N° 14 – Avril 2024 (Protection des consommateurs)

Lettre de la première chambre civile

Une sélection des arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation (Arbitrage / État / Protection des consommateurs / Régimes matrimoniaux / Successions / La lettre à venir / Colloque).

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Lettre de la première chambre civile

N° 14 – Avril 2024 (Protection des consommateurs)

Contrat de vente ou de fourniture de services conclu hors établissement et notion de caractéristiques essentielles du bien ou du service

1re Civ., 24 janvier 2024, pourvoi n° 21-20.691, publié

A l’occasion de ce pourvoi, la première chambre civile complète son interprétation des articles L. 111-1, L. 121-17 et L. 121-18-1 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, dont les dispositions figurent désormais aux articles L. 221-5 et L. 221-9 du même code.

On sait qu’il résulte de ces textes qu’un contrat de vente ou de fourniture d’un bien ou de services conclu hors établissement doit, à peine de nullité, indiquer, de manière lisible et compréhensible, les caractéristiques essentielles du bien ou du service.

Dans une récente décision, commentée à la précédente Lettre de chambre (n° 13, janvier 2024), la Cour de cassation, après avoir énoncé que la production d’électricité d’une installation « photogénérateur » constituait une caractéristique essentielle de cet équipement, a approuvé une cour d’appel qui, ayant constaté l’absence sur le bon de commande de cette information, avait annulé le contrat (1re Civ., 20 décembre 2023, pourvoi n° 22-14.020, publié).

La présente affaire avait également pour objet la validité d’un contrat conclu hors établissement pour l’acquisition, la pose et la mise en service d’une installation de production d’énergie d’origine photovoltaïque, laquelle comporte un onduleur.

La Cour de cassation approuve la cour d’appel qui avait énoncé que la marque de l’onduleur constituait une caractéristique essentielle de l’installation. Après avoir rappelé les dispositions prévues aux articles L. 111-1, L. 121-17 et L. 121-18-1 du code de la consommation, précités, elle énonce ainsi que : « Constitue une caractéristique essentielle au sens de ces textes la marque du bien ou du service faisant l'objet du contrat. »

Office du juge et conséquences de la disparition rétroactive d’un contrat annulé

1re Civ., 24 janvier 2024, pourvoi n° 21-20.693, publié

A l’occasion d’un litige ayant pour objet la validité d’un contrat conclu hors établissement, la première chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée sur l’office du juge quant aux conséquences de la disparition rétroactive du contrat annulé.

Selon une jurisprudence constante : « l’annulation d'une vente entraînant de plein droit la remise des parties en l'état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion, la cour d'appel n'était pas tenue, à défaut de demande expresse en ce sens, d'ordonner la restitution du prix en même temps que la reprise de la chose vendue. » (1re Civ., 6 février 2019, pourvoi n° 17-25.859, publié).

En effet, le fait que le juge n'ordonne pas les restitutions n'est pas de nature à affecter les droits des parties, dès lors que de telles restitutions sont virtuellement comprises dans la décision d'annulation ou de résolution du contrat (1re Civ., 12 février 1975, pourvoi n° 73-10.960, Bull. n° 64).

Si le juge n’est pas tenu de statuer sur les restitutions consécutives à l’annulation d’un contrat lorsque les parties ne forment aucune demande, peut-il néanmoins le faire sans méconnaître l’objet du litige ?

L’arrêt commenté répond que l'annulation d’une vente entraînant de plein droit la remise des parties en l'état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion, ne méconnaît pas l'objet du litige le juge qui, même à défaut de demande en ce sens, ordonne à l'issue d'une telle annulation la restitution de la chose vendue et celle du prix.

Contrat de vente ou de fourniture de services conclu hors établissement et confirmation tacite des irrégularités affectant un tel contrat

1ère Civ., 24 janvier 2024, pourvoi n° 22-16.115, publié

Pour caractériser la connaissance du vice qui affecte un contrat relevant du droit de la consommation, la première chambre civile jugeait, depuis 2020, que la reproduction lisible, dans un contrat conclu hors établissement, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à ce type de contrat, permettait au souscripteur de prendre connaissance du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions. Une telle connaissance, jointe à l'exécution volontaire du contrat par le consommateur, pouvait en conséquence emporter la confirmation de l'acte nul (1re Civ., 9 décembre 2020, pourvoi n° 18-25.686, publié ; 1re Civ., 31 août 2022, pourvoi n° 21-12.968, publié).

