Communiqué : Détournement de fonds publics

24/04/2024

Chambre criminelle - pourvoi 22-83.466

La Cour de cassation confirme la décision de la cour d’appel en ce qu’elle reconnaît la culpabilité d’un député, de son épouse et de son suppléant, notamment pour détournement de fonds publics et complicité.

En revanche, elle casse la décision de la cour d’appel relative aux peines prononcées à l’égard du député et aux dommages-intérêts à verser.

Avertissement : Le communiqué n’a pas vocation à exposer dans son intégralité la teneur des arrêts rendus. Il tend à présenter de façon synthétique leurs apports juridiques principaux.   

Les faits

Un député a recruté son épouse en qualité d’assistante parlementaire.

Un article de presse a remis en cause la réalité des tâches effectuées par l’assistante parlementaire, que ce soit auprès du député ou de son suppléant.

 

Les procédures

Devant le tribunal et la cour d’appel

Une information judiciaire a été ouverte, notamment pour « détournements de fonds publics par une personne chargée d'une mission de service public » et pour complicité de cette infraction.

Le tribunal correctionnel a condamné le député, son épouse et le suppléant.

En appel, le député a fait valoir qu’après le déroulement des débats devant le tribunal correctionnel, il avait eu connaissance d’éléments susceptibles de mettre en cause la régularité de la procédure d’instruction. Il a donc demandé à la cour d’appel l’annulation de la procédure d’instruction.

Le juge d’appel a estimé que cette demande ne pouvait plus être formulée compte tenu du « mécanisme de purge des nullités » prévu à l’article 385 du code de procédure pénale.

Repère : Le mécanisme de purge des nullités

Art. 385 du code de procédure pénale

Lorsqu’une personne mise en examen est renvoyée devant le tribunal correctionnel, elle ne peut plus demander l’annulation des actes ou des pièces de la procédure d’instruction.

La cour d’appel a confirmé les condamnations du député, de son épouse et du suppléant pour « détournements de fonds publics par une personne chargée d'une mission de service public » et pour complicité de cette infraction.

Les personnes condamnées ont formé un pourvoi en cassation.

 

Devant la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel

À l’occasion de ce pourvoi en cassation, le député a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à l’article 385 du code de procédure pénale.

Repère : Qu’est-ce qu’une QPC

Lors d’un procès, les parties peuvent soutenir qu'une loi porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. Elles demandent alors que le Conseil constitutionnel soit saisi d’une « question prioritaire de constitutionnalité » (QPC).

La procédure de QPC peut avoir un impact important sur l'état du droit. En effet, si le Conseil estime que le texte de loi en question est contraire à la Constitution, la disposition critiquée est abrogée. 

Le Conseil constitutionnel a déclaré l’article 385 du code de procédure pénale contraire à la Constitution, car il ne prévoit pas d’exception au « mécanisme de purge des nullités ».

Or, il est possible qu’une éventuelle irrégularité dans la procédure d’instruction ne puisse être portée à la connaissance de l’intéressé qu’une fois cette instruction clôturée.

L’article 385 du code de procédure pénal est donc abrogé à compter du 1er octobre 2024.

Le Conseil constitutionnel a toutefois précisé que, dans les procédures en cours, il est possible de demander à bénéficier de cette inconstitutionnalité sous deux conditions :

  • qu’il ait été impossible d’avoir connaissance d’une éventuelle irrégularité dans la procédure d’instruction, tant que cette instruction était en cours ;
  • que le juge correctionnel oppose le « mécanisme de purge des nullités » à la demande en annulation de la procédure d’instruction.

 

Le député a demandé à la Cour de cassation de tirer les conséquences de cette décision du Conseil constitutionnel en annulant la décision de la cour d’appel.

 

La décision de la Cour de cassation

Sur la demande d’annulation de la procédure d’instruction

La Cour de cassation valide le rejet par la cour d’appel de la demande d’annulation.

En effet, si la cour d’appel a déclaré la demande d’annulation irrecevable au regard du « mécanisme de purge des nullités », elle a malgré cela vérifié si cette demande était ou non fondée.  Elle a conclu qu’elle ne l’était pas, et le raisonnement par lequel elle est arrivée à cette conclusion n’est pas contesté devant la Cour de cassation.

Le droit du député à ce que sa demande d’annulation soit examinée a donc bien été respecté.

 

Sur la culpabilité

La Cour de cassation valide la décision de la cour d’appel prononçant la culpabilité.

Elle juge notamment que le principe de séparation des pouvoirs n'interdit pas au juge judiciaire de vérifier   qu’un contrat de travail conclu entre un parlementaire et un de ses collaborateurs a réellement été exécuté, dès lors qu’il s’agit d’un contrat de droit privé.

Le député, son épouse et le suppléant sont donc définitivement déclarés coupables, notamment de « détournements de fonds publics par personne chargée de mission de service public » et complicité de cette infraction.

 

Sur les peines

La Cour de cassation casse partiellement la décision de la cour d’appel en ce qu’elle condamne le député à quatre ans d’emprisonnement dont trois avec sursis.

En effet, un juge ne peut prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis que si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et si toute autre sanction est manifestement inadéquate. Ainsi, la Cour de cassation est amenée à casser les décisions qui n’ont pas constaté expressément que ces conditions étaient réunies.

Or, en condamnant le député, le juge d’appel n’a pas expliqué en quoi une autre sanction que la peine d’emprisonnement sans sursis aurait été manifestement inadéquate.

En revanche, la Cour de cassation confirme les peines prononcées à l’égard de l’épouse et du suppléant : elles sont donc définitives.

 

Sur les intérêts civils réclamés par l’Assemblée nationale, partie civile

Sur le principe de la réparation

La Cour de cassation reconnaît que le juge judiciaire peut condamner un député à verser à l’Assemblée nationale, partie civile, une indemnisation en réparation du préjudice que lui a causé le délit de détournement de fonds publics dont le député a été reconnu coupable.

En effet, la loi interdit uniquement au juge judiciaire de connaître des actes de l’administration : ces actes relèvent de la compétence du juge administratif.

Or, les parlementaires ne relèvent pas du pouvoir exécutif : ils ne font donc pas partie de l’administration.

Sur le montant de l’indemnisation

La Cour de cassation casse la décision de la cour d’appel en ce qu’elle condamne le député et son épouse à rembourser à l’Assemblée nationale l’intégralité des salaires versés.

En effet, les juges ont constaté que si les rémunérations versées étaient manifestement disproportionnées au regard du travail fourni, elles n’étaient pas dénuées de toute contrepartie.

 


La Cour de cassation renvoie l’affaire devant la cour d’appel afin qu’elle soit rejugée sur les points suivants :

  • la nature des peines à prononcer contre le député ;
  • le montant des dommages et intérêts que devront verser  le député et son épouse à l’Assemblée nationale.
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