2 mai 2024
Cour d'appel de Versailles
RG n° 22/00805

Chambre sociale 4-6

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-6



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 02 MAI 2024



N° RG 22/00805 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VB4Q



AFFAIRE :



[J] [F] [H]





C/

Société MERCEDES BENZ [Localité 11]











Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Février 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : F19/01465



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Christine GERGAUD LERBOURG de la SELARL FRADET LERBOURG ASSOCIES FLA,



Me Franck LAFON







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DEUX MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



Madame [J] [F] [H]

née le 10 Mai 1978 à [Localité 9] (Australie)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 13]



Représentant : Me Christine GERGAUD LERBOURG de la SELARL FRADET LERBOURG ASSOCIES FLA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0264 substitué par Me Aurélie SMADJA avocat au barreau de PARIS







APPELANTE

****************





Société MERCEDES BENZ [Localité 11]



N° SIRET : 679 803 197

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentant : Me Franck LAFON,  avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - substitué par Me Christine LECOMTE avocat au barreau de PARIS







INTIMEE





****************







Composition de la cour :



En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 Janvier 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie COURTOIS, Président chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Nathalie COURTOIS, Président,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,



Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,








FAITS ET PROCÉDURE



A compter du 1er mars 2006, Mme [J] [F] [H] a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée, avec reprise d'ancienneté au 6 juin 2005, en qualité de vendeuse boutique, statut employé, par la SAS Mercedes-Benz [Localité 11], qui exerce une activité de services et ventes automobiles, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective des services de l'automobile.



En dernier lieu, à compter du 1er septembre 2009, Mme [J] [F] [H] exerçait les fonctions de vendeuse itinérante PRA, statut agent de maîtrise.



A compter du 22 janvier 2018, Mme [J] [F] [H] a été placée en arrêt maladie continu d'origine non-professionnelle.



Le 13 septembre 2018, Mme [J] [F] [H] a été reçue par le médecin du travail, pour un examen de pré-reprise, à l'issue duquel ont été émises les recommandations suivantes :

« Une étude de poste est à prévoir. A revoir à la reprise ».



Lors de la visite de reprise du 1er octobre 2018, le médecin du travail a déclarée la salariée inapte à son poste selon l'avis suivant :

« La salariée pourrait être affectée à un poste :

- sans objectifs commerciaux entraînant une part variable

- sans déplacements réguliers quotidiens notamment chez des clients (déplacements limités à 1

fois par semaine maximum)

La salariée pourrait être affectée à un poste fixe, avec possibilité de recevoir des clients. La salariée peut bénéficier d'une formation compatible avec ses capacités restantes sus-mentionnées.»



Par courrier du 4 décembre 2018, la société a proposé à Mme [J] [F] [H] un reclassement au poste de Star Expert, statut employé, pour un salaire brut de 2 200 euros.



Mme [J] [F] [H] s'étant positionnée sur le poste, la société l'a reçue en entretien, le 3 janvier 2019.



Par courrier du 19 janvier 2019, Mme [J] [F] [H] a refusé le poste au motif que la proposition ne constituait pas une offre de reclassement satisfaisante.



Par courrier du 22 janvier 2019, la société a informé Mme [J] [F] [H] de son impossibilité de reclassement.



Convoquée le 1er février 2019, à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 14 février suivant, Mme [J] [F] [H] a été licenciée par courrier du 22 février 2019, énonçant une inaptitude et impossibilité de reclassement.



La lettre de licenciement est ainsi rédigée :



« Madame,



Nous faisons suite à votre entretien préalable à éventuel licenciement du 14 février 2019 en présence de Monsieur [B] [O], Responsable Ventes/ Marketing Pièces & Services, et de Madame [N] [R], Responsable des Relations Individuelles.



Vous étiez assistée de Monsieur [A] [G].



Au cours de l'entretien, nous vous avons exposé les motifs nous ayant amenés à vous recevoir dans le cadre d'un entretien préalable à licenciement :



Le médecin du travail vous a déclarée inapte à votre poste de vendeuse itinérante pièces de rechange lors de votre visite médicale de reprise en date du 1er octobre 2018, et a émis l'avis suivant :



« Inapte.

