2 mai 2024
Cour d'appel de Poitiers
RG n° 23/01884

4ème Chambre

Texte de la décision

ARRET N°



N° RG 23/01884 - N° Portalis DBV5-V-B7H-G3QQ









[V]

[M]



C/



[M]



















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



4ème Chambre Civile



ARRÊT DU 02 MAI 2024





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/01884 - N° Portalis DBV5-V-B7H-G3QQ



Décision déférée à la Cour : ordonnance du 20 juin 2023 rendue par le Juge de la mise en état du tribunal judiciaire des SABLES D'OLONNE





APPELANTS :



Monsieur [Y] [O] [F] [C] [V]

né le [Date naissance 5] 1951 à [Localité 11]

[Adresse 4]

[Adresse 4]





ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS



ayant pour avocat plaidant Me Anne-Laure LE BLOUC'H, avocat au barreau d'ANGERS



Madame [A] [S] [E] [T] [K] [M] épouse [V]

née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 8]

[Adresse 4]

[Adresse 4]



ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS



ayant pour avocat plaidant Me Anne-Laure LE BLOUC'H, avocat au barreau d'ANGERS





INTIME :



Monsieur [R] [H] [S] [G] [M]

né le [Date naissance 2] 1954 à [Localité 8]

[Adresse 6]

[Adresse 6]





ayant pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON - YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS



ayant pour avocat plaidant Me Corinne LEONE, avocat au barreau de NANTES



COMPOSITION DE LA COUR :



En application des articles 805 et 907 du Code Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 13 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :



Monsieur Denys BAILLARD, Président, qui a présenté son rapport.



qui a entendu seul les plaidoiries et a rendu compte à la Cour, composée lors du délibéré de :



Monsieur Denys BAILLARD, Président

Madame Marie-Béatrice THIERCELIN, Conseillère

Madame Anne LE MEUNIER, Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles



qui en ont délibéré



GREFFIER, lors des débats : Madame Diane MADRANGE,









ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE



- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,






***************



EXPOSÉ DU LITIGE



Dans des conditions de régularité, de forme et de délai non discutées, M. [V] et Mme [M] épouse [V] ont interjeté appel le 2 août 2023 d'une ordonnance prononcée le 20 juin 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire des Sables d'Olonne qui a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription,

- déclaré M. [M] recevable en ses demandes dirigées contre Mme [M] épouse [V] et M. [V],

- rejeté les demandes d'indemnités formées par Mme [M] épouse [V] et par M. [V] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance au fond.



Les appelants sollicitent de la cour qu'elle :

- déboute M. [M] de toutes ses demandes, fins et conclusions, comme étant prescrites et donc irrecevables,

- le condamne à leur verser une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamne aux entiers dépens.



A l'appui de leurs prétentions, ils indiquent qu'ils sont autant recevables que bien fondés en leur fin de non-recevoir.



En effet conformément aux dispositions de l'article 122 du code de procédure civile constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Tel est spécifiquement le cas en l'espèce puisque M. et Mme [V] requièrent que soit constatée l'acquisition de la prescription de l'instance initiée à leur encontre.

L'article 123 du même code prescrit que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause.

Sur le bien-fondé de la fin de non-recevoir, les appelants rappellent que l'action en requalification de la vente immobilière en donation déguisée et le motif d'atteinte à la réserve successorale ressortent d'actions personnelles comme l'action aux fins de constatation de recel successoral.

En l'occurrence, l'acte de vente immobilière dont il est question et pour lequel l'intimé soutient que les appelants auraient bénéficié d'une donation indirecte et auraient recelé des droits relevant de la succession, a été conclu le 21 mars 1996 et a été publié au bureau des hypothèques le 10 mai 1996.

La date de publication au service de la publicité foncière des actes critiqués constitue le point de départ de la prescription quinquennale et toute action personnelle entreprise à l'issue de ce délai est prescrite et ce quel qu'en soit l'objet.

En l'espèce dès lors que la publicité de l'acte de vente immobilière a été réalisée le 10 mai 1996 le délai de prescription courait à compter de cette date pour expirer le 10 mai 2001.

L'assignation établie dans l'intérêt de M. [R] [M] a été signifiée à Mme [V] le 21 septembre 2021 et celle en intervention forcée délivrée à M. [V] le 4 mars 2022.

A ces deux dates, le délai de prescription était expiré en sorte que l'instance introduite par M. [M] est irrecevable.



M. [M] sollicite quant à lui, la confirmation pure et simple de l'ordonnance du 20 juin 2023.

Le point de départ de la prescription de son action comme toute action en réduction, prenait naissance à compter du jour où il a eu connaissance de l'atteinte portée à sa réserve.

Bien avant la procédure engagée devant le tribunal, il avait interrogé le notaire en charge de la succession auprès de qui il s'étonnait que la maison de ses parents ne figure plus à l'actif successoral, et encore davantage du fait que celle-ci avait été vendue à la SCI [7] à un prix inférieur à sa valeur vénale.