Dans l’affaire ici commentée, une personne avait, par contrat conclu hors établissement le 7 avril 2016, commandé auprès d’une société la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques, ce contrat étant financé par un crédit souscrit auprès d’une banque.

Invoquant des irrégularités du bon de commande, l’acquéreur a assigné le vendeur et la banque en annulation du contrat de vente principal et du crédit affecté. Le premier juge a prononcé l’annulation des contrats de vente et des crédits affectés. Le jugement est confirmé. La cour d’appel a, en effet, jugé que le fait que les conditions générales figurant au verso sur le bon de commande reproduisaient les dispositions applicables du code de la consommation, même de manière parfaitement lisible, était insuffisant à lui seul pour révéler à l'acquéreur les vices affectant ce bon de commande.

Saisie d’un pourvoi du vendeur, s’appuyant sur la jurisprudence précitée, la première chambre civile a décidé de faire évoluer sa jurisprudence, pour mieux protéger le consommateur.

Elle juge désormais que la seule reproduction, même lisible, sur le bon de commande valant contrat, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d’avoir une connaissance effective du vice résultant de l’inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l’absence de circonstances, qu’il appartient au juge de relever, permettant de justifier d’une telle connaissance. Parmi ces circonstances, peut figurer, en particulier, l’envoi par le professionnel d’une demande de confirmation, conformément aux dispositions de l’article 1183 du code civil, dans sa rédaction issue l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable, en vertu de l’article 9 de cette ordonnance, aux contrats conclus dès son entrée en vigueur.

Enfin, afin que soit prise en considération cette caractérisation de la connaissance du vice, dans les contrats souscrits antérieurement comme postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la première chambre civile décide d'uniformiser le régime de la confirmation tacite à tous ces contrats et applique cette interprétation dans le litige en cause, engagé au titre d’un contrat conclu antérieurement à l’entrée en vigueur de ce texte.

Le pourvoi du vendeur est donc rejeté dès lors que celui-ci se prévalait de la seule reproduction sur le bon de commande des dispositions du code de la consommation relatives au formalisme applicable à ce contrat.

Responsabilité contractuelle du fournisseur d'accès à un service de communications électroniques à l'égard de son client

Civ. 1ère, 13 mars 2024, pourvoi n° 22-12.345

A l’occasion d’un litige entre une association et un fournisseur d’accès à un service de communications électroniques, la Cour de cassation s’est prononcée sur le régime de la responsabilité contractuelle auquel est tenu ce fournisseur lorsque son client invoque le dysfonctionnement de l’accès au réseau téléphonique ou internet.

Au cas d’espèce, le fournisseur d’accès contestait avoir commis un manquement à ses obligations contractuelles en l’absence de défectuosité du réseau dont il avait la charge. Il faisait valoir qu’une clause du contrat cadre conclu avec l’association le soumettait à une obligation de moyens de sorte que sa responsabilité ne pouvait être engagée qu'en cas de faute prouvée.

La cour d’appel avait décidé de réputer non écrite une telle clause en retenant qu’elle contrevenait aux dispositions tant de l'article D. 98-4 du code des postes et des communications électroniques qu'à celles de l'article 15 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. Enonçant ensuite que le fournisseur d’accès était soumis à une obligation de résultat quant à la fourniture des prestations prévues au contrat, sauf à démontrer un cas de force majeure ou une cause étrangère, puis constatant qu’en raison des incidents survenus, le résultat promis n’avait pas été atteint, la cour d’appel en avait déduit que ce fournisseur avait manqué à ses obligations contractuelles de sorte que sa responsabilité était engagée.

La Cour de cassation, qui avait retenu à l’occasion de précédents pourvois que le fournisseur d’accès était tenu d’une obligation de résultat quant aux services offerts (1re Civ., 8 novembre 2007, pourvoi n° 05-20.637, 06-13.453 ; 1re Civ., 19 novembre 2009, pourvoi n° 08-21.645), approuve la cour d’appel en ce qu’elle a réputé non écrite la clause relative à l’étendue de la responsabilité de l’opérateur.

