N° 14 – Avril 2024 (Arbitrage)

Lettre de la première chambre civile

Une sélection des arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation (Arbitrage / État / Protection des consommateurs / Régimes matrimoniaux / Successions / La lettre à venir / Colloque).

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Lettre de la première chambre civile

N° 14 – Avril 2024 (Arbitrage)

Compétence de la cour d'appel pour connaître de la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du grief invoqué contre la sentence

Avis de la Cour de cassation, 1re Civ., 20 mars 2024, n° 23-70.019

En application des articles L.441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile, la cour d’appel de Paris, chambre commerciale internationale, a demandé à la Cour de cassation son avis quant aux réponses pouvant être apportées à deux questions intéressant la procédure applicable à l’occasion d’un recours en annulation d’une sentence arbitrale.

Au cas d’espèce, une banque avait introduit un recours en annulation d’une sentence ayant rejeté ses demandes indemnitaires formées contre une société de droit allemand. Elle se prévalait d’une méconnaissance, par le tribunal arbitral, de l’étendue de sa mission. La société allemande soutenait que ce moyen n’avait pas été invoqué devant le tribunal arbitral de sorte qu’en application de l’article 1466 du code de procédure, la banque était réputée avoir renoncé à s’en prévaloir. Qualifiant le moyen tiré de la mise en œuvre de cet article 1466 de fin de non-recevoir, celle-ci avait répliqué qu’un tel moyen n’était pas recevable dès lors que la formation collégiale ne pouvait pas en connaître et que seul le conseiller de la mise en état le pouvait, en application des articles 789, 6°, et 907 du code de code de procédure civile.

La première question posée à la Cour de cassation était celle de savoir si le moyen fondé sur l’article 1466 du code de procédure civile, tiré de la renonciation à se prévaloir d’une irrégularité non invoquée en temps utile devant le tribunal arbitral, pouvait être qualifié de fin de non-recevoir au sens du code de procédure civile. La seconde question permet de mesurer l’enjeu de la première : si la qualification de fin de non-recevoir est retenue, l’examen de l’irrecevabilité invoquée relève-t-il de la compétence du conseiller de la mise en état, en application des dispositions des articles 789, 6°, et 907 du code de procédure civile, ou de la compétence de la cour, saisie du recours en annulation de la sentence arbitrale ? 

Il convient de rappeler que le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile a notamment étendu les pouvoirs du juge de la mise en état. A cette fin, il a introduit un nouvel article 789 du code de procédure civile qui a prévu, au 6°, la compétence de principe, exclusive de celle du tribunal statuant au fond, du juge de la mise en état, pour statuer sur les fins de non-recevoir, même si celles-ci impliquent l’examen d’une question de fond. Ces dispositions ont été rendues applicables aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020.

S’agissant de la procédure applicable devant la cour d’appel, le décret précité a introduit un nouvel article 907 du code de procédure civile qui énonce que l’affaire est instruite sous le contrôle d’un magistrat de la chambre à laquelle elle est distribuée, dans les conditions prévues par les articles 780 à 807 du même code. Dans un avis du 3 juin 2021 (Avis de la Cour de cassation, 3 juin 2021, n° 21-70.006), la Cour de cassation a dit que « la réforme issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, qui a conféré au juge de la mise en état la compétence, énoncée à l'article 789, 6° du code de procédure civile, pour statuer sur les fins de non-recevoir”, s'applique également au conseiller de la mise en état. » 

Or, en matière d’arbitrage interne comme en matière arbitrage international, conformément aux articles 1495 et 1527, alinéa 1er, du code de procédure civile, le recours en annulation d’une sentence arbitrale est formé, instruit et jugé selon les règles relatives à la procédure en matière contentieuse prévues aux articles 900 à 930-1

Aux termes de la décision commentée, la Première chambre civile retient, d’abord, que le moyen fondé sur l’article 1466 du code de procédure civile, tiré de la renonciation à se prévaloir d’une irrégularité non invoquée en temps utile devant le tribunal arbitral, qui tend à faire déclarer irrecevable, sans examen au fond, le moyen d’annulation d’une sentence arbitrale fondé sur l’article 1520 du même code, constitue une fin de non-recevoir du droit de l’arbitrage.

Dans la continuité d’un précédent avis de la Cour de cassation du 11 octobre 2022 (Avis de la Cour de cassation, 11 octobre 2022, n° 22-70.010, publié), la Première chambre énonce, ensuite, qu’une telle fin de non-recevoir ne relève pas de la régularité de la procédure applicable devant la cour d’appel saisie d’un recours en annulation d’une sentence arbitrale de sorte que seule la cour d’appel est compétente pour en connaître.

Il est à noter que cet avis a pour effet d'unifier les règles de procédure applicables aux recours introduits avant et après l'entrée en vigueur du décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 portant simplification de la procédure d'appel en matière civile, lequel a mis fin à la compétence de principe du conseiller de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir.

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