Il faisait savoir au notaire que si cette vente devait s'apparenter à une donation indirecte, la question du rapport voire d'un recel successoral se posait.

Son action est bien une action personnelle, au sens de l'article 2224 du code civil mais il n'a eu connaissance de la consistance du patrimoine composant la succession de ses parents qu'au moment du décès de sa mère survenu le [Date décès 3] 2020.

C'est donc seulement à cette date, qu'il pouvait connaître la consistance de l'actif successoral et déterminer si oui ou non, une atteinte avait été portée à sa réserve.



Vu les dernières conclusions des appelants en date du 5 janvier 2024 ;

Vu les dernières conclusions de l'intimé du 25 septembre 2023 ;

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2024.






SUR QUOI





Mme [D] veuve de M. [R] [M] est décédée le [Date décès 3] 2020 à [Localité 9].



Elle a laissé pour recueillir sa succession :

- Mme [A] [M] épouse [V], sa fille,

- M. [R] [M], son fils.



Maître[P] notaire a été chargé des opérations de succession.



Les parents des parties ont vendu leur maison le 21 mars 1996, à la SCI [7] dont les gérants et associés sont Mme et M. [V].

C'est dans ces conditions que M. [M] a assigné les consorts [V] aux fins notamment de :

- constater l'existence de la donation rapportable réalisée au profit de Mme [V] par ses parents le 21 mars 1996, pour un montant de 63.000 euros,

- réintégrer cette donation dans le partage successoral de la de-cujus,

- priver Mme [V] de tout droit sur cette somme recelée ainsi que les frais produits par cette somme.



Dans le cadre de cette instance le juge de la mise en état a rendu l'ordonnance critiquée satuant sur la prescription de l'action engagée en réintégration de cette donation et en recel.



Les parties à hauteur de cour ne contestent pas le caractère de fin de non recevoir du moyen tiré de la prescription d'une action, susceptible d'être soulevé à tous moments de la procédure, ni du caractère personnel de l'action engagée se prescrivant par 5 ans conformément à l'article 2224 du code civil.



Seul l'établissement du point de départ de l'action engagée par M. [M] sera par conséquent examiné par la cour.



En l'espèce il résulte des assignations signifiées à Mme [V] le 21 septembre 2021 et en intervention forcée à M. [V] le 4 mars 2022 que M. [M] sollicite de la juridiction saisie au fond, notamment de constater l'existence d'une donation rapportable dans l'acte de vente intervenu le 21 mars 1996 de l'immeuble des parents des parties à la SCI [7] et faire application de l'aricle 778 applicable en l'espèce sur le recel successoral.



Cette action de nature personnelle soumise à la prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil, coure à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Ce n'est que lorsque la fraude du débiteur a empêché le créancier d'exercer son action que le point de départ en est reporté au jour où il a effectivement connu l'existence de l'acte fait en fraude de ses droits (3e Civ., 12 novembre 2020, pourvoi n° 19-17.156).



En outre conformément à l'article 921 du code civil :

'La réduction des dispositions entre vifs ne pourra être demandée que par ceux au profit desquels la loi fait la réserve, par leurs héritiers ou ayants cause : les donataires, les légataires, ni les créanciers du défunt ne pourront demander cette réduction, ni en profiter.

Le délai de prescription de l'action en réduction est fixé à cinq ans à compter de l'ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l'atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès.'



Si l'acte de vente du 21 mars 1996, contesté dans sa véritable nature, a bien été enregistré le 10 mai 1996 à la Conservation des hypothèques des [Localité 10] ce n'est que fin 2020 que l'intimé a pu avoir connaissance de la vente de l'immeuble à la SCI [7] dans des circonstances susceptibles de porter atteinte à sa réserve héréditaire, peu importe la nature des relations entre M. [M] et ses parents jusqu'à cette date.



Eu égard à la fois aux circonstances de cette vente à une SCI, sans identification dans l'acte de l'identité des gérants de celle-ci, mais également en application de l'article susvisé l'action en réduction de libéralité engagée par l'intimé n'est pas prescrite.



L'action en recel par application de l'article 778 du code civile susceptible d'être retenue si la vente devait être requalifiée ne l'est en conséquence pas plus.



La décison critiquée sera dès lors confirmée.



Mme et M. [V] succombants seront condamnés aux dépens et à payer à M. [M] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS



LA COUR



Au fond,



Statuant dans les limites de l'appel,



confirme la décision déférée en ce qu'elle a déclaré M. [M] recevable en ses demandes dirigées contre Mme [M] épouse [V] et M. [V],



Y ajoutant,



Condamne Mme et M. [V] aux dépens et à payer à M. [M] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.







Le présent arrêt a été signé par Denys BAILLARD, Président, et par Diane MADRANGE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.







LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,









D. MADRANGE D. BAILLARD

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