2 mai 2024
Cour d'appel de Pau
RG n° 24/01284

Chambre des étrangers-JLD

Texte de la décision

N°24/01505



REPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE



COUR D'APPEL DE PAU



L743-21, L743-23, R743-10, R743-11 et R743-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,



ORDONNANCE DU deux Mai deux mille vingt quatre





Numéro d'inscription au répertoire général N° RG 24/01284 - N° Portalis DBVV-V-B7I-I2WN



Décision déférée ordonnance rendue le 30 AVRIL 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne,



Nous, Véronique GIMENO, Conseillère, désignée par Ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Pau en date du 18 décembre 2023, assistée de Julie FITTES-PUCHEU, Greffier,




APPELANT



M. X SE DISANT [U] [S]

né le 10 Août 1998 à [Localité 4]

de nationalité Algérienne



Retenu au centre de rétention d'[Localité 3]



Comparant et assisté de Maître Maripierre MASSOU DIT LABAQUERE et de Monsieur [K] [W], interprète assermenté en langue arabe



INTIMES :



Le PREFET DES PYRENEES ATLANTIQUES, avisé, absent, ayant transmis son mémoire par voie électronique le 2 mai 2024 à 8h54





MINISTERE PUBLIC, avisé de la date et heure de l'audience, n'ayant pas transmis d'avis



ORDONNANCE :



- réputée contradictoire, après débats en audience publique,



*********



M. X se disant [U] [S] est né le 24 août 2005 à [Localité 4] (Algérie), il est de nationalité algérienne. Il ne dispose pas de document d'identité ou de voyage en cours de validité, ni d'un domicile fixe avéré sur le territoire, ni de ressources stables issues d'une activité exercée régulièrement. Il n'a jamais sollicité la régularisation de sa situation administrative depuis son entrée sur le territoire français.



Le 16 mai 2023, il a été condamné par le tribunal pour enfants de Mulhouse, à une peine d'emprisonnement de six mois, pour des faits de vol en réunion, vol aggravé par deux circonstances et recel en récidive.



Le 16/09/2023 le préfet du Haut Rhin prenait à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français avec interdiction de retour pour une durée de 3 ans, qui lui a été notifiée le 15/09/2023.



Le 04 octobre 2023, un arrêté portant assignation à résidence pris par le préfet du Haut-Rhin le même jour lui était notifié.



Le 14 mars 2024 il a été condamné par le tribunal correctionnel de Bayonne à une peine d'emprisonnement de deux mois, pour violence commise en réunion sans incapacité ;



Il a été entendu le 09 mars 2024 et le 10 avril 2024 par le service interdépartemental de la police aux frontières d'Hendaye sur la mesure d'éloignement dont il faisait l'objet.



Selon décision en date du 27/04/2024, notifiée le même jour à 10:08, l'autorité administrative a ordonné le placement de M. X se disant [U] [S] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.



Selon requête en date du 28/04/2024 reçue le 28/04/024 à 18h02 et enregistrée le 29/04/2024 à 14h30 le préfet des Pyrénées atlantiques a saisi le juge des libertés et de la détention de Bayonne aux 'ns de prolongation de la rétention de M. X se disant [U] [S], dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de vingt-huit jours.



Selon ordonnance du 30 avril 2024, à 14h59, le juge des libertés et de la détention de Bayonne a :

- rejeté l'exception de nullité soulevée par le conseil de M. X se disant [U] [S]

- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative présentée par le préfet des Pyrénées Atlantiques

-ordonné la prolongation de la rétention de M. X se disant [U] [S] pour une durée de vingt-huit jours à l'issue du délai de 48 heures de la rétention.





Vu la notification de l'ordonnance faite à M. X se disant [U] [S] le 30 avril 2024 à 15 h 00.



Vu la déclaration d'appel motivée formée par le conseil de M. X se disant [U] [S] reçue le 30 avril 2024 à 18 h 28 aux fins de :

- JUGER que le placement en rétention administrative est irrégulier,

- JUGER que la requête préfectorale en prolongation est irrecevable,

- REFORMER la décision rendue le 30 avril 2024 par le Juge des Libertés et de la Détention de BAYONNE,

- ANNULER la décision de placement en rétention prise à l'encontre de Monsieur [S]

- REJETER la requête en prolongation du Préfet des PYRENEES ATLANTIQUES,

- ORDONNER la remise en liberté de Monsieur [U] [S].