La salariée pourrait être affectée au poste : Sans objectifs commerciaux entraînant une part variable Sans déplacements réguliers quotidiens, notamment chez des clients (déplacements limités à 1 fois par semaine maximum).

La salariée pourrait être affectée à un poste fixe, avec possibilité de recevoir des clients.

La salariée peut bénéficier d'une formation compatible avec ses capacités restantes sus-mentionnées».



Nous avons entamé, dès réception de cet avis, des recherches de reclassement qui ont été guidées par les préconisations du médecin du travail, et se sont effectuées sur le périmètre du groupe auquel appartient l'entreprise.



Ces recherches de reclassement nous ont permis d'identifier un poste de reclassement que nous vous avons proposé par courrier recommandé avec accusé de réception du 4 décembre 2018, à savoir précisément un poste de Star Expert dans notre entreprise.



A cet effet, nous vous avons précisé tous les éléments inhérents au poste, à savoir :

L'intitulé : Star Expert

La durée du travail : 35 heures hebdomadaires

Le statut : Employé Echelon 9

La rémunération : 2200 euros bruts mensuels

La localisation : [Localité 14]

Le descriptif des tâches : accueil du client, présentation des véhicules et informations produits auprès des clients, accompagnement essais des véhicules et mises en main lors des livraisons.



Nous vous avons demandé de bien vouloir nous donner votre position quant à cette proposition de reclassement au plus tard le 14 décembre 2018, en vous précisant qu'à défaut de réponse dans le délai précité, vous seriez réputée avoir refusé cette proposition de reclassement.

Par courrier du 11 décembre 2018, vous nous avez répondu que le poste de star expert vous intéressait vivement, et que vous souhaitiez cependant, avant de donner votre réponse, rencontrer le service de Ressources Humaines pour demander plus de détails sur le poste.



Vous nous avez également demandé la possibilité de rencontrer un star expert afin de vous conforter dans votre décision.



A votre demande, nous avons accepté de vous recevoir dans le cadre d'un entretien qui s'est tenu le 3 janvier 2019, lors duquel nous vous avons donné de plus amples détails, et avons répondu à l'ensemble de vos interrogations sur notre proposition de poste.



Lors de cet entretien du 3 janvier 2019, nous vous avons précisé que le poste de star expert dont la localisation est mentionnée dans notre courrier du 4 décembre 2018 sur notre site de [Localité 14], serait basé sur notre site de [12] au [Localité 5].



Nous vous avons expliqué que nous avions besoin d'un star expert à [12] dans le cadre de l'ouverture de ce nouveau site le 31 janvier 2019. Nous avons donné tous les renseignements relatifs à l'organisation de ce travail à [12], notamment la répartition des jours de travail sur la semaine, qui suppose de travailler le samedi et 12 dimanche dans l'année.



Nous avons également arrangé votre rencontre avec un star expert, monsieur [T] [L], qui a pu répondre à vos interrogations sur le poste de star expert.



Suite à cet entretien, nous vous avons donné un délai supplémentaire de réflexion, jusqu'au 18 janvier 2019.



Le 18 janvier 2019, vous avez explicitement refusé le poste proposé, considérant d'une part qu'il n'était pas compatible avec votre situation personnelle, au regard de l'éloignement géographique du site et de l'organisation de travail, et d'autre part au regard du salaire que nous n'estimez pas assez élevé par rapport au poste pour lequel vous avez été déclarée inapte.



Nous vous avons répondu que d'une part, s'agissant de l'éloignement géographique vous aviez signé contractuellement une clause de mobilité pour tous les sites actuels et à venir de notre entreprise Mercedes-Benz [Localité 11], comme c'est également le cas pour vos collègues.



D'autre part, nous vous avons rappelé, s'agissant de la rémunération proposée pour le poste de star expert, à hauteur de 2 200 euros bruts par mois, qu'elle est plus élevée que le salaire fixe de votre poste de vendeuse itinérante pièces de rechange 'pour lequel vous avez été déclarée inapte, qui s'articule à hauteur de 1920 euros bruts par mois.



