2 mai 2024
Cour d'appel de Versailles
RG n° 23/00817

Ch.protection sociale 4-7

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88A



Ch.protection sociale 4-7





ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 02 MAI 2024



N° RG 23/00817 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VYLD



AFFAIRE :



[F] [L]





C/

CPAM DES YVELINES





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Janvier 2023 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de versailles

N° RG :





Copies exécutoires délivrées à :



la SELAS DADI AVOCATS



Me Mylène BARRERE





Copies certifiées conformes délivrées à :



[F] [L]



CPAM DES YVELINES







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DEUX MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



Madame [F] [L]

[Adresse 5]

[Localité 4]



comparante en personne, assistée de Me Ghislain DADI de la SELAS DADI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0257





APPELANTE

****************



CPAM DES YVELINES

departement juridique, [Adresse 6]

[Adresse 3]



représentée par Me Mylène BARRERE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D2104 substitué par Me Lilia RAHMOUNI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1946





INTIMÉE

****************





Composition de la cour :



En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseillère chargée d'instruire l'affaire.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente,

Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseillère,

Madame Laëtitia DARDELET, Conseillère,



Greffière, lors des débats : Madame Zoé AJASSE,








EXPOSÉ DU LITIGE



Le 16 février 2016, la société [8] a déclaré, auprès de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines (la caisse), une déclaration d'accident survenu le 15 février 2016 au préjudice d'une salariée, Mme [F] [L] (l'assurée), exerçant en qualité d'agent de services, que la caisse a pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.



L'assurée a ainsi bénéficié du versement d'indemnités journalières du 21 février 2016 au 19 juillet 2017.



Après avoir été informée par la société [7] que l'assurée avait travaillé pour cette société pendant son arrêt de travail indemnisé, la caisse a, le 4 janvier 2019, notifié à l'assurée un indu d'un montant de 5 176,62 euros pour les périodes du 16 février 2016 au 29 février 2016, du 13 septembre 2016 au 20 février 2017, du 6 mars 2017 au 3 mai 2017, du 18 mai 2017 au 18 juin 2017 et du 20 juin 2017 au 19 juillet 2017.



L'assurée a contesté l'indu devant la commission de recours amiable qui, dans sa séance du 12 décembre 2019, en a confirmé le bien fondé.



L'assurée a alors saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles qui, par jugement contradictoire en date du 5 janvier 2023, a :

- dit que la créance de la caisse n'est pas couverte par la prescription ;

- confirmé le bien fondé de l'indu dans la limite de la somme de 5 071,16 euros correspondant aux indemnités journalières perçues à tort pour les périodes suivantes : du 16 février 2016 au 7 mars 2016 puis du 13 septembre 2016 au 18 juin 2017 et du 20 juin au 19 juillet 2017 ;

- condamné l'assurée à payer à la caisse la somme de 5 071,16 euros ;

- débouté l'assurée de sa demande en paiement du reliquat d'indemnités journalières pour la période du 16 février au 18 juin 2016 ;

- dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné l'assurée aux dépens ;

- ordonné l'exécution provisoire.



Par déclaration du 27 mars 2023, l'assurée a interjeté appel et les parties ont été convoquées à l'audience du 5 mars 2024.



Par conclusions écrites, déposées et soutenues à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, l'assurée demande à la cour :

- d'infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Versailles le 5 janvier 2023 ; et statuant de nouveau,

- de déclarer la caisse mal fondée en l'ensemble de ses demandes ;

- de déclarer prescrites les demandes de la caisse et subsidiairement de déclarer prescrites les demandes de la caisse antérieures à janvier 2018 ;

- de débouter la caisse de l'ensemble de ses demandes ;

- d'ordonner à la caisse de lui verser un reliquat d'indemnités journalières pour la période du 16 février au 18 juin 2016 relative à la suspension pour accident du travail dans la société [7] ;

- de condamner à ce titre la caisse à une provision de 2000 euros ;

- de dire que l'exécution provisoire est de droit, dans les termes de l'article 514 du code de procédure civile ;

- de condamner la caisse aux dépens.



Par conclusions écrites, déposées et soutenues à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la caisse demande à la cour :

- de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions et de débouter l'assurée de son appel et de toutes ses demandes ;

- de dire et juger que l'assurée est redevable de la somme totale de 5 071,16 euros ;

- de condamner l'assurée à payer le solde restant dû qui s'élève à 5 071,16 euros.



Concernant les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'assurée sollicite le bénéfice d'une indemnité de 2 000 euros. La caisse demande la somme de 1 500 euros à ce titre.



Par un avis en délibéré, la cour a invité les parties à s'expliquer sur la recevabilité de l'appel, le jugement ayant été notifié à Mme [L] le 28 janvier 2023, ainsi qu'en atteste l'accusé de réception versé au dossier et l'appel ayant été exercé le 27 mars 2023, selon la déclaration d'appel formée par RPVA par le conseil de l'assurée.



L'assurée expose que la notification du jugement doit indiquer expressément les voies et délais de recours mais que le formulaire envoyé avec le jugement détaille les différentes voies de recours pour toutes les décisions et est imprécis et équivoque.

Elle ajoute que le point de départ et le délai ne sont pas indiqués expressément et précisément et sont dissimulés en fin de formulaire ; qu'à défaut de mentions correctes relatives aux voies et délais de recours ouverts en l'espèce, elle n'a pas pu être correctement informée de la voie de recours ouverte contre le jugement notifié et du délai opposable.