A l'appui de son appel, le conseil de M. X se disant [U] [S] soulève avant toute défense au fond une exception de nullité. Il expose que l'arrêté de placement en rétention ne mentionne ni le nom, ni les coordonnées de l'interprète, ni ses coordonnées, en violation de l'article L 141-3 du CESEDA ; que sa notification a été faite par le biais d'un interprète, au téléphone, à 10 h 15 soit sept minutes après la levée d'écrou et que l'heure de notification du placement a été grossièrement modifiée manuscritement, ce qui l'a privé injustement de sa liberté pendant 7 minutes. Considérant que ces deux points constituent des irrégularités procédurales qui lui causent nécessairement grief, il sollicite que la décision de placement en rétention soit annulée et que M. X se disant [U] [S] soit remis en liberté.



Dans un second temps, au visa de l'article L 741-6 du CESEDA, il conteste la régularité de la requête préfectorale pour défaut de motivation et de prise en compte de l'état de santé et de vulnérabilité de M. X se disant [U] [S]. Il rappelle que la motivation doit prendre en compte l'ensemble des éléments pertinents de la situation individuelle de l'étranger et qu'à défaut le juge est placé dans l'incapacité d'apprécier le caractère nécessaire et proportionné de la rétention et de sa prolongation, le privant de l'exercice de son pouvoir de contrôle.



Il rappelle également que la décision du préfet doit examiner et prendre en compte l'état de santé et de vulnérabilité de l'étranger. Il produit des documents médicaux attestant que M. X se disant [U] [S] souffre d'importantes pathologies pulmonaires ayant conduit à sa précédente libération du centre de rétention de [Localité 6], ainsi que d'un état mental instable et reproche à la préfecture de ne pas avoir fait état de cette situation qu'elle n'ignorait pas.



Estimant que la prolongation de la rétention administrative de M. X se disant [U] [S] est manifestement incompatible avec son état de santé et que le Juge des Libertés et de la Détention de BAYONNE a commis une erreur manifeste d'appréciation, il sollicite que l'ordonnance soit infirmée et que la requête préfectorale en prolongation soit déclarée irrecevable pour défaut de motivation et de prise en compte de l'état de santé et de vulnérabilité de Monsieur [S].



A l'audience, le conseil de M. X se disant [U] [S] a soutenu ces mêmes moyens.

M. X se disant [U] [S] a précisé qu'il souhaitait sortir du centre de rétention pour se faire soigner.



Vu les observations du préfet des Pyrénées Atlantiques, reçues par voie électronique le 2 mai 2024 à 8 h 54 tendant à voir confirmer l'ordonnance querellée.





Sur ce :



En la forme, l'appel est recevable pour avoir été formé dans le délai prévu par l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.





Sur le fond,



Sur l'exception de nullité préalablement soulevée devant le premier juge :



Aux termes des dispositions de l'article L 141-3 du CESEDA : « Lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire.

En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur une liste établie par le procureur de la République ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger. »



Il ne résulte pas de ce texte que l'arrêté de placement en rétention doit, sous peine de nullité, faire mention du nom de l'interprète ou de ses coordonnées et ce notamment lorsque le procès verbal de notification de cet arrêté comporte les mentions relatives aux conditions de la notification.

En effet, en l'espèce le procès verbal de transport indique expressément que les fonctionnaires de police se sont rendus « en présence et par le truchement de M. [Z], interprète assermenté en langue arabe », à la maison d'arrêt de [Localité 1]. Ce procès verbal, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire indique que la notification a été faite à 10 h 08, concomitamment à la levée d'écrou, en présence de l'interprète qui au surplus comme il l'a été rappelé par le premier juge, est inscrit sur la liste du procureur de la République.

S'il n'est pas contestable que le volet de l'arrêté de placement en détention relatif à la notification de cette décision contient une rature, cela ne permet pas pour autant d'affirmer qu'entre 10 h 08 et 10 h 15 M. X se disant [U] [S] a été injustement privé de sa liberté, simplement que l'erreur commise sur l'heure de notification a été rectifiée.