En effet, l'article 15 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, dont le champ d’application est défini aux alinéas 1 et 2 de l’article 14 de la même loi, soumet le fournisseur de réseau de communications électroniques à un régime de responsabilité de plein droit s’agissant de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu avec leurs clients. Le fournisseur peut néanmoins s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit à son client, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure.

Pour garantir l’effectivité de la mise en œuvre de ce texte dans les contrats conclus entre les fournisseurs d'accès à un service de communications électroniques et leurs clients, que ceux-ci soient consommateurs, professionnels ou non-professionnels - selon la définition que donne de ces notions l’article liminaire du code de la consommation - la Cour de cassation énonce son caractère d’ordre public. Toute clause contraire, comme celle stipulée au cas d’espèce, doit, dès lors, être réputée non écrite.

Il s’ensuit également qu’il incombe au juge de trancher le litige ayant pour objet la responsabilité contractuelle du fournisseur d’accès un service de communications électroniques en faisant application, au besoin d’office, de ces dispositions d’ordre public prévues à l’article 15, I, de la loi du 21 juin 2004 (1re Civ., 13 mars 2024, pourvoi n° 23-13.498).

Enfin, l’arrêt commenté se prononce sur la validité de la clause du contrat conclu entre le fournisseur d’accès et son client, soumettant ce dernier à l’obligation d’agir en justice dans un délai d’un an à compter de la survenance du fait générateur.

D’une part, une telle clause, de portée générale, institue non pas un délai de forclusion mais un délai de prescription qui soumet toutes les actions en justice engagées par le client contre l’opérateur au délai pour agir d’un an et étend ainsi le champ d’application de l'article L. 34-2 du code des postes et communications, lequel n’est applicable qu’aux seules actions en paiement ou en restitution du prix des prestations des opérateurs.

D’autre part, si, en application de l’article 2254 du code civil, les parties peuvent décider d’abréger la durée de la prescription applicable à une action en justice, le délai de la prescription ne saurait être réduit en deçà d’une année. Considérant que la clause précitée du contrat, qui fixe le point de départ du délai au « fait générateur », soumet le client à l’obligation d’agir moins d’un an à compter du jour où il a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’agir, la Cour de cassation approuve la cour d’appel de l’avoir réputée non écrite.

L'information de l'emprunteur sur les caractéristiques essentielles du contrat de crédit à la consommation

1re Civ., 13 mars 2024, pourvoi n° 22-24.349

Il résulte des articles L. 311-18 et L. 311-48, alinéa 1er, du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, qu’un encadré, inséré au début du contrat, informe l’emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit, sous peine de déchéance du prêteur du droit aux intérêts.

Selon l’article R. 311-5 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-884 du 29 juin 2016, doivent être mentionnés dans cet encadré, à l’exclusion de toute autre information :

d) Le montant, le nombre et la périodicité des échéances que l'emprunteur doit verser et, le cas échéant, l'ordre dans lequel les échéances seront affectées aux différents soldes dus fixés à des taux débiteurs différents aux fins du remboursement. Pour les découverts, il est indiqué le montant et la durée de l'autorisation que l'emprunteur doit rembourser ;

g) Tous les frais liés à l'exécution du contrat de crédit, dont, le cas échéant, les frais de tenue d'un ou plusieurs comptes destinés à la mise à disposition des fonds ou au paiement des échéances de crédit et les frais liés à l'utilisation d'un instrument de paiement déterminé, ainsi que les conditions dans lesquelles ces frais peuvent être modifiés.

Par un arrêt publié du 8 avril 2021 (pourvoi n° 19-25.236), la première chambre avait déjà énoncé que le montant de l'échéance qui figure dans l'encadré au titre des informations sur les caractéristiques essentielles du contrat de crédit n'incluait pas le coût mensuel de l'assurance souscrite par l'emprunteur accessoirement à ce contrat.

Le pourvoi formé dans la présente affaire permet de préciser que le montant de l’échéance mis en exergue doit, en revanche, inclure le coût des frais liés à l'exécution du contrat de crédit lorsque ceux-ci sont amortissables.

La Cour de cassation approuve ainsi la cour d'appel qui, ayant constaté que les frais liés à l'exécution du contrat de crédit figurant dans le tableau d'amortissement n'étaient pas inclus dans le montant des échéances mensuelles mentionné dans l’encadré, a prononcé la déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels.

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