n'a pas adressé sa déclaration de créance.

8. Dans cette hypothèse, le créancier, s'il estime que la créance portée à la connaissance du mandataire judiciaire par le débiteur l'a été pour un montant inférieur à la créance qu'il soutient détenir, peut demander à être relevé de la forclusion pour déclarer le montant supplémentaire qu'il prétend lui être dû, à la condition d'établir que sa défaillance n'est pas due à son fait.

9. Pour relever la société But international de la forclusion, l'arrêt, après avoir constaté que la société débitrice ne l'a pas mentionnée sur la liste transmise aux organes de la procédure dans le délai de 8 jours, mais qu'elle figurait dans une liste complémentaire transmise le 29 juillet 2020 à l'administrateur et au mandataire judiciaire, retient que cette seconde liste a été transmise plus de deux mois après le jugement d'ouverture et que l'omission de la créance de la liste initiale ouvre droit à un relevé de forclusion automatique.

10. En statuant ainsi, après avoir constaté que le jugement d'ouverture avait été prononcé le 16 juin 2020, ledit jugement ayant été publié au Bodacc le 2 juillet suivant, tandis que la seconde liste avait été transmise aux organes de la procédure le 29 juillet suivant quand le délai de déclaration n'était pas expiré, la cour d'appel, qui ne pouvait déduire, dans ces circonstances, que le seul fait de ne pas avoir fait figurer la créance de la société But international sur la liste initiale suffisait à emporter le relevé « automatique » de la forclusion du créancier, alors qu'il lui appartenait de déterminer si le créancier souhaitant déclarer sa créance pour un montant complémentaire rapportait la preuve que la forclusion n'était pas due à son fait, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : M. Boutié - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Spinosi -

Textes visés :

Articles L. 622-6, alinéa 2, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2013-544 du 27 juin 2013, L. 622-26, R. 622-5 et R. 622-24 du code de commerce.

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