Elle précise que si l'appel est considéré comme tardif et forclos malgré l'absence de respect des mentions obligatoires des voies et délais de recours, cela porterait atteinte au droit à un procès équitable prévu aux article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.



De son coté, la caisse soutient que le jugement ayant été notifié le 28 janvier 2023 ainsi qu'en atteste l'accusé réception détenu par la cour, l'assurée ne pouvait interjeter appel que jusqu'au 28 février 2023 ; qu'en interjetant appel le 27 mars 2023, l'appel de l'assurée est dès lors irrecevable.

Elle ajoute que contrairement à ce qu'indique l'assurée, les voies de recours étaient parfaitement

claires en ce que la notification précisait que la décision rendue en premier ressort était susceptible d'appel 'dans le délai d'un mois à compter de la présente notification' devant la cour d'appel de Versailles, le tribunal ayant également ajouté l'adresse de la cour.




MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur la recevabilité de l'appel



Sur la régularité de la notification du jugement



Aux termes de l'article 680 du code de procédure civile, l'acte de notification d'un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai d'opposition, d'appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l'une de ces voies de recours est ouverte, ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé ; il indique, en outre, que l'auteur d'un recours abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile et au paiement d'une indemnité à l'autre partie.



En l'espèce, le jugement du tribunal judiciaire de Versailles en date du 5 janvier 2023 a été rendu en premier ressort et de façon contradictoire. L'assurée était représentée par un avocat.



Le courrier de notification du jugement indique quatre natures de décisions : désistement, radiation et retrait du rôle, décision en premier ressort, décision en dernier ressort.

Elle précise notamment : 'Une décision en premier ressort est susceptible d'appel : l'appel doit être interjeté dans le délai d'un mois à compter de la présente notification par pli recommandé accompagné d'une copie de la décision à :

Cour d'appel de VERSAILLES

Chambre sociale

[Adresse 1]

[Localité 2]'



Au verso de ce courrier, une 'note explicative - voies de recours' détaille comment savoir si la décision est en dernier ou premier ressort, les modalités du pourvoi en cassation et de l'appel, le contenu de la déclaration d'appel. Une précision est apportée concernant le recours abusif et l'aide juridictionnelle.



Il en résulte que l'assurée avait connaissance, par la lecture du jugement notifié, que le jugement était en premier ressort et que la voie de recours était l'appel. La notice explicative lui rappelait d'ailleurs que le litige d'un montant supérieur à 4 000 euros était bien rendu en premier ressort.



Le délai d'un mois est mentionné au recto et au verso du courrier.



L'expression ' à compter de la présente notification', c'est-à-dire le jour où l'assurée a été destinataire du courrier de notification, exprime clairement le point de départ du délai d'un mois. Aucune date plus précise ne peut être apportée, le greffe ignorant lors de l'envoi le jour où le pli recommandé parviendra à l'intéressée.



L'article 6 - ' droit à un procès équitable' de la Convention européenne des droits de l'homme dispose que :



Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique,' lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts'de la justice.



L'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne précise que toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice.



En l'espèce, l'assurée a bénéficié d'un jugement devant le tribunal judiciaire de Versailles, après avoir été entendue ou représentée par un avocat et avoir pu présenter ses moyens de défense à une audience publique et dans un délai raisonnable.



Dans un jugement de sept pages, le tribunal a motivé longuement et clairement sa décision rejetant les moyens de l'assurée.



L'assurée a donc été personnellement informée des voies et délais de recours à l'encontre de ce jugement et a relevé appel de la décision.



Elle a donc pu bénéficier d'un procès équitable et des informations nécessaires pour pouvoir utilement former un appel.



En conséquence, la notification adressée par le greffe du tribunal judiciaire de Versailles a permis à l'assurée de connaître les voies et délais de recours contre le jugement du 5 janvier 2023 et est parfaitement régulière.



Sur les délais d'appel



Selon l'article 528 du code de procédure civile, le délai à l'expiration duquel un recours ne peut plus être exercé court à compter de la notification du jugement, à moins que ce délai n'ait commencé à courir, en vertu de la loi, dès la date du jugement.



Selon l'article 538 du même code, le délai de recours par une voie ordinaire est d'un mois en matière contentieuse.



Selon l'article 641 du même code, lorsqu'un délai est exprimé en mois ou en années, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai. A défaut d'un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois.



Aux termes de l'article 642 du même code, tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures. Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.



En l'espèce, le jugement entrepris a été notifié le 28 janvier 2023 ainsi qu'en atteste l'avis de réception signé par l'assurée figurant au dossier de la procédure, avec mention des voies et délais de recours alors que l'appel n'a été interjeté que le 27 mars 2023 à 18h30, par RPVA, soit postérieurement à l'expiration du délai d'un mois intervenu le 28 février 2023 de sorte que l'appel est irrecevable.





Sur les dépens et les demandes accessoires



L'assurée, qui succombe à l'instance, est condamnée aux dépens d'appel et corrélativement débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



L'équité commande de rejeter la demande de la caisse sur le même fondement.



PAR CES MOTIFS



La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,



Déclare irrecevable l'appel formé par Mme [F] [L] à l'encontre du jugement rendu le 5 janvier 2023 par le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles ;



Condamne Mme [F] [L] aux dépens d'appel ;



Déboute les parties de leur demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Signé par Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère, pour Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente empêchée, et par Madame Juliette DUPONT, Greffière, à laquelle le magistrat signataire a rendu la minute.





La GREFFIÈRE, P/ La PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE,

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