Dès lors, il ne peut être constaté une quelconque irrégularité procédurale comportant un grief pour M. X se disant [U] [S] et l'exception de nullité sera par conséquent rejetée.



Sur la régularité de la requête en prolongation :



L'article L. 741-4 précise : « La décision de placement en rétention prend en compte l'état de

vulnérabilité et tout handicap de l'étranger. » et l'article R. 751-8 du CESEDA précise que l'étranger, indépendamment de l'examen de son état de vulnérabilité par l'autorité administrative lors de son placement en rétention, peut demander à faire l'objet d'une évaluation de son état de vulnérabilité par les agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et, en tant que de besoin, par un médecin de l'unité médicale du centre de rétention administrative (UMCRA).



L'article L 741-6 du CESEDA dispose : « La décision de placement en rétention est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée. Elle prend effet à compter de sa notification. »



Il est constant que la décision de placement en rétention administrative doit être écrite et motivée et que pour satisfaire à l'exigence de motivation elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent son fondement (1re Civ., 5 octobre 2022, pourvoi n° 21-14.571). Cependant le contrôle du juge ne porte pas sur la pertinence de la motivation, seulement sur son existence.



En l'espèce, la décision de placement en rétention est intervenue concomitamment à la levée d'écrou de M. X se disant [U] [S] le 27 avril 2024 ; elle rappelle que faute de document d'identité valide il ne dispose pas de garanties de représentation ; elle expose les éléments relatifs à la situation administrative de M. X se disant [U] [S] et à sa situation pénale et fait expressément référence à son audition du 10 avril 2024 dans laquelle il fait état des problèmes d'asthme et d'une prise en charge médicale en Belgique ( Hospitalisation) et en Allemagne.

En revanche, il n'est pas établi que M. X se disant [U] [S] ait demandé à faire l'objet d'une évaluation de son état de vulnérabilité par les agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).

Au surplus les documents médicaux qu'il produit font état de problèmes respiratoires et psychologiques, mais ils n'indiquent pas que son état est incompatible avec son maintien en rétention.



La requête du préfet saisissant le juge des libertés et de la détention de Bayonne rappelle que dans son audition du 10 avril 2024 il a déclaré qu'il a des problèmes d'asthme et qu'il a été soigné à l'hôpital [5] à [Localité 2] en Belgique puis en Allemagne et 'qu' après une étude approfondie de sa situation personnelle, il ne ressort d'aucun élément du dossier qu'il présenterait un état de vulnérabilité qui s'opposerait à son maintien en rétention'.



Dès lors, il ne peut être considéré que son état de santé n'a pas été pris en compte au moment de solliciter la prolongation de la rétention administrative.



Enfin, les pièces annexées à la requête de l'autorité administrative justifient des diligences accomplies pour mettre en 'uvre la mesure d'éloignement (sollicitation des autorités consulaires algériennes pour la délivrance d'un laissez-passer consulaire et ce dès le 18 mars 2024).



En conséquence, il y a lieu de confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle déclare recevable la requête de la préfecture et en ce qu'elle ordonne la prolongation du placement en rétention de M. X se disant [U] [S].





PAR CES MOTIFS :





Déclarons l'appel recevable en la forme.



Rejetons l'exception de nullité.



Confirmons l'ordonnance entreprise.



Disons que la présente ordonnance sera notifiée à l'étranger, à son conseil, à la préfecture des Pyrénées-Atlantiques.



Rappelons que la présente ordonnance peut être frappée d'un pourvoi en cassation dans le délai de deux mois à compter de sa notification, par déclaration déposée au greffe de la Cour de Cassation par l'intermédiaire d'un Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation.



Fait au Palais de Justice de PAU, le deux Mai deux mille vingt quatre à





LE GREFFIER, LE PRESIDENT,







Julie FITTES-PUCHEU Véronique GIMENO







Reçu notification de la présente par remise d'une copie

ce jour 02 Mai 2024



Monsieur X SE DISANT [U] [S], par mail au centre de rétention d'[Localité 3]





Pris connaissance le : À





Signature







Maître Maripierre MASSOU DIT LABAQUERE, par mail,





Monsieur le Préfet de Pyrénées-Atlantiques, par mail

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