Au regard de ces éléments, nous n'avons donc pas considéré que la proposition de salaire attachée au poste de star expert soit défavorable pour vous.



La proposition du poste de star expert était en outre conforme aux préconisations du médecin du travail.



Compte tenu de votre refus de cette proposition de poste et du fait que nous n'avions pas d'autres postes disponibles à vous proposer en adéquation avec les préconisations du médecin du travail, nous vous avons informée par courrier du 22 janvier 2019 de l'impossibilité de vous reclasser dans notre entreprise.



Au cours de l'entretien préalable à éventuel licenciement du 14 février 2019, nous vous avons une nouvelle fois confirmé qu'après mise en 'uvre de notre recherche de reclassement compte tenu des préconisations médicales formulées, il n'existait aucun poste de travail disponible correspondant à votre qualification et compatible avec votre état de santé, qui puisse nous permettre d'assurer votre reclassement.



Vous nous avez à nouveau précisé que vous ne considériez pas que notre proposition de poste de poste de star expert constituait une proposition de reclassement satisfaisante.



Vous nous avez reproché de vous avoir indiqué tardivement la localisation du poste de star expert sur notre site de [12] au [Localité 5], alors que dans notre courrier du 4 décembre 2018, nous avions indiqué que le poste serait localisé sur notre site de [Localité 14].



Comme nous vous l'avons indiqué à plusieurs reprises, notre site de [12] n'ayant ouvert que le 31 janvier 2019, nous n'avions aucune décision administrative début décembre nous permettant de vous donner de telles précisions.



Pour votre information, nous n'avons eu la confirmation de l'immatriculation de notre site de [12] au registre des sociétés que courant janvier 2019.



Quoiqu'il en soit, nous vous avons communiqué au cours d'un entretien le 3 janvier 2019 tous les éléments relatifs à ce poste: sa localisation à [12], la répartition de la durée du travail avec la précision du travail le samedi et 12 dimanches dans l'année. Nous avons pris le temps d'échanger avec vous sur cette proposition de poste, et vous avez bénéficié d'un délai de réflexion jusqu'au 18 janvier pour prendre une décision.



Vous avez considéré que la rémunération attachée au poste de star expert était bien inférieure à la moyenne de votre salaire perçu ces dernières années, de l'ordre selon vous de 3 483euros.



Nous vous avons précisé que nous n'étions pas d'accord avec vos explications et vos calculs pour la reconstitution de votre salaire moyen, et que par ailleurs, nous avions l'obligation de rechercher les postes disponibles que nous pouvions vous proposer dans le cadre de votre reclassement et qui sont en adéquation avec les préconisations du médecin du travail, quand bien même le niveau de rémunération ne correspond pas exactement à celui de votre dernier poste.



Au cours de l'entretien, vous nous avez enfin fait part d'une annonce que vous aviez vue pour un poste de secrétaire de livraison à [Localité 14] qui pourrait vous intéresser.



Compte tenu de la nature très temporaire du poste proposé, il ne nous a pas paru pertinent de vous le proposer, car il ne nous semblait pas pouvoir constituer une réelle opportunité de reclassement.



Néanmoins, nous vous avons proposé par mail avec accusé de réception du 19 février 2019 en vous précisant sa nature temporaire, puisqu'il s'agit d'une mission d'une semaine, du 25 février au 1er mars 2019, pour un motif de remplacement partiel de l'une de nos collaboratrices absente dans le service Véhicules d'Occasion de [Localité 14].



Nous vous avons communiqué par mail du 19 février 2019 tous les éléments inhérents au poste, à savoir sa localisation, sa rémunération, la durée du travail et sa mission.



Vous nous avez néanmoins refusé cette proposition, et avez précisé dans votre mail: « Votre proposition me parait farfelue et sans intérêts ni pour Mercedes ni pour moi. »



Vous nous avez également fait part de votre étonnement car l'annonce que vous aviez vue sur le site «Indeed » faisait état d'un poste CDD d'une durée de 6 mois.



L'annonce a été mise pour un CDD de remplacement partiel de l'une de nos collaboratrices absente en arrêt maladie. Son dernier arrêt prenait fin le 1er mars. Vous comprenez qu'il nous est difficile d'avoir une quelconque visibilité sur la durée de ses prolongations.



Vous nous avez également reproché notre manque de sérieux dans nos recherches de reclassement.



Nous tenons une dernière fois à vous rappeler que nos recherches de reclassement ont été honnêtes et loyales, et que nous nous sommes donnés du temps supplémentaire pour avoir toutes les chances de trouver un poste permettant votre reclassement, ce qui explique aussi le délai écoulé depuis votre avis d'inaptitude en date du 1er octobre 2018.



Durant ces quatre mois et demi, nous avons procédé à des recherches de reclassement qui soient compatibles avec les préconisations du médecin du travail.



Suite à cet entretien préalable et après dernière étude effectuée de toutes les alternatives envisageables, nous vous confirmons qu'il n'existe toujours malheureusement à ce jour aucune solution qui puisse nous permettre d'assurer votre reclassement.



En conséquence, nous sommes donc contraints de vous notifier votre licenciement en raison de votre inaptitude et de l'impossibilité de vous reclasser, suite à votre refus de nos propositions de reclassement et faute d'autre solution de reclassement possible.



Conformément aux dispositions de l'article L1226-4 du Code du Travail, et compte tenu de l'origine non professionnelle de votre inaptitude, la rupture de votre contrat de travail intervient dès la date de notification de votre licenciement, soit le 22 février 2019.



Votre préavis ne sera pas exécuté. La durée de ce préavis inexécuté est néanmoins prise en compte pour le calcul de votre indemnité de licenciement.



Par ailleurs, en application des dispositions de l'article 2-10 d) de notre convention collective des services automobile, il vous sera néanmoins versé une indemnité compensatrice de préavis sous déduction des indemnités versées par la sécurité sociale et l'institution de prévoyance pour la période correspondant au préavis non effectué ['] »



Mme [J] [F] [H] a saisi, le 11 juillet 2019, le conseil de prud'hommes de Nanterre en vue de solliciter la requalification de son licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir la condamnation de la société au paiement de diverses sommes, de nature salariale et indemnitaire, ce à quoi la société s'est opposée.



Par jugement rendu le 15 février 2022, notifié le 2 mars 2022, le conseil a statué comme suit:


dit que le licenciement de Mme [J] [F] [H] pour inaptitude est justifié

déboute Mme [J] [F] [H] de l'ensemble de ses demandes

reçoit en son principe la demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentée par la société Mercedes-Benz [Localité 11] mais n'y fait pas droit

met les éventuels dépens à la charge de Mme [J] [F] [H].




Le 11 mars 2022, Mme [J] [F] [H] a relevé appel de cette décision par voie électronique.



Par conclusions, notifiées par RPVA le 6 octobre 2023, Mme [J] [F] [H] demande à la cour de :


infirmer le jugement en ses dispositions qui ont dit que le licenciement de Mme [J] [F] [H] pour inaptitude était justifié, débouté Mme [J] [F] [H] de l'ensemble de ses demandes, reçu en son principe la demande formulée par la société Mercedes-Benz [Localité 11] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et mis les éventuels dépens à la charge de Mme [J] [F] [H],


Statuant à nouveau,


condamner la société Mercedes-Benz [Localité 11] à payer à Mme [J] [F] [H] la somme de 35 133,77 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêt au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir

condamner la société Mercedes-Benz [Localité 11] à remettre à Mme [J] [F] [H] une attestation Pôle Emploi dûment rectifiée sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document

condamner la société Mercedes-Benz [Localité 11] à régler à Mme [J] [F] [H] la somme de 4 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

condamner la société Mercedes-Benz [Localité 11] aux entiers dépens.




Par conclusions, notifiées par RPVA le 30 août 2022, la société Mercedes-Benz [Localité 11] demande à la cour de :


déclarer l'appel de Mme [J] [F] [H] recevable mais non-fondé

confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

débouter Mme [J] [F] [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions


Y ajoutant,


condamner Mme [J] [F] [H] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

condamner Mme [J] [F] [H] aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Lafon en application de l'article 699 du code de procédure civile.




Par ordonnance rendue le 18 octobre 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 30 janvier 2024.



Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu'aux développements infra.




MOTIFS DE LA DÉCISION




Sur le moyen tiré du non-respect par la société de ses obligations




Mme [J] [F] [H] reproche à la SAS Mercedes-Benz [Localité 11] :

- de n'avoir pas consulté les délégués du personnel pour solliciter leur avis sur le poste de reclassement,

- d'avoir fait preuve d'une déloyauté manifeste dans ses recherches et propositions de reclassement,

- ne pas justifier de la réalité et de l'étendue de ses recherches de reclassement.



Elle soutient qu'après avoir informé la SAS Mercedes-Benz [Localité 11] de son intérêt pour le poste tel que proposé le 4 décembre 2018, son employeur s'est empressé de changer les conditions pour rendre cette proposition incompatible avec ses contraintes organisationnelles, étant mère célibataire.



La SAS Mercedes-Benz [Localité 11] conteste cette analyse et soutient qu'elle a été loyale dans l'exécution de son obligation de reclassement et qu'elle ne pouvait consulter ni de CSE ni de délégués du personnel faute d'exister au jour du prononcé de l'inaptitude de Mme [J] [F] [H] et de son licenciement.



Il convient de rappeler que les modalités de recherche de reclassement selon que l'inaptitude est ou non consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle ont été alignées par la loi n° 2016-1088 du 1er août 2016 et que les dispositions applicables en matière de recherche de reclassement sont celles en vigueur à la date à laquelle a été constatée l'inaptitude (Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 20-20.717, publié) y compris concernant la consistance du groupe (Soc., 5 juillet 2023, pourvoi n°21-24.703, publié).





Sur l'obligation de consulter les délégués du personnel ou le comité social et économique (CSE)





Selon l'article L1226-2 du code du travail, 'Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail'.



C'est ainsi que dès lors que l'inaptitude a été constatée après le 1er janvier 2017 et le licenciement pour impossibilité de reclassement prononcé postérieurement à cette date, il y a lieu de consulter les délégués du personnel avant de procéder au licenciement.



Le défaut de consultation des délégués du personnel ou du CSE prive le licenciement de cause réelle et sérieuse. Cette jurisprudence constante en matière de licenciement pour inaptitude

consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle a été étendue aux licenciement pour inaptitude non consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle (Soc., 30 septembre 2020, pourvoi n° 19-11.974, publié).



L'avis des délégués du personnel doit être recueilli après que l'inaptitude du salarié a été constatée mais avant la proposition d'un poste de reclassement approprié. Les délégués du personnel (ou le CSE) doivent être consultés même lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un poste de reclassement conforme aux préconisations du médecin du travail



L'employeur ne peut se soustraire à cette obligation dès lors que la mise en place de délégués du personnel (ou d'un CSE) est obligatoire et qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi. Toutefois, il n'appartient pas au juge prud'homal de se prononcer sur la régularité des opérations électorales. (Soc., 8 juillet 2020, pourvoi n° 18-26.806 ).



En l'espèce, la SAS Mercedes-Benz [Localité 11] justifie qu'il n'existait pas de CSE au jour du prononcé de l'inaptitude de Mme [J] [F] de La grange et de son licenciement (pièce 13) pas plus que de délégués du personnel (pièce 14), le site de [Localité 6] où était affectée Mme [J] [F] [H] n'étant ouvert que depuis le 1er avril 2016 (pièce 29), soit bien après les élections des délégués du personnel qui se sont tenues le 2 juin 2015 (pièce 28), précision faite que les mandats sont d'une durée de 4 ans et que le CSE a été mis en place par accord préélectoral du 2 mai 2019, le premier tour s'étant tenu le 12 juin 2019 soit bien après le licenciement de Mme [J] [F] [H] (pièces 30-32).



Or, il convient de rappeler que si une entreprise compte des établissements distincts, seuls les délégués du personnel de l'établissement dans lequel travaille le salarié inapte doivent être consultés (Cass. soc., 13'nov. 2008, n°'07-41.512, publié). À défaut de délégués du personnel dans un établissement de moins de 11 salariés, l'avis des délégués du personnel d'un autre établissement distinct doit être sollicité (Cass. soc., 7'déc. 2016, n°'14-27.232, publié).



La situation de la société était différente de celle visée par l'arrêt précité dès lors qu'il n'est pas contesté par la salariée que l'établissement de [Localité 6] constituait un établissement distinct.



L'employeur ne pouvait donc pas consulter un délégué du personnel d'un autre site comme le suggére la salariée dès lors qu'un délégué ne peut exercer ses fonctions que dans l'établissement même où il a été élu (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 novembre 2016, 15-16.026, Publié) et ne peut donc pas intervenir dans un établissement de plus de 10 salariés sans y avoir été régulièrement élu. Il convient de rappeler que les délégués du personnel devant être consultés sur les possibilités de reclassement du salarié déclaré inapte suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle sont, dans le cas où l'entreprise comporte des établissements distincts, les délégués de l'établissement dans lequel le salarié exerçait (Cour de cassation, ch.soc.du 13 novembre 2008, 07-41.512, publié). Il n'est pas soulevé d'autres moyen par la salariée.



Ce moyen sera donc rejeté.





Sur le respect de l'obligation de reclassement





Selon l'article L1226-2-1 du code du travail, 'Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre'.



Cet article met fin à la jurisprudence antérieure, la chambre sociale jugeant auparavant que le refus d'un ou plusieurs postes par le salarié ne caractérisait pas à lui seul l'impossibilité de procéder au reclassement du salarié. L'employeur devait démontrer qu'il ne disposait pas d'autre poste de reclassement.



La SAS Mercedes-Benz [Localité 11] rappelle que l'obligation de reclassement est une obligation de moyen.



Il résulte des pièces du dossier que la SAS Mercedes-Benz [Localité 11] a proposé à Mme [J] [F] [H] un poste de reclassement en tenant compte des préconisations du médecin du travail et en associant autant que possible Mme [J] [F] [H] à cette recherche de reclassement, en l'informant des démarches entreprises pour son reclassement (pièce 3), en lui proposant un poste dès le 4 décembre 2018 au sein de l'entreprise (pièce 4), en répondant favorablement à sa demande d'entretien pour obtenir plus de précision sur cette proposition et de rencontre d'un salarié occupant déjà cet emploi et la personne à laquelle elle serait rattachée (pièce 5 et 6).



Comme rappelé par la SAS Mercedes-Benz [Localité 11], le médecin du travail a dit que le reclassement était possible sur un poste fixe avec possibilité de recevoir des clients, mais sans que ce poste soit assorti d'objectifs commerciaux entraînant une part variable.



Cet avis d'inaptitude excluait, ce que Mme [J] [F] [H] ne conteste pas, tous les postes des services commerces tels que les postes de vendeur de véhicules neufs (VN) ou d'occasion (VO), de chef de vente VO ou VN, d'attaché commercial VN ou VO, de chef de produits véhicules, de conseiller des ventes VN ou VO, de chargé de clientèle, de magasinier comptoir et d'opérateur téléconseiller ; tous ces postes comportent en effet, une rémunération variable, incitative basée sur des critères individuels, voire sur des critères collectifs pour les opérateurs téléconseillers.



Par ailleurs, ayant une expérience d'assistante commerciale, de vendeuse ou de commerciale de terrain, elle ne pouvait se voir proposer des postes en atelier qui auraient nécessité une formation initiale que Mme [J] [F] [H] ne possédait pas, ce qui n'est pas plus contesté par cette dernière.



La SAS Mercedes-Benz [Localité 11] lui a donc proposé un poste de 'star expert' comprenant les missions suivantes: accueil du client, présentation des véhicules et informations produits auprès des clients, accompagnement essai des véhicules et mise en main lors des livraisons (pièce 4).



Intéressée par ce poste, la SAS Mercedes-Benz [Localité 11] a proposé à Mme [J] [F] [H] un entretien le 3 janvier 2019 afin de lui permettre d'obtenir plus de précisions sur ce poste et de poser toutes les questions utiles pour mieux en appréhender les contours.



Elle a refusé ce poste par courrier du 18 janvier 2019 aux motifs pour l'essentiel que le salaire était inférieur à celui qu'elle percevait avant l'avis d'inaptitude, que le poste était situé au [Localité 5], à [12] et non à [Localité 14] comme initialement indiqué et que ce poste imposait de travailler les samedis et 12 dimanches dans l'année.



S'agissant du lieu du travail, la SAS Mercedes-Benz [Localité 11] justifie que le poste proposé en décembre à Mme [J] [F] [H] concernait un site en cours de création, non encore ouvert (pièce 19), que ce projet avait été soumis à la consultation du comité d'entreprise, que l'ouverture était prévue pour fin janvier 2019 mais qu'au 4 décembre 2018, la SAS Mercedes-Benz [Localité 11] n'avait toujours pas eu l'autorisation d'ouverture, raison pour laquelle elle a indiqué dans un premier temps que le poste se situait au siège de [Localité 14]. Elle dit avoir informé Mme [J] [F] [H] du lieu de [12] lors de l'entretien du 3 janvier 2019, ce que Mme [J] [F] [H] confirme dans son courrier du 18 janvier 2019 (pièce 8). C'est ainsi que tous les salariés engagés en qualité de star expert, affectés provisoirement sur le site de [Localité 14], ont été mutés sur le site de [Localité 5] [12] (pièces 15, 16 et 22).



Comme relevé par la SAS Mercedes-Benz [Localité 11], les sites de [12] et de [Localité 6] se situent dans le même bassin d'emploi, le trajet entre le domicile de Mme [J] [F] [H] ([Localité 13]) et [12] se situe à moins de 30 minutes de trajet et son contrat de travail comporte une clause de mobilité selon laquelle 'elle sera affectée à l'établissement de [Localité 10] de la SAS Mercedes-Benz [Localité 11], étant entendu qu'elle s'engage à travailler dans les différents établissements actuels et/ou futurs de la SAS Mercedes-Benz [Localité 11], au sein de [Localité 11], région parisienne et Ile de France au fur et à mesure des affectations qui lui seront données', éléments non contestés par Mme [J] [F] [H].



Mme [J] [F] [H] ne peut pas déduire de ce changement de lieu une quelconque déloyauté de la part de la SAS Mercedes-Benz [Localité 11] outre le fait que cela ne remet pas en cause l'existence de la proposition du poste.



S'agissant du salaire, il n'est pas contestable que le salaire brut du poste proposé (2200 euros bruts) est supérieur à celui que Mme [J] [F] [H] percevait avant son inaptitude (1920 euros bruts) (pièce appelante 2). Il convient de relever que Mme [J] [F] [H] n'invoque plus aujourd'hui de différence salariale défavorable, motif figurant dans son courrier de refus du poste.



S'agissant des jours de travail, Mme [J] [F] [H] reproche à la SAS Mercedes-Benz [Localité 11] de ne pas l'avoir informée dès le 4 décembre 2018 que ce poste impliquait de travailler le samedi et 12 dimanches par an. Néanmoins, il convient de relever que l'article 5 de son contrat de travail prévoyait la possibilité de 'travailler le samedi en fonction des nécessités de service'. Par ailleurs, au même titre que pour le lieu, l'information donnée le 3 janvier 2019 ne remet pas en cause la proposition de cet emploi de reclassement outre le fait qu'un temps de réflexion lui a été accordé jusqu'au 18 janvier 2019. Il ne peut être déduit de cet élément une quelconque déloyauté de la part de la SAS Mercedes-Benz [Localité 11].



Mme [J] [F] [H] invoque deux postes qui étaient susceptibles de l'intéresser et qui ne lui ont pas été proposés: un poste de conseiller des ventes sociétés et un poste de secrétaire SAV.



La SAS Mercedes-Benz [Localité 11] fait remarquer, sans être contredite par Mme [J] [F] [H], que:

- s'agissant du poste de conseiller des ventes société à [Localité 4], celui-ci prévoyait une rémunération de 2 000 euros /mois, et des primes sur objectifs, incompatibles avec l'avis du médecin du travail, outre le fait que ce poste présentait les mêmes points négatifs soulevés par Mme [J] [F] [H] lors de son refus du poste de [12] à savoir un salaire de 2000 euros, la possibilité de travailler le samedi et une distance avec son domicile très semblable à celle du [Localité 5].

- s'agissant du poste de secrétaire SAV à [Localité 15] (93), ce poste impliquait une supervision de deux équipes rattachées à [Localité 8] et à [Localité 7], une distance encore plus grande de son domicile et l'absence de compétences requises pour ce poste outre le fait que le poste de secrétaire SAV a été créé le 21 février 2019, soit après son licenciement.



Enfin, Mme [J] [F] [H] indique avoir évoqué lors de l'entretien du 3 janvier 2019 un CDD de 6 mois pour un poste de secrétaire livraison disponible à [Localité 14] publié sur le site Indeed, poste qui en réalité était un CDD d'une semaine et que la société lui a proposé à sa demande.



Il convient de relever que Mme [J] [F] [H] ne produit aucune pièce sur cette publication confirmant la durée de 6 mois invoquée par elle, la SAS Mercedes-Benz [Localité 11] expliquant au contraire que ce CDD n'était que d'une semaine pour remplacer une salariée absente et justifiant l'avoir proposé à Mme [J] [F] [H] pour répondre à sa demande en précisant la durée d'une semaine et les autres conditions de ce poste notamment un salaire de 2083 euros, une durée de travail de 35h avec la possibilité de travailler le samedi en cas de besoin du service, proposition de poste qui sera refusée par Mme [J] [F] [H].



Si Mme [J] [F] [H] fait remarquer qu'il résulte du registre du personnel que ce poste a été occupé en réalité non pas une semaine mais deux mois, pour autant cela ne remet pas en cause qu'il s'agissait d'un poste très limité dans le temps.



Enfin, la SAS Mercedes-Benz [Localité 11] justifie avoir interrogé par courriels les entreprises du groupe Daimler par courriels du 8 janvier 2019, en joignant le curriculm vitae de Mme [J] [F] et en faisant état de l'avis d'inaptitude dont elle faisait l'objet, sans résultat positif. Mme [J] [F] [H] ne peut reprocher à la SAS Mercedes-Benz [Localité 11] la tardiveté de la consultation des sociétés du groupe alors qu'elle lui avait proposé un poste conforme aux dispositions légales dès le 4 décembre 2018 et qu'elle avait fait connaître ses contraintes géographique et familiale.



En effet, il convient de rappeler que l'employeur appartenant à un groupe dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assure la permutation de tout ou partie du personnel doit y rechercher des emplois disponibles pour le reclassement préalable au licenciement si ce reclassement n'a pas pu être opéré dans l'entreprise.



En l'espèce, la SAS Mercedes-Benz [Localité 11] ayant proposé un emploi de reclassement dans l'entreprise et dans les conditions prévues à l'article L1226-2 du code du travail en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail, l'obligation de reclassement est réputée satisfaite et Mme [J] [F] [H] sera déboutée de sa demande de requalification du jugement par confirmation du jugement.




Sur l'article 700 du code de procédure civile




Il n'y a pas lieu de faire droit à ces demandes.




Sur les dépens




Il convient de condamner Mme [J] [F] [H] aux dépens.



PAR CES MOTIFS



La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,



Confirme le jugement du conseil des prud'hommes de Nanterre du 15 février 2022 en toutes ses dispositions ;



Y ajoutant;



Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne Mme [J] [F] [H] aux dépens.





- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Madame Nathalie COURTOIS, Président et par Madame Isabelle FIORE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





Le greffier, Le